Jacky-Charles a entièrement raison. Ce premier tome d'
Alix Origines est intelligemment conçu, car il est destiné au grand public et pas seulement aux enfants. Le changement de style graphique est peu gênant (on l'oublie très vite) et cette étiquette de "manga" que l'album portait au départ ne parait au fond pas justifiée. Et puis surtout, cette BD est bien scénarisée et elle se lit avec beaucoup d'intérêt, même au premier degré. Plus encore, elle donne envie de relire les deux premiers albums de la série mère, dont elle s'inspire beaucoup.
C'est donc une vraie réussite ! Eh oui !
A quoi cela tient-il ? Certainement au fait que Marc Bourgne a soigneusement relu les premiers albums de Jacques Martin (qui apportent quelques pistes sur les origines d'Alix) et qu'il en a soigneusement repris toutes les informations pertinentes. Il en résulte une fidélité scénaristique envers la série principale qui lui permet d'ajouter de façon convaincante
L'enfance d'un gaulois à ce que j'appellerai la "grande saga alixienne", à savoir cette longue biographie d'Alix qui s'étend depuis son enfance jusqu'à ses derniers jours. C'est un grand roman qui est actuellement en train de s'écrire et qui devient une véritable épopée.
En fait, nous aurions pu déjà deviner l'histoire racontée dans ce tome 1, intitulé
L'enfance d'un gaulois, en relisant une des scènes marquantes de l'album
Alix l'intrépide, celle de la mort d'Honorus Galla. Les confidences du père adoptif d'Alix semblent en effet être la trame du nouveau diptyque imaginé par Marc Bourgne.
Le tome 1 ne raconte pas tout cela, bien sûr, mais il met bien en place le début de ce que l'on pourrait appeler une trahison. Le père d'Alix et toute sa famille vont en effet tomber dans un piège, dont l'organisateur est le général Graccus, ou si vous préférez ... Honorus Galla. On s'y retrouve.
Et puis, on note qu'Astorix, le père d'Alix, a un bras droit qui se nomme Aldéric, et qu'il il doit composer avec la présence d'un druide qui se nomme Ansila. Ces deux traîtres (qui réussissent à induire Graccus en erreur) réapparaitront neuf ans plus tard dans le
Sphinx d'Or, pour y affronter Alix lui-même.
Ce tome 1 de la jeunesse d'Alix raconte donc le début d'un drame, et même si on en connait plus ou moins l'issue, cette aventure est très vite prenante. Les personnages sont bien construits et l'intrigue est riche en découvertes et en rebondissements. Alix y apparait logiquement comme un adolescent fougueux, désireux de se battre et parfois bien imprudent, tandis que les parents d'Alix sont beaux et attachants … mais on sait malheureusement ce qui les attend. Le scénariste se permet même parfois quelques petits clins d'œil, par exemple lorsque le jeune Alix parle de Rome, qui parait bien lointaine et inaccessible.
Le dessin de Laurent Libessart me parait davantage résulter de la BD franco-belge classique, avec ses grandes pages bien construites et sa mise en couleur chatoyante, que du manga. Les images qu'il nous donne de la Gaule sont un peu simplifiées, mais elles paraissent totalement crédibles, et il semble par ailleurs que des historiens (ou archéologues) aient soigneusement vérifié la véracité de certains détails et objets. Il y a donc un réel travail en profondeur pour rendre cette histoire crédible, et l'absence d'un style "martinien" se révèle finalement peu gênante. De même que pour "Alix Senator", c'est une œuvre nouvelle qui nous est proposée, et son ensemble (texte + dessin) est tout à fait cohérent. Libessart se permet même parfois de petits "morceaux de bravoure", avec par exemple une page muette qui résume habilement un voyage, sans bavardage inutile.
L'enfance d'un gaulois me semble donc être une réussite pour trois raisons. D'abord, parce que cette histoire reprend avec fidélité les informations laissées par Jacques Martin sur la jeunesse d'Alix, ensuite parce que l'album s'appuie sur une documentation assez solide, qui respecte les données historiques actuelles, et enfin parce que le récit est bien mené, que ses personnages sont tout de suite attachants et que la mise en image est tout-à-fait correcte. Les amateurs de la série principale prendront de plus un certain plaisir à comparer cet album avec les œuvres de référence que nous a laissé Jacques Martin (il faudra par exemple que l'on discute des infos laissées par "Iorix le grand"
) et c'est sans aucun doute un livre que l'on aura du plaisir à relire.
En fait, il me parait probable que cette histoire de la jeunesse d'Alix ne fait que commencer.
La "franchise" d'Alix se porte toujours bien !