Lefranc, Alix, Jhen ... et les autres
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Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin

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Raymond
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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonsoir

Une belle analyse, un peu trop masculine à laquelle je ne souscris absolument pas  Smile . Le charme d'Alix n'est pas irrésistible et Héra n'a pas bu un philtre d'amour Laughing Et imaginer qu'une femme dit une chose en pensant le contraire est étrange. Quand même, à plusieurs reprises, la princesse parle de tuer Alix. Ce n'est pas la fougue de la jeunesse mais une posture réfléchie.

En fait, il me semble que la clé du comportement d'Héra tient à son patriotisme. Héra aime la Cyrénaïque d'une passion folle, exclusive. Et elle est prête à tous les sacrifices pour son pays.

Partant de là, sa relation avec Alix devient limpide. Notre héros est un gaulois qui travaille pour les romains. C'est donc un collaborateur. Positionnons Le Dieu sauvage dans le temps. La BD a été publiée dans le Journal de Tintin en 1969 soit 25 ans après la Libération. Et Jacques Martin est né en Alsace en 1921. Il a donc bien connu cette période sombre de l'Histoire française. Il a ainsi très probablement vu des voisins et des amis s'engager dans la Milice française. Héra voit donc en Alix un collaborateur des romains. Cependant, femme intelligente, elle a bien en tête que le  jeune homme a sauvé son père et a fui Varius Lunda. C'est pourquoi elle escompte bien le faire revenir à la raison. Et ainsi le faire rentrer dans la lutte, à ses côtés. C'est tout le sens du dialogue final : J'aurais tant voulu que tu restes avec nous. Tout simplement, la cheffe d'armée regrette le départ d'un guerrier redoutable.
Et oui, j'ai aussi remarqué que la princesse ferme les yeux lors du baiser ! Et je n'y vois nulle sensualité, nul intellect se concentrant sur le toucher des corps. En fait, il s'agit tout simplement d'un esprit qui ferme les yeux au moment d'un deuil, c'est une porte qui se ferme sur l'obscurité.

Ensuite n'oublions pas qu'Héra est prête à se donner à Haron. Elle s'offre donc en valeur marchande contre le meurtre d'Alix. C'est clair. Son corps devient une arme politique destiné à acheter une loyauté. Mais clairement, l'âme de la femme est déjà mariée à sa patrie. Le reste est accessoire.

Enfin, le comportement de la princesse vis-à-vis de la reine s'explique du coup parfaitement. Adréa a trahi la cause grecque et sa nation pour sauver Alix. Et que fait-on des traîtres ? Une mort non honorable. CQFD. La violence d'Héra en devient légitime. Enfin, légitime aux yeux de la future souveraine car je trouve qu'Adréa a une bien plus grande noblesse que la fille de Massina.

Bon, c'est mon avis de femme. Qu'en penses les autres membres du forum ?  Question

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Il est clair que ni toi ni moi ne changeront d'avis sur Héra ! On en restera donc sur une pluralité d'interprétations.  Very Happy

Je vais maintenant répondre à tes autres remarques.

Et en premier, un petit commentaire sur cette "relation dissymétrique entre Adréa et Alix " que tu mentionnes!

Voilà ce que tu écris : " Alix est par deux fois l'ultime goutte d'eau causant le décès de la reine, parce qu'il aide les romains à conquérir la forteresse spartiate et aussi parce que le soutien indéfectible de la souveraine spartiate provoque l'ire d'Héra, ire parachevant la lente agonie d'Adréa. Donc Alix a bien involontairement et indirectement tué Adréa. Alors que celle-ci l'a sauvé. Quel paradoxe.

Alix est-il responsable de la mort de la reine Adréa ? Certes oui, un peu, mais d'une manière indirecte et involontaire, et bien longtemps avant le trépas de celle-ci ! C'est bien Alix qui est à l'origine de la défaite d'Adréa. On peut donc admettre qu'il est en partie responsable de la terrible dépression qui est ensuite survenue, et qui s'est terminée avec un état maladif mortel. Par contre, lorsque qu'Alix et Adréa se retrouvent dans le Dieu Sauvage, la reine déchue semble avoir pardonné à Alix. On peut ajouter que ce dernier n'a jamais été véritablement fautif et qu'il a toujours été un adversaire loyal. De plus, Alix ne fait rien de mal pendant ces retrouvailles tardives et ce n'est donc pas lui qui accélère la fin d'Adréa. Pour faire court, il n'est pas "l'ultime goutte d'eau". Wink

Mais qui a donc achevé l'agonie d'Adréa ? La réponse est évidente et Jacques Martin la montre dans une autre case mémorable (et impitoyable).

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Dieu-s21

C'est en effet Héra qui a décidé de prendre une initiative qui ne se justifiait pas. Au lieu de respecter la douleur et l'état maladif d'Adréa, Héra a volontairement pénétré dans sa chambre. Elle a aussitôt provoqué un entretien pendant lequel elle s'est montrée hostile et cruelle envers la reine grecque, ravivant ainsi son chagrin. Sa haine (ou son amour  Wink ) envers Alix n'excuse quand même pas tout. Emportée par ses passions, Héra a imposé à Adréa une scène insoutenable et elle est en partie responsable de son décès précipité. La causalité de cet "affrontement féminin" m'apparait évidente.

Ensuite, il y a la question du choix de ce nom grec (Héra) pour une princesse de la Cyrénaïque. On pourrait l'expliquer par l'amitié importante qui existe entre les africains de Cyrénaïque et la reine Adréa. Mais il faut rappeler aussi l'importance de l'influence grecque depuis plusieurs siècles sur toute cette partie de la Méditerranée. La Cyrénaïque n'est pas très éloignée d'Alexandrie, dont la famille gouvernante (les Ptolémée) vient de Macédoine. On peut donc postuler que le choix de noms grecs soit devenu avec le temps une habitude dans une grande partie de l'Afrique du Nord. Il ne me semble pas nécessaire de chercher plus loin.

Malheureusement, on ne peut plus poser cette question à Jacques Martin.  Wink

.


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Raymond

Raymond
Admin

Passons maintenant à l'album d'Alix suivant, qui est d'abord paru en 1971 dans le journal Tintin. Il s'agit bien sûr de Iorix le Grand et c'est à nouveau un chef d'œuvre !

Cette histoire propose un intéressant personnage féminin qui est la jeune Ariela. C'est une jeune et blonde gauloise qui doit avoir à peu près le même âge qu'Alix, et qui montre d'emblée beaucoup d'assurance. Elle se met aussitôt à flirter avec le héros de la série et cette scène était vraiment surprenante lorsque je l'ai découverte pour la première fois dans l'hebdomadaire Tintin. Les journaux étaient encore corsetés par la censure au début des années 70 et Jacques Martin devait faire attention à ne pas dessiner la moindre allusion sensuelle. Mais voilà, les images parlent d'elle même ! Ariela essaie de séduire le jeune garçon et ce brave Alix ne fait rien pour résister.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-12

Cette première rencontre aguicheuse entre Alix et Ariela me parait être un moment important. Le chef gaulois Iorus/Iorix est en effet lui aussi amoureux de la belle jeune fille et il devient dès lors l'ennemi farouche d'Alix. Ariela ne semble en fait pas pencher davantage pour l'un ou pour l'autre et si Alix s'accommode très bien de cette situation, Iorix contrôle bien mal ses pulsions violentes. L'inimitié se transforme très vite en haine.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-14

L'existence d'une relation triangulaire d'amour et de haine est cette fois-ci indiscutable. Et de façon surprenante, c'est Ariela qui en est la première victime lorsque Iorix décide de déchirer sa robe. Mais qu'est-ce qui a pu donner à Jacques Martin l'idée d'humilier ainsi la jeune gauloise, en la dénudant violemment devant toute une assemblée ? Je trouve que c'est une des images les plus choquantes que le "maître" ait dessiné pendant toute sa carrière. Lorsque je découvris cette case en 1970, je fus vraiment atterré par cette férocité qui me paraissait inutile. Et je me demande toujours comment la rédaction de Tintin a pu autoriser une telle brutalité.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-15

Toutefois, Ariela ne se cantonne pas dans un rôle de victime car elle a beaucoup de caractère. Elle s'active ainsi pendant les combats (par exemple quand elle apporte un message à Hortalus) et elle apostrophe violemment Iorix lorsqu'Alix est victime d'un accident par la faute du chef gaulois. Puis à la fin de l'histoire, elle essaie sans succès de ramener Iorix à la raison, lorsque ce dernier est sur le point de se faire lapider par une foule en colère. Elle n'hésite donc pas à se mettre en danger lorsqu'elle veut obtenir quelque chose et fait preuve d'une certaine noblesse. Avec ce tempérament courageux et volontaire, elle se révèle être (elle aussi) un véritable "personnage martinien".

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-16

A la fin de l'histoire, elle semble réellement dévastée par la mort de Iorix, malgré toutes les excès que ce dernier a commis, et cette constatation m'a toujours étonné. Et si c'était finalement de Iorix qu'Ariela était réellement amoureuse ? Je me le suis toujours demandé et il n'y a aucune réponse évidente. Qu'en pensez-vous ?

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-17

Et s'il fallait résumer le personnage d'Ariela en peu de mots ... je dirais volontiers qu'elle est une sorte d'équivalent d'Alix au féminin. Wink  Elle est en effet jeune, blonde, belle, courageuse, combative, un peu ambiguë dans ses relations avec le sexe opposé et dotée d'un très grand sens de la justice. Elle n'est hélas jamais réapparue dans les aventures ultérieures d'Alix, et on peut le regretter car sa présence créait une ambiance assez électrique. Mais peut-être que son caractère assez fort embarrassait Jacques Martin ? J'ai même envie pour ma part d'en conclure que le père d'Alix ne voulait pas que son héros tombe amoureux d'une telle jeune femme. Alix aurait pu perdre son beau rôle.

Qu'en pensez-vous ?  Very Happy



Dernière édition par Raymond le Mer 15 Déc - 20:56, édité 1 fois


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
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Bonjour

Concernant la personnalité d'Ariela, je partage globalement l'avis de Raymond. Une jeune femme, ouverte et courageuse. Ouverte car elle n'hésite pas à se tourner vers les autres comme le démontre sa rencontre avec Alix où elle lui offre de l'eau dans un étrange écho au Tombeau Étrusque. Courageuse car elle se bat comme une louve pour aider Alix et Iorix, et ne craint pas pour sa sécurité physique.

Par contre, je n'ai (et pourtant je ne suis pas du genre contrariant Smile ) pas du tout le même regard sur les relations entre Ariela, Iorix et Alix.

En une phrase, Ariela n'est absolument pas amoureuse des deux jeunes gens.

Commençons par Iorix.

Le général est un va-t-en-guerre et un irréfragable machiste. Il considère Ariela comme sa propriété, comme sa chose. C'est d'ailleurs ce qu'Hortalus essaie de lui faire comprendre en page 7 quand il est mécontentent de l'échange entre Alix et Ariela.
D'une façon générale, Iorix ne cherche même pas à séduire la jeune femme. Et sa proposition de porter une mèche de ses cheveux, en page 15, est éminemment maladroite.
De plus, la légion est d'origine gauloise. Or la femme est respectée et libre dans cette société. Certaines furent même de redoutables combattantes. Ainsi, outre-manche, la reine Boadicée a su défier Rome. Et des propos comme Hors d'ici les femmes ! L'enterrement d'un guerrier n'est pas l'affaire de pleureuses., ne peuvent que choquer une "citoyenne".
Cette idée d'appropriation d'Ariela va très loin comme en page 54 où Iorix promet un mariage dans la tombe (Tu n'as pas voulu de moi dans la vie, alors marions-nous dans la mort". On pense à un pharaon égyptien emmenant ses animaux préférés dans la pyramide !
Face à un comportement aussi phallocrate, Ariela ne peut qu'être méfiante et distante. Et nul amour ne peut naitre de ce type de relation.
D'ailleurs, à la toute fin de l'histoire, le "roi des gaulois" lui aussi finit par rejeter la jeune femme et la traiter de Chienne en page 55 avant de la projeter au sol.

En fait, la proximité entre ces deux personnages s'explique facilement. Ils sont tout simplement frère et sœur d'exil. Souvenons-nous que les gaulois ont combattu très loin de leur pays. L'éloignement et la menace parthe (la défaite de Crassus) ont créé une micro-société où la solidarité est essentielle. Ainsi, de nos jours, on retrouve un modèle voisin avec les communautés d'expatriés. Donc, dans cette petite Gaulle, Iorus et Ariéla ont probablement été élevés ensemble. Des liens se sont créés ce qui explique qu'Ariéla essaie de sauver Iorix de la lapidation à la toute fin du livre.

Venons-en maintenant à Alix.

La relation entre Alix et Ariela est celle d'une amitié basée sur une estime réciproque. Effectivement, ces deux personnages ont la même noblesse de cœur. Il manque la subtile alchimie de l'amour comme le prouve les propos de la gauloise en page 41 Laisse-moi... Mais laisse-moi donc.
Et c'est dans ce sens qu'il faut voir Ariela demander à Iorix de sauver Alix qui se noie en page 45.

La célébrissime scène de la page 40 m'a longtemps questionnée. Est-ce une agression sexuelle ? Un jour, je le pensais et le lendemain non. Avec le temps, l'évidence est apparue. Pour expliquer mon raisonnement, je vais ouvrir une parenthèse. En page 9, comme le dessine Jacques Martin lorsqu'il représente le banquet d'adieu donné par Drufus Septer, les esclaves sont nus. Et cela ne choque pas dans la société romaine. Ce qui est logique car les asservis sont possédés et ne possèdent rien, pas même leurs habits. Partant de là, dans ces pages dramatiques, Iorix esclavage Ariela. Et l'humiliation est d'abord celle d'un déclassement social. La jeune femme se retrouve ainsi à genoux devant "son maitre". Jacques Martin cultive néanmoins une certaine ambigüité puisque Ariela se recroqueville sur elle même en cachant ses seins. Au final, la scène dégage une grande violence quel que soit le caractère qu'on lui attribue.

Voilà donc mon avis sur ce trio amoureux qui n'en est pas un. Et pour faire écho à Raymond, qu'en pensent les autres membres du forum ?  Question

Eléanore

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

La nuit portant conseil, j'ai modifié mon précédent message pour en rendre le raisonnement plus solide. A vous de voir si vous souhaitez relire le pensum   Laughing

Après, une autre  élément m'est venu à l'esprit. Une superbe invraisemblance qui démontre que Jacques Martin avait l'idée d'une scène bien avant de finaliser le scénario. Du coup, une acrobatie s'est révélée nécessaire pour aller là où le maître voulait aller. Regardez bien les images proposées par Raymond. En prenant du recul, cela saute aux yeux !
Et voici la solution

Spoiler:


Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Je suis pressé et je ne peux pas te faire une longue réponse ce matin, mais rappelons un détail important à propos de cette robe qui se déchire. Iorix commence en effet par couper la partie postérieure de la robe avec son glaive (on le voit très bien dans la case placée au-dessus de la scène de dénudation) avant de pousser Ariela et d'agrandir ainsi la déchirure.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-18

Vue de cette façon, la déchirure de la robe me parait tout à fait vraisemblable.  Wink


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Raymond

Raymond
Admin

Parlons maintenant de ce triangle amoureux dans Iorix le Grand, que je vais confirmer avec insistance. Smile Je n'avais pas du tout insisté pour Héra, car mon argumentation reposait avant tout sur l'interprétation d'une image finale, mais dans le cas d'Ariela, il y a beaucoup plus d'évidences !

Précisons d'abord ce que désigne le mot amour ! Il existe en effet diverses nuances avec ce genre de sentiment. Cela peut n'être qu'une simple attirance entre deux adolescents, (sans aveu explicite ni relation charnelle), cela devient souvent une affection plus mûre entre adultes, avec une vie sexuelle, et cela peut aller vers un amour-passion avec tous les excès que cela implique (recherche d'absolu, frénésie, violence ...). Dans le cas du trio Alix, Ariela et Iorix, les liens amoureux restent souvent mal définis mais ils existent indiscutablement, chacun des protagonistes les exprimant à sa propre manière. C'est ainsi qu'Alix cherche à garder une certaine neutralité mais qu'il s'intéresse manifestement à la jeune fille, que derrière ses manières taquines (par exemple lorsqu'elle flirte) Ariela manifeste une réelle affection pour Alix (c'est évident lorsque celui-ci tombe du pont) ou pour Iorix (lorsque ce dernier est menacé de mort), et que Iorix exprime indirectement son affection pour Ariela en montrant une jalousie maladive et possessive. Il n'y a donc pas d'amour traditionnel conjugal, mais il existe bien des sentiments passionnés qui poussent Alix, Ariela ou Iorix à se mettre en danger dans certaines circonstances. Et pour ce genre d'attirance entre hommes et femme, je ne vois pas d'autre nom que l'amour !

Ariela ressent évidemment une grande attirance pour Alix puisqu'elle recherche sans arrêt sa compagnie (Iorix le lui reproche d'ailleurs violemment) pendant le début du voyage. Au départ, cela ressemble à une vague amourette d'adolescente mais ensuite, lorsqu'Alix tombe dans la rivière et qu'il est sur le point de mourir noyé, Ariela menace Iorix de se jeter dans le vide, rien que ça, afin que le chef gaulois se décide à intervenir. C'est évidement de la passion qu'elle éprouve à ce moment-là, une passion pour Alix qui n'est rien d'autre qu'une forme d'amour.  Wink

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-19

Bien sûr, lorsqu'Ariela se retrouve nue et humiliée, elle refuse de partir de la grotte avec Alix ! Mais cela ne signifie pas qu'elle ne l'aime pas. Il apparait simplement une réaction d'orgueil et de colère qui est plus forte que l'affection qu'elle éprouve pour le jeune romain. Elle ne sait plus que faire pour se venger ou pour sauver les apparences, et n'accepte pas d'être cette pauvre femme humiliée que l'on veut protéger. C'est une réaction qui révèle son orgueil, mais pas son manque d'amour.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-20

Envers Iorix, Ariela éprouve de l'affection ou de la répugnance d'une manière alternative. Ces deux-là se connaissent évidemment depuis des années et une certaine affection (difficile de distinguer de l'amour) existe entre eux. Je l'ai déjà écrit, l'envie d'Ariela de sauver Iorix d'un destin funeste prouve que son affection n'a pas disparu, malgré la répugnance que lui inspirent les exactions du chef gaulois. Et pendant la scène finale, elle est profondément attristée de la mort de Iorix. J'en déduis donc qu'une certaine forme d'amour existe toujours chez elle au moment final.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-21

Du côté d'Alix, les sentiments amoureux sont bien sûr moins évidents. Le jeune gallo-romain flirte volontiers au début avec la jeune fille puis il se montre ensuite un peu plus froid, peut-être pour préserver sa dignité ou parce qu'il est davantage préoccupé par ses responsabilités de chef. Il n'hésite cependant pas à se montrer tendre avec Ariela lorsqu'il en a l'occasion, par exemple après la mort d'Hortalus. Il l'enlace en la serrant contre lui, et Alix n'est pas aussi indifférent que ce qu'il cherche à paraître. Wink

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-22

Quant à Iorix, il ressent évidemment de l'amour pour Ariela même si son orgueil (pour ne pas dire sa vanité) le pousse bien souvent à être agressif ou méprisant envers les autres. C'est ainsi que Iorix sauve Alix (son ennemi détesté) uniquement pour garder l'affection (voir l'amour ?) d'Ariela. Il faut vraiment éprouver des sentiments très forts pour se mettre ainsi en danger.  Wink

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-23

Le triangle relationnel amoureux me parait donc indiscutable dans Iorix le Grand. C'est d'ailleurs l'un des deux principaux sujets d'intérêt de cette histoire, l'autre étant bien sûr l'évolution du comportement et la destinée de Iorix. Cette aventure pleine de passions et de colères est aussi un affrontement de personnages qui ont besoin d'amour ..  et qui n'arrivent pas à le trouver.  Cool


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Raymond

Raymond
Admin

Eleanore-clo ayant décidé de ne pas me contredire plus longtemps (ce qui ne veut bien sûr pas dire qu'elle ait changé d'avis), on en restera donc sur ces arguments-là !  Very Happy

Je vais pour ma part aller un petit peu plus loin.   Wink

Ariela est un personnage formidable (du moins à mon avis) mais elle n'est hélas jamais réapparue par la suite dans la saga d'Alix. J'ai toujours trouvé ça très dommage ! Elle aurait pu être une formidable compagne d'aventure pour Alix mais ... il n'en était évidemment pas question puisqu'il y avait toujours ce "poids mort d'Enak" qui l'accompagnait. On aurait aussi pu imaginer qu'elle réapparaisse de temps en temps, par exemple lorsqu'Alix se retrouvait en Gaule, et que l'auteur nous donne alors des nouvelles à son sujet. Mais il ne s'est rien passé du tout. "Nada" pourrait t-on dire ! Jacques Martin a définitivement oublié Ariela après la fin de Iorix le Grand.

Comme cette question me taraudait un peu, j'en ai parlé une fois avec Jacques Martin en 2009, tandis que nous faisions quelque pas dans le port de Pully. Je ne me souviens pas très bien des termes qu'il y employé, mais il m'avait paru un peu emprunté. Il m'a gentiment expliqué qu'une femme, ce n'était quand même pas très pratique pour un scénariste qui racontait une bande dessinée d'aventures. Une fois qu'elle vivait avec le héros, il fallait raconter la vie quotidienne, le couple, les enfants, et cætera, que cela n'avait dès lors plus beaucoup d'intérêt. Il fallait que ça bouge et qu'il se passe de vrais événements dans une BD destinée aux garçons, et il valait mieux qu'un héros de bande dessinée n'ait pas de compagne. Je n'étais pas tout à fait d'accord avec cette idée (dans Prince Vaillant, Hal Foster avait bien montré qu'une épouse peut apporter des histoires intéressantes à raconter) mais j'ai évité de le contredire. J'avais d'ailleurs déjà lu des arguments semblables dans quelques interviews d'auteurs célèbres (comme Jean-Michel Charlier il me semble) et il ne me paraissait peu opportun d'insister !

J'ai ainsi fort bien compris pourquoi Ariela n'était jamais réapparue dans la série, contrairement à de nombreux personnages créés par Jacques Martin. Elle représentait une sorte de "danger", celui d'embourgeoiser le héros, et l'auteur voulait éviter cela.


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eleanore-clo

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vieux sage
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Bonjour

Tout les membres du forum ont bien évidemment compris que je ne pratique pas l'art du "qui ne dit mot consent" et que je suis stupéfaite devant l’analyse de notre cher Raymond  Cool .

Je ne souhaite pas rentrer dans un Roland-Garros intellectuel et souhaite plutôt que d'autres visiteurs du sujet s'expriment. Néanmoins, étant bavarde, je ne peux m'empêcher de réagir sur deux assertions.
La première est celle d'Ariela "flirtant" avec Alix... Ail ail ail... Une femme ne peux donc offrir une boisson à un homme car son geste serait ambigu ? Allons, allons, soyons sérieux. Et la présence d'Ariela au côté d'Alix tient tout simplement au fait que les deux veillent sur un blessé. N'oublions surtout pas que les historiens et archéologues sont unanimes pour qualifier la femme gauloise de libre, indépendante et émancipée. Voici deux liens (parmi une multitude) en témoignant : Plutarque, Fouilles de l'oppidum d'Entremont.
La deuxième assertion est relative au plongeon d'Iorix pour sauver Alix face à l'insistance d'Ariela. Hum Kof kof (bruit de toux). Lorsqu'on demande à quelqu'un de sauver une personne en train de se noyer, est-ce l'aimer ? Et la menace de suicide d'Ariela n'est qu'un stratagème car elle sait bien que Iorix n'aurait pas réagi sans cela. Quant à ce dernier, il saute sur cette occasion pour endosser avec joie son rôle de  M.Testosterone ; en prouvant à la jeune femme que ses muscles sont là dans la mesure où elle reconnait sa supériorité physique zidane .

Concernant le couple Enak Ariela, la remarque est très subtile. En effet, Jacques Martin remplace Enak par Ariela dans cet opus et la blessure du jeune homme tombe par trop pile à point  Smile . Clairement, le maitre avait envie de s'affranchir d'un boulet et il va d'ailleurs s'essayer à d'autres techniques dans les tomes à venir pour donner un peu de relief à ce compagnon insipide.

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Merci de l'intervention ! Je vais donc laisser le sujet tranquille pendant 2 ou 3 jours, en attendant une éventuelle intervention d'un autre membre du forum.  Very Happy


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eleanore-clo

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vieux sage
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Raymond a écrit:Je suis pressé et je ne peux pas te faire une longue réponse ce matin, mais rappelons un détail important à propos de cette robe qui se déchire. Iorix commence en effet par couper la partie postérieure de la robe avec son glaive (on le voit très bien dans la case placée au-dessus de la scène de dénudation) avant de pousser Ariela et d'agrandir ainsi la déchirure.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Iorix-18

Vue de cette façon, la déchirure de la robe me parait tout à fait vraisemblable.  Wink



Raymond ayant éclairci une de mes interrogations, je puis aborder un deuxième questionnement, situé cette fois du côté de l'étymologie.
Ariela est la version féminine du prénom Ariel. Or Ariel est un nom hébraïque désignant un archange https://fr.wikipedia.org/wiki/Ariel. Pourquoi diantre une gauloise porte-t-elle un prénom biblique ?

Bon, en se creusant les méninges, on peut toujours expliquer que les mercenaires de Crassus ont fait du tourisme en Judée et que cela a donné quelques idées aux parents de notre héroïne   lol!  ?

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Je suis en train de lire "Jacques Martin le voyageur du temps" et j'y découvre quelques idées qui me font plaisir.

Voilà par exemple ce que Gaumer écrit (à la page 212) sur le personnage d'Héra, dans le Dieu Sauvage :  "citons Héra, une jeune Cyrénéenne qui voue à Alix un sentiment d'amour-haine".

Et bien sûr, je suis tout à fait d'accord avec lui.  Smile


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Raymond

Raymond
Admin

Passons donc à l'album suivant !   Very Happy

Je me rends compte que j'ai oublié de parler du Repaire du Loup, une histoire publiée dans Tintin en 1970 (avant "Iorix le Grand") qui représentait la quatrième aventure de Lefranc. C'est une aventure un peu intimiste, située dans une belle vallée valaisanne, où Jacques Martin avait passé des vacances en 1969. Intrigué par une étrange bâtisse isolée, qui avait été construite dans un alpage à plus de 2000 mètres d'altitude, le père de Lefranc avait imaginé toute une histoire susceptible d'expliquer l'existence de cet hôtel abandonné. Et bien plus tard, un habitant de la vallée avoua à Jacques Martin que sa fiction n'était pas très éloignée de la vérité. C'était bien sûr un bel hommage à l'imagination du maître.

Le "Repaire du loup", c'est bien sûr cet "hôtel des Anglais" (en fait une copie de l'hôtel Weisshorn situé dans le Val d'Anniviers) dans lequel se sont réfugiés les enfants du constructeur des lieux. Ils se nomment Roy et Belinda et, aidés par leur cousin Kevin, ils veulent prendre leur revanche contre les habitants de la vallée qui ont ruiné leur père. Roy est jeune et combatif, tandis que Belinda est plus discrète et qu'elle essaie de tempérer les impulsions violentes de son frère. On sait assez peu de choses sur Belinda, mais on la voit par moment tenir un rôle assez standard de "femme au foyer", qui cuisine et qui fait le ménage !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Repair11

Belinda s'exprime en fait très peu tandis que son frère raconte toute l'histoire de l'hôtel à Lefranc, et cet effacement correspond au fond assez bien à ce que vivaient les femmes pendant les années 60. Il était en effet de bon ton pour elles de se taire lorsque les hommes discutaient à cette époque, mais Belinda peut quand même se montrer courageuse et décidée. C'est ainsi qu'elle empêche son frère de commettre un geste irréparable lorsque Lefranc pénètre dans leur cuisine, puis qu'elle s'interpose entre Lefranc et Kevin lorsque ce dernier entre avec son pistolet. La jeune femme est blessée par un coup de feu et c'est une image assez spectaculaire, fort bien dessinée par Bob de Moor.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Repair12

On ne sait hélas pas grand chose de plus sur Belinda, car Jacques Martin ne s'est pas trop attaché définir son caractère. Elle n'est pas une simple figurante, certes, mais elle garde une place assez secondaire par rapport à son frère et à son cousin (qui se battent et s'expriment beaucoup plus). A la fin de l'histoire, elle quitte la vallée avec Lefranc mais cela s'explique simplement par le fait que son Roy doit rester dans la clandestinité (puisqu'il est inquiété par la justice).

J'aurais souhaité en savoir un peu plus sur Belinda, qui a des traits de caractère (comme le courage et la gentillesse) qui sont assez attachants. Mais je suppose que Jacques Martin n'avait déjà plus la place (les albums n'ayant plus que 46 pages) de raconter des intrigues secondaires et développer les caractères des personnages considérés comme annexes.

Il m'est ainsi difficile d'en dire plus sur cette jeune femme qui n'est finalement qu'un personnage secondaire dans cet album. Mais peut-être qu'eleanore-clo a (de nouveau) des idées différentes sur ce sujet.  Wink


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eleanore-clo

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vieux sage
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Le repaire du loup est mon album préféré de la série Lefranc et très probablement l’œuvre de Jacques Martin que j'apprécie le plus. D'ailleurs, mon avatar sur le forum est une image extraite de la BD. Partant de là et me concernant, le personnage de Belinda devait être abordé dans ce fil de discussion  Smile  .

Déjà, on peut remarquer que le maître a parfaitement choisi ce prénom. Il est relativement courant outre-manche et on peut tout à fait comprendre que les Hearn l'aient choisi pour leur fille.
L’étymologie nous fournit plusieurs pistes pour comprendre l'origine de ce mot. Je vous en propose une qui me semble parfaitement convenir au personnage. La racine du mot, linde, serait d'origine germanique et signifierait tilleul. Quant au préfixe, bel, il proviendrait du français bel. Notre personnage pourrait donc être rapproché d'un beau tilleul.  Et oui, Belinda est une belle femme. Et oui, Belinda possède les attributs traditionnellement conférés au tilleul, l'amour (de son frère) et la fidélité (à sa promesse).

Socialement, notre héroïne incarne la femme type des années 1970 : jusque là cantonnée dans un rôle de maîtresse de maison, elle s'ouvre vers l'extérieur du domicile familial pour y trouver une nouvelle dimension. Ces deux facettes se retrouvent dans Le repaire du loup. Belinda fait la cuisine pendant que Roy explique la situation. Mais elle n'hésite pas à s'interposer entre Lefranc et Stirling, se faisant ainsi blesser. Au fait, avez-vous remarqué que Duchateau et Tibet ont repris l'idée deux années plus tard dans Requiem pour une idole ?

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Ric10

Dans la BD, Belinda fait preuve d'une belle maturité, de courage et d'un grand pragmatisme. En page 28, elle empêche son frère de lancer une bouteille sur la tête de Lefranc et, en page 39, elle essaie de raisonner son cousin. Au final, quel serait votre membre de la famille Hearn préféré ? Stirling est bien violent et Roy semble peu charismatique. Le choix est donc évident  Very Happy .

En page 16, Bob de Moor dessine Belinda grimée en paysanne. Du coup, je m'interroge sur un rapprochement. Valadin est un gredin et les habitants de Saint-Loup collaborent avec lui pour des raisons mercantiles et xénophobes. Au final, ne peut-on donc faire un grand saut intellectuel et dire que la jeune femme est une Résistante, dans la lignée de Lucie Aubrac ou de Madeleine Riffaud (cf. la BD sortie cet automne) ? En effet, elle prend beaucoup de risques et commet des violences pour faire triompher la justice. Bon, je confie que ce rapprochement est quelque excessif mais il m'a semblé intéressant de vous le présenter  Wink .

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Lefran10

Quand on prend du recul, le destin de cette jeune femme est tragique. Son père se suicide et, encore enfant, elle est confrontée au décès de sa mère. Et pourtant, elle va trouver suffisamment d'énergie pour réussir ses études et se faire justice elle-même. On peut donc dire que notre héroïne possède une immense résilience. Que de qualités. Ne croyez-vous pas ?

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Lefran11

Côté physique, un détail m'a sauté aux yeux : la coiffure de Belinda. A contrario des héroïnes dont nous avons déjà parlé, la jeune femme est coiffée à la garçonne. Or, n'oublions pas que Jacques Martin a cadré Bob de Moor en lui dessinant des portraits de tous les personnages. Partant de là, pourquoi le maître a t'il fait ce choix ? Une fausse évidence est que les cheveux courts raccourcissent et facilitent la toilette du matin dans un hôtel en ruine et loin de tout. Fausse car on a vu Ariela dans les messages précédents. Sur la route et malgré les conditions précaire, la jeune gauloise porte une queue de cheval. Donc, pour moi, ce choix de masculiniser la coiffure de Belinda tient à l'idée de modernité, à l'idée d'interchanger Roy et Belinda dans l’œil du lecteur.

Voilà, voili, voilou.

Notre héroïne, même si elle n’apparaît que dans quelques vignettes, est un grand personnage dans l’œuvre de Martin. Comme Adréa ou Héra, elle ne subit pas son destin mais, au contraire, se veut actrice de sa vie.

Eléanore

Raymond

Raymond
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Merci de cette vision originale et très féminine !   pouce

Oui, Belinda peut être considérée comme une résistante mais ... je la comparerais quand même plutôt à une "vengeresse". Remarquons à ce sujet qu'elle n'est probablement pas le moteur de toutes les actions (parfois illégales) qui sont entreprises par son frère et son cousin, en arborant le "signe du loup". Elle les soutient bien sûr car ils représentent toute sa famille, mais elle ne semble pas être une forcenée, comme Stirling.

Sinon, je ne sais pas si Belinda est le personnage que je préfère de la famille Stirling. Elle est certes attachante, mais Roy doit être lui aussi assez sympathique, par exemple lorsque l'on s'assied à table et que l'on se met à discuter avec lui, un verre de bière (ou une tasse de thé) à la main. Belinda apparait bien plus effacée de ce côté-là, mais on peut imaginer qu'elle causerait plus facilement avec des dames.  Wink


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Raymond

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Parue en 1973 dans Tintin, le Prince du Nil est une aventure d'Alix qui m'a toujours laissé un peu insatisfait, pour des raisons qui me sont longtemps restées confuses. Il est vrai que cette BD avait connu la malchance d'avoir été prépubliée à une période catastrophique, lorsque le journal de Tintin se nommait "l'Hebdoptimiste" et que son rédactionnel calamiteux réveillait chez moi un sentiment de colère. Les couleurs du journal étaient de plus mal réalisées (à la fois trop foncées et trop brillantes) et ce n'est qu'après la parution de l'album que les planches retrouvèrent enfin une certaine beauté. Mais il n'y avait pas que cela ! Même après que les couleurs soient devenues plus agréables sur le plan esthétique, je gardais toujours une certaine gêne par rapport au scénario. Et j'ai mis pas mal d'années à en comprendre les raisons.

En y repensant aujourd'hui, je me rends compte que j'étais surtout irrité par le fait qu'Alix subissait les événements. Le héros était en effet victime d'un complot de palais, puis il devenait même un esclave après avoir été flagellé par les égyptiens. Cette passivité et cette relative indignité d'Alix me mettaient en rogne et je ne pouvais pas admettre qu'il perdit ainsi de sa superbe! Jacques Martin admettait pour sa part (dans certaines interviews) qu'Alix était en effet rarement l'initiateur des événements et que cette relative inaction faisait partie de son caractère. Le héros se contentait donc de réagir aux manœuvres de ses adversaires et je n'arrivais pas à admettre sa relative déchéance.

Conséquence inévitable de cette discrétion, Alix est dépassé par les événements au début du Prince du Nil. En fait, la véritable héroïne du début de l'album est plutôt la jeune sœur du pharaon Ramès, qui se nomme Saïs ! Il est vrai qu'au départ, elle se comporte comme une adolescente un peu fofolle. Elle s'enthousiasme spontanément en découvrant la silhouette d'Alix et parait bien naïve, mais on va rapidement découvrir que ce n'est pas du tout le cas.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince18

Saïs impose d'emblée sa présence et son charme, tandis qu'Alix apparait de son côté plutôt indifférent. Son attitude ne décourage cependant pas la jeune égyptienne qui use de différents stratagèmes, comme par exemple une motte de beurre parfumé qu'elle offre au jeune romain. Et avec cette motte sur la tête, Alix m'a toujours paru un peu apprivoisé et ridicule.  Wink

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince19

Le sinistre général Djefer complote pour se débarrasser d'Alix et Saïs est très rapidement mise au courant. Les deux personnages se font alors face, tandis qu'Alix semble presque absent de la discussion. "Prend garde Djefer que cette survie n'exige pas trop de sang" annonce Saïs, et tout est signifié avec cette phrase qui pourrait presque être anodine. La jeune égyptienne prend dès lors une autre dimension. Elle devient en effet un véritable animal politique, tout-à-fait apte à participer aux querelles de pouvoir.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince20

Saïs est maintenant la vedette du récit ! Une fois la nuit tombée, elle se rend d'abord en cachette dans le temple d'Ammon pour y dérober un pendentif sacré, et doit même tuer un prêtre pour y arriver. Puis elle retourne vers la chambre d'Alix tandis que son frère se dirige pour sa part vers le lit d'Enak. Les monarques égyptiens passent à l'action tandis que les invités dorment, et Alix reçoit le précieux pendentif en guise de sésame sans avoir bien compris tout ce qui se passe !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince24

Le jour suivant, Alix devenu "intouchable" s'enfuit avec Enak mais le pharaon ne respecte pas le caractère sacré du pendentif d'Amon. Ramès emprisonne donc le héros et s'attire peut être ainsi la colère des Dieux (ce non respect du pendentif entraînera même la destruction de son royaume). "Ils me le paieront" hurle en tout cas Saïs, et elle a effectivement de la suite dans les idées. La jeune égyptienne se montre alors intelligente et pugnace, et beaucoup plus efficace qu'Alix. Elle fait un marché avec le roi Djerkao, ce dernier pouvant épouser Saïs s'il arrive à sauver Alix d'une mort certaine. Cette solution plonge la jeune princesse dans un état proche du désespoir mais elle ne renonce pas. Elle a des ressources et possède vraiment l'étoffe d'une reine.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince21

Bien plus qu'Alix, c'est donc la jeune égyptienne qui voit clairement la situation et qui mène le jeu. Ceci l'amène aussi à dénoncer certaines indignités, comme par exemple l'attitude d'Enak qui semble avoir renié son amitié envers Alix. Saïs n'a pas de mots assez durs pour condamner son attitude "infâme", tandis qu'Enak essaie de trouver de mauvaises excuses.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince22

De même que Iorix est le protagoniste principal de l'album qui lui est éponyme, Saïs est bien la véritable héroïne du "Prince du Nil" et cette idée m'a autrefois paru horripilante.

Est-ce parce que Saïs prenait trop de place que Jacques Martin a décidé de la faire mourir à la fin de l'histoire ? Je n'ai aucune réponse car ce trépas demeure plein de mystère. La princesse égyptienne s'effondre en effet subitement (et sans explication) alors qu'elle accompagnait Dkerkao sur son char, et j'ai toujours trouvé cette fin mystérieuse plutôt insatisfaisante. Il est bien rare que l'on décède d'une façon subite pendant son adolescence et le scénariste semble avoir tout simplement manqué d'idée. L'orgueilleuse Saïs qui affrontait audacieusement le pharaon méritait à mon avis d'avoir une plus belle fin !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince23

Et pour conclure, il faut bien constater qu'Alix est par moment absent de cette aventure et c'est certainement pour cette raison que j'étais irrité. Je ne pouvais en fait pas admettre (ni même réaliser) qu'une jeune égyptienne domine l'intrigue du Prince du Nil ! Et aujourd'hui encore, cette magnifique tragédie antique reste pour moi un album de second rang (alors que plusieurs relectures m'ont démontré le contraire) ... parce qu'il y a "quelque chose" dans cette histoire qui continue à me déplaire.  deso

Cette curieuse constatation fera certainement les délices d'eleanore-clo, qui n'aura probablement aucune difficulté à révéler les secrets de cette suprématie féminine. Je suis en fait bien loin d'avoir dévoilé toutes les qualités de cette jeune princesse et j'attends donc avec beaucoup d'intérêt ses commentaires.

Pauvre Saïs ! Mais tout de même, quel magnifique personnage ! Au fond, je suis prêt à parier qu'elle est morte contre toute logique parce qu'elle risquait de prendre trop de place dans la série, et qu'elle a fini par énerver également Jacques Martin.  Smile


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eleanore-clo

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Déjà, grâce à cette rubrique, je vais lire les derniers Alix de Jacques Martin car je m'étais arrêtée à Iorix le Grand Laughing .  Et il en sera de même pour les Lefranc car Le repaire du loup constitue les limes d'une terra incognita Suspect .

Que dire du Prince du Nil ? La première idée qui me vient à l'esprit est l'étrange ressemblance entre Djefer et Jacques Martin. Suis-je la seule à avoir remarqué ce point ? A moins que ma vue ne soit par trop imaginative ?
Le deuxième point fort de cet ouvrage est la luxuriance des costumes et des décors. Les assistants de Jacques Martin ont déployé des trésors d'imagination Laughing .

Maintenant, parlons de Saïs. Dans les précédents messages de ce fil, Raymond et moi avons ratiociné sur les amours (imaginaires de mon point de vue) entre Alix et les héroïnes des opus antérieurs. Cette fois-ci, le doute n'est pas permis ! Oui ! La sœur de Pharaon aime à la folie Alix. Bon, c'est un peu bizarre et rapide comme coup de foudre. Mais, la BD faisant 44 pages, le maître ne pouvait pas se permettre le luxe d'une cour longue et assidue Smile . De plus, le tempérament ardent de la jeune femme ne se prête pas à ce type de relation.
L'amour de Saïs est pur, entier, sans aucune compromission. Et elle se montre capable de tout pour défendre notre gaulois : le blasphème (l'escalade de la statue sacrée et le vol du pendentif), la complicité de meurtre (lorsque sa servante assassine le prêtre), la trahison (lorsqu'elle informe Enak du mensonge imaginé Ramès), le pacte avec le diable (page 32 : Je m'allierai à une armée de démons, j'en épouserai un s'il le faut), etc. Quant à la désormais fameuse motte de beurre parfumée, j'y vois l'intronisation d'Alix dans la cour. Tous les puissants assistant au festin en ont une. Et le cadeau de la princesse positionne notre héros sur un pied d’égalité avec les dignitaires égyptiens.
Par ailleurs, je ne partage d'ailleurs pas l'analyse de Raymond quant aux ambitions politiques de la princesse. Le pouvoir ne l’intéresse pas. Il n'est qu'un moyen pour arriver à une fin, le sauvetage de notre héros.

Du côté d'Alix, c'est clairement un amour non partagé. Il voit une amie et trouve naturel ce qu'elle fait. Les risques fous pris par Saïs lui semblent presque dus. Et les deux vignettes ci-dessous sont dramatiques. Quelle terrible malentendu  affraid .

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Alix13

Il faudra la révélation de Qââ en page 45 (Plus tard, ce garçon aux cheveux de soleil réalisera, peut être qu'il te doit la vie, Saïs, et que tu lui as donné tout ce que tu pouvais offrir ici-bas, mais pour l'instant il ne perçois même pas ta présence... et encore moins combien ton cœur est meurtri) pour que la princesse comprenne l'indifférence du jeune homme. Dès lors, le destin de l'héroïne est tracé, totalement logique et inévitable. Son âme est toute entière tournée vers Alix alors qu'elle doit maintenant payer le prix du pacte faustien signé avec Djerkao pour sauver le gaulois. Et pour ne pas renier sa parole tout en restant fidèle à son cœur, elle ne peut que mourir. Mourir d'aimer.



Jacques Martin n'a pas exploré le sujet des mariages entre frères et sœurs, courants durant le nouvel empire. Il met plutôt en scène une étrange fratrie, celle formée par Ramès le pharaon, Qââ le prophète et Saïs la princesse. Et l'intrigue débouche sur une guerre civile, entre Ramès et Saïs, affrontement sans merci manifestement inspiré par le conflit entre Cléopâtre et son frère Ptolémée XIII.

Un autre point important de Saïs me semble être sa beauté. La jeune femme prend soin d'elle même (sa coiffure), porte de magnifiques tenues (notamment durant le festin) et arbore de superbes bijoux (les boucles d'oreille de la page 10, le diadème, etc.).

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Alix14
Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Boucle10

J'ai enfin remarqué un dernier point : le maquillage. Et oui ! Avant Le Prince du Nil, seule Adréa avait bénéficié de cette mise en valeur de la beauté féminine (le fard à paupière bleu). Avec cette escale égyptienne, Jacques Martin dessine de nombreux visages, tous plus soignés les uns que les autres.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Alix15

Au final, comme l'a si bien souligné Raymond, Saïs est la vraie héroïne du récit. Alors qu'Alix ne fait que survivre aux différents coups du sort (ce qui, je le concède, est une succession d'exploits), la princesse agit et trace sa route.

Eléanore

eleanore-clo

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vieux sage
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Bonjour

Je reprends le fil de mon analyse d'hier soir grâce au recul apporté par le temps.

Revenons en donc à Saïs. Elle est très jeune. Et il semble très probable que son amour pour Alix soit un premier amour. Ipso facto, la passion de la princesse est innocente et absolue. Son âme et ses sens s'emballent et se noient dans une douce première folie. Et le choc de la découverte est d'autant plus fort que notre héroïne vit dans un monde de femmes. Le gaulois est vraisemblablement le premier garçon qu'elle voit de près. D'autant plus que son père a disparu. Aussi est-il diificile pour notre héroïne de se construire une figure nuancée et réaliste de l'homme. Elle s'est ainsi forgée une image idyllique de l'autre sexe et de l'amour. Enfin, Saïs semble coupée de la reine-mère et ne peut pas bénéficier de son expérience.
Signalons enfin la solitude du personnage. Sa seule amie et confidente semble être sa servante. Bien qu'entourée, la princesse se languit d'une autre âme, d'une complicité de tous les instants et d'une présence forte. C'est pourquoi l'amour pour Alix va être à la hauteur de l'espérance, une acmé passionnelle, une pulsion irrésistible, une adoration totale, une passion aveugle et dévorante.

Un autre point majeur de l'intrigue et qui m'a sauté aux yeux est le triangle affectif (je n'ose dire amoureux  Cool ) formé par Alix, Enak et Saïs. Enak se révèle médiocre dans Le prince du Nil. Il abandonne son ami, son protecteur  son père de substitution pour les paillettes du pouvoir et une filiation dont on découvrira qu'elle est fausse. Face à tant d'ingratitude, et comme dans les paraboles du fils prodigue et du mouton perdu, Alix va "délaisser" la personne qui l'aime pour aller rechercher l'enfant égaré, la brebis partie. Je ne sais pas ce qu'en pense les autres membres du forum mais j'ai toujours été mal à l'aise avec ces deux récits. Sacrifier ceux qui obéissent et sont respectueux pour essayer de récupérer l'irrecupérable, le fautif dont on devine tous qu'il pourrait bien de nouveau fuguer, est un geste étrange. Celui d'un amoureux fou. Donc Alix est aveugle ou plutôt feint d'être aveugle devant l'immensité des sentiments de Saïs. Quel cœur de pierre. Heureusement, la sœur du pharaon est d'une toute autre trempe. Elle porte haut et fort les valeurs d'humanité et d'amour. Oui. C'est vraiment le personnage principal de cette BD.

Un dernier point que je souhaite aborder est l'étrange prédilection de Jacques Martin pour James Bond... Mais si. Mais si.  Laughing  Avez-vous remarqué qu'il lui faut une nouvelle héroïne à chaque histoire et qu'il la jette aux oubliettes sans hésiter ? Vous avez dit James Bond girl ? Vous avez dit sexisme discret ?


Eléanore

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
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Ah. Un petit oubli.
J'ai trouvé que le sort de Saqqarah ressemble beaucoup à celui de Sodome. Qââ serait donc un nouveau Loth. Mais alors qui est sa femme ? Qui se transforme en statue de sel ?

Éléanore

Raymond

Raymond
Admin

Merci eleanore pour toutes ces idées. Je vais les aborder une par une, en évitant de répondre à tout à la fois.  Very Happy

Première constatation que je n'avais jamais faite : Djefer ressemble étrangement à Jacques Martin ! Tu as tout à fait raison et je ne sais pas bien qu'en faire ? Cette ressemblance est pourtant très manifeste dans la séquence qui montre le somptueux face à face entre Djefer et Saïs !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince25

Je me demande cependant si c'est vraiment intentionnel ? Il faut rappeler que Jacque Martin avait ses propres habitudes en dessinant des visages, et que la face "martinienne" de Djefer se place tout simplement dans cette tradition. Il ne faut peut-être pas chercher plus loin ? Certes, Jacques Martin était capable de faire des clins d'œil cachés à ses lecteurs (il l'a bien montré dans l'Ouragan de Feu) ou même de s'introduire ostensiblement en personne dans une de ses BD (il l'a fait de façon évidente dans l'Arme absolue), mais dans le Prince du Nil, je n'en comprendrais pas le sens.

Par ailleurs, si on regarde toutes les images de Djefer qui existent dans l'album, cette ressemblance avec Jacques Martin n'est pas toujours aussi criante. Selon l'angle avec lequel on voit le faciès de l'égyptien, le visage parait bien plus plus empâté que celui du père d'Alix. Je crois que la ressemblance est plutôt liée au hasard.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince26

Mais il serait important que d'autre personnes donnent leur avis là-dessus !  fort  N'est ce-pas Stéphane, jfty, bruno, Pierre et les autres ?    Smile


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Raymond

Raymond
Admin

Je peux également faire tout de suite une deuxième remarque, et elle concerne "les assistants" de Jacques Martin !

Rappelons que le Prince du Nil a été publié dans le journal Tintin pendant l'année 1973 et que Jacques Martin avait définitivement quitté les studios Hergé à la fin de l'année 1972. Il n'avait dès lors plus d'assistants pour réaliser les décors et mis à part les couleurs, le "maître" dessinait vraiment les planches en totalité. Le Prince du Nil nous révèle ainsi un style graphique complètement pur, sans aucune intervention externe. Il en sera d'ailleurs de même pour la plupart des aventures d'Alix que Jacques Martin a dessinées par la suite, l'exception la plus notable étant le Cheval de Troie dans lequel il a été aidé par Jean Pleyers.


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Raymond

Raymond
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Sinon, il y a un petit malentendu au sujet des "intentions politiques" de Saïs. Il est bien clair qu'elle n'en a aucune et je n'ai d'ailleurs pas écrit qu'elle en avait. J'ai surtout dit qu'elle était un "animal politique" de première force, car elle affronte son frère Ramès et le dénéral Djefer avec beaucoup d'assurance et d'efficacité. Il n'est pas toujours évident de lutter contre un pouvoir despotique en place et Saïs prouve qu'elle en a l'audace, l'imagination et la compétence. Elle ne fait bien sûr pas un sans faute (puisqu'elle doit tuer un prêtre) mais au bout du compte, elle finit bien par arriver à ses fins !


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Raymond

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Pour ce qui est de la mort de Saïs, on ne peut que faire des hypothèses ! Je ne crois pas du tout qu'elle soit "morte d'aimer" car il y aurait alors un mécanisme rationnel qui l'explique (punition par son frère Ramès, suicide ou autre chose de ce genre). Sa mort est au contraire totalement surnaturelle et inexplicable, et je n'y vois pour ma part qu'une "explication d'ordre littéraire".

Tout d'abord, il faut rappeler que cette mort de Saïs était annoncée ! A la planche 11 de cette histoire, on découvre en effet la terrible prophétie de Qaâ qui avertit le pharaon Ramès de la malédiction qui s'abattra sur la sa famille s'il ne libère pas Enak. Et dans ce discours, c'est non seulement le pharaon qui est condamné, mais aussi sa mère, sa soeur Saïs et son peuple !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 3 Prince27

Comme Ramès a lutté jusqu'au bout pour garder Enak près de lui, il devenait impossible que lui-même et sa famille survivent à cette histoire. Saïs devait disparaître et elle meurt donc soudainement, d'une façon involontaire, tout simplement foudroyée par les Dieux. Ce n'est pas satisfaisant pour l'intelligence, mais c'est une conclusion romanesque que Jacques Martin s'est malicieusement plu à nous imposer !

Et pour affiner cette hypothèse, je rappellerai aussi que Jacques Martin était un grand admirateur du roman Salammbô de Gustave Flaubert. Dans ce livre, la belle prêtresse carthaginoise meurt subitement à la fin de l'histoire, parce qu'elle n'a pas respecté les Dieux en portant le voile de Tanit. On y pourrait voir un parallèle avec l'action de Saïs, qui n'a pas respecté le Dieu Amon en emportant le pendentif sacré (qu'elle a dérobé dans le temple). Je me plais donc à imaginer que Jacques Martin a consciemment adopté cette idée dramatique de Flaubert et qu'il l'a l'intégrée à sa propre conclusion du Prince du Nil. Mais ce n'est bien sûr qu'une hypothèse ...   Wink


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eleanore-clo

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Bonsoir

Raymond a écrit:Pour ce qui est de la mort de Saïs, on ne peut que faire des hypothèses ! Je ne crois pas du tout qu'elle soit "morte d'aimer" car il y aurait alors un mécanisme rationnel qui l'explique...

Bien évidemment, cher Raymond, comme cela semble devenir notre habitude sur ce fil, je ne partage pas votre vision Smile .

Déjà, je ne suis pas certaine qu'il faille systématiquement rechercher une explication rationnelle à tous les faits mystérieux d'une œuvre de fiction. Par exemple, allons-nous explorer le passé des loups des Légions perdues pour y trouver la trace du passage chez un dresseur ? Ou allons nous passer un compteur Geiger devant la statue du Dieu sauvage ?

Néanmoins, le défi  est possible. Et bien que n'ayant pas fait l'autopsie de la sœur du pharaon (Djerkao m'en aurait empêchée  Laughing ), mon diagnostic est sans appel. Elle est décédée d'une cardiomyopathie de stress :

https://www.academie-medecine.fr/les-cardiomyopathies-de-stress-une-pathologie-cardiaque-dactualite/

En fait, comme Juliette dans la pièce de Shakespeare, la princesse ne peut pas vivre sans amour. Sauf qu'Alix n'est pas Roméo et que la fin de l'amour n'est ici pas synonyme de décès de l'amant.

Éléanore

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Bonjour

Ppur en revenir au magnifique message de Raymond (j'adore Salambo et la comparaison entre les deux œuvres est subtile), je vais me permettre de rebondir sur la malédiction de Qââ. Celle ci met une nouvelle fois en évidence que la  BD est construite sur des triangles dont les deux principaux sont : Qââ - Ramès- Saïs, Alix - Enak - Saïs, Ramès. Que remarque-t-on ? Et bien que ces deux triangles ont un point commun : Saïs. La princesse est donc clairement au centre de la BD. CQFD.

Eléanore

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