Nombre de messages : 2918 Localisation : Nemetacum Date d'inscription : 28/04/2012
ça oscille entre le fantastique, la SF et l'ésotérique. On reconnaît la patte de C Bec au niveau du scénario. C'est un album que j'ai bien aimé, et je le recommande. Il me fait un peu pensé à la trilogie de "Sanctuaire".
Nombre de messages : 2298 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Superbe couverture. Quelles magnifiques couleurs ! La perspective me plait aussi beaucoup. Je sens qu'un passage chez le libraire s'impose ! Merci Tarmac
Nombre de messages : 2298 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonjour
Pour commencer la chronique de ce jour, peut être pourrions-nous commencer par un petit sondage : quelle est la couverture la plus célèbre de toute la bande dessinée ? Je serais très heureuse de comptabiliser les votes . Il est probable que beaucoup de suffrages aillent vers le Graal des couvertures, vers un Everest souvent cité, La Marque Jaune d'Edgar Pierre Jacobs. Elle a d'ailleurs été citée par Sébastien lorsqu'il a ouvert ce sujet. Un petit passage par là s'impose. Mais, comme chacun le sait, les femmes sont insaisissables et je vais donc commencer notre repas jacobsien par une autre couverture : celle de L'énigme de l'Atlantide. On va dire que c'est l'entrée ! .
Cette couverture a été redessinée par le maître du Bois des Pauvres. Voici donc les deux versions. La première pourrait être qualifiée de terrienne car nous voyons la flotte atlante décoller du lac du Sete Cidades. Une montagne occupe l'arrière plan. Sous un arbre, deux personnages minuscules, Blake et Mortimer, fous de joie, contemplent l'envol. Le ciel est limpide et étoilé. Les vaisseaux sont de couleurs rouge et blanche, et j'y vois l'influence d'Hergé et de sa fusée lunaire. Mais les nefs ignorent les lois de l'aérodynamisme et revêtent une forme baroque. Les vaisseaux sont positionnés sur une ligne quasi verticale, luttant contre la gravité. La deuxième couverture reprend l'avant-dernière vignette de la BD. La flotte atlante s'est maintenant éloignée, et la Terre apparait derrière. On peut d'ailleurs remarquer que Jacobs commet la même erreur qu'Hergé, à savoir l'absence de nuage. Mais les premières images satellitaires datent de 1959, alors qu'Objectif Lune fut dessiné en 1950 et L'énigme de l'Atlantide en 1955. Les couleurs de cette illustration sont plus riches. La Terre, verte et bleue, contraste avec les nefs, rouges et blanches.
J'adore ces couvertures. Le graphisme est simple, peu spectaculaire si ce n'est par la multiplicité des vaisseaux spatiaux qui rappellent une nuée d'oiseaux. En fait, à mon sens, le grand intérêt de l'illustration réside dans le symbole : celui de l'espoir d'une vie meilleure ailleurs. Cette vignette me fait penser aux immigrants irlandais de la Grande Famine. Ces êtres abandonnaient tout, leur racine, leur contrée et parfois même leur famille. Ils laissaient tout derrière eux, des terres, des biens, voire une maison. Et tout cela , parce qu'ils avaient foi en un monde meilleur : les États-Unis. Et bien les atlantes reprennent ici à leur compte l'american dream. La même thématique, celle d'un paradis possible ailleurs, est explorée par Tolkien dans le Seigneur des Anneaux. Et le bateau quittant le port des Havres Gris constituent assurément une des images phares du film de Peter Jackson.
L'image de Jacobs est forte et elle a fait école, chez Guilhem par exemple avec Les Trois fantômes de Tesla. Les robots qui décollent font irrésistiblement penser à la flotte atlante.
Je vous souhaite de belles fêtes pascales
Eléanore
Dernière édition par eleanore-clo le Dim 16 Avr 2017 - 19:50, édité 1 fois
Nombre de messages : 2510 Age : 62 Localisation : Lyon Date d'inscription : 13/07/2014
Raymond a écrit:Voilà une BD que je en connais pas !
Je me méfie un peu de tous ces albums produits par les éditions Soleil. Celui-là vaut-il la peine d'être lu ?
Oui, à mon humble avis. Je voulais justement évoquer cette couverture à la suite de celle de Universal War One et Tarmac m'a finalement devancé, ce qui me fait plaisir car son message à ce sujet prouve que je ne suis pas seul à avoir remarqué cet album paru récemment, et que j'ai lu avec beaucoup de plaisir. La couverture est de toute beauté, et même spectaculaire comme le montrent bien les vignettes grand format que nous en présente Tarmac. Selon moi, l'intérieur de l'album et le récit sont vraiment à la hauteur !
Le nouveau message de d'elanore-clo au sujet de la couverture de L'énigme de l'Atlandide et ses déclinaisons jusqu'aux Trois fantômes de Tesla est passionnant, comme d'habitude !
Nombre de messages : 2918 Localisation : Nemetacum Date d'inscription : 28/04/2012
eleanore-clo a écrit:Superbe couverture. Quelles magnifiques couleurs ! La perspective me plait aussi beaucoup. Je sens qu'un passage chez le libraire s'impose ! Merci Tarmac
Pour en savoir plus http://www.bedetheque.com/serie-54679-BD-Olympus-mons.html L'album est d'ailleurs bien côté..
Nombre de messages : 38457 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Je rebondis sur les propos d'eleanore-clo : quelle est la couverture la plus célèbre de toute la bande dessinée ?
E. P. Jacobs est aussitôt proposé mais... c'est oublier un peu vite les travaux d'Hergé ! C'est tout de même lui qui est le véritable géant de la BD européenne.
La Marque Jaune possède une couverture vraiment mémorable (j'ai d'ailleurs failli en parler) mais ... c'est au fond le cas de presque tous les albums de Tintin.
Prenons cette couverture-là, par exemple.
L'Etoile mystérieuse n'est pas pas l'album le plus célèbre de Tintin, mais tout le monde connait quand même cette image. Ce gros champignon rouge est presque devenu un symbole, et même un "logo" que tout le monde reconnait. C'est ainsi que Charles Burns a récemment utilisé ce champignon dans son album intitulé "Toxic", et tout le monde a instantanément repéré l'allusion.
Mais parlons un peu de cette couverture de Hergé dont la simplicité me semble exemplaire. Si on enlève Tintin et Milou, on ne découvre qu'une simple île dépourvue de végétation, un gros champignon rouge et un ciel uniformément bleu. Ce décor est absolument statique, et dépourvu du moindre effet.
La seule animation de l'image provient de Tintin lui-même et de Milou, qui esquissent la même attitude. L'effroi du héros est habilement suggéré par la position du corps et les mouvements des bras. Les visages de Tintin et Milou sont par ailleurs entourés d'une circonférence de petites bulles, que le lecteur comprend immédiatement comme le signe d'une grande émotion. L'attitude stupéfaite des deux personnages devant ce gros champignon indique l'existence d'un danger, et d'un phénomène surnaturel. L'addition de tous les éléments de l'image aboutit ainsi à une constatation inquiétante, d'ailleurs instantanément comprise par le lecteur, qui n'a pas besoin de toute ces explications.
La force et la simplicité de cette couverture me paraissent donc sans égales. Elles donnent d'ailleurs immédiatement envie d'ouvrir ce livre.
Conclusion : je ne sais pas quelle est la plus célèbre couverture de la BD mais ... elle pourrait bien avoir été dessinée par Hergé.
Nombre de messages : 1690 Age : 64 Localisation : Région Parisienne Date d'inscription : 14/03/2009
eleanore-clo a écrit:Superbe couverture. Quelles magnifiques couleurs ! La perspective me plait aussi beaucoup. Je sens qu'un passage chez le libraire s'impose ! Merci Tarmac
Et n'hésite pas à demander à ton libraire Canal BD le plus proche, la jaquette gratuite réalisée à l'occasion de cette sortie...
A vérifier tout de même qu'il lui en reste : http://www.canalbd.net/canal-bd_catalogue_serie_Olympus-Mons--Albums
Nombre de messages : 2298 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonsoir
La couverture de L’Étoile Mystérieuse est très minérale, très moderne. On y reconnait bien les talents d'artiste peintre d'Hergé. Sébastien a d'ailleurs mentionné L'Ile noire, et je pense en commenter l'illustration, à moins qu'un(e) ami(e) du forum se lance en premier ? Sébastien peut être ?
Je vous propose de poursuivre notre repas au Bois des Pauvres par du foul m'dammes. Voici donc la couverture du 1er tome du Mystère de la Grande Pyramide, et sa sœur, celle du Journal de Tintin du 5 janvier 1950.
La première couverture montre Mortimer explorant une salle, que le titre nous pousse à situer dans la pyramide de Khéops. Le savant porte une lanterne qui dessine une ombre géante sur la paroi. Sa main gauche s'appuie sur l'ouverture d'un couloir, comme s'il voulait y retourner pour s'y réfugier. Réfugier, en effet, car l'environnement est menaçant : un cobra fixe le savant, et d'énormes chauves-souris tournent autour de lui. A certains endroits, l'enduit des murs se détachent. Quelques pierres se sont détachées du plafond. La chambre est manifestement très ancienne. Elle pourrait d'ailleurs bien s'effondrer... Et bien évidemment, nous ne voyons pas ce que regarde le personnage. Son visage est crispé, suggérant la présence d'un ennemi. Du coup, la position du bras portant la lanterne pose question. Ne serait-ce pas une posture défensive, la main tendue face à une menace qui s'avance ? Une fresque géante d'Horus et de nombreux hiéroglyphes décorent le mur derrière Mortimer et ancrent résolument l'action en Égypte. Les couleurs accentuent le sentiment de confinement. Le bleu du ciel est bien loin ! Le mur du fond, jaune, s'oppose au pilier sur la gauche, brun foncé. Il en résulte une impression de relief, à l'instar des images View-Master.
La couverture du Journal de Tintin est complémentaire. Une statue d'Anubis, le dieu des morts, a remplacé la fresque d'Horus, le dieu du ciel. Les chauves-souris perdurent alors que le cobra a disparu. La perspective est plus vaste et les piliers dessinent des lignes de fuite. Clairement, le sentiment de claustrophobie a ici disparu. Et le héros n'est plus seul. Il est accompagné par son fidèle serviteur. Nasir vient d'apercevoir un mouvement que Mortimer ne perçoit pas. L'illustration du fascicule est donc moins dramatique que celle de l'album.
J'adore cette couverture. Jacobs a su parfaitement restituer l'inquiétude sourde ressentie dans les lieux clos, obscurs. Et l'exotisme est superbement rendu.
Bien cordialement Eléanore
PS : et voici les premiers résultats issus du sondage Étoile mystérieuse : 1 Pieds-nus sous les Rhododendrons : 1
Nombre de messages : 38457 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Loup9: Pour l'instant, il suffit de voir quelles sont les propositions spontanées. S'il y en a suffisamment, ou pourrait ensuite faire une votation,
elénanore-clo : Pour la couverture du tome 1 du Mystère de la Grande Pyramide, on retrouve cet effet classique créé par l'ombre d'un homme qui est projetée de façon gigantesque sur le mur. Cette image nous renvoie à certaines séquences célèbres du vieux cinéma allemand (Nosferatu par exemple) que Jacobs appréciait beaucoup.
Nombre de messages : 2298 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonjour
Je vous propose de passer au fromage. Jeanne Faignart vient d'amener un superbe plateau et il convient de rendre honneur à la maitresse de maison. Entre l'Etivaz et le Beaufort d'alpage, nous pourrions nous pencher sur la couverture du 3ème tome du Secret de l'Espadon.
Cette couverture a peu varié. Je joins néanmoins la première version de ce travail dans laquelle l'explosion des missiles (appelées fusées atomiques dans la BD) cache une partie du croiseur. Je confie préférer nettement la deuxième mouture. Un décor vaste convient bien mieux au film à grand spectacle et en Dolby Stéréo qu'est Le secret de l'espadon .
Nous sommes a un moment clé de l'action, où l'Espadon, Deus ex machina, arme absolue, va renverser l'issue du conflit, et sonner le glas des ambitions de Basam-Damdu, le dictateur tibétain. La bataille de Midway est surpassée. Le Yorktown est vengé !
Jacobs nous immerge dans une apocalypse de feu, avec la trainée jaune de l'aéronef, les flammes rouges de la déflagration et les fumées grise et jaune des canons de la DCA. Le patchwork de couleurs passe bien et contribue au malstrom de violence. Les éléments aussi sont déchainés et des vagues menaçantes agitent le Golfe Persique. Bien évidemment, la vedette de cette couverture est l'avion, l'Espadon. Si la première référence venant à l'esprit est bien évidemment l'animal marin, on peut peut être y voir un symbole phallique et donc la projection d'une violence incarnée par les missiles . L'homme est presque absent de cette couverture à l'exception du pilote de l'aéronef. Cet homme déchaine la foudre nucléaire et devient, tel Jupiter, l'égal d'un dieu. Là encore, le symbole sexuel n'est pas absent.
La géométrie de l'image est riche avec toutes sortes de figures : le cercle de la trainée de l'Espadon, les droites générées par les obus, les lignes brisées de l'explosion du croiseur, les cercles de fumée, etc... En fait, Jacobs multiplie donc les formes géométriques pour mieux décrire la violence de la bataille. Aussi, pourrait-on faire une analogie (un peu osée )avec une toile de Kandinsky, comme par exemple Ligne Transversale, peinte en 1923, et conservée au musée de Düsseldorf. D'ailleurs, le peintre, dans son essai sur la théorisation de la peinture, Point et ligne sur plan, énonce : une force qui se déploie sans obstacle comme celle qui produit une ligne droite correspond au lyrisme tandis que plusieurs forces qui s'opposent et se contrarient forment un drame !
Je devrais être horrifiée par cette couverture. Mais je confie, telle la lapine face au serpent , être fascinée par sa violence barbare et sa force brutale, le prix de la liberté face à une dictature expansionniste sans nul doute. L'illustration me fait aussi penser à un superbe poème d'Henri Michaux, le grand combat, dont voici un extrait :
Il l’emparouille et l’endosque contre terre ; Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ; Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ; Il le tocarde et le marmine, Le manage rape à ri et ripe à ra. Enfin il l’écorcobalisse. L’autre hésite, s’espudrine, se défaisse, se torse et se ruine. C’en sera bientôt fini de lui ; Il se reprise et s’emmargine... mais en vain Le cerceau tombe qui a tant roulé. Abrah ! Abrah ! Abrah !
A bientôt Eléanore
Dernière édition par eleanore-clo le Mar 18 Avr 2017 - 21:50, édité 1 fois
Nombre de messages : 2510 Age : 62 Localisation : Lyon Date d'inscription : 13/07/2014
Magnifique présentation, surtout avec la conclusion d'Henri Michaux ! Décidément, vous lire chère eleanore-clo est toujours une surprise et un régal ! En plus, je n'avais jamais noté cette différence de versions entre les deux couvertures de l'Espadon ! Votre comparaison avec Kandinski ne me semble pas osée, mais extrêmement passionnante ! Elle révèle certainement combien une époque de la culture hante ses créateurs e ses admirateurs de mille figures qui circulent mystérieusement et secrètement de l'un à l'autre, parfois par de multiples relais. Merci de ce beau message dont la lecture m'a enchanté !
Nombre de messages : 2918 Localisation : Nemetacum Date d'inscription : 28/04/2012
Concernant la jacket sur "Olympus Mons" cela me fait également pensé que Canal BD avait sorti une non moins magnifique jacket à l'occasion de la parution de UW2 "Le temps du désert" . J'ai les deux jackets, et inutile de dire que ma Bibliothèque scintille orangée ..
Superbe "cover " de eleanore-clo , je crois que ce soir je vais sombrer dans les bras de morphée en m'adonnant au "Secret de l'espadon "
Nombre de messages : 38457 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Il est bon que les couvertures racontent quelque chose, qu'elles éveillent l'envie de lire et qu'elles présentent intelligemment le contenu des albums. Les grands dessinateurs savent parfois le faire avec une seule grande image, mais dans certaine occasions, c'est plutôt une suite de couvertures qui acquiert cette fonction narrative. C'est en particulier le cas des 6 tomes de l'Ascension du Haut-Mal, une oeuvre mémorable qui a été publiée pendant les années 90 par David B.
Précisons que le terme "Haut Mal" doit d'abord être compris selon sa dénomination première, à savoir celui de l'épilepsie généralisée primaire. Dans cette grande oeuvre autobiographique, le frère de David B est atteint de cette maladie, et la BD raconte la lutte que mènent ses parents pendant des années pour combattre le mal. Le dessinateur lutte d'ailleurs lui-même, à sa façon, contre la ruine qui semble menacer toute sa famille, et ce combat va en partie être à l'origine de sa vocation d'auteur de BD.
La couverture du tome 1 présente donc deux enfants qui sont côte à côte, l'aîné étant le frère épileptique de l'auteur. Les albums suivants reprennent ensuite la même composition picturale, en dévoilant toutefois les effets du temps (et les ravages de la maladie) sur la famille et les individus.
En contemplant cette suite de couvertures, on est d'emblée frappé par l'évolution de la teinte de fond. Le premier album est encore dominé par un ton jaune clair et vif, qui crée une ambiance solaire, mais les tomes suivants montrent la croissance progressive d'un arrière-plan complètement noir, dans lequel s'agitent une foule de monstres et de spectres. il faut dire que le Haut Mal s'est rapidement confondu avec le mal tout court, et que la lutte de la famille est peu à peu devenu un combat désespéré contre des forces obscures et destructrices.
Les visages des deux enfants évoluent également. Les chevelures poussent, les traits se creusent et les figures deviennent progressivement plus tristes. Au fil des albums, les physionomies reflètent ainsi l'impact de la vie sur les personnes, et le frère de David B ne peut plus échapper à la maladie qui est en train de le vaincre.
La dernière image consacre la tristesse et le Haut Mal révèle maintenant tous ses effets. Le corps déformé et obèse, de même que la mimique hébétée du frère de l'auteur (qui mourra précocement quelques années après la publication de l'oeuvre) semble avoir perdu son combat contre la maladie. La suite d'image révèle donc toute l'horreur de ce récit, et il n'est presque pas nécessaire d'en raconter plus.
Faut-il encore une fois le préciser ? L'Ascension du Haut Mal est un pur chef d'oeuvre, à la fois intelligent et sensible, qui témoigne de ce qu'étaient les croyances et la médecine à la fin du XXème siècle. C'est aussi une ces rares BD que je serais prêt à emmener avec moi si je devais me retirer sur une hypothétique île déserte ... mais nous avons déjà eu cette discussion-là dans d'autres sujets.
Nombre de messages : 38457 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Bien que ce sujet soit peu à peu oublié, je ne peux pas m'empêcher d'y revenir et d'y ajouter un petit commentaire, après avoir relu pour la "N ième" fois cet album d'Astérix :
A priori, cette couverture d'Astérix gladiateur ne présente rien d'extraordinaire. Le gag du légionnaire projeté dans l'espace par un coup de poing devenu surpuissant (après l'absorption d'une potion magique) n'est pas franchement inédit. Goscinny et Uderzo l'ont d'ailleurs utilisé dès les premiers albums de la série.
Mais ... tout de même, il y a dans cette couverture une énergie et une bonne humeur que je trouve communicatives. Le gag du légionnaire est d'ailleurs enrichi de nombreux détails amusants, tels que les "caligae" qui restent fixées au sol, ou les dents du soldat qui paraissent abandonnées le long de sa trajectoire ascendante vers le ciel. Et puis, même si on l'a déjà vu ailleurs, j'adore ces orteils en haut de l'image, qui restent encore brièvement visibles avant de monter plus haut. Tous ces détails renforcent l'aspect satirique du combat, et l'humour de la situation.
En fait, cette façon de multiplier sur l'image les détails et les clins d'œil me rappelle un peu ce que faisaient d'autres grands humoristes de la BD, comme Franquin ou Gotlib. Le premier gag en appelle d'autres, et l'humour n'y a presque pas de fin. Mais après tout, n'oublions pas qu'Albert Uderzo fait lui aussi partie des plus grands dessinateurs de l'âge d'or de la BD franco-belge.
Je crois finalement que mon humeur rejoint les sentiments qu'éprouvent d'Obélix et les autres gladiateurs devant ce combat. Ils observent la situation d'un regard légèrement ironique, et tous les lecteurs se sentent un peu complices de ces personnages.
Et comment se fait-il que plus de 40 ans après, je trouve cette image toujours aussi "percutante" ? Il y a là-dedans une sorte de miracle, qui permet à l'humour et la vivacité d'Astérix de rester intacts.
Il n'y a en fait qu'une réponse qui me vient à l'esprit : c'est le talent, voir même le génie, des deux auteurs qui reste vivant à travers cette image.
Nombre de messages : 2510 Age : 62 Localisation : Lyon Date d'inscription : 13/07/2014
Je suis content de découvrir que le sujet demeure actif ! Dans cette superbe couverture que j'ai adorée quand je l'ai vue pour la première fois dans mon enfance, il y a tout ce que tu dis si justement, à quoi j'ajouterai un élément : le chromatisme extrêmement flashy et cru qui m'avait étonné et qui convient admirablement à la violence de cet envoi du poing, comme la partie dorée et blanche sur fond ténébreux dramatise et héroïse le cirque où a lieu le combat. Mais le plus drôle est que je ne me souviens absolument pas du contenu de l'album que j'ai totalement oublié, alors que tous les autres m'ont laissé des souvenirs plus ou moins précis selon les cas et le nombre de relectures. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée ! Tu m'offres donc une bonne occasion de le redécouvrir !
Nombre de messages : 38457 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Quelle chance tu as ! Ces relectures de vieux albums sont presque toujours délectables.
Sinon, ta remarques sur les couleurs est bienvenue, car l'éditeur ne les a pas gardées dans les rééditions récentes.
Voilà comment se présente la dernière édition d'Astérix gladiateur :
L'image a été agrandie, et on découvre un nouveau gladiateur qui est assez amusant. Les belles couleurs très intenses de l'album original ont en revanche été remplacées par des teintes plus pâles, et plus discrètes.
Nombre de messages : 2298 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonjour
De sérieux soucis personnels m'ont éloignée et m'éloigneront encore de ce fil. J'en suis désolée. Aussi vais-je mettre de côté le dessert de notre repas au Bois des Pauvres. Mon réfrigérateur fonctionnant parfaitement, je suis convaincue que la pièce montée ne souffrira pas de son petit séjour en Sibérie !
Et je vous propose d'embarquer pour les États-Unis .
Une pièce de monnaie a ceci d'extraordinaire qu'elle comporte deux côtés : un côté pile et un côté face. En voyant l'un, on ne peut pas deviner ce qu'affiche l'autre et réciproquement. Et pourtant, c'est bien la même pièce de monnaie.
C'est pourquoi, ce jour, je vous propose de mettre en rapport Nirvana et Blacksad. En 1991, sort l'album Nervermind du groupe Nirvana. Et en 2010, est publié L'enfer le silence, le 4ème tome de la série Blacksad, par Canalès et Guarnido.
Ces deux illustrations représentent les deux côtés d'une même pièce de monnaie. Celle du chef d’œuvre ! Deux points de similitudes s'imposent. Tout d'abord, le bleu et ses nuances dominent les deux dessins. Le bleu symbolise bien évidemment l'eau, et les deux concepteurs se sont peut être inspirés de la célèbre affiche du Grand Bleu. Le bleu appartient aux couleurs froides, les moins chaleureuses, et les deux dessins sont quelque peu effrayants.
La peur vient aussi de la sensation d'étouffement. Comment respirer dans cet élément liquide et envahissant ? Et c'est là le deuxième point de similitude. Deux êtres sont plongés dans l'élément liquide. D'un côté, le bébé ne respire pas (heureusement !) et aucune bulle ne s'échappe de sa bouche. Il est tout absorbé par la vision du billet devant lui ( ), à moins que son souffle n'ait été bloqué par un réflexe protecteur . A contrario, Blacksad semble mourant . Les bulles qui s'échappent de sa bouche ne sont-elles pas celles du dernier souffle ? Le scénario de Canalès est d'ailleurs fort ambigu, presque fantastique, car Blacksad y est sauvé miraculeusement par un inconnu. Bon, d'un autre côté, tout chat ayant neuf vies, il ne risquait pas grand chose !
L'avers (le face) et le revers (le pile) d'une pièce contrastent, l'un avec son effigie et l'autre avec la valeur faciale. Il en est de même pour nos deux illustrations. Autant le bébé semble actif, autant Blacksad est passif. Le premier nage fièrement alors que le second coule inexorablement. Et la surface de l'eau ainsi que les bras du bébé dessinent une horizontale, alors que le corps du détective figure une verticale. On devine la surface, juste au dessus du nourrisson, alors que le chat est dans une eau profonde, comme en témoigne la couleur bleu nuit utilisée. De même le bébé est nu alors que Blacksad porte son costume. Enfin, la pochette du disque intègre un billet (une dénonciation de la société de consommation ?), alors que la couverture de la BD ne représente que le héros.
Un autre point commun de ces deux dessins, peut être moins évident, ou plus tiré par les cheveux ( ), réside dans la musique. Côté pile, la pochette de Nevermind cache des chansons punk rock, fortes et violentes dont la plus célèbre est Smells Like Teen Spirit. Les guitares électriques saturent nos oreilles de leur désespoir, et la batterie pulse comme le cœur. La voix de Kurt Cobain est extraterrestre, et hurle des paroles mystérieuses, dont voici quelques-unes. Load up on guns, bring your friends Charge tes flingues et amène tes amis It's fun to lose and to pretend C'est marrant de perdre et de faire semblant She's overbored and self-assured Elle s'ennuie à mort et a confiance en elle Oh no, I know, a dirty word Oh non, je connais un gros mot (Refrain) Hello, hello, hello, how low ? Salut, salut, salut, à quel point es-tu mal?
Côté face, L'enfer, le silence se déroule à La Nouvelle Orléans. Et on pense au jazz. D'autant plus qu'un des personnages, Sebastian, est un brillant pianiste. Et du coup, les images tutélaires de Louis Amstrong et de Thelonious Monk émergent. Commençons d'abord par le grand Louis, dont voici une vidéo. Sa trompette y est charmeuse, et se marie parfaitement avec la voix de Billie Holiday. La guitare et les percussions les accompagnent, en sonnant tout doucement le tempo. Côté pile, Kurt Cobain. Côté face Billie Holiday. Et pourtant de la musique dans les deux cas.
Regardons maintenant du côté de Thelonious Monk. En 1969, il a improvisé un extraordinaire solo de piano sur la mélodie de la célèbre chanson Don't Blame Me (1932). Les paroles de cette chanson se calquent d'ailleurs parfaitement sur le scénario de Canalès, car Sebastian y est écrasé par la culpabilité. En tout cas, voici la vidéo et un extrait des paroles.
Can't sleeping Je ne peux dormir Keep awaking Je reste éveillé Without the woman next to me Sans la femme à mes côtés
Guilt is burning La culpabilité me consume Inside I'm hurting J'ai mal en dedans Insane a feeling I can't keep Insensé, un sentiment que je ne peux garder
(Chorus:) So blame it on the night Alors blâme la nuit Don't blame it on me Ne me blâme pas Don't blame it on me Ne me blâme pas Blame it on the night Blâme la nuit Don't blame it on me Ne me blâme pas moi Don't blame it on me Ne me blâme pas moi
Voilà, voili, voilou. J'espère que ces mises en rapport vous ont plus. En tout cas, j'adore la couverture de L'enfer, le silence.
Nombre de messages : 38457 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Belle analyse.
Et merci pour Louis Armstrong et Theolonius Monk !
Je ne suis pas un grand fan de Blacksad (ni de Nirvana d'ailleurs) mais je me souviens bien du bleu perçant de cette couverture, lorsque l'album est paru. C'était assez spectaculaire, et on ne voyait plus que cette BD (que je n'ai pas achetée, néanmoins ... mais c'est un autre problème) sur les rayons.
Peut-on faire un meilleur compliment ?
Sinon ... j'espère que tu as quand même pu manger ton dessert.
Nombre de messages : 2298 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonjour
Je vous propose d’embarquer pour l'Ile noire.
Cette aventure de Tintin va bénéficier de quatre couvertures. Voici tout d'abord celles du Petit Vingtième de janvier 1938, puis celle de l’édition Casterman de 1966.
Les deux couvertures sont construites de manière identique : une marine, coupée en deux, entre le ciel et la mer, pour mieux générer la sensation d'isolement. La mer verte en 1938 est devenue bleue en 1966. Que fait Nicolas Hulot ?! Plus sérieusement, Josette Baujot, la coloriste du studio Hergé, a manifestement repris le sujet d'une main de maitre. Dans les deux cas, le ciel est coloré par le soleil levant. Il est rouge et blanc en 1938, jaune violacé en 1966. Manifestement Tintin s'est levé très tôt ! La ligne d'horizon est plus basse dans la couverture du Petit Vingtième ce qui fait porter le regard vers Tintin. A contrario, la forteresse émerge davantage dans l'édition de 1966. Une diagonale traverse les deux illustrations. Elle est matérialisée par le canot et la forteresse. Et les vagues à l'arrière de l'esquif génèrent une sensation de mouvement en direction du château. Le ciel de 1966 est tourmenté, des nuages dessinent des draperies pointant elles aussi sur le château. En 1966, des oiseaux volent dans le ciel. Hergé eut pu recourir à des mouettes blanches, comme le fera Disney dans Peter Pan où les oiseaux survolent le rocher du crâne. Mais le choix de pétrels ou de cormorans (?), aux plumages noirs, est plus habile, bien plus en adéquation avec la volonté de distiller une sourde angoisse. Clairement, la couverture de 1966 est plus inquiétante que celle de 1938. Ainsi, Milou nous regarde avec un air craintif, effrayé... Tintin est debout, prêt au combat. A contrario, la couverture de 1938 est plus sereine. Aucune peur ne vient troubler chez Tintin et son compagnon. Le dessin figure deux explorateurs. D'ailleurs, le reporter est habillé dans un costume traditionnel écossais, ce qui renforce l'authenticité de la scène. Dans les deux couvertures, le reporter regarde vers l'ile, attirant ainsi notre regard dans cette direction. Mais que se passe-t-il donc là-bas ? Cacher le visage de Tintin est aussi un trait de génie. Quelle expression traverse sa face ? A-t-il les sourcils froncés ? Les traits tendus ? Le reporter rejoint ainsi le club très fermé des grands héros vus de dos. On pense à M.Brun, dans la partie de cartes de Marcel Pagnol. Franquin reprendra l'idée dans QRN sur Bretzelburg, avec une image du général Schmetterling que Gotlib jugera comme une des plus belles de la BD.
Beaucoup a été dit sur la source d'inspiration d'Hergé. Personnellement, je pense au Château d'If ou encore au Vieux Château de l'Ile d'Yeu.
Il est amusant de penser qu'Enid Blyton, dans sa série fétiche du Club des Cinq, a repris l'idée d'un château perdu sur une ile, la fameuse ile de Kernach (Kirrin Island et Kirrin Castle en anglais). Et le premier tome est paru en 1942....
La couverture du premier album Casterman se passe sur terre, et me semble moins forte. Elle s'est agrandie entre la première parution (1938) et la troisième rééditon (octobre 1942). Le dessin est aussi davantage travaillé. Et plusieurs couleurs teintent désormais le kilt qui en devient plus authentique, plus écossais oserais-je dire ! Tintin marche d'un pas martial vers le château. Hergé choisit ici un moment postérieur : Tintin a débarqué sur l'ile et va bientôt être confronté à son mystère ! Milou, inquiet en 1938, sourit en 1942. L'horreur de King Kong s'est éloignée. Peut être faut-il y voir une référence historique ? 1938 incarne la marche vers la guerre. Alors qu'en octobre 1942, la puissance nazie bloque face à l'armée rouge. Les couleurs sont aussi moins contrastées, avec une dominante marron jaune qui supprime tout relief et rend l'image un peu terne. Les oiseaux font leur apparition, 20 ans avant qu'Hitchcock ne les utilisent aussi comme vecteur d'angoisse (1963 pour la sortie dans les salles). La couverture est orientée horizontalement, de la gauche vers la droite. Et les lignes de fuites des roches pointent vers la château. Les diagonales du Petit Vingtième et de l'édition de 1966 me semblent plus aériennes, plus dynamiques.
J'ai été très heureuse de partager avec vous cette plongée dans la fille de Skull Island Bonne journée
Nombre de messages : 38457 Age : 70 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Belle analyse !
Si j'ai bien compris, la couverture de l'album de 1966 est la plus réussie.
Je suis au fond assez d'accord, quand on constate le dynamisme de cette image, qui n'existe presque pas dans la couverture du Petit Vingtième. Les couleurs sont également plus travaillées (et plus réussies) dans l'album 1966 que dans l'édition d'octobre 1942. Par contre, le dessin multiplie les détails (les petites vagues sur la mer, par exemple) qui ne sont pas forcément nécessaires, mais cette remarque concerne surtout le travail de Bob de Moor.
C'est en tout cas une bonne idée de faire l'historique d'une couverture, pour constater qu'Hergé revient finalement à son idée de départ.
Nombre de messages : 2510 Age : 62 Localisation : Lyon Date d'inscription : 13/07/2014
J'aime beaucoup la couverture 1966 car, Outre qu'elle est celle que j'ai connu dans mon enfance, elle propose une évocation du ciel de fin de journée typique de la ligne claire d'Hergé tout comme de Jacobs dans l'oeuvre duquel on trouve souvent ce genre de ciel.