Bonjour
Pour poursuivre notre petite promenade, je suis heureuse de vous présenter la couverture du
Journal de Tintin, édition belge, du 9 mars 1950.
Jacques Martin s'y révèle un maître de la peinture historique. Il me semble qu'il s'inspire d'une toile du XIXème siècle de Henri Paul Motte, conservée au musée Crozatier, au Puy en Velay :
Vercingétorix se rendant à César.
Vercingétorix se rend, certes. Mais, du fait d'une perspective volontairement exagéré, le gaulois semble géant, alors que César est à peine visible, à l'arrière plan. Le gaulois est le seul personnage à cheval et donc, oui, il est forcément placé au-dessus des autres. On retrouve la même géométrie en comparant la taille de l'arverne et celle des légionnaires. Le vaincu est donc plus grand (moralement?) que ses vainqueurs. Ce qui n'est pas le cas dans la toile de Motte puisque les fantassins au premier plan ont la même taille que le héros de la résistance gauloise.
Les soldats et les empreintes dans la neige dessinent une flèche pointant vers César, le maitre des lieux. Et Vercingétorix regarde César, ce qui n'est pas le cas dans la toile de Motte. Toujours dans le même registre, Martin a choisi de ne représenter que la rangée gauche de l'armée de César. Il accentue ainsi un mouvement de la gauche vers la droite, correspondant à l'avancée du cheval. Motte se veut plus symétrique et perd en dynamisme.
Par contre, les arrières plans du peintre sont plus riches : de nombreuses tours et la montagne campent un paysage qui se veut gigantesque, à l'aulne de l'évènement. L'arrière plan du dessinateur est plus dépouillé, oserais-je dire épuré, pour mieux focaliser notre regard sur les personnages.
Martin a choisi l'hiver ce qui ouvre la voie à de superbes effets de couleurs : le casque en or de Vercingétorix (comme la couronne d'un roi), les manteaux rouges des légionnaires (souvenir d'une guerre des Gaules sanglante) et bien évidemment la neige dont la blancheur apporte une nuance de froideur (un évènement glaçant?).
Alors que Motte peint un cheval hésitant, celui de Martin avance fièrement, comme en témoigne la neige soulevée par l'équidé. Chez Martin, Vercingétorix est fier, grand dans la défaite. Chez Motte, il n'arrive pas encore à reconnaitre la victoire de César et se rend, contraint et forcé.
Martin a choisi de représenter une porte de bois ouverte au-dessus de Vercingétorix. Elle fait penser aux dais d'un trône, le trône du résistant, qui s’oppose ici au dais du trône de César au loin. Le dais de l'arverne est fait de troncs taillés, pointus, et il symbolise les armes et la vie rude du guerrier. A contrario, le dais de César est fabriqué avec des étoffes précieuses, symbole du pouvoir pour un général rêvant de devenir un empereur. On comprend aussi que la porte en bois va se refermer, enfermant Vercingétorix dans sa future prison.
Dans les deux œuvres, le ciel est gris, hivernal, triste comme la défaite.
Vous avez tous compris que je préfère.... l’œuvre de Martin. Motte n'est pas Gérôme !
Bonne journée en attendant une prochaine couverture, qui sera, très féminine....
Eléanore