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Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin

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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Le styx met en scène plusieurs personnages féminins :
- Hilona, l'aimée d'Orion,
- Xouria, la mère de la tribu des hommes-lions,
- Aspasie la compagne de Périclès et
- le pythie de Delphes.

Jacques Martin réserve une sombre fin à Hilona. Les Orion-girls et les Alix-girls partagent malheureusement des destins tragiques  Rolling Eyes  . Ce nouvel opus d'Orion montre la lente déchéance de l'héroïne. Celle qui s'était dressée contre une oppression esclavagiste n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle subit passivement son sort et son décès ne bénéficie pas, si l'on peut le dire ainsi, d'une mise en scène. Nulle velléité de révolte n'agite la protagoniste. Alors que l'hilote avait monté un réseau de résistance au cœur même de Sparte, elle semble ici bien apathique. Et son trépas et sa disparition physique ne font que refléter son effacement humain et politique. Quant à l'amour d'Orion, quant à son appui indéfectible, on comprend que l'aventure ou la politique intéressent bien davantage le héros  Evil or Very Mad. Thorgal eut agit autrement  Cool  
Raymond voit dans cet évanouissement le manque d'intérêt de l'auteur pour Hilona. Mais le même sort guette toutes les héroïnes. Ne peut-on alors raisonner autrement ? Une héroïne présente sur plusieurs album pourrait concurrencer les seconds rôles masculins comme Enak ou Jeanjean et par-là même affaiblir un des piliers du mythe martinien...

Xouria incarne la folie. Folie d'un père qui condamne aveuglément l'enfant qu'il aimait. Folie d'une fille qui vit et revit son viol tous les jours en contemplant son royaume et ses sujets. L'attachement de la mère tutélaire à sa tribu rappelle aussi le syndrome de Stockholm où la victime prend fait et cause pour son bourreau.
Bien d'autres regards sont possibles. Dans le billet relatif à L'œil de Khéops, j'ai démontré le lien entre les séries Arno et Chevalier Ardent. Et bien, là encore, on peut construire une passerelle. Aussi, je vous propose d'ouvrir Le journal de Tintin n°1205 et de nous plonger dans un conte médiéval appelé La dame aux yeux pers.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Aspasi12

En s'égarant, Chevalier Ardent découvre une petite communauté vivant isolée. Elle est dirigée par une très belle femme qui s'imagine vivre dans un conte de fée. Et son rêve est protégé par un chevalier à tête de lion...

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Aspasi11

Clairement, les deux histoires présentent maints points communs. Martin a visiblement lu Craenhals  Very Happy .

L'idée d'un monstre avec un corps d'homme et une tête de lion est de toute façon déjà présente dans la mythologie, mais renversée puisque la manticore a un corps de lion et une tête humaine.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 1024px-Manticore_-_British_Library_Royal_12_F_xiii_f24v_%28detail%29
Manticore from the Rochester Bestiary (c. 1230–1240)

Le terrible châtiment de Xouria peut encore être interprété autrement. A la toute fin du Secret des templiers, Jacques Martin affiche son syncrétisme lorsque l'abbé lie toutes les religions :

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Sazcs12

Et bien il en est de même dans Le Styx. En effet, si je vous demande le nom d'une femme livrée en supplice aux lions, de qui me parlerez-vous ? De Xouria ? Allons  Laughing . Plus probablement, vous évoquerez Sainte-Blandine. Cette jeune chrétienne refusa d'abjurer sa foi et fut condamnée à être dévorée par des fauves. Venons en maintenant à un autre culte, plus antique, celui des dieux de l'Olympe et plus précisément celui d'un de leurs enfants, Héraclès. Car le premier de ses douze travaux consista à tuer le lion qui terrorisait la région de Némée. Lion dont il revêtit la peau ce qui lui confère une vague ressemblance avec les descendants de Xouria.  

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Le martyre de Sainte-Blandine - Portail de l'église Sainte-Blandine - Lyon / Ercole e l'idra (Hercule et l'hydre) (1475) - Pollaiolo - Galeries des Offices

Et donc, dans Le Styx, Jacques Martin rapproche et fusionne deux cultes. La BD démontre, une fois de plus, l'universalité du maître. L'auteur se nourrit de toute la culture humaine. On retrouve cette caractéristique dans le choix de ses héros. Khéos appartient au berceau de notre civilisation alors que Lefranc vit à notre époque. On retrouve aussi cette universalité dans la série Alix puisque le jeune gaulois voyage bien au-delà de la mare nostrum, jusqu’en Afrique et en Asie.  

Venons en maintenant à Aspasie. Le maître en fait la figure de proue d'un système politique machiavélique, où la raison d’État cautionne le mensonge et la destruction des rêves individuels.

Mais qui est ce personnage ? D'un point de vue historique, elle fut l'amante de Périclès. Raymond, à raison, emploie un autre substantif : "maîtresse". Or ce substantif porte une une notion d'autorité, qui semble ici parfaitement adaptée. En effet, l'influence de la première dame sur la politique de la cité fut immense. L'historien grec Plutarque s'en fait l'écho dans sa La vie des hommes illustres : "On accuse donc Périclès d’avoir fait décréter la guerre contre les Samiens dans l’intérêt des Milésiens, à la prière d’Aspasie." (traduction Pierron). Et Plutarque présente Aspasie sous un jour plutôt flatteur : Quant à Aspasie, on dit que Périclès la rechercha comme une femme d’esprit, et qui avait l’intelligence des choses politiques. Socrate allait souvent chez elle avec ses amis ; et ceux qui la fréquentaient y conduisaient même leurs femmes, pour qu’elles entendissent sa conversation… " (ibid). Enfin l'historien rapporte une relation harmonieuse entre les amants : Quoi qu’il en soit, il est évident que ce qui attira Périclès auprès d’elle, ce fut plutôt de l’amour. Il avait une femme… Plus tard, comme ils ne se plaisaient point, lui et elle, dans la société l’un de l’autre, il la céda, elle y consentant, à un autre mari, et il épousa Aspasie, qu’il aima éperdument ; car tous les jours, en sortant pouf aller sur la place publique, ou en rentrant chez lui, il la saluait, dit-on, d’un baiser. (ibid.)

Jacques Martin connaissait donc parfaitement son sujet et a fait preuve d'une grande fidélité à la réalité historique Very Happy .

Raymond a rappelé qu'Aspasie est née en dehors d'Athènes. Avec intelligence et volonté, elle s'est élevée au dessus de son statut de métèque et à mis ses talents au service de sa cité d'adoption. Le styx nous la dépeint machiavélique. Mais n'est-elle pas tout simplement au diapason d'une société rude où le sens de l’État (la Cité plutôt) passe avant l'intérêt des individus ?

La Pythie n'occupe que très peu de vignettes. Et pourtant ! Comme dans Le cheval de Troie, on ne peut qu'être admiratif devant ses talents ! Brasidias est donc bien ingrat ou bien sot face à tant de clairvoyance.
 
Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Aspasi10

Avec Le Styx, Jacques Martin s'empare de mythes et les tord à sa façon pour mieux les dénoncer. Les centaures, mi-chevaux mi-hommes, qui incarnaient la sagesse (Chiron) ou la ruse (Nessos), ont cédé le devant de la scène à la tribu de Xouria, dont les membres font surtout preuve de force. Et l'idéal de la démocratie athénienne est maculé. Ses dirigeants apparaissent cyniques et insensibles.
La leçon qu'on peut en tirer ne serait-elle pas que le maître refuse tout credo ? Qu'il prône l'individualisme plutôt que l'adhésion aveugle à des civilisations imparfaites. Cette approche apparaît très américaine. La liberté et le héros priment sur la société et la culture  jap .
Et malheureusement, ce héros est toujours un homme Rolling Eyes

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Enak a quasiment été imposé par l'éditeur à Jacques Martin, il ne faut pas l'oublier. Je ne pense donc pas que la disparition presque systématiques des jeunes femmes (ou jeunes filles) à la fin des aventures d'Alix soit due à la présence d'Enak. Lors d'une de mes discussions avec Jacques Martin, ce dernier m'avait confié qu'un héros d'une BD d'aventures n'était pas fait pour mener une vie de couple et que pour cette raison, il ne ne voulait voulait donc pas donner une compagne à Alix. Que peut-on en effet raconter une fois qu'il y a un couple ? Eh bien des histoires de vie privée : évolution de la vie sentimentale, vie quotidienne, enfants etc. ! Ce genre de chose n'est pas sensé intéresser les jeunes lecteurs, car cela devient très vite ennuyeux, la vie privée ! Voilà comment raisonnait Jacques Martin vis-à-vis de ses histoires, et il n'était pas le seul ! Cette idée était d'ailleurs assez répandue chez les auteurs franco-belges classiques, des années 50 et 60. 

Sinon, je constate que tu aimes bien le Chevalier Ardent !   Very Happy  Moi aussi d'ailleurs, même si je ne relis plus tellement ses albums depuis une vingtaine d'années. Je n'aurais toutefois pas fait le lien entre "Le Styx" et la "Dame au Yeux Pers" parce que Chevalier Ardent n'y affronte pas vraiment un monstre. L'homme lion de François Craenhals est un homme blessé qui porte un masque et l'histoire devient ainsi complètement crédible. Le Styx n'est en revanche pas une histoire crédible, à moins que l'on ne considère ce récit comme une sorte de "récit légendaire", proche de la Mythologie.

Pour Aspasie, on est complètement d'accord ! C'est un intéressant personnage et Jacques Martin s'était bien documenté. Il en est de même pour Périclès d'ailleurs, chez qui l'auteur discerne quelques faiblesses. Par moments, on pourrait dire que c'est Aspasie qui porte la culotte !

Sinon, il est vrai que Jacques Martin était complètement individualiste. Toute sa vie privée le prouve et il ne faisait pas du tout confiance aux politiques. Cela ne provenait pas du tout d'un éventuel penchant pour les américains, mais simplement d'un regard désabusé sur le monde actuel, que "le maître" ne se privait pas de critiquer.   Wink


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Et voilà les images révélées par la pythonisse. Vous conviendrez qu'elle encore plus efficace qu'un satellite espion,  Smile . Chez Jacques Martin, les devins sont toujours de bons conseils, tout simplement car c'est le maître qui s'exprime par leur bouche !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 A90

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 A91

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

C'est marrant ! C'est une séquence à laquelle je n'ai jamais prêté la moindre attention. En fait, je l'ai ignorée à un tel point que je n'ai finalement même pas mentionné la présence dans cet album de la pythonisse. Mais il est vrai aussi que les prédictions des vieilles femmes ne m'intéressent pas beaucoup.

Je préfère les moments purement historiques. 

Et en fait, c'est une très belle séquence surnaturelle, une chose que Jacques Martin aime d'ailleurs beaucoup introduire dans ses histoires.


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Il faut toujours faire confiance aux pythies lol! .

D'ailleurs, Eléanora, l'oracle de Delphes, prédit une belle révélation sur un des futurs albums de ce fil. Sauf erreur (bien possible) de ma part, j'ai découvert une série de références, très précises et cachées par le maître. Et toujours sauf erreur de ma part, aucun critique n'en a fait part. Ce dernier point étant à prendre avec des pincettes car je suis une jeunotte et que je n'ai pas lu tous les articles et autres interviews publiés en leur temps deso .
J'ouvre donc un GRAND jeu concours. Chaque membre du forum suivant cette discussion peut proposer un titre dont il pense que Jacques Martin pourrait y avoir subtilement dissimulé des indices. Si celui-ci est le bon, il gagnera l'EO de la BD en question que je me ferai un plaisir d'envoyer par La Poste Very Happy

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Pour ma part, je ne vois pas de prédictions de la Pythie qui pourraient concerner une autre série de Jacques Martin, en tout cas dans le Styx. Aurais tu fait cette trouvaille dans un autre album ?


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour Raymond

Oui. Dans un autre album, d'une autre série, Jacques Martin a semé un faisceau d'indices se rapportant à une référence culturelle.
Étrangement, je n'ai pas trouvé de mention à cet hommage caché dans aucun site sur le Net.
Mais peut être ai-je mal cherché ?

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

J'ai relu ce que la Pythie déclare dans le Cheval de Troie mais je n'y trouve pas de sens caché. Elle annonce simplement à Alix ce qui va lui arriver pendant l'aventure, d'une façon un peu cryptée.   Crying or Very sad


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Je me suis mal exprimée deso
Mon propos est que dans un futur album de ce fil, un qui sera commenté dans les jours ou semaines à venir, Jacques Martin a semé de nombreux indices faisant référence à une œuvre culturelle.
Et sauf erreur de ma part, personne ne s'en est encore rendu compte.
D'où mon petit concours.
Cela n'a rien à avoir avec Le styx deso

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Parlons maintenant des œuvres des années 90, une période pendant laquelle Jacques Martin traverse un important conflit avec Casterman. Le père d'Alix crée alors une nouvelle série afin de travailler avec un autre éditeur. Et c'est ainsi qu'apparait en 1992 Keos, un jeune égyptien né aux temps du pharaon Ramsès II, qui rencontre le célèbre Moïse dont les exploits sont racontés dans l'Ancien Testament. Avec ce personnage, Jacques Martin s'amuse à réécrire de sa propre façon de vieux récits bibliques célèbres et j'imagine qu'il y a trouvé un plaisir un peu transgressif. Superbement dessinée par Jean Pleyers, la série Keos est en fait un petit bijou qui est resté injustement méconnu du grand public. C'est bien sûr une raison de plus de la commenter ici.   Wink

Il n'y a pas beaucoup de personnages féminins dans Keos, peut-être parce que l'on sait peu de choses sur les femmes de l'Egypte antique. Pour cette raison, la seule femme que l'on puisse vraiment analyser dans la série est Tara, la petite amie de Keos. Ce dernier la rencontre dans le premier album de la série qui s'intitule Osiris et le départ de leur relation est assez banal. Les deux jeunes égyptiens sont beaux et avenants, et ils se plaisent d'emblée. On devine sans peine quelle sera la suite.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-o10

Keos présente ensuite Tara au pharaon, dont il est l'ami, et le maître de toute l'Egypte invite la jeune fille à vivre au palais. Tout semble donc s'annoncer pour le mieux ! Keos et Tara vont pouvoir vivre ensemble. Jusque-là, il n'y a rien de spécial à relever chez la jeune égyptienne, sinon qu'elle est charmante.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-o12

Keos a toutefois un ennemi qui se nomme Roy et qui est grand prêtre d'Amon ! Ce dernier est furieux que le jeune égyptien ait pris le parti de Moïse. Pour se venger, le grand prêtre fait enlever Tara par ses sbires et la jeune fille est enfermée dans un mastaba. Toutefois, Keos se méfie et décide de suivre Roy qui l'emmène devant la prison de Tara. Le jeune égyptien attend la nuit avant d'aller délivrer son amie qui se lamentait de son sort. On ne saurait bien sûr lui reprocher son moment de désespoir.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-o13

On remarque alors que pendant l'évasion, Tara se montre singulièrement peureuse et dépendante de son ami. Elle est de plus maladroite en laissant tomber la bague de Keos qui éclaire la pièce, puis elle s'effraie du moindre danger potentiel. Elle devient presque un poids mort et on se met à penser à Enak.  Wink  Tara est une personne aimée par Keos mais elle n'est pas une véritable partenaire. Elle reste trop passive.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-o14

Keos est pour sa part un héros qui se bat et qui va jusqu'au bout de ses entreprises. Une fois hors d'atteinte du grand prêtre, son premier geste est de confier Tara au pharaon Mineptah, afin de la mettre en sécurité dans son palais. Puis il repart à l'aventure avec le pharaon qui va combattre les fameux Peuples de la Mer. Cette implacable et épique bataille, puis les débuts de l'antagonisme (raconté dans la Bible) entre Moïse et le Pharaon vont occuper tout le reste de l'album. On ne parle donc presque plus de Tara, qui est toujours aussi mignonne et passive. Notons que le grand prêtre Roy essaie une deuxième fois de l'emmener de force, mais sans succès.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-o15

Eleanore-clo a dans ce sujet fois utilisé le terme de "pot de fleur" pour désigner certaines jeunes filles au comportement insignifiant et Tara n'est pas loin de mériter cette qualification. En elle même, elle reste un enjeu important puisque Roy et Keos luttent continuellement pour se l'approprier mais ses actes n'offrent aucune caractéristique intéressante. Cette constatation va se prolonger pendant le deuxième tome de la saga de Keos, qui s'intitule Le Cobra.

Ce deuxième opus est un album que j'adore car Jacques Martin y raconte à sa manière quelques récits bibliques fameux comme les Dix Plaies ou le Passage de la Mer Rouge. L'auteur s'éloigne intelligemment des interprétations que Cecil B. de Mille avait imposées au monde occidental pendant les années 50, et il recherche plus de réalisme en trahissant malicieusement les textes de "l'Exode". Mais voilà ! Jacques Martin ne peut pas s'empêcher de glisser dans son récit quelques phénomènes surnaturels, ce qui est bien étrange pour un auteur qui cherche à coller à la réalité ... mais passons !

Le Cobra raconte donc le légendaire affrontement qui s'est déroulé entre Moïse et le Pharaon, ce dernier refusant de laisser partir ses esclaves juifs. Tout le monde connait cette histoire et pendant ce temps, Tara continue vit agréablement dans le palais du maître de l'Egypte. Elle s'inquiète cependant des agissements du grand prêtre lorsque ce dernier revient de Basse Egypte et elle s'en plaint à Keos. Le jeune héros décide alors de l'emmener dans un lieu plus sûr, qui est l'entourage de Moïse.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-c10

Et les tourtereaux entament une nouvelle échappée qui passe par de sombres temples et d'impressionnants souterrains. Tara se montre à nouveau hésitante et pusillanime dans l'obscurité tandis que Keos doit continuellement à la rassurer. La jeune égyptienne n'est vraiment pas douée pour affronter les difficultés.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-c11

"On ne voir vraiment plus rien, Keos ! Sois prudent " s'exclame Tara tandis que le héros lui répond "Osiris nous protège". La peur ne quitte pas la jeune égyptienne ! Tara a l'excuse d'être encore une adolescente mais elle manque tout de même singulièrement de tempérament !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-c12

Pourchassés par Roy, Tara et Keos arrivent juste à temps chez Moïse dont la magie est nettement plus puissante que celle du prêtre égyptien. Tara se retrouve à nouveau en sécurité, mais ce répit ne va hélas pas durer longtemps !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-c13

En effet, Moïse arrive à vaincre le Pharaon, qui accepte le départ du peuple hébreux. Moïse quitte donc l'Egypte et c'est le début du grand Exode. Le Pharaon est assailli par ses prêtres et ses généraux qui l'incitent à prendre les juifs en chasse, et Mineptah finit par les écouter. Il part vers la Mer rouge avec son armée, accompagné de Keos qu'il considère come son allié. Tara se retrouve seule et elle est de nouveau à la merci du grand prêtre !

Roy ne va pas se priver d'exploiter cette occasion ! Tara n'est plus protégée et il va lui rendre visite au palais. Et plutôt que de chercher à l'enlever, il veut cette fois l'assassiner en lui tendant un plat de feuilles aromatiques où se trouve un cobra. Ce piège est évidemment mortel !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Keos-c14

D'un point de vue narratif, la mort de Tara est un événement dramatique qui va avoir des conséquences sur la vie de Keos. Ce dernier va en effet quitter l'Egypte et devenir une sorte de nouvel Alix, qui parcoure le monde antique afin d'oublier son chagrin. Je ne peux cependant m'empêcher de penser que ce sacrifice avait aussi un autre but, qui était d'éliminer un personnage devenant une sorte de poids mort. A mon avis, Jacques Martin ne s'est jamais identifié à la jeune Tara, et il ne lui a d'ailleurs pas donné le moindre trait de caractère qui puisse lui fournir une identité propre. La disparition de Tara était donc pour l'auteur une double réussite : il créait un drame qui influençait la vie de Keos et il se débarrassait d'un personnage féminin encombrant.

Par la suite (dans le tome 3 intitulé "le Veau d'Or"), Keos rencontre ponctuellement des jeunes femmes mais aucune d'entre elles ne peut remplacer la jeune Tara. Le jeune égyptien traînera toute sa vie la nostalgie de son amour déçu, et c'est parfois ainsi que l'on devient un héros.   

Jacques Martin avait bien créé une nouvelle série, mais il n'avait pas changé ses habitudes. Wink


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Raymond m'a citée en employant "pot de fleur" lorsqu'il a caractérisé Tara. Et la jeune femme mérite parfaitement le qualificatif de belle plante. En effet, elle décore joliment l'entrée du grand temple de Karnak Rolling Eyes . Osiris dépeint la beauté antique dans toutes sa splendeur et l'héroïne tient parfaitement son rang dans cette succession de magnifiques cartes postales.

Son rôle est rapidement cadré : elle est "charmante", "belle", "aimable", "mignonne" et "gentille". Cette avalanche d'épithètes traduit parfaitement les principaux attendues d'une femme... Mais, l'essentiel a disparu. A-t-elle des envies ? Quelles sont ses connaissances ? Ses talents ? Ses passions ? Ses envies ? Bon, on ne demande pas à une plante de quitter son pot, ce serait inquiétant ! Quant à ses besoins, un arrosage une fois par semaine (sauf pour les cactées) suffit  Rolling Eyes

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 A95

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 A94

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 A93

Du coup, on peut s'interroger sur la place des femmes dans l’Égypte antique. Et la réalité historique n'est absolument pas celle présentée dans la BD. Les égyptologues soulignent unanimement le féminisme de la société. Je vous invité à lire ce petit texte du romancier belge Philip Kayne, publié sur le site de TV5Monde : https://information.tv5monde.com/terriennes/femmes-de-l-egypte-antique-libres-et-maitresses-de-leur-destin-340234. En voici quelques extraits :
- "...les Égyptiennes, elles, possèdent des biens, gèrent leur patrimoine au même titre que les hommes, dirigent des entreprises, exercent la médecine, participent aux récoltes, sont tisserandes, brasseuses ou scribes dans l'administration. Elles occupent des fonctions spirituelles élevées, comme les adoratrices d'Amon, et accèdent à des postes de hauts fonctionnaires..."
- "...l’éducation des filles vaut celle des garçons... Nombreuses sont les expertes en physique, mathématiques et architecture."
Je rajoute que la première femme médecin connue au monde est égyptienne. Il s'agit de Peseshet.
- "...c'est avant tout que la loi les considèrent en égales de leurs contemporains et que leurs droits sont défendus devant les tribunaux au même titre que ceux des hommes."
- "En se mariant, les Égyptiennes  conservent leur nom - au plus ajoute-t-on "épouse de X". Elles gardent leurs biens propres, qu'elles administrent à leur guise, même s'il peut aussi exister un contrat de mariage. Elles peuvent divorcer, intenter un procès pour récupérer tous les biens du ménage et gagner ce procès, puis se remarier. Si le divorce intervient sur l'initiative du mari, ce dernier devra céder une partie des biens communs à son épouse ; si c'est la femme qui prend l'initiative, elle est tenue à la même obligation, mais dans une moindre mesure."
- "...de nombreuses femmes ont-elles dirigé l’Égypte aux côtés de leur royal époux, possédant un pouvoir considérable." Nefertiti, l'épouse d'Akhenaton, a régné au côté de son époux. Hatchepsout ou encore Cléopâtre ont tenu seules les rênes du pouvoir.

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Buste de Nefertiti - Neues Museum de Berlin                        

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Statue de la reine Hatchepsout, Leyde, Rijksmuseum van Oudheden

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Astérix et Cléopâtre - Goscinny & Uderzo

Quatre années plus tard, Jacques Martin finira par en convenir et Ô Alexandrie nous présentera une maîtresse femme ! Mais n'anticipons pas trop et nous allons donc nous contenter d'un saut de 14 mois dans le futur.

Le Cobra constitue le deuxième opus de la série. Et comme dans le roman d'Agatha Christie, Mort sur le Nil, et plus généralement comme dans nombre de BD de Jacques Martin, la tragédie sera au rendez-vous. Tara connaîtra la mort de Cléopâtre  Sad .

Après Le Cobra ne se réduit pas à un décès. Comme Raymond, je vois dans la BD une réécriture du film de Cecil B DeMille, Les dix commandements.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Jhen41

Le sujet ayant été abondamment traité dans le message précédent, je vais explorer d'autres terres !
Et je vous invite à un tout autre rapprochement : la série Papyrus crée par De Gieter. Cette saga égyptienne fut publiée à partir de 1974 dans Le journal de Spirou. Et il est en effet possible de rapprocher les deux œuvres et plus particulièrement les deux héroïnes : Tara et Théti-Chéri.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Jhen42 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Couv_4178

Le théâtre est identique : une Égypte antique rêvée où l'Histoire et le fantastique se coudoient dans une fresque.
Concernant les deux héros, tous les deux sont proches du pouvoir et côtoient quotidiennement le pharaon dont ils ont sauvé l'empire à maintes et maintes reprises.
Venons en maintenant aux héroïnes.
Tara est juive alors que Théti-Chéri est une enfant du Nil. Ces deux très jeunes femmes sortent à de l'adolescence. Et elles démontrent les mêmes qualités de courage et de fidélité à leurs idéaux. Elles aiment toutes les deux un favori du pharaon ce qui comporte une forte dose de danger personnel.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Jhen43 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Couv_53458

On remarque aussi le choix d'habits suggestifs tant chez Pleyers que chez Gieger. La réalité historique explique t-elle tout ? Les coiffures sont aussi différentes : des cheveux longs mais lisses d'un côté, et tressés de l'autre. On peut d'ailleurs s'interroger sur la réalité de cette chevelure car durant le Nouvel Empire, les femmes avaient l'habitude de se raser le crâne et de porter des perruques.

Les deux héroïnes vont néanmoins connaître des destins différentes. Alors que De Gieger termine la série (Papyrus Pharaon) avec tous ses personnages en parfaite santé, le maître opère un autre choix. Raymond a parfaitement justifié cette décision scénaristique sauf qu'elle se répète, opus après opus, série après série. Et donc qu'on peut s'interroger sur la cause racine de toutes ces disparitions. En tout cas, Lucien De Gieger apparaît plus féministe que Jacques Martin !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Jhen44 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 Alis10

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Je vois que tu apprécies beaucoup Papyrus, qui est d'ailleurs une BD historique tout à fait honorable. Very Happy  Tara ressemble en effet beaucoup à Théti-Chéri mais ... d'où tiens tu que Tara est probablement juive ? Il me semble que Tara est tout simplement égyptienne ?

Sinon, je suis d'accord avec toi ! De Gieter semble plus féministe que Jacques Martin, mais pas toujours. Il me semble que dans certaines histoires, Papyrus fait des remarques de vieux macho (ah les femmes !).  Wink

Cléopâtre est par ailleurs un intéressant personnage qui apparait dans plusieurs albums d'Alix (Ô Alexandrie et le Fleuve de Jade). On va bientôt en parler !


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour Raymond
Effectivement, il n'est pas dit que Tara est juive. Qu'elle été choisie par Moïse m'a trompée.
Merci pour votre vigilance.
Éléanore

Raymond

Raymond
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Il existe au moins un récit de Jacques Martin dans lequel les personnages de femmes sont nombreuses, et c'est l'Ogresse. Ce cinquième tome de la saga d'Arno a été publié en 1995 chez Glénat, et il reste méconnu car il est bien difficile à trouver. C'est toutefois une histoire pleine d'intérêt.

Rappelons que la quatrième aventure d'Arno ("18 Brumaire") se terminait tristement pour le héros de la série, puisque la femme qu'il aimait (une petite parisienne nommée Camille) avait été déportée en Amérique. Le héros s'était donc embarqué sur un navire avec l'espoir de rejoindre Camille et de la sauver, mais aussi pour effectuer une mission commandée par Bonaparte. Et au début de "l'Ogresse", on découvre l'arrivée d'Arno dans le port de la Nouvelle-Orléans. Pour obtenir un visa, il achète une propriété en Louisiane, puis une fois arrivé sur place, il se rend compte que le régisseur de la plantation voisine a recueilli et épousé la jeune femme qu'il cherchait. Camille est de plus enceinte et Arno réalise que le principal motif de son voyage a disparu. La jeune femme semble heureuse de sa situation et le héros n'a plus qu'à s'effacer.

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Par la suite, Arno revoit plusieurs fois Camille au cours de ses visites chez la fameuse "Ogresse" et la petite parisienne reste à chaque fois aimable et pleine de sérénité ! Dans cette situation, Arno décide de partir à la fin de l'aventure. Camille vient lui dire au revoir, bien sûr, et tandis que le navire s'éloigne sur le Mississipi, la jeune femme ne peut pas contenir ses larmes. Il y avait bien entre eux une histoire d'amour ... qui se termine mal, comme d'habitude ! 

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Vous savez déjà que Jacques Martin aime bien les relations sentimentales qui se terminent mal. Je ne répéterai donc pas certains commentaires.  Wink

Parlons-donc maintenant de "l'Ogresse", qui donne son nom à l'album ! Dans la vie, elle se nomme la comtesse Armande de Poully de Belmont et c'est une personne aussi dangereuse que caractérielle. Son mari est mort pour une raison inconnue (on n'en dira pas plus Wink ) et cette maîtresse-femme dirige sa propriété d'une façon très autoritaire, voir même scandaleuse, sans avoir la moindre considération humaine pour ses esclaves. Personne ne l'aime, bien sûr, et elle se conduit d'emblée d'une façon agressive lorsqu'elle fait connaissance avec Arno. En entendant le nom de Bonaparte, elle se met aussitôt en colère et renverse la vaisselle qui se trouvait sur la table, avant de minimiser son geste ! "Pas du tout, j'ai simplement eu un geste d'humeur à propos de vos amis révolutionnaires", répond-elle avec aplomb ! Le personnage est ainsi d'emblée bien défini. C'est une femme colérique, dangereuse et peu fiable.

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L'Ogresse a une nièce nommée Julia, dont elle est aussi la tutrice, et elle n'est guère plus aimable avec elle. Son étonnante étonnante vulgarité (pour une comtesse) devient évidente lorsqu'elle assiste à la première visite d'Arno chez sa nièce. Plutôt que de rester discrète, la comtesse grogne, s'exclame  et critique Julia sans laisser de paix au jeune couple. Une seule chose arrive finalement à calmer l'Ogresse, et c'est le bijou qu'Arno vient d'offrir à la jeune femme ! "Mais alors, vous êtes colossalement riche !" remarque t-elle et de la part d'une telle fiurie, cette déclaration intéressée devient presque inquiétante .

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La comtesse rudoie ses esclaves lorsqu'elle n'est pas satisfaite, et elle les utilise de plus comme objets pour assouvir ses appétits sexuels. Ses propos sont ouvertement racistes mais ceci ne l'empêche pas d'attraper les jeunes garçons de couleur pour les mettre dans son lit. Et c'est ainsi que devant Arno, elle oblige de jeunes noirs à se dénuder avant de leur donner des instructions précises sur ce qui les attend. Un jeune esclave se révolte contre cette autorité monstrueuse et ce sera le début d'un drame qui commencera avec la maltraitance et la mort du jeune noir, et qui se terminera avec le châtiment de l'Ogresse.

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Remarquons que Jacques Martin ne se contente pas d'être allusif sur cet aspect. Il nous montre aussi en image les abus de la comtesse et la scène est un peu répugnante !

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Sa punition se manifestera au cours d'un grand dîner auquel tous les propriétaires du voisinage ont été invités. La comtesse y fait d'abord un grand étalage de sa vanité et de sa richesse, tout en proclamant sa volonté de commémorer le souvenir du roi de France. D'autres nobles exilés au Etats-Unis la retrouvent dans sa grande salle de fête et pour une fois, l'Ogresse devient presque aimable !

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Un seul détail trouble la comtesse ! C'est l'absence de son fils Robin, qui est parti quelques jours auparavant afin de poursuivre un esclave échappé. Elle ignore que pendant cette chasse, son fils a été tué par des flèches tirées par un indien, et elle va apprendre ce décès d'une façon horrible. C'est son domestique noir Jonas, dont le fils a été tué par les maltraitances de l'Ogresse, qui va le lui faire découvrir férocement. Après avoir dépecé le cadavre du jeune noble, Jonas en a recueilli la viande afin de l'utiliser pour en faire un plat cuisiné. Et après que tous les invités aient longuement savouré les pâté et les viandes garnies, Jonas leur amène le "morceau de choix" du repas qui est ... la tête de Robin de Poully de Belmont !

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La fête se termine par le massacre sauvage de Jonas, suivi par la fuite des invités horrifiés d'être devenus des cannibales ! Le pavillon prend ensuite feu au cours de leur fuite furieuse, puis Arno revient enfin sur les lieux ! Il retrouve la comtesse qui, curieusement, analyse lucidement sa situation et redevient presque humaine. Au loin, on voit le pavillon qui flambe dans la nuit et la scène est grandiose !

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Son châtiment n'est cependant pas totalement accompli puisqu'elle doit mourir à la fin de l'histoire. L'Ogresse est alors tuée d'un coup de pistolet par Jaline, la mère des deux jeunes noirs qu'elle a obligés à se dénuder et qui sont finalement morts par sa faute. Cette punition me semble tout à fait juste et on pourrait même la voir comme une délivrance, au vu de la déchéance morale et sociale dans laquelle a sombré la comtesse. Mais je ne peux m'empêcher de remarquer que Jacques Martin se montre parfois bien féroce avec ses personnages, surtout s'il les déteste.  Wink

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A travers ses odieux traits de caractères, la comtesse de Poully de Belmont me fait naturellement penser à Hermia, l'odieuse matrone du "Cheval de Troie" qui est tout aussi haïssable que l'Ogresse. Et si on se remémore d'autres personnages féminins répugnants comme Maia (le Fils du Spartacus), il apparait tout naturellement l'évidence que les femmes monstrueuses ne sont pas rares dans les récits de Jacques Martin. Je n'essaierai pas de faire le compte de toutes ces "méchantes" et je conclurai simplement que la récurrence de ces "femmes démoniaques" dans les récits de Jacques Martin est une astuce scénaristique que l'auteur adore utiliser. Je ne crois pas qu'il faille en dégager une conclusion plus générale.

De toute évidence, cette ogresse est un personnage exceptionnel et la cinquième aventure d'Arno est donc un album mémorable. D'autres personnages féminins doivent encore être mentionnés dans cette histoire mais ceci fera l'objet d'un deuxième message que je posterai demain matin.   Very Happy


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Terminons avec les autres personnages féminins que l'on trouve dans l'Ogresse ! Il y a d'abord la jeune Julia, la nièce de la comtesse qui vit aussi dans la plantation. Elle rêve de  s'en échapper avec un beau jeune homme et Arno lui plait immédiatement. Et comme ce dernier est déçu par le mariage de Camille, il n'hésite par une seule seconde avant de lui faire la cour.

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Arno lui offre donc un bijou et la jeune fille en est ravie. Ce nouveau flirt entre Julia et son cavalier énerve bien sûr l'Ogresse qui ne peut pas supporter de passer au second plan mais tout cela n'altère pas l'humeur badine de la demoiselle. Elle se promène longuement avec Arno dans le jardin et elle vit peut-être les plus beaux instants de sa vie.

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Julia est cependant égoïste et elle n'accepte pas que son soupirant se consacre à d'autres tâches, au lieu de lui faire la cour. Elle est de noble souche et n'accepte pas facilement les contradictions. Et lorsque le héros accepte la mission de transmettre aux voisins des invitations à une fête organisée par la comtesse, Julia se fâche. Une petite querelle débute et Arno n'accepte pas de se faire réprimander. Quelques répliques acides fusent et on devine que l'amourette entre Arno et Julia ne peut pas durer très longtemps. La jeune fille revendique tous les privilèges qui sont dus à son rang et elle sait se montrer hautaine.

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On n'en saura pas beaucoup plus sur Julia qui meurt mystérieusement à la fin de l'histoire, le corps transpercé par sa propre ombrelle. Le bon sens suggère que son meurtrier est le contremaître John Greenwood, l'époux de Camille qui essaie sans scrupule de s'approprier la plantation de la comtesse. Il parvient habilement à ses fins après la mort de l'Ogresse et la pauvre Julia n'avait (malheureusement pour elle) pas assez de méchanceté pour survivre au milieu d'un véritable panier de crabes. Beaucoup de personnages vont d'ailleurs mourir à la fin du récit !

Julia est à mon avis un personnage réaliste et bien senti. Il est impossible d'en dire du bien ou du mal et c'est souvent le cas avec les adolescentes. Elle n'a pas encore fait de grands choix existentiels, mais on devine chez elle un caractère plutôt capricieux et égoïste. Elle est par ailleurs une aristocrate et n'a sûrement pas souvent fait preuve de bienveillance envers les faibles ou les esclaves. Elle n'est pas réellement sympathique mais dans cette histoire, elle est avant tout une victime.

Autre jeune fille sacrifiée dans cette sombre histoire, la petite Jezabelle est la fille de Jonas, le cuisinier de l'Ogresse. Et tandis qu'elle travaille dans la propriété, la comtesse la remarque à cause de sa beauté. L'Ogresse lui demande d'abord de se dénuder, avant de lui ordonner de rejoindre son fils Robin à la tombée de la nuit, pour lui servir d'esclave sexuelle. Et contrairement à son frère Jason, la jeune négresse accepte de se sacrifier pour le bien de sa famille. Le moment où Jezabelle quitte ses parents, tout en sachant à peu près ce qui l'attend, est réellement dramatique.

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Et malheureusement pour la pauvre demoiselle noire, Robin se comporte avec elle comme un véritable sauvage ! Il lui arrache d'abord ses vêtements, puis il lui ordonne de "faire la cochonne" en l'attachant au bout d'une corde. La pauvre Jezabelle ne comprend pas bien ce qu'on lui demande et Robin s'énerve. Il tire brutalement sur la corde et la nuque de la jeune fille se brise aussitôt. Jezabelle s'effondre sans vie et les deux hommes qui l'ont maltraitée essaient cyniquement de faire disparaître son corps, comme le feraient deux criminels. Mais Jonas les voit sortir en cachette avec le corps de sa fille. Le domestique noir a tout compris et il va préparer sa vengeance.

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Dans ce récit, Jezabelle est une simple jeune file innocente, devenant la victime d'odieux maîtres esclavagistes. Et on se dit que ... décidément ... Jacques Martin aime bien sacrifier les jeunes filles innocentes ! C'est un ressort dramatique qui lui plait car cela lui permet de préparer de sauvages vengeances.

Et puis il y a Jaline, l'épouse de Jonas, qui est aussi la mère de Jezabelle et Jason. Elle a amené sa fille chez le jeune maître et elle a été sauvagement sacrifiée. Jaline voit ensuite mourir Jason, son fils qui a en vain essayé d'échapper à son sort. Elle ressent déjà un véritable désespoir.

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Après le décès de ses deux enfants, son mari Jonas se venge en se servant du corps de Robin pour en faire un monstrueux repas. Aussitôt après, Jonas est assassiné par les convives furieux et Jaline se retrouve toute seule. Elle n'a plus personne à aimer et devient une sorte de zombie. C'est alors que le contremaitre lui tend un pistolet en lui recommandant de se venger. Jaline va lui obéir comme un automate.

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Jaline monte à l'étage de la résidence, où vivent ses maîtresses, et elle découvre le cadavre de Julia. Puis elle se dirige vers la chambre de l'Ogresse, qui la reçoit avec rudesse. Jaline tient fermement le pistolet dans sa main et on devine ce qui va se passer ! Jacques Martin ne nous montre cependant pas toute la scène. On n'entend que le bruit d'un coup de feu et on voit John Greenwood qui pénètre à son tour dans la résidence de l'Ogresse. Tout se passe conformément à ses plans !

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Les deux maîtresses sont mortes et John Greenwood raconte à tout le voisinage qu'elles se sont entretuées. Le contremaître triomphe et ceci me remémore certains romans réalistes de Zola, qui racontent de la même façon le triomphe de vieilles canailles opportunistes. L'Ogresse est vraiment une des histoires les plus monstrueuses de Jacques Martin !

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Les femmes sont donc très présentes dans cet album de Jacques Martin mais elles sont loin de triompher ! Parmi celles qui survivent, Camille se retrouve mariée à un scélérat qui triomphe, alors que Jaline n'a certainement pas été consolée par l'assassinat de l'Ogresse. Et tandis que son navire s'éloigne sur le Mississipi, Arno pressent cette dramatique réalité. "Ses larmes (de Camille) coulent à l'extérieur, tandis que moi c'est à l'intérieur" s'exclame t-il en partant. Quant au lecteur, il ne peut être qu'horrifié par cette sombre histoire.

Mais que dire finalement du rôle des femmes dans ce livre ? il ne fait pas de doute que la plupart des personnages féminins jouent un rôle important, et il n'y a certainement aucune "potiche" dans cette aventure. Elles vivent cependant dans un monde masculin où règne la loi du plus fort, et elles en deviennent bien souvent les victimes collatérales. A cet égard, le constat de Jacques Martin sur le Nouveau Monde est assez objectif car l'Amérique n'a jamais été un asile pour les faibles. Les hommes s'affrontent et se vengent d'une façon impitoyable. L'entourage en subit les conséquences et on ne peut pas en faire le reproche à Jacques Martin !

Il est sinon évident que le personnage de l'Ogresse domine tous les autres personnages, autant par sa monstruosité et que par la sévérité de son châtiment. On peut d'ailleurs s'imaginer que Jacques Martin a ressenti un certain plaisir à la châtier aussi durement. ll y a en effet des personnages que l'on adore détester. Dans le monde réel, il serait bien plus difficile d'obtenir une aussi juste juste punition des criminels. Heureusement, il y a de beaux romans historiques pour nous venger !  Wink


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Raymond ayant parfaitement commenté L'ogresse et la mise en scène de la monstruosité ne m'inspirant guère, mon billet hebdomadaire s'inscrira donc plutôt en complément du travail déjà réalisé  Very Happy .

Oui, L'ogresse regorge de personnages féminins. Je me permettrais plus précisément de dire que Jacques Martin a créé un nuancier de caractères féminins. D'Elisa Trelawney à la comtesse Pouly de Belmont, en passant par Camille, Jaline, Jezabelle et Julia, nous découvrons une palette d'héroïnes ou d'anti-héroïnes, au choix !

Tous ces personnages vivent et le plus souvent meurent ( Rolling Eyes) dans un splendide décor historique. Le maître s'inspire en effet de la célèbre Oaks Alley Plantation pour imaginer les propriétés jumelles de Twin Alleys et d'Oaks Bridge.

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Oaks Alley Plantation - Vacherie, Louisiana

Sauf que ce décor paradisiaque héberge un enfer de sentiments, un maelstrom de malveillance et de violence qui met mal à l'aise.

Et pourtant, tout commence bien avec Elisa Trelawney, la propriétaire de Twin Alleys. En 3 pages, Jacques Martin brosse le portait d'une femme progressiste et qui semble appréciée de ses esclaves. Sa bonté nous fait penser à Melanie Hamilton-Wilkes d'Autant en emporte le vent

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Olivia de Havilland (1916-2020) - l'actrice ayant joué le rôle de Melanie Hamilton-Wilkes

Positionnée à l'opposé d'Elisa Trelawney, Armande de Poully de Belmont mérite parfaitement son surnom d'ogresse, et on ne peut que saluer la justesse du qualificatif. En effet, le dictionnaire propose plusieurs sens : https://www.cnrtl.fr/definition/ogresse et clairement, le personnage comporte toutes les dimensions du substantif. Elle est tout d'abord vorace et ses toilettes peinent à cacher un fort embonpoint. Puis, nous découvrons un personnage redoutable. Sur 20 pages, le scénario décrit une anti-héroïne cruelle, autoritaire et sans scrupule. Cette maîtresse femme fait penser, en bien pire, à Scarlett O'Hara ou à Virginie Tregan (Louisiane de Maurice Denuzière) et elle se positionne en gestionnaire de la plantation. L'incendie du pavillon constitue d'ailleurs une belle référence à celui d'Atlanta dans Autant en emporte le vent.

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Enfin, par définition, une ogresse est avide de chair humaine et la fin de l'intrigue traite de cet aspect. A ce sujet, Jacques Martin, féru d'antiquité, a pu s'inspirer de l'historien grec Hérodote qui en parle dans ses Histoires et plus précisément au chapitre XXXVIII consacré au roi perse Cambyse II :
Je suis convaincu par tous ces traits que Cambyse n'était qu'un furieux ; car, sans cela, il n'aurait jamais entrepris de se jouer de la religion et des lois.
Si l'on proposait en effet à tous les hommes de faire un choix parmi les meilleures lois qui s'observent dans les divers pays, il est certain que, après un examen réfléchi, chacun se déterminerait pour celles de sa patrie : tant il est vrai que loin homme est persuadé qu'il n'en est point de plus belles. Il n'y a donc nulle apparence que tout autre qu'un insensé et un furieux en fit un sujet de dérision.
Que tous les hommes soient dans ces sentiments touchant leurs lois et leurs usages, c'est une vérité qu'on peut confirmer par plusieurs exemples, et entre autres par celui-ci : Un jour Darius, ayant appelé près de lui des Grecs soumis à sa domination ; leur demanda pour quelle somme ils pourraient se résoudre à se nourrir des corps morts de leurs pères. Tous répondirent qu'ils ne le feraient jamais, quelque argent qu'on pût leur donner. Il fit venir ensuite les Calaties, peuples des Indes, qui mangent leurs pères ; il leur demanda en présence des Grecs, à qui un interprète. expliquait tout ce qui se disait de part et d'autre, quelle somme d'argent pourrait les engager à brûler leurs pères après leur mort. Les Indiens, se récriant à cette question, le prièrent de ne leur pas tenir un langage si odieux : tant la coutume a de force. Aussi rien ne me paraît plus vrai que ce mot que l'on trouve dans les poésies de Pindare : La loi est un roi qui gouverne tout
(traduction de Larcher).
Un autre motif d'inspiration fut peut être la tragédie des rugbymen uruguayens en 1972 qui, suite à un accident d'aviation en pleine montagne, durent manger le corps des décédés pour survivre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Fuerza_A%C3%A9rea_Uruguaya_571.

Telle mère, telle nièce, et la personnalité de Julia semble au diapason de celle de sa tante. Et je souhaite rebondir sur le rapprochement fait par Raymond entre la comtesse et Hermia (Le cheval de Troie). Il me semble qu'on peut aller un peu plus loin et mettre en perspective les couples (Armande, Julia) et (Hermia, Daphné). Ainsi, les deux benjamines rêvent d'un beau mariage et leur tempérament quelque peu conflictuel augure mal de l'avenir. Et les aînées apparaissent impitoyables. Tous les moyens sont bons pour faire aboutir leurs desseins. On retrouve enfin chez les deux matrones le bénéfice d'un mariage qui les a enrichies. Raymond cite la mystérieuse disparition du comte de Belmont. Et je vais rebondir sur son "on dira pas plus". Jacques Martin nous suggère clairement que le mari fut assassiné par l'ogresse.

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Pour en revenir à Jezabelle et Julia, leur destin sera tragique, pour des raisons différentes. J'y vois néanmoins un point commun : la malédiction des Arno-girls et des personnages féminins chez Jacques Martin  Sad . Et pour en revenir à la série Alix, si le maître ne peut pas faire appel à une Pythie, il ne peut néanmoins s'empêcher de semer un indice tel un auteur de roman policier....

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En complément de la chronique de Raymond, pour en revenir aux opinions politiques des émigrés français en Louisiane, tous semblent détester Napoléon. Aussi, na vente de la province aux États-Unis en 1803, pour 60 millions de francs (250 millions d'euros actuels), ne fera probablement que confirmer leur mauvaise opinion du petit Caporal  Laughing .

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Territoire vendu par Napoléon : 22% de la surface actuelle des États-Unis !

Jacques Martin inscrit Camille en contrepoint de Julia. La jeune femme qu'Arno est parti rechercher en Louisiane incarne la modération et l'équilibre. Le rêve américain opère son charme et l'héroïne va se métamorphoser en une aristocrate, propriétaire d'une plantation. Et l'attente d'un enfant matérialise ce nouveau départ dans sa vie. On peut quand même noter une ambiguïté avec la dernière vignette. L'épouse du régisseur semble encore aimer Arno....

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Il est à noter que ces derniers dessins constituent aussi un beau clin d'œil à l'Histoire. Camille est une future citoyenne américaine et elle incarne le choix de l'Union alors que le départ d'Arno est celui de la France qui abandonne sa colonie.

Au final, L'ogresse est une BD difficile, qui met en scène l'horreur  affraid . On peut se demander si le maître n'a pas été influencé par Le silence des agneaux, film célèbre sorti cinq années auparavant, et mettant en scène un psychiatre cannibale.
Et en guise de question finale, avez-vous remarqué que les prénoms commençant par J sont très sur-représentés : Jaline, Jezabelle John, Jonas et Julia. Étrange n'est-ce pas ?

Eléanore

Raymond

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Je te trouve bien sévère avec Scarlett O'Hara ! Wink  Il est clair qu'elle est une arriviste, mais de là à la comparer à l'Ogresse ... Je verrais plutôt d'une certaine ressemblance entre Scarlett et Julia, ne serait-ce parce qu'elles sont toutes les deux jolies et capricieuses.   

Sinon, il est en effet probable que Jacques Martin s'est inspiré d'Autant en emporte le vent pour illustrer ce monde de riches planteurs de cotons, qui vivent un peu à la manière de seigneurs provinciaux. Je ne connais pas la "Oak Alley Plantation" mais elle ressemble bien à la propriété de l'Ogresse. La comparaison s'arrête là ! La splendeur de cette propriété contraste fortement avec l'horreur des conditions de vie qui y règnent et, pour ma part, je ne garde pas de cette BD un souvenir enchanteur. C'est un récit fort réussi mais il est également un peu cauchemardesque. Je ne le relis en tout cas pas souvent, mais les BD qui font peur peuvent aussi être des chefs d'œuvre.   Wink


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Hum. Scarlett O'Hara n'est pas un ange, loin s'en faut. Voici un inventaire à la Prévert (sans raton-laveur Smile ) de ses actions les moins glorieuses. Beaucoup sont justifiées, il est vrai, par son amour indéfectible pour la plantation. Son seul et vrai amour ? Bon revenons à notre liste :
- Scarlett tente de séduire Ashley Wilkes lors de ses fiançailles avec Melanie
- et juste pour le rendre jaloux, elle se marie avec Charles Hamilton !
- Et bien évidemment, elle délaisse leur enfant...
- Jeune veuve, elle danse en tenue de deuil avec Rhett Butler.
- A la toute fin de la guerre de Sécession, elle propose à Ashley (marié...) de s'enfuir avec lui.
- Elle tue un soldat nordique qui tentait de rentrer dans Tara.
- Elle propose à Rhett d'être sa maîtresse en échange de 300 $ (les impôts)
- Elle "vole" le fiancé de sa sœur cadette Suellen, Frank Kennedy, et bien évidemment
- elle délaisse leur enfant (et de deux !).
- Par imprudence, elle provoque indirectement la mort de Frank.
- Elle continue d'essayer de séduire Ashley alors que Mélanie est son plus fidèle soutien dans la société sudiste
- etc...

On peut aussi noter que Scarlett est l'exact opposée de Mélanie, comme Elisa Trelaweny (Raymond n'en parle pas ? ) diffère d'Amande de Poully. Encore un point commun entre Autant en emporte le vent et L'ogresse jap

Eléanore

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En fait, je n'ai pas lu le roman de Margaret Mitchell ! Je n'ai vu que le film d'Hollywood et je me rends compte que David O. Selznick a un peu expurgé le récit original.   Embarassed


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Raymond

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Ô Alexandrie est la première aventure d'Alix qui a été dessinée par les successeurs de Jacques Martin. Le maître a toutefois réalisé le scénario, les dialogues et le découpage et il a manifestement contrôlé de près la confection de cet album. C'est donc quasiment un album classique d'Alix, dans lequel le déclin de la série ne se manifeste pas encore !

L'aventure se passe bien sûr en Egypte et je ne résumerai pas cette histoire sombre et élégante, qui est à la fois bien dessinée et profondément pessimiste. Je me contenterai de discuter de Cléopâtre qui est un des principaux protagonistes de cette aventure. Elle est d'ailleurs le seul personnage féminin qui compte vraiment dans cette histoire.

C'est en tout cas dans cet album qu'Alix fait connaissance avec Cléopâtre (il la reverra à plusieurs reprises dans des récits ultérieurs). La rencontre se fait dans des circonstances assez singulières puisqu'au départ, la reine d'Egypte découvre Alix et Enak prisonniers dans son palais et attachés à une croix. Ils ont été punis d'avoir emprunté une barque sacrée pour aller visiter leur ami Senoris, et ce spectacle ne soulève qu'une réaction de mépris de la part de Cléopâtre. Elle n'avoue pas encore son intérêt pour le trésor d'Hatchepsout mais constate que dans leur état, les prisonniers ne sont tout simplement plus capables de parler.
 
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Dans un geste de mansuétude, mais aussi pour connaître les secrets du trésor d'Hatchepsout, Cléopâtre fait libérer Alix et Enak pendant la nuit suivante. Et après quelques soins de confort, un premier dialogue s'engage avec Alix. D'emblée, la belle pharaonne nous frappe par son attitude digne, son charisme, ainsi que son apparence soignée et séduisante. Elle semble aussi mignonne qu'intelligente mais le lecteur comprend très vite que cette gentillesse envers Alix est d'abord pour elle un moyen de contrer les projets de son frère Ptolémée, qui est aussi son époux.

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La première idée de Cléopâtre est ensuite de rendre visite à Senoris dans sa prison. L'ancien vizir se prosterne devant sa belle souveraine qui lui fait la leçon. Senoris est en effet trop honnête pour survivre dans la cour du Pharaon et il devrait confier ses secrets à la pharaonne qui est devant lui. Senoris refuse toutefois de dévoiler à Cléopâtre l'emplacement du trésor d'Hatchepsout, afin de respecter un serment. Cléopâtre est furieuse mais elle va très vite démontrer qu'elle ne manque pas de ressources.

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Le charisme de Cléopâtre devient encore plus manifeste lorsque la pharaonne rencontre son frère Ptolémée. Ce dernier ressemble à un gamin puéril et ivrogne, aussi agressif qu'inconséquent, et Cléopâtre domine avec aisance leur relation. Son attitude devient même assez cruelle mais en face d'une telle déchéance du pharaon, le lecteur ne peut pas lui donner tort. La souveraine d'Egypte est à ce moment-là une reine magnifique.

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Mais au cours du récit, Cléopâtre va perdre un peu de sa superbe. C'est ainsi qu'au cours d'une discussion avec une de ses servantes, on se rend compte que la pharaonne favorise l'ivrognerie de son frère. La raison en est évidente : elle peut ainsi rester la seule vraie dirigeante de l'Egypte.

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Constatation plus inquiétante, la reine d'Egypte n'hésite pas à profiter des circonstances qui pourraient lui permettre de se débarrasser de son frère. C'est ainsi qu'au cours d'un voyage en barque sur le Nil, lorsque son frère s'écroule ivre-mort devant elle, Cléopâtre donne quasiment l'ordre à ses servantes de se débarrasser du corps du pharaon. Elle le fait certes parce que sa suivante nommée Agis lui en suggère l'idée, mais ceci n'atténue la cruauté et le cynisme de la reine d'Egypte.

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Agis et ses serviteurs essaient donc de noyer le pharaon dans le Nil et c'est bien une tentative de meurtre de la part de Cléopâtre ! Les serviteurs doivent certes interrompre leur geste criminel lorsqu'ils voient arriver le conseiller de Ptolémée, mais la pharaonne confirme dès lors son absence totale de scrupule.

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Un peu plus tard, Cléopâtre perd le contrôle de ses nerfs lorsqu'elle apprend que Senoris s'est évadé de sa prison. La belle pharaonne peut donc parfois se comporter d'une façon infantile et vulgaire. Elle confirme par ailleurs son avidité de richesse car c'est bien la perte du trésor de Senoris qui la met dans cet état !

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Derrière son apparence très charismatique, Cléopâtre n’est donc qu’une souveraine orientale comme les autres, c’est-à-dire cruelle, vénale et égoïste. Et même si elle sauve souvent les apparences, ses conversations ultérieures avec Alix deviennent facilement des marchandages. C’est ainsi qu’elle offre un bracelet à Alix, en échange du secret de l’emplacement du trésor, et qu’elle se fâche devant le refus du héros. La noblesse de Cléopâtre ne va pas au-delà du niveau des apparences.

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Alix, de son côté, prend des décisions avec un réel souci de justice et il accepte que le trésor d’Hatchepsout soit partagé avec les habitants du désert. Ce n’est donc qu’une toute petite partie des richesses d’Hatchepsout qu’il amène devant Cléopâtre, Heureusement pour lui, la pharaonne s’extasie devant la beauté des bijoux qui lui sont montrés. "Je croyais que tu voulais sauver les finances du pays" s’exclame Alix ! Cléopâtre trouve alors une formule équivoque pour expliquer son attitude, mais ce qui va se passer ne fait bien sûr aucun doute. Le trésor ne profitera qu’à Cléopâtre !

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Telle est donc cette souveraine, qui n'est pas très sourcilleuse de la morale conventionnelle. Et lorsqu'Alix est emmené dans une baignoire afin d'être nettoyé et de se rafraîchir, la souveraine d'Egypte devient plus coquette. "Tu vois, la reine se met à tes pieds" dit Cléopâtre avant de pénétrer à son tour dans le bain du héros. L'album ne montre pas les ébats qui vont suivre mais le sous-entendu sexuel ne fait aucun doute. Jacques Martin n'hésitera  d'ailleurs pas à montrer des images un peu plus explicites dans "l'album égyptien" suivant, qui s'intitule "le Fleuve de Jade" et qui marque les retrouvailles d'Alix et de Cléopâtre. Pour la pharaonne, le sexe n'est au fond qu'un menu plaisir de plus, qui lui est totalement dû !

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Et voilà ! Au désespoir poignant du vizir Senoris, qui meure avec le sentiment d'avoir été abandonné, s'oppose la jeunesse triomphante et égoïste de Cléopâtre, qui arrive à dominer son entourage et à satisfaire ses desseins. C'est en fait une histoire bien pessimiste que nous raconte Jacques Martin dans Ô Alexandrie, et Alix ne peut rien faire d'autre qu'entériner cette injustice. Mais il ne fait pas de doute que Cléopâtre est un magnifique personnage féminin, à la fois puissant, habile et rusé, qui fascine son entourage et dont le charisme cache assez mal des défauts tout aussi importants. Le portrait qui est imaginé par Jacques Martin n'est certainement pas très loin de la réalité, à l'exception peut-être de la beauté de Cléopâtre qui n'était (semble t-il) pas si exceptionnelle que ça ! 

Un tel personnage ne pouvait bien sûr qu'intéresser les scénaristes et c'est ainsi que la reine d'Egypte fera plusieurs réapparitions dans la saga d'Alix, d'abord dans "le Fleuve de Jade", puis dans "le Démon du Pharos" et "l'Ombre de Sarapis". Cléopâtre n'a ainsi pas fini de nous étonner, et de nous faire rêver.


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Cléopâtre est une héroïne célèbre dans la bande dessinée. Et, dans un PALIMPSESTE, Jacques Martin réutilise et refonde le mythe créé par René Goscinny.

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Pour ce billet, je vais essayer de comparer la mise en scène de l'illustre reine dans les deux œuvres.

Déjà, les deux intrigues ne se déroulent pas à la même époque.
- Chez Goscinny, Jules César est en Égypte, ce qui permet de dater l'histoire vers -48 avant J.C.
- Martin positionne son récit un peu plus tôt même s'il reste vague sur la date. Je vous propose donc de la déduire de l’intrigue. Dans la BD, l'emprisonnement de Senoris fait suite à une mission confiée par Ptolémée XII. Ce pharaon décède en 51 avant JC et nous regardons, ébahis, Ptolémée XIII et sa sœur se disputer le trône. Enfin, Césarion n'est pas né. On peut donc supposer qu'Ô Alexandrie ait lieu en -50 avant J.C.

Les deux BDs mettent en œuvre des héros gaulois même s'il est difficile de trouver beaucoup de ressemblance entre Astérix et Alix (la première lettre du prénom  Smile ?). On retrouve des éléments fantastiques de part et d'autre, avec d'un côté la potion magique et de l'autre l'orichalque et l'étrange pouvoir de Qaâ sur les animaux sauvages.

Mais là n'est pas mon propos. Comparons surtout les deux visions de la reine  Very Happy

Ce sont deux belles femmes, à la carnation sombre et hormis le style des dessinateurs se ressemblent. Néanmoins, le nez de la reine chez Martin/Morales/Henniquiau est plus court que chez Uderzo Laughing Du coup, je résiste pas au plaisir de vous donner la célèbre citation, dans son intégralité bien sûr :  Qui voudra connaître à plein la vanité de l'homme n'a qu'à considérer les causes et les effets de l'amour. La cause en est un je ne sais quoi. Corneille. Et les effets en sont effroyables. Ce je ne sais quoi, si peu de chose qu'on ne peut le reconnaître, remue toute la terre, les princes, les armées, le monde entier.Le nez de Cléopâtre s'il eût été plus court toute la face de la terre aurait changé - Les pensées - Blaise Pascal - 162 - édition Brunschvicg.

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Les cheveux des deux héroïnes sont mi-longs, et tenus par l'Uræus, un bijou réservé aux pharaons et représentant un cobra dressé prêt à l'attaque.

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Cependant, la Cléopâtre de Goscinny arbore le nekhekh, un petit fouet symbolisant sa souveraineté, alors que celle de Martin se contente d'un éventail aux fleurs de lotus. La première est devenue reine grâce à Jules César alors que la seconde partage le pouvoir avec son frère.

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Côté bijoux, on retrouve le traditionnel collier égyptien ousekh à plusieurs rangées de métaux précieux (or, lapis-lazuli, cornaline, turquoise) ou de perles. On peut remarquer que le collier chez Goscnny est plus riche que chez Martin, les plaques de métal ayant remplacé les tubes et autres cylindres. Peut être une des conséquence de la la vente du trésor d'Hatchepsout  Smile  ? Et de riches bracelets, tant au niveau du poignet que des bras, complètent la toilette.

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Les deux personnages portent des robes longues laissant les bras dénudées. Une petite ceinture souligne la finesse de leur taille.

Tant la Cléopâtre de Goscinny que celle de Martin sont colériques même si la première se contente de déverser son ire sur des vases alors que la seconde n'hésite pas à frapper Alix. Sans compter ses tentatives de fratricide.

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Les deux héroïnes sont aussi magnanimes et récompensent leurs bienfaiteurs, enfin si on peut appeler ainsi le geste chez Martin  Rolling Eyes .

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Femmes de pouvoir, elles exigent et assortissent leurs ordres de menaces mortelles.

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Elles ont aussi l'habitude de délivrer les héros de leur prison. Même si elles sont parfois à l'origine de la détention car le pouvoir permet de faire et défaire !

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Après toutes ses ressemblances, il convient de noter que les caractères sont profondément différents. Goscinny met en scène une reine cherchant à prouver la grandeur de son pays et de son peuple. Elle ne dévie jamais de cette ligne de conduite durant toute la BD. Au contraire, chez Martin, Cléopâtre est profondément ambiguë. Raymond le souligne a plusieurs reprises. D'un côté elle cherche à contrer son époux de frère. De l'autre, elle fait preuve de charisme, de volontarisme et incarne parfaitement la couronne d’Égypte. Plus loin, elle favorise l’ivrognerie de Ptolémée, pousse sa confidente à assassiner le pharaon et cherche à s'enrichir. Et à la toute fin, elle se montre sensuelle et témoigne sa reconnaisse à Alix.

Et au final, je vais diverger de l'analyse de Raymond. Je perçois un personnage féminin, puissant, parfaitement conscient que son frère est incapable de régner, et par conséquent doit être traité comme tout nuisible. Cléopâtre n'est pas une citoyenne ordinaire. C'est une combattante dans une époque troublée et qui démontre ténacité et courage. La reine peut-elle être jugée comme le serait n'importe quel personnage féminin ? Si l'on prend l'exemple de la France, la Constitution (article 67 notamment) est on ne peut plus claire : Le président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu. Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions. » . Partant de là, je pense qu'il faut prendre du recul.

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Et il me semble que c'est là le grand enseignement de ces deux ouvrages. Alors que les classiques franco-belges traînent une réputation de sexisme, Astérix et Cléopâtre et Ô Alexandrie nous montrent des reines dignes, porteuses d'un projet politique, et qui essaient de gouverner dans des contextes fort difficiles. Chez Goscinny, César a conquis l’Égypte et n'a que mépris pour son peuple. Aussi, tout le travail de la souveraine va être de lui faire prendre conscience de la grandeur de la population. On croirait entendre De Gaulle face à Franklin Roosevelt ou Churchill ! Les soucis de l'héroïne de Martin sont encore plus forts. Face à un frère alcoolique, elle essaie d'incarner une royauté digne de celle exercée par ses ancêtres pendant des millénaires. Soucieuse du prestige de la couronne, elle en vient d'ailleurs parfois à protéger son frère.

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La Cléopâtre du maître est digne, courageuse, sensuelle et belle. On imagine dès lors que César sera séduit par cette femme si particulière.

Enfin, la BD met en scène deux autres héroïnes, si, si... : les âmes damnées de la reine, Amoussia et Syrenia. Elles sont dessinées replètes pour mieux mettre en valeur la beauté unique de la souveraine. Leur fidélité est totale puisqu'une des deux va essayer d'assassiner Ptolémée.

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Voilà, voili, voilou.

J'espère que ce voyage vous a plus et je vous propose pour conclure d'aller au cinéma pour y retrouver Richard Burton et Elisabeth Taylor.

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Pour les membres du forum qui ne le savaient pas encore, la couverture d'Uderzo est une parodie de l'affiche cinématographique et on ne peut que saluer la plus grande originalité de Jacques Martin.  Very Happy

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Comparer Alix avec Astérix ? Tu sembles aimer les exercices difficiles.  Wink Mais il est vrai que les ressemblances ne manquent pas !

Ceci dit, il faut relever que le personnage de Cléopâtre est pratiquement toujours sympathique, que ce soit dans la littérature ou au cinéma. Elle est colérique et passionnée et c'est le genre de défaut que l'on pardonne assez volontiers. Jacques Martin va cependant un peu plus loin, car il ne se prive cependant pas de montrer chez la reine d'Egypte une certaine noirceur de caractère. Mais voilà ! Ce côté cruel ("potentat oriental" pourrait-on dire) de la reine est peut-être tout simplement lié à ses obligations politiques. Cléopâtre est une pharaonne, donc une femme de pouvoir, et elle ne doit pas montrer de faiblesse. Et lorsque l'intérêt du pays est en jeu, les destinées individuelles n'ont plus beaucoup d'importance.

Je relève sinon (en passant) ta déclaration que Jacques Martin n'est pas du tout sexiste dans cet album ! Comme d'habitude, le scénariste se met au service de son récit et de son personnage, et il ne défend aucun parti.   Cool


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Avec un regard un peu plus adulte cette fois, beaucoup de lecteurs (au moins Raymond   Wink ) auront remarqué, à la toute fin de la BD, la relation intime entre la reine et Alix. Cléopâtre y apparaît bien légère... Et pourtant, et pourtant... Jacques Martin ne fait que respecter la vérité historique  Smile .

Ainsi, l'historien romain Aurelius Victor (320-390) écrivit dans Viris Illustribus, chapitre LXXXVI :
"Cleopatra Ptolomaei regis Aegyptiorum filia, a fratre suo Ptolomaeo eodemque marito, quem fraudare regno voluerat, pulsa ad Caesarem bello civili in Alexandriam venit; ab eo specie sua et concubitu regnum Ptolomaei et necem impetravit. Haec tantae libidinis fuit, ut saepe prostiterit, tantae pulchritudinis, ut multi noctem illius morte emerint. Postea Antonio iuncta, cum eo victa, cum se illi inferias ferre simularet, in Mausoleo eius admotis aspidibus periit."
"Cléopâtre, fille de Ptolémée, roi des Égyptiens, épouse de son frère Ptolémée, évincée déshonorablement du trône, vint à Alexandrie en pleine guerre civile pour rencontrer César, et grâce à ses charmes obtint de lui de récupérer son royaume, jusqu'à ce qu'il fut assassiné. Elle était si sensuelle qu'elle s'offrait fréquemment telle une prostituée, mais elle était si belle que beaucoup d'hommes auraient acheté de leur vie une nuit avec elle." (traduction Eléanore Smile  ).

Et donc, le charme irrésistible d'Alix n'est en rien responsable du moment de plaisir partagé dans le bain royal ! Une fois n'est pas coutume Laughing

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 9 A89

On peut en tout cas remarquer que le bain de la pharaonne, avec ou sans lait d'ânesse ( Smile ), a beaucoup inspiré les auteurs de BD comme en témoigne cet extrait désopilant d'un film d'animation de 1968.



Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Très intéressante remarque !   pouce

J'en rajouterai tout de même une petite couche quand on discutera du "Fleuve de Jade".   Wink


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Clovis Sangrail

Clovis Sangrail
bédéphile pointu
bédéphile pointu

Passionnante comparaison entre les deux Cléopâtre, merci. pouce


Si vous me permettez un aparté sur ce fil : L'image de la couverture originelle de l'album, en début de message, m'a rappelé à quel point elle était unique, avec ses cartouches, son encadré vert (qui accentue l'effet parodique des affiches de film de l'époque, son énumération farfelue (et tellement peu "hygiéniquement" correcte pour une publication destinée aux enfants !  Smile ) et son dessin in fine scandaleusement petit par rapport à l'espace total de la couverture.

Comme la couverture actuelle (depuis 2002) fait pâle figure à côté malgré sa débauche de couleurs. Les éditeurs d'Hachette ont dû à un moment juger ça vieillot, trop peu commercial, et quelque part que les enfants d'aujourd'hui sont trop ignares pour apprécier l'ancienne (même chose pour la mention VNE AVENTVRE D'Astérix LE GAVLOIS des anciens albums Dargaud, en capitales pseudo-latines — évacuée lors du passage aux éditions Albert-René).

C'est dommage, à mon sens, car je ne pense pas que les enfants des années 70, 80 ou 90 (j'en fais partie) aient jamais non plus immédiatement saisi toutes les couches d'humour de cette couverture (ou en tout cas pas avant d'avoir grandi). On prive juste ceux d'aujourd'hui d'une belle découverte et d'un gag à retardement.

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