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Richard Corben génie de la couleur

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101Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Empty RETOUR A L'HORREUR Mer 24 Fév - 21:05

Raymond

Raymond
Admin

C'est en 2006 que les éditions Marvel lancèrent le comic book "Edgar Alan Poe's Haunt of Horror", qui se distinguait en particulier par son choix du noir et blanc. Uniquement dessiné par Richard Corben, ce titre confrontait intelligemment les textes de Poe avec leurs adaptations en BD. Cette mini-série eut droit à 3 numéros et chacun d'entre eux contenait des adaptations tout à fait remarquables. Elle fût suivie en 2008 par "H. P. Lovecraft's Haunt on Horror" dont les comics étaient construits selon le même modèle, et qui reprenaient des récits de cet autre grand écrivain. Ces publications très soignées ramenaient en fait Richard Corben à ses auteurs favoris et ce fût une période très brillante.

Privilégiant indiscutablement la qualité, ces deux séries (intitulées en français l'Antre de l'horreur) se distinguaient par leur graphisme éblouissant et par une utilisation ingénieuse des possibilités de l'ordinateur. Dans un  premier temps, seuls les récits d'Edgar Poe furent publiés en France dans un album Panini (en 2007), et il fallut attendre l'année 2019 pour découvrir les adaptations de Lovecraft dans notre langue, dans un album grand format qui regroupait les deux mini-séries. Cet album géant est à mon avis un des plus beaux opus francophones de Richard Corben.

Mais prenons un exemple ! Voici la deuxième page d'un récit d'Edgar Poe intitulé Le Lac, dont le texte a été adapté par Rich Margopoulos. Cette planche attire d'emblée le regard grâce au bel équilibre qui existe entre les matières sombres et les espaces de lumière, et aussi à la voluptueuse finesse du modelé des deux corps étendus sur le lit. On se doute que les possibilités de l'ordinateur ont joué un grand rôle pour obtenir un tel résultat mais, comme d'habitude, Corben a mélangé les techniques et il n'est pas facile de comprendre ce qu'il a fait.  Wink  


Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Marvel16

La découverte des planches originales qui ont été montrées à Angoulême permet de mieux saisir les différentes étapes du travail graphique. C'est ainsi que la première page de La Lampe (un récit de Lovecraft) se présente ainsi avant qu'elle ne soit travaillée à l'ordinateur. Pour des raisons techniques (et surtout pour une meilleure visibilité des détails), je ne vous montre ici que le dernier strip  de cette page.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Marvel19

On remarque dans cette première image un travail à l'encre qui est déjà très poussé. Selon les commentaires qui accompagnaient cette planche, cet encrage a été fait au feutre et au marqueur, mais il s'y ajoute des rehauts de gouache blanche pour mieux souligner les contrastes. Ce travail très fin pourrait tout à fait être définitif, mais Corben n'en était pas satisfait. Et dans l'album, on découvre une image bien différente que je vous la montre ci-dessous.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Marvel20

Le dessinateur a en effet ajouté de belles teintes grises ainsi que d'étonnants dégradés. L'image acquiert ainsi de nouvelles nuances, parfois plus inquiétantes, et on peut  dire que Corben a utilisé le gris comme une couleur. Ces beaux modelés de gris sont en fait une caractéristique que l'on retrouve dans toutes les planches de l'Antre de l'Horreur, et ils sont souvent somptueux.

Nous reviendrons donc demain sur ces belles adaptations des récits d'Edgar Poe. Et pour l'occasion je vous montrerai (à nouveau en entier) la deuxième BD du Corbeau qui a été réalisée par Richard Corben. J'espère que vous allez l'apprécier.   Very Happy



Dernière édition par Raymond le Lun 8 Mar - 18:16, édité 1 fois


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Raymond

Raymond
Admin

Regardons maintenant en détail cette deuxième version du Corbeau qui date de 2007.   Very Happy

La première planche de ce "Corbeau" est au fond assez proche de celle de 1974. On y retrouve une maison de campagne assez isolée au milieu d'une nature enneigée, avec des effets de lumière qui lui donnent un aspect lugubre. L'utilisation du noir et blanc en lieu et place de la couleur renforce cependant l'aspect inquiétant de cette image et le texte évoque déjà le bruit que fait le corbeau (tap tap tap).


Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-10

Le poème d'Edgar Poe a été un peu adapté par Rich Margopoulos mais le début du scénario reste tout de même très fidèle au texte original. On y retrouve donc le buste de Pallas et la mélancolie du personnage principal qui se sent horriblement hanté par le souvenir de Lenore, l'amante décédée. Il entend toutefois un bruit et essaie de comprendre ce qui se passe. La scène est plutôt morose mais le travail de Corben donne tout de même aux images un aspect assez moelleux, grâce à des effets de lumière sophistiqués dans la pièce et au magnifique modelé des gris sur le buste.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-11

Le travail esthétique de Corben se poursuit dans la troisième planche, qui introduit un moment d'attente plus important que dans la première adaptation. Le "tap tap tap" est omniprésent et le personnage s'interroge, en se promenant dans la pièce où les ombres deviennent inquiétantes. Le scénariste accentue ainsi la tension de son récit mais ceci n'empêche pas le dessinateur de soigner ses ombres. La beauté de la page devient alors presque plus importante que l'horreur du récit.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-12

La suite sera pour demain !   Very Happy


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Raymond

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La page 4 nous introduit dans le vif du sujet. Le corbeau entre dans la pièce et s'installe sur le buste de Pallas ! Un singulier dialogue s'engage, l'oiseau noir se contentant à chaque fois de répondre "Jamais plus" aux interpellations du personnage principal. Mais le scénariste a d'autres intentions pour la suite du récit et cette scène ne va pas se prolonger indéfiniment, comme vous le verrez. Corben la décore de teintes très sombres afin de créer une ambiance de cauchemar, et même les rares traits de lumière viennent amplifier certaines ombres inquiétantes.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-13

Le chagrin peut être très beau, tout comme l'obscurité d'ailleurs ! Et tandis que le personnage tombe dans le désespoir en évoquant ses souvenirs de Lénore, Corben promène sa caméra dans la pièce en alternant des gros plans et des vues générales qui donnent le vertige. Il avait déjà procédé ainsi dans sa première adaptation et le lecteur ne peut qu'admirer l'esthétique de certaines images, que les effets de lumière (ou de ténèbres) viennent presque toujours renforcer.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-14

La page 6 s'écarte manifestement du poème de Poe car les auteurs nous emmènent progressivement vers le passé. Des jets de lumière viennent éclairer la pièce tandis que le personnage commence à contempler un petit tableau. On ne voit pas de corbeau et l'intérêt principal se focalise sur le lumineux portrait de Lénore situé à la fin la planche. Allons-nous en savoir un peu plus sur elle ?

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-15

Vous découvrirez la conclusion demain !   Very Happy


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Avec sa blancheur éclatante, la page 7 offre un contraste saisissant avec les planches précédentes. Le personnage revit maintenant son passé et le scénariste introduit avec audace sa propre histoire dans le poème d'Edgar Poe. Quelques masses sombres restent toujours présentes, telles que le revolver qui annonce le drame final ou que la dernière case qui confirme la présence obsédante du corbeau. Ce n'est bien sûr qu'un petit moment de pause, très beau à regarder, avant le dénouement du récit qui va (à la surprise du lecteur) complètement échapper à l'idée originale du poète.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-16

Rich Margopoulos essaie en fait de mieux expliquer le désespoir du personnage principal. Si Lénore est décédée, ce n'est pas à cause d'une maladie ou d'un coup du sort, mais bien par sa propre faute. L'alcool et la violence humaine font leur apparition, accompagnés une "chose horrible" sans nom précis, et ce poème de l'horreur devient tout à coup une histoire humaine presque ordinaire. Le buste de Pallas se transforme en un masque de mort qui annonce la dernière planche, et l'on entend pour la dernière fois un "jamais plus" qui va prendre une autre signification.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-17

Un premier coup de feu (contre le corbeau) renverse l'armoire du fond de la pièce où se trouvait le cadavre de la femme assassinée, et la "chose horrible" se concrétise. L'enfer que vivait le personnage provenait surtout de la honte et du remord et le "jamais plus" du corbeau trouve cette fois une explication précise mais ... elle est à mon avis presque décevante. Elle ne manque en revanche pas d'ironie et c'est peut-être ainsi qu'il faut comprendre le coup de feu final, comme un geste suicidaire assez terre à terre, qui transforme un suspense fantastique en un simple drame quotidien.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar-18

Il est possible que certains d'entre vous n'apprécient pas cette interprétation toute personnelle du Corbeau, et je reconnais d'ailleurs préférer moi aussi la première version dessinée par Corben, mais cette "variante" ne manque  pas d'un certain charme (que je trouve ironique). Et puis, la beauté des planches et la technique très différente du dessin justifient à elles seule cette magnifique reprise du poème, qui est à la fois originale et légèrement transgressive. Le dessinateur n'aura au fond jamais fini de nous étonner.   Very Happy


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105Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Empty RETOUR A L'HORREUR Dim 28 Fév - 15:56

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C'est en 2008 également que parut chez l'éditeur Dark Horse l'aventure de Conan intitulée Cimmeria. Dessinée en duo avec l'argentin Thomas Giorello, cette BD épique était pour Corben l'occasion de retrouver le monde simple de l'heroic fantasy. Cette histoire se répartissait en fait sur sept comic-books et le dessinateur principal en était surtout Giorello, Corben ayant uniquement pour tâche d'illustrer les aventures du grand-père de Conan, qui s'intercalaient tels des flash-backs au milieu du récit principal ! Les bords de la page se coloraient alors d'une élégante teinte pourpre et le contraste des deux styles graphiques étaient assez plaisant, Giorello s'exprimant dans un registre assez réaliste et riche en gros plans tandis que Corben multipliait les cadrages baroques, les ombrages spectaculaires et les effets de mise en page.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Conan-15


Quelques planches de "Cimmeria" ont été exposées à Angoulême en 2018 et on y retrouvait avantageusement les beaux contrastes en noir et blanc tout à fait typiques des années 2000,  qui illustraient à merveille les combats et les scènes d'action du héros barbare. Le dynamisme des images démontrait par ailleurs que le dessinateur avait gardé toute sa puissance narrative et une belle liberté artistique, et on pouvait donc regretter que Corben n'ait pas dessiné une aventure de Conan toute entière.


Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Conan-16

Cette histoire est aussi parue en France en 2009 mais elle y est restée relativement inaperçue. Ce n'est que bien plus tard que je l'ai découverte, grâce surtout au site MuutaNet, et j'ai alors constaté avec dépit les prix incroyablement spéculatifs qui s'attachaient à l'album "Cimmeria". Puis récemment, en parcourant ce livre, j'y ai découvert une BD d'une qualité très honnête, bien construite et agréable à lire, mais sans plus. Corben a dessiné beaucoup mieux avant et après ce "Conan", mais il a tout de même dû éprouver un net plaisir en illustrant une nouvelle fois un récit de Robert Howard, qui est un de ses écrivains fétiches.



Dernière édition par Raymond le Lun 8 Mar - 18:17, édité 1 fois


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106Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Empty RETOUR A L'HORREUR Mer 3 Mar - 17:09

Raymond

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Parmi les travaux de commande exécutés par Corben pendant ces "années Dark Horse", il n'y eut certes pas que du Conan. C'est ainsi qu'il entra en contact au début des années 2000 avec le fameux dessinateur Mike Mignola, et que ce dernier lui demanda de dessiner quelques épisodes de sa série Hellboy. Rappelons que ce personnage était à l'origine un enfant de l'enfer, né d'une union entre un démon et d'une femme humaine, et que cette origine surnaturelle le rendait presque indestructible. Héros de plusieurs titres de comics books publiés chez Dark Horse et vivant dans l'Amérique du XXème siècle, Hellboy passait en fait son temps à lutter contre des monstres et des créatures bizarres. Les phénomènes paranormaux et les scènes d'horreur étaient très fréquents dans la série et cette perspective ne pouvait bien sûr qu'enchanter Richard Corben, qui dessina une dizaine d'aventures de ce personnage entre 2006 et 2012.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Hellbo10

Toutes ces BD furent traduites en français dans divers albums "Hellboy" ou "B.P.R.D.", publiés par Delcourt, et pendant une dizaines d'années, les collectionneurs exhaustifs de Corben durent patiemment fouiner au milieu de cette abondante production pour y trouver leur bonheur. Puis l'éditeur fit un beau geste en 2019 en publiant un gros recueil très complet intitulé "Mike Mignola présente Hellboy par Richard Corben". Cette idée toute simple était en fait lumineuse et c'est ainsi que d'autres amateurs (dont je faisais partie) condescendirent pour la première fois de leur vie à acheter un album de Hellboy.   Wink

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb-he10

Autre bande dessinée de commande, provenant cette fois-ci des éditions Marvel, Starr le Tueur était un malicieux comic book d'heroic fantasy scénarisé par Daniel Way. Ce récit un peu sophistiqué était raconté sur deux niveaux, avec d'une part un romancier populaire (nommé Len Carson) qui habitait dans notre monde et qui imaginait les exploits d'un guerrier nommé Starr, et d'autre part les errances du héros barbare qui survivait difficilement dans un monde brutal et souvent ensorcelé. Au début du scénario, l'écrivain était brutalement téléporté dans les périlleuses terres de Zardath où vivait Starr le tueur, et il en résultait un récit violent et ironique, aussi jovial qu'imprévisible, qui assumait sans aucun complexe son irréalisme total et ses idées politiquement incorrectes. 

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Marvel22

Starr le Tueur était ainsi un comic-book assez typique de la Marvel, à la fois ludique et un peu décérébré, que l'on avait (tout de même) un certain plaisir à lire sans arrière pensée. Il ne faut pas toujours dire du mal des travaux de commande.  Cool

Et c'est avec cette féroce parodie que se terminèrent en 2009 les relations de Richard Corben avec les grands éditeurs. Ses comic books ultérieurs redevinrent progressivement des projets plus personnels, toujours publiés chez Dark Horse. En fait, plus rien n'allait désormais l'empêcher de dessiner les histoires dont il avait envie.


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Corben dessina ainsi pendant deux à trois ans des histoires de Hellboy, avant de s'atteler à un nouveau projet qui s'intitulait Ragemoor. 

Au départ, il n'y avait rien de plus que l'envie de dessiner une petite histoire en hommage à Edgar Poe, en reprenant un peu le thème de la "Chute de la Maison Usher". Désireux de bien faire les choses, Corben se tourna alors vers son vieux complice Jan Strnad pour avoir un bon scénario, mais ce dernier ne voulait pas se contenter d'une frustrante histoire de 8 à 10 pages. Il demandait que le récit occupe la totalité d'un comic book et Corben accepta assez volontiers cette exigence. Les deux compères allèrent ensuite voir leur éditeur mais celui-ci avait encore une autre idée, celle d'un véritable graphic novel qui soit d'abord prépublié dans une mini-série de comic book. Ragemoor devint donc un gros livre et c'est ainsi que Corben fût presque involontairement ramené vers la création d'œuvres plus volumineuses.

Ragemoor était en fait le nom d'un vieux château maléfique, construit à une époque préhistorique et habité par de mystérieux démons. Plus qu'à Edgar Poe, le scénario de Strnad faisait très fortement penser aux horreurs indéfinissables que l'on trouve dans les nouvelles d'H.P. Lovecraft, et le roman graphique racontait de manière implacable la lente découverte des mystères de Ragemoor par le jeune Herbert. A cause de ses imprudences, ce dernier se retrouvait peu à peu prisonnier d'un enfer innommable et la conclusion était bien sûr particulièrement horrible.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Ragemo10

Précédé d'importants travaux préparatoires, comportant la construction de modèles 3D à l'ordinateur et de statuettes en terre cuite, le dessin de Ragemoor se distinguait par son style plutôt épais et caricatural. Contrairement à ce qui avait été fait pour l'Antre de l'Horreur", cette BD en noir et blanc utilisait très peu les dégradés et on y découvrait surtout de gros aplats de gris plus ou moins sombres. Il en résultait un aspect graphique un peu massif, mais au fond très efficace pour un récit fantastique.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Ragemo11

Et puis bien sûr, il y avait des monstres, et des babouins aux physionomies inquiétantes, qui occupaient une place prépondérante dans ce récit un peu halluciné. Corben n'épargnait pas les lecteurs car Ragemoor proposait quelques unes des scènes les plus horribles qu'il ait jamais dessiné. Il y avait en fait bien peu d'humour dans cette lente escalade vers l'horreur mais ... sait-on jamais, avec Richard Corben ?

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Ragemo12

Ragemoor signait en tout cas le retour définitif de Richard Corben vers la BD d'horreur. Ce n'était pas un chef d'œuvre, certes, mais on pouvait admettre que c'était un artisanat de bonne qualité. Désormais, Corben était devenu le vieil homme qui prend plaisir à faire frissonner, et il n'allait plus quitter ce rôle.


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108Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Empty RETOUR A L'HORREUR Ven 5 Mar - 16:47

Raymond

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Ce "graphic novel" un peu lourd avait toutefois relancé l'intérêt de Corben pour la production indépendante, et ce dernier décida d'illustrer à nouveau des contes et des poèmes d'Edgar Poe. Ces récits faisaient le plus souvent 8 à 10 pages (ce fût bien sûr plus long pour "la Chute de la Maison Usher") et il parurent pendant deux ans dans le comic book "Dark Horse presents", avant d'être réunis dans l'album "Edgar Allan Poe’s Spirits of the Dead" en 2014. La traduction française, intitulée Esprits des Morts & autres récits d'Edgar Allan Poe, parut l'année suivante.

Contrairement à Ragemoor, ces nouveaux contes d'Edgar Poe évitaient toute surenchère dans l'horreur et le sanguinaire. L'album était d'ailleurs introduit par une petite interview de Corben qui expliquait très bien ses intentions. Selon lui : "mes adaptations ne sont que l'interprétation des visions suggérées par Poe dans ses textes et ses poèmes. On ne peut même pas les considérer comme des mises en images de ses texte. Mes adaptations sont la formalisation de mes propres pensées telles qu'elles sont inspirées par les créations de Poe. Cette approche permet une multitude de variations pour chacun des thèmes qu'il aborde, et aucune ne peut être considérée comme une vraie adaptation." Et c'est ainsi que Richard Corben affirmait le caractère un peu versatile de ses petites BD qui s'inspiraient de l'humeur du moment. Ses œuvres ne prétendaient plus être magistrales, et dépendaient surtout du plaisir que devait éprouver l'auteur en les dessinant !

Cette liberté se manifestait tout d'abord dans la présentation des récits ! Comme dans les vieux récits d'horreur des journaux Warren, un personnage borgne et un peu grotesque lançait quelques commentaires ironiques avant que l'histoire ne soit véritablement lancée. Le ton était ainsi bien plus léger et le dessinateur ne se fixait pas d'objectif exagéré. Chaque conte visait le simple divertissement du lecteur ... ce qui n'empêchait pas les dénouements d'être parfois horribles.   Wink

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Esprit13

Les couleurs équilibrées et même assez gracieuses réalisées par Beth Corben Reed (la fille de Richard) participaient beaucoup à cette ambiance que l'on pouvait considérer comme décontractée et légèrement complice. Si "Ragemoor" s'était un peu présenté comme l'album de la surenchère, "Esprits des Morts" s'apparentait plutôt au plaisir de la litote. L'album se lisait ainsi avec plaisir (voir même avec le sourire) car tout ce qui arrivait aux personnages n'était pas très grave, mais l'œuvre devenait elle aussi (hélas) de moindre importance.   

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Esprit14

C'était ainsi un album séduisant mais ... il lui manquait parfois un peu de venin, et les images parfois monstrueuses qui terminaient souvent les histoires ne parvenaient pas à réellement pimenter cette ambiance. Et quand on retrouvait une histoire déjà dessinée autrefois par Corben, comme par exemple "le Corbeau", on ne pouvait s'empêcher que c'était très bien, certes, mais ... pas aussi bien qu'auparavant ! Je ne vous montrerai donc pas en entier la troisième version de ce Corbeau qui est très élégante, mais qui pourrait souffrir d'une comparaison avec les BD antérieures.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Esprit15

Et au total, c'était un bien bel album de Corben, mais le dessinateur semblait avoir un peu perdu sa force de percussion. Serait-ce la sagesse de l'âge ? Ou l'envie de se laisser aller avec bonheur à ses envies du moment ? On peut interpréter cette légèreté de différentes façons, mais l'album était bel et bien un peu léger.

Quand j'y pense. il est vrai également que Corben était devenu un monsieur de 70 ans, et qu'il vivait paisiblement sa dernière décennie. L'envie de dessiner était toujours là, mais il n'avait plus de souci de carrière.



Dernière édition par Raymond le Lun 8 Mar - 18:17, édité 1 fois


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Et pendant la décennie qui suivit, l'auteur garda cette agréable liberté de faire ce qui lui plaisait.

Après son livre consacré à Edgar Poe, Richard Corben enchaîna l'année suivante avec un graphic novel scénarisé par lui-même (pour la première fois depuis les années 80) qui s'intitulait Ratgod. Il s'agissait d'un roman fantastique à la fois original et intriguant, qui explorait longuement les mystères de l'Amérique contemporaine avant de se terminer par un classique dénouement d'horreur. On y retrouvait par ailleurs le dessin caricatural et cerné d'un trait épais déjà vu dans l'album précédent, ainsi que les couleurs fraiches et parfois veloutées de Beth Corben Reed qui adoucissaient l'ambiance d'une aventure plutôt morbide. Il en résultait finalement une BD d'un excellent niveau, pas réellement innovante dans son contenu mais qui permettait au lecteur de retrouver de belles séquences d'images, tout à fait typiques de l'art de Corben.


Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Rtagod10

En 2016, l'auteur lança ensuite le comic book "Shadows on the Grave" qui cherchait à retrouver le charme des vieux récits d'horreur des "EC Comics". Pour cette raison, toutes les BD y étaient publiées en noir et blanc tandis que les intrigues (écrites en majorité par Corben lui-même) se déroulaient uniquement dans l'Amérique des années 50. Elles furent rassemblées dans un épais bouquin de 200 pages (intitulé simplement "Grave" en français), où l'on retrouvait bien sûr la veine satirique du dessinateur (qui commentait ironiquement des situations épouvantables) mais aussi l'efficacité séduisante et implacable de ces "comics" condensés en 8 pages. La technique graphique y était assez variable, mais elle utilisait toujours aussi intelligemment les possibilités des outils numériques pour intensifier les ambiances.


Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Grave-11

Dans le même comic book ("Shadows" on the grave bien sûr)), Corben publia aussi un récit à suivre de 76 pages qui se passait dans le monde de la Grèce antique. Cette BD s'intitulait Denaeus et l'auteur y voyait à la fois une parodie des tragédies grecques et une manière de renouer avec la BD épique du genre "Den". Ce petit récit "mythologique" ne manquait en fait pas de charme, même si les apparitions successives d'une sorcière sans yeux puis d'un cyclope monstrueux et rugissant lui donnaient une indéniable ambiance d'horreur. Le dessin de Corben réussissait sinon facilement à donner vie à ce monde antique, sans chercher à en faire une reconstitution précise, et Denaeus devenait ainsi "une bonne BD de plus" au sein de l'œuvre maintenant pléthorique du dessinateur.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Denaeu10

Remarquons au passage que Richard Corben n'était plus à ce moment-là une vedette de la BD, mais qu'il avait toujours de nombreux lecteurs fidèles qui lui permettaient de publier et de travailler. Les choses auraient pu continuer ainsi jusqu'à la fin ...  mais il y eut un événement imprévu !  Wink



Dernière édition par Raymond le Ven 12 Mar - 15:31, édité 1 fois


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110Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Empty RETOUR A L'HORREUR Lun 8 Mar - 9:43

Raymond

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En 2018, il y eut en effet un véritable coup de tonnerre à Angoulême.    icon_surprised

Ce festival désigne chaque année un auteur important comme lauréat du Grand Prix, qui est sensé couronner le travail de toute une carrière. Trois dessinateurs étaient présélectionnés cette année-là : Emmanuel Guibert, Chris Ware et Richard Corben. Les deux premiers noms semblaient s'imposer tout naturellement en raison de leur carrière exigeante, de leur prestige culturel et des BD très sérieuses qu'ils avaient publiées.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Grand-20

Mais voilà, le lauréat du Grand Prix était désigné par les auteurs de BD eux-mêmes, et Richard Corben restait très apprécié par ses pairs. Et à la surprise générale, ce fût ainsi le vieux dessinateur à moitié oublié qui remporta la palme.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Grand-21

J'étais pour ma part très surpris car Corben traînait derrière lui une sorte de réprobation silencieuse, Il avait au minimum la réputation de se complaire dans la BD de genre, ce qui était considéré comme peu culturel et pas très sérieux. Mais il était vrai aussi que les choix d'Angoulême surprenaient souvent le grand public, et que les dessinateurs élus n'étaient jamais négligeables.

Une vidéo a filmé Richard Corben cette année-là, tandis qu'il remerciait le jury d'Angoulême ainsi que tout ceux qui l'ont aidé dans sa carrière.



Son attitude affichait une belle sérénité.   Cool


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Et tout naturellement après le Grand Prix, le festival d'Angoulême organisa en janvier 2019 une grande exposition dédiée à Richard Corben. Ce dernier dessina l'affiche l'affiche du festival.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Affich29

L'exposition proposait une somptueuse rétrospective de toute la carrière de Corben, en montrant uniquement des planches originales qui avaient été difficilement réunies grâce à des prêts provenant de nombreux collectionneurs privés. C'était donc un événement réellement unique !

Un petit reportage filmé a saisi cet événement sur le vif et on le trouve facilement sur YouTube. Vous pouvez le voir ci-dessous.




Donner corps à l'imaginaire, tel était le nom de l'expo et ce fût aussi le titre du magnifique catalogue qui l'accompagnait. Cet ouvrage fût hélas épuisé dès la fin du festival et il est malheureusement probable qu'il ne sera pas réédité. On le trouve encore à vendre sur le WEB, mais à des prix de fou, comme d'habitude.   Rolling Eyes


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Mais le plus important, c'est qu'avec cet événement, l'artiste oublié était presque devenu une institution. C'était un juste retour des choses.  Cool


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Après l'attribution du Grand Prix d'Angoulême à Richard Corben, plusieurs nouveaux albums apparurent bien sûr en libraire en 2018 et 2019. C'était généralement des rééditions, ou alors des traductions d'anciennes œuvres restées inconnues en France (comme "Starr le tueur"), et c'est seulement en 2020 que fût publiée une véritable nouveauté. Elle s'intitulait Murky World et j'en ai déjà un peu parlé lors de sa sortie (message N° 29 de ce sujet).

Au fond, il n'y a pas grand chose à ajouter par rapport à ce que j'écrivais en novembre 2020. Murky World était un intelligent retour à l'heroic fantasy, avec un récit qui présentait une sorte de "Den parodique" nommé Tugat, portant une barbe grise et vivant une impitoyable succession d'échecs et de mésaventures dans un monde féroce et plein de surprises. L'humour de l'histoire était évident et l'auteur éprouvait un plaisir manifeste à malmener son personnage musclé, qui était certainement plus doué pour les combats que pour la réflexion intellectuelle. Le dessin esquissait par ailleurs un étonnant retour vers un trait plus fin et plus souple, accompagné de couleurs tout à fait somptueuses réalisées bien sûr par Beth Corben Reed, et de nombreuses planches étaient réellement remarquables.


Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Murky-13

Et finalement, ce qui distinguait le mieux ces "albums de la dernière période", c'était bien cet humour sardonique et imprévisible qui plaçait le lecteur à une certaine distance de son héros. Tugat vivait des aventures extraordinaires, certes, mais tout cela n'était pas vraiment sérieux et il fallait plutôt en rire. "Vanité des vanités" aurait pu s'exclamer l'Ecclésiaste, toutes ces aventures n'étant effectivement guidées que par la stupidité du héros principal, et la conclusion de cette longue aventure revenait à la vieille sorcière Mag, qui constatait que ce "pauvre couillon" aurait encore besoin d'elle. C'était presque une sentence exemplaire, l'humour finissant ainsi toujours (ou presque) par l'emporter dans l'œuvre de Corben.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Murky-14


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Raymond

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Et avant de conclure, voici un petit panorama des albums des Corben qui correspondent à cette ultime période, celle du retour à Edgar Poe et à Lovecraft.

Cela commence avec l'Antre de l'Horreur qui a connu deux éditions. La seconde (parue en 2019) est déjà devenue un collector assez coûteux et le petit album de départ (consacré uniquement à Edgar Poe) est à mon avis suffisant pour les simples amateurs.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb-an10                   Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb-an11

Il y a ensuite les dernières histoires d'heroic fantasy ainsi que Hellboy, des BD qui étaient plus ou moins sérieuses.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb-co10                    Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb-st10                          Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb-he11

Et puis il y a les histoires d'horreur, dans des genres divers.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb_ra10                        Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb-es10                       Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb-ra10

Grave et Denaeus ont été rassemblés en un seul livre et curieusement placés dans une disposition tête-bêche.

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Et enfin Murky World, le dernier album de Richard Corben publié jusqu'à ce jour.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Alb_mu10


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Raymond

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Et maintenant ... Richard Corben est mort ! Que peut-on encore attendre ?
 
Dans un premier temps, on peut certainement espérer la publication de Dimwood, une BD qui est semble t-il achevée et dont la parution était espérée pour l'année 2021. MuutaNet en a d'ailleurs montré quelques images sur son site.
 
Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Dimwoo12
 
Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Dimwoo13
 
Et puis peut-être que les "grands classiques" du dessinateur seront eux aussi réédités une fois. J'ai lu quelque part que Corben s'y était opposé mais j'ai un peu de peine à y croire. Après tout, on a bien réédité les vieux récits d'horreur de la Warren sans qu'il y ait un rejet formel de sa part.
 
Il y a bien sûr une question qui vient très vite à l’esprit : y aura-t-il une véritable pérennité de son œuvre ? J'ai tendance à penser que oui, pour autant que la bande dessinée en ait également une, évidemment ! Peut-être le nom de Corben ne restera-t-il connu que par un public confidentiel, amateur par exemple d'horreur, mais la singularité de ses BD va rester encore longtemps un sujet d'interrogation. Après le Grand Prix d'Angoulême, les nouveaux Cahiers de la BD avaient consacré un beau dossier à Richard Corben et c'était déjà un premier signe de reconnaissance de la part des critiques.
 
Il est temps sinon de terminer cette petite chronique qui n'a pas intéressé grand monde, j'en ai bien l'impression, et qui a suscité très peu d'interventions. Peut-être y avait-il aussi une certaine réprobation cachée, c'est possible, car certaines œuvres de Corben peuvent être choquantes. J'ai pour ma part éprouvé un certain plaisir à exposer devant vous cette longue et originale carrière, ainsi que de mon étrange attirance pour un dessinateur qui est apparu bien souvent comme un marginal.
 
Dans le récent dossier des "Cahiers", Frédéric Poincelet évoquait un "dessin monde", véritable moteur de toute l'activité de Corben, et c'est une belle façon de voir son œuvre. Qu'on le considère comme un artisan ou un artiste, Richard Corben s'est en effet inlassablement appliqué à trouver la meilleure manière de dessiner chacune de ses histoires. Et guidé par cette passion éternellement inassouvie, le dessinateur a travaillé sans s’arrêter jusqu’à sa mort. Bien plus que de pain, d’eau ou d’argent, Corben avait besoin de dessiner.
 
Et aujourd’hui, il me semble que toutes ces BD étrangement morbides et cyniques restent pleines de vie. Ce n’est pas un gag de ma part, mais plutôt une intuition qui m’est lentement venue en relisant toute son œuvre pendant ces dernières semaines, afin de mieux vous en parler et … d’essayer de vous les faire apprécier.
 
Y aurait-il une minime chance que j’y sois arrivé ? Wink


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Raymond

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Je viens de découvrir un autre dessin animé de Richard Corben sur YouTube. Il date de l'année 2000 et s'intitule Bludd.

Sa qualité graphique est supérieure à celle des films d'animation que je vous ai déjà montré. 




C'est à nouveau une histoire fantastique !   Wink


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Godot

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docteur honoris causa
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J'ai longuement hésité avant d'oser publier ce post. Pour le faire, je me suis dit que le but du forum est de partager autant des avis ou des points de vues convergeants que divergeants.

C'est décidé, je me jette à l'eau.

Richard Corben est pour moi un grand inconnu. La première fois que j'ai entendu son nom, c'est en 2018, lorsqu'il a remporté le Grand prix d'Angoulême. Le nom de l'artiste ne me disais absolument rien  Question . Au travers de certains articles que j'ai lu, je comprenais que c'était le maître de l'horreur, de la SF, du fantasy.

Les illustrations ou les planches que je voyais sur le web respectaient les codes du fantasy et de l'horreur mais je ne suis pas vraiment intéressé par ces genres. Ainsi, je ne me suis pas vraiment donné la peine de découvrir Corben. Malgré tout,  j'étais intéressé par le Catalogue d'exposition qui allait paraître, l'année suivante. J'aime enrichir ma culture général en BD et les catalogues sont superbes  pouce

En 2019, le catalogue était déjà en rupture de stock avant la fin de festival. Je ne me suis pas attardé sur lui.

Raymond a écrit: [...]
 
Il est temps sinon de terminer cette petite chronique qui n'a pas intéressé grand monde, j'en ai bien l'impression, et qui a suscité très peu d'interventions. Peut-être y avait-il aussi une certaine réprobation cachée, c'est possible, car certaines œuvres de Corben peuvent être choquantes. J'ai pour ma part éprouvé un certain plaisir à exposer devant vous cette longue et originale carrière, ainsi que de mon étrange attirance pour un dessinateur qui est apparu bien souvent comme un marginal.
 
[...]


Je suis revenu à Corben, lorsque tu as commencé ta présentation fouillée et pertinente. Outre le savoir et les connaissances que tu transmets, j'ai surtout ressentis la passion que tu éprouves pour Corben et que tu voulais partager avec nous. Je me suis donc donné la peine de lire tes posts.

C'est vrai, je ne suis presque pas intervenu. D'une part, parce que je ne connais pas Corben, d'une autre, parce que je n'ai aucun livre de lui, je n'ai trouvé aucun de ses albums en bibliothèque, alors je me contentais de regarder les images que tu publiais.

Mais, pudiquement, je ne suis pas intervenu car j'ai vraiment beaucoup de peine à apprécier le dessin de Corben. Le terme choquant est fort, mais c'est vrai que sa mise en couleur et nombreuses de ses expériences graphiques me troublent. Toutefois, ce n'est pas principalement ce qu'il dessine qui me dérange, mais plutôt comment il le dessine et le met en couleur qui me "repousse".

Raymond a écrit:

Et aujourd’hui, il me semble que toutes ces BD étrangement morbides et cyniques restent pleines de vie. Ce n’est pas un gag de ma part, mais plutôt une intuition qui m’est lentement venue en relisant toute son œuvre pendant ces dernières semaines, afin de mieux vous en parler et … d’essayer de vous les faire apprécier.

Y aurait-il une minime chance que j’y sois arrivé ? Wink

Je ne voulais pas "dévorer" les œuvres de Corben, mais déjà en "déguster" une ou deux. Je ne peux pas exprimer mes ressentis vis-à-vis de ses scénarios, car je n'ai pas lu un album mais je peux parler de son dessin très personnel et particulier.

La semaine dernière, j'ai trouvé en brocante deux albums Den. Je les ai parcourus, j'ai longuement hésité. Je pensais à ton "plaidoyer"...

Embarassed Désolé, je n'ai pas pu. Je les ai reposés Sad

Si l'occasion pour un autre album se présentera, peut être que je serais plus intéressé. Peut être les début de sa période underground, ses albums N&B ? Qui sait ?

Raymond

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Merci de ta franchise !    pouce

Si je comprends bien ton argumentation, ce qui te dérange chez Corben est au fond exactement ce qui me fascine, c'est à dire son goût de l'outrance. En utilisant ce mot, je pense bien sûr à la surenchère dans l'horrible que l'on trouve souvent dans ses scénarios, mais aussi et surtout à la démesure de ses dessins, que ce soit par rapport à leur expressivité ou par rapport aux couleurs. Il y a là bien sûr une question de goût et elle ne se commande pas. Si on ressent spontanément qu'une image n'est pas réussie, il est impossible de se forcer.

J'imagine aussi que l'aspect "gore" (ce mot était d'ailleurs sa première signature  Wink ) peut influencer le jugement de beaucoup de bédéphiles. Tout le monde n'aime pas forcément la BD d'horreur, et Corben se retrouve souvent cantonné dans ce genre assez limité en soi. J'ai essayé de vous montrer qu'il n'a pas dessiné que cela, mais il est clair que la moitié de son œuvre (au moins) est consacré à ce genre histoires que l'on peut ressentir comme répulsives. Curieusement, je ne suis pas un vrai amateur de BD d'horreur et c'est plutôt le "dessin monde" de Corben qui me fascine, que le sujet soit horrible ou pas. J'aime le style du dessinateur, que ce soit en noir et blanc ou en couleurs, et je trouve que son évolution graphique a été fascinante.

Par ailleurs, il est bien évident que l'absence des meilleures BD de Corben en librairie ne facilite pas les choses. Pour acheter un album de Den de nos jours, il faut vraiment y mettre le prix. On ne peut pas faire d'essai à bon marché (en achetant par exemple un album d'occasion) et il faut donc être un véritable fan pour acheter ses livres actuellement.

J'espère en tout cas que l'on rééditera une fois un florilège de ses BD underground. Elles ont une fraîcheur narquoise et une vivacité contestataire qui me plaira toujours. C'est un des fondements de son oeuvre.

Et pour finir, il ne faut pas avoir peur d'écrire que vous n'aimez pas les BD de Corben. Dans le forum d'Alix, temple de la BD franco-belge classique, il aurait au fond été surprenant de trouver beaucoup d'admirateurs de ses BD.   Very Happy


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Godot

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Raymond a écrit:Merci de ta franchise !    pouce

Si je comprends bien ton argumentation, ce qui te dérange chez Corben est au fond exactement ce qui me fascine, c'est à dire son goût de l'outrance. En utilisant ce mot, je pense bien sûr à la surenchère dans l'horrible que l'on trouve souvent dans ses scénarios, mais aussi et surtout à la démesure de ses dessins, que ce soit par rapport à leur expressivité ou par rapport aux couleurs. Il y a là bien sûr une question de goût et elle ne se commande pas. Si on ressent spontanément qu'une image n'est pas réussie, il est impossible de se forcer.

[...]

En effet, Corben utilise la démesure, l'exagération comme moyen d’expression et c'est surtout son audace pour présenter "un chaos" de couleurs qui me "dérange". A mes yeux, de nombreuses fois, Corben utilise un mélange entre un dessin hyperréaliste et un dessin grotesque. C'est extrêmement expressif et très personnel. C'est comme si je ressentais un goût très prononcé, lorsque je contemple certaines de ses planches. Mais, c'est lorsqu'il ajoute à cela sa palette de couleur contrastée et inhabituelles, que c'est trop pour moi. Je suis péjorativement "écœuré". (Un peu comme les plats culinaires que propose Gaston Lagaffe  Wink  Very Happy )

Durant mes premières années de lectures, j'ai plusieurs œuvres qui ont influencé mes goûts pour la BD. (Ce que j'allais aimer et ce que je n'allais pas aimer) J'ai des souvenirs marquants de certaines BDs et je prendrais pour ce sujet comme exemple l'auteur brésilien Macedo Sergio. Je devais avoir autour des 7-9 ans quand j'ai eu entre les mains

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Couv_224Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Couv_426Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Couv_122

La composition des couvertures, de par son dessin et ses couleurs éclatantes me troublait. Je me souviens vaguement avoir parcouru certaines de ces BD mais j'allais m’imprégner de ce style particulier et développer un refoulement, presque un rejet. (Je viens de trouver un exemple de BD que je déteste  Wink)  D'une part pour une bonne partie de la SF et d'une autre pour ce style de dessins réalistes et des couleurs vives, chatoyantes.

Dans la foulée, les codes de la composition de ces couvertures vont me déplaire. (Une petite anecdote, lorsque je regarde la composition de bon nombre de couvertures de Rosinski, je pense à Macedo et c'est pour cela que les couvertures de Rosinski ne me plaisent pas toujours. Je précise que ce ne sont pas les couleurs qu'utilise Rosinski qui m'interpellent, mais la composition du dessin)

Je dois appliquer inconsciemment le "filtre Macedo", lorsque je regarde Corben.  Rolling Eyes

Raymond a écrit:
[...]
Si on ressent spontanément qu'une image n'est pas réussie, il est impossible de se forcer.
[...]

Pour Corben, j'éprouve de la difficulté à entrer dans son monde graphique mais pour moi ces images ne sont pas forcément "pas réussies"

Raymond a écrit:

[...]

Par ailleurs, il est bien évident que l'absence des meilleures BD de Corben en librairie ne facilite pas les choses. Pour acheter un album de Den de nos jours, il faut vraiment y mettre le prix. On ne peut pas faire d'essai à bon marché (en achetant par exemple un album d'occasion) et il faut donc être un véritable fan pour acheter ses livres actuellement.

[...]

Le prix et la rareté freine également mon envie de tenter un achat. J'espère qu'un jour, l'occasion se présentera... en tout cas que je puis en avoir à disposition (prêt par ex)

Raymond a écrit:

[..]
Et pour finir, il ne faut pas avoir peur d'écrire que vous n'aimez pas les BD de Corben. Dans le forum d'Alix, temple de la BD franco-belge classique, il aurait au fond été surprenant de trouver beaucoup d'admirateurs de ses BD.   Very Happy

Je n'y avais jamais pensé, mais c'est vrai que je  suis majoritairement un amateur du franco-belge (Je ne lis presque pas de comics et encore moins de mangas). C'est ce qui m'oblige encore plus à te féliciter d'oser et de te donner de la peine pour partager avec nous quelque chose de si différent. Oui, de si différent de ce que l'on a l'habitude d'aimer et ton sujet m'a intéressé. pouce

Raymond

Raymond
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Macedo ... c'est un dessinateur qui a fait illusion au milieu des années 70, parce qu'il utilisait la technique de l'aérographe qui donnait un peu d'allure à son dessin. En fait, ses images avaient certains défauts et son style était vulgaire. Il ne pouvait pas indéfiniment le cacher et il a progressivement disparu du paysage pendant les années 80.

Mais revenons à Corben !

Je me suis amusé à rechercher le nombre de références à Richard Corben que l'on trouve dans le tout récent Bouquin de la Bande Dessinée, cette espèce d'encyclopédie thématique qui a été supervisée par Thierry Groensteen.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Bouqui12

Chaque sujet (comme par exemple "le nu") est discuté en 4 à 8 pages d'une façon théorique, en se référant aux auteurs qui ont le mieux illustré ce thème. Et à la fin du livre, il y a un index des noms cités dans toutes ces entrées. Le nombre total des entrées pour chaque dessinateur est très révélateur sur les choix des critiques. C'est même un signe qui ne trompe pas.

Il y a des auteurs dont on parle souvent (par exemple Tardi, Sfar, Gotlib, Hergé, Franquin ...) et ceux dont on ne parle presque pas (Tibet, Roba, Walthéry, Craenhals ...). Certains dessinateurs comme Jean Graton ne sont même jamais mentionnés et je n'ai pas essayé d'en faire la liste. Relevons enfin qu'Hergé y est cité plus de 100 fois, tandis que Jacques Martin y est mentionné 22 fois (ce qui est plutôt bon car la moyenne est bien plus basse).

Et Richard Corben ! Où en est-il là-dedans ? Et bien il est cité 6 fois, et le titre des entrées où il est mentionné ne vous surprendra pas trop. Ce sont la couleur, l'esclavage, le fantastique, le nu, l'underground et la violence. Je m'attendais à ce qu'il soit ignoré et ce n'est pas le cas. Les critiques tiennent un peu compte de ce qu'il a réalisé.

C'est déjà pas si mal !    Wink


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Après que Raymond aie terminé sa présentation, en feuilleton, complète de Corben, je lui faisais part de mon ressenti. Ce à quoi, Raymond me répondait :

Raymond a écrit:Merci de ta franchise !    pouce

Si je comprends bien ton argumentation, ce qui te dérange chez Corben est au fond exactement ce qui me fascine, c'est à dire son goût de l'outrance. En utilisant ce mot, je pense bien sûr à la surenchère dans l'horrible que l'on trouve souvent dans ses scénarios, mais aussi et surtout à la démesure de ses dessins, que ce soit par rapport à leur expressivité ou par rapport aux couleurs. Il y a là bien sûr une question de goût et elle ne se commande pas. Si on ressent spontanément qu'une image n'est pas réussie, il est impossible de se forcer.

J'imagine aussi que l'aspect "gore" (ce mot était d'ailleurs sa première signature  Wink ) peut influencer le jugement de beaucoup de bédéphiles. Tout le monde n'aime pas forcément la BD d'horreur, et Corben se retrouve souvent cantonné dans ce genre assez limité en soi. J'ai essayé de vous montrer qu'il n'a pas dessiné que cela, mais il est clair que la moitié de son œuvre (au moins) est consacré à ce genre histoires que l'on peut ressentir comme répulsives. Curieusement, je ne suis pas un vrai amateur de BD d'horreur et c'est plutôt le "dessin monde" de Corben qui me fascine, que le sujet soit horrible ou pas. J'aime le style du dessinateur, que ce soit en noir et blanc ou en couleurs, et je trouve que son évolution graphique a été fascinante.

Par ailleurs, il est bien évident que l'absence des meilleures BD de Corben en librairie ne facilite pas les choses. Pour acheter un album de Den de nos jours, il faut vraiment y mettre le prix. On ne peut pas faire d'essai à bon marché (en achetant par exemple un album d'occasion) et il faut donc être un véritable fan pour acheter ses livres actuellement.

J'espère en tout cas que l'on rééditera une fois un florilège de ses BD underground. Elles ont une fraîcheur narquoise et une vivacité contestataire qui me plaira toujours. C'est un des fondements de son oeuvre.

Et pour finir, il ne faut pas avoir peur d'écrire que vous n'aimez pas les BD de Corben. Dans le forum d'Alix, temple de la BD franco-belge classique, il aurait au fond été surprenant de trouver beaucoup d'admirateurs de ses BD.   Very Happy

Il y a maintenant deux mois de cela, je recevais un message de Raymond qui me "branchait" sur une annonce d'un site de vente suisse pour un album du Den en occasion (Le 1er de la série Den). Tout d’abord étonné, puis touché par son geste, je me suis dit que si un passionné de Corben le présente avec tant d'admiration et qu'il insiste pour que je lise Den, je n'ai pas hésité un instant et j'ai acheté cet album de Den.

En fait, j'ai tellement été surpris par la démarche de Raymond que j'ai profité pour acheter plusieurs albums que ce vendeur avait dans ses "bacs". Ainsi, je m'en offrais quatre :

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 4-bds-10

Raymond m'avait ouvert l'appétit. Je me suis mis à table avec Den 1 et 2. Une fois la lecture terminée, j'ai dû reconnaitre que j'avais éprouvé de la difficulté pour comprendre l'histoire. Je trouvais que la compréhension et l'interprétation m'était difficile. Je devais l'avouer à demi-mot, je n'avais pas compris grand chose de cette histoire. (Pour ne pas dire rien du tout  Embarassed) . Étant un habitué du dessin franco-belge, la mise en couleurs de Den était inhabituelle. Pourtant en insistant, j'ai réussi à passer dessus, sans pour autant l'apprécier à sa juste valeur.

Den - Levoyage fantastique à nulle part est une aventure d'une centaine de pages, alors je me suis dit qu'il fallait que je déguste un peu de Corben. Nuits Blèmes et Ogres contiennent plusieurs courtes aventures. Un échantillon, une mise en bouche. Malheureusement, l'album Nuits Blèmes est de qualité médiocre et les impressions sur un papier un peu jauni ne rendaient pas les aventures à leurs justes valeurs.
S'agissant de certaines aventures publiées lors de sa période Eerie et Creepy, j'ai acheté les intégrales éditées par Delirum. Il fallait que je puisse donner mon avis à Raymond.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Deliri11

J'ai vraiment bien fait, car d'une fois les intégrales en main, j'allais pouvoir apprécier ces histoires. Regardez plutôt la différence.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Judas10

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Tu-es-10

La qualité du papier, et la mise en couleur était optimale. Cela suffisait à m'inviter à lire ces histoires. J'allais étaler la lecture sur plusieurs semaines, afin de découvrir une "historiette" et de m'y attarder.

(A suivre)

Raymond

Raymond
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Je suis content que tu aies trouvé les deux albums Eerie & Creepy présentent Corben car ils sont semble t-il devenus assez difficiles à trouver (surtout le premier tome). L'éditeur y a fait un remarquable travail pour restituer au mieux la qualité des couleurs de certaines histoires.

Pour Den, je prends note de tes impressions mitigées. Peut-être que cette "heroic fantasy" un peu naîve n'est plus dans l'air du temps, et que l'humour féroce des histoires d'horreur corrrespond mieux à notre époque ?


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Godot

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Raymond a écrit:

[...]

Pour Den, je prends note de tes impressions mitigées. Peut-être que cette "heroic fantasy" un peu naîve n'est plus dans l'air du temps, et que l'humour féroce des histoires d'horreur corrrespond mieux à notre époque ?

En suivant ta présentation "feuilleton" de Corben, les premières BDs que j'ai lues, sont celles que tu publiais dans les différents posts de ce sujet. La première histoire que j'ai lue de Corben, c'est L'horrible Maison Harvey. Je l'ai bien aimée. Puis Cidopey et When the Dreams collide (Sors de mon rêve !). Des histoires de quelques pages qui m'ont fait apprécier, ce que tu qualifies comme sa période Underground.

Pour Den, ma première lecture a été difficile et cela pour plusieurs raisons. Voilà ce que je me disais après avoir refermé Den Le voyage fantastique a Nullepart. Je me suis vraiment "mélangé les pinceaux" avec les protagonistes. Comme tu es un lecteur averti, je pense que tu ne seras pas étonné si je te dis que je me suis souvent demandé s'il s'agissait de Katherine ou de la Reine (encore maintenant j'ai de la peine et parfois je me plante lors de la relecture  Embarassed )

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Reine11

Nombreuses sont les fois où j'ai du revenir en arrière dans l'histoire pour comprendre de qui il s'agissait : GEL (Mi Ours - Mi Gorille), KANG (Le guerrier humain),  ARD (Le prince), etc. Je trouve que les personnages ne sont pas toujours faciles à reconnaitre sous le "pinceau" de Corben. (Les angles de vues, les visages au long des pages, etc). Les noms ou les prénoms qu'il utilise, ne sont pas communs, alors je n'arrive pas vraiment à me souvenir. (Peut être qu'une page de présentation des personnages, comme dans Astérix, p.ex. aurait facilité la compréhension). Je me demandais également si la l'Indienne qui apparait au début était la Reine.  

Je ne comprenais pas ce à quoi GEL accusait DEN :

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Gel10


Dans Den, Corben fait référence à un écrivain de la SF (Science-Fiction) : Edgar Rice Burroughs (Connu pour Tarzan, mais aussi "Cycle de Mars","Cycle de Pellucidar" et "Cycle de Vénus")

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Edgar10

Et à peine voilé : Cthulhu, un des mondes de H. P. Lovecraft

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Cthulh10

Bien que j'ai entendu parler de Cthulhu (et par extension, les auteurs liés au "Mythe de Cthulhu"), je ne suis jamais trop intéressé aux écrits de Lovecraft et des autres auteurs dans la lignée de Lovecraft. Je ne me suis pas vraiment "penché" sur les univers du fantastiques, d'horreur et de l'heroic fantasy (Conan le Barbare p.ex.)

Des univers que Corben utilisait :

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Lowecr10

Après avoir lu Eerie et Creepy présentent Corben Volumes 1 et 2 ainsi qu'un résumé de la vie de Lovecraft, ma relecture de Den Le voyage fantastique a Nullepart a été bien plus limpide. Maintenant, j'apprécie plus Den 1. Il faut encore que je relise Den 2.

L'apprivoisement des couleurs sera aussi mieux gérée après avoir lu Eerie et Creepy présentent Corben.

Raymond a écrit:Je suis content que tu aies trouvé les deux albums Eerie et Creepy présentent Corben car ils sont semble t-il devenus assez difficiles à trouver (surtout le premier tome). L'éditeur y a fait un remarquable travail pour restituer au mieux la qualité des couleurs de certaines histoires.


En effet, le 1er volume a été plus difficile à trouver. (Il y a une librairie qui possède parfois certaines BDs qui sont habituellement indisponibles et elle les vend au prix normal. C'est d'ailleurs dans cette librairie que j'ai trouvé l’intégrale 18 de Chick Bill que steronais59 recherchait désespérément  Wink ).

A noter que j'ai vu que que Delirum annonce une Intégrale Eerie et Creepy présentent Richard CORBEN pour Octobre. Est-ce que réédition ou une nouvelle édition augmentée. J'attends leur réponse.

C'est le coloriste Jose Villarrubia qui s'est occupé de la mise en couleur. Il a eu le bonheur de collaborer pendant plusieurs années avec Corben. Ainsi, il a scanné de nombreux originaux et corrigé les différents défauts d'impression liés à l'époque, les années 70, où les récits furent publiés. C'est ce qui rends ces intégrales de si bonne qualité. interview Jose Villarrubia dans laquelle il parle de Corben et ces intégrales. Voici un extrait :

Récemment, nous t'avons vu à l'œuvre sur Eerie & Creepy présentent Richard Corben. Qu'as-tu effectué dessus ?

Jose Villarrubia : J'ai regroupé le maximum de sources possibles : en scannant les pages originales lorsque celles-ci étaient disponibles, en cherchant les différentes éditions dans le monde entier, les versions couleurs ou noir et blanc, afin d'obtenir le meilleur résultat possible. J'ai occasionnellement retouché et manipulé chacune des pages afin de valider l'aspect original. J'ai développé et inventé de nombreuses techniques lorsque j'ai travaillé sur ce projet. Corben a conservé de nombreux originaux de ses histoires et il les a scanné pour lui-même. D'autres sont dans des collections privées et il est parfois plus facile d'en approcher que d'autres. Un grand nombre est en possession, je crois, de Kevin Eastman (NDR : le créateur des Tortues Ninjas), et nous n'y avons pas eu accès, mais il y a énormément d'autres originaux dans d'autres collections.

Le style de Richard Corben est décrit comme si original qu'il en est indescriptible. En le côtoyant, en le colorisant ou en retravaillant ses originaux, es-tu parvenu à percer son secret ?

Jose Villarrubia : Encore aujourd'hui, son secret est simplement que c'est un génie, et je l'ai découvert il y a des années ! Il n'a aucun secret dans sa technique de colorisation. Il a expliqué son processus plusieurs fois. Cela est confus et étonnant mais parfaitement compréhensible pour un professionnel habitué à imprimer et à coloriser des planches. Mais laisse moi te dire que la façon dont il dit le faire, n'est pas exactement la façon dont il le fait. Certains, comme son ami Herb Arnold, utilisent la même technique, mais avec des résultats très différents.


Un autre avantage, ce sont les explications données par Jose Villarrubia, au début de ces intégrales.

Raymond a écrit:

[...]

Pour Den, je prends note de tes impressions mitigées. Peut-être que cette "heroic fantasy" un peu naîve n'est plus dans l'air du temps, et que l'humour féroce des histoires d'horreur corrrespond mieux à notre époque ?

Comme je l'ai dit, l’avantage de l'intégrale, c'est qu'elle regroupe des histoires parues dans les années 70, sur une période de 8 ans. Pour la première histoire Beauté glacée publiée en 1970, je trouve qu'elle est encore teintée de la période underground.

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Frozen10

J'ai découvert l'évolution graphique et des mises en couleurs des années 70. Jusqu'en 1973, il utilisera le noir et blanc et les dégradés de gris, avant d'utiliser la couleurs pour Lycanklutz

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Lk-0110

Je trouve que ces histoires d'horreurs, sont des points de repère pour suivre les recherches et l'évolution graphique de Corben. Une différence, c'est que la majeure partie des histoires parues dans Eerie et Creepy sont scénarisées par d'autres auteurs. Alors que Den est une œuvre complète de Corben (scénario, dessin et mise en couleur).

Pour résumer, les histoires de Eerie et Creepy, que j'ai lues une par jour pour mieux m'imprégner, m'ont permis de me familiariser avec l’univers graphique (en constante évolution) de Corben et certaines histoires m'ont aidé à mieux comprendre le scénario, de Den Le voyage fantastique a Nullepart, mais aussi la couleur, si particulière.

J'expliquerai dans mes prochains posts, quels sont ces histoires qui m'ont permise d'approcher de Richard Corben genie de la couleur.

xb12 aime ce message

Raymond

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Godot a écrit:
Pour Den, ma première lecture a été difficile et cela pour plusieurs raisons. Voilà ce que je me disais après avoir refermé Den Le voyage fantastique a Nullepart. Je me suis vraiment "mélangé les pinceaux" avec les protagonistes. Comme tu es un lecteur averti, je pense que tu ne seras pas étonné si je te dis que je me suis souvent demandé s'il s'agissait de Katherine ou de la Reine (encore maintenant j'ai de la peine et parfois je me plante lors de la relecture  Embarassed )

Richard Corben génie de la couleur - Page 5 Reine11

Nombreuses sont les fois où j'ai du revenir en arrière dans l'histoire pour comprendre de qui il s'agissait : GEL (Mi Ours - Mi Gorille), KANG (Le guerrier humain),  ARD (Le prince), etc. Je trouve que les personnages ne sont pas toujours faciles à reconnaitre sous le "pinceau" de Corben. (Les angles de vues, les visages au long des pages, etc). Les noms ou les prénoms qu'il utilise, ne sont pas communs, alors je n'arrive pas vraiment à me souvenir. (Peut être qu'une page de présentation des personnages, comme dans Astérix, p.ex. aurait facilité la compréhension). Je me demandais également si la l'Indienne qui apparait au début était la Reine.  
(...)

Maintenant que tu me le dis, je dois bien reconnaître que je me suis posé les mêmes questions que toi pendant les années 70, lorsque j'ai découvert la série. Wink Je me demandais en effet parfois de quelle femme il s'agissait (Kath ou la Reine) et ce n'est qu'à la longue (après plusieurs lectures) que j'ai mieux compris l'ensemble de l'histoire.

Il faut par ailleurs ajouter que Corben joue malicieusement sur cette ressemblance qui existe entre Kath et le Reine de la Nuit. Cette malice est particulièrement évidente dans la troisième grande aventure de Den, c'est à dire dans la trilogie Cité des Bruits/Maison du Silence/Monde englouti. J'ai montré dans mon résumé de la carrière de Corben cette étonnante page ou l'on voit Den tiraillé (et complètement perdu) entre ces deux femmes qui semblent n'être que les deux faces d'une même personne, et c'est un moment très fort. Le scénario de Den est en fait un véritable labyrinthe, qui devient de plus en plus complexe au fur et à mesure que l'on avance dans la série, et c'est un autre apect assez fascinant de la série !

Pour les autres personnages comme GEL ou KANG, on ne les revoit pas dans les albums ultérieurs et il ne faut pas leur donner trop d'importance. Il faut simplement retenir que ceux-ci ont déjà rencontré l'oncle de Den (qui ressemble beaucoup au héros) lors d'aventures antérieures dont on ne sait pas grand chose, car Corben n'a pas envie de les raconter. On fait sinon connaissance avec l'oncle de Den dans "Enfants du Feu", le quatrième opus de la série, et c'est à partir de ce moment-là que cela devient vraiment très compliqué !    Smile


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Godot

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docteur honoris causa
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Raymond a écrit:

Maintenant que tu me le dis, je dois bien reconnaître que je me suis posé les mêmes questions que toi pendant les années 70, lorsque j'ai découvert la série. Wink Je me demandais en effet parfois de quelle femme il s'agissait (Kath ou la Reine) et ce n'est qu'à la longue (après plusieurs lectures) que j'ai mieux compris l'ensemble de l'histoire.

[...]

Cela me rassure de "l'entendre de ta voix" Wink .

Raymond a écrit:

[...]

Il faut par ailleurs ajouter que Corben joue malicieusement sur cette ressemblance qui existe entre Kath et le Reine de la Nuit. Cette malice est particulièrement évidente dans la troisième grande aventure de Den, c'est à dire dans la trilogie Cité des Bruits/Maison du Silence/Monde englouti. J'ai montré dans mon résumé de la carrière de Corben cette étonnante page ou l'on voit Den tiraillé (et complètement perdu) entre ces deux femmes qui semblent n'être que les deux faces d'une même personne, et c'est un moment très fort. Le scénario de Den est en fait un véritable labyrinthe, qui devient de plus en plus complexe au fur et à mesure que l'on avance dans la série, et c'est un autre apect assez fascinant de la série !

[...]

J'ai relu DEN 1 cette semaine et ces jours-ci j'ai parcours à nouveau tes posts. Alors, j'ai relu le post "la Saga de Den" et j'ai eu quelques informations sur la suite de la Saga Den. Et ce que tu dévoilais sur le duo Kath/La Reine de Nuit m'a donné des idées pour comprendre ma confusion entre elles.

En tout cas, je me suis laissé prendre au jeu Wink . Alors, il faut que je trouve la suite de la saga Den Rolling Eyes

Raymond

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Godot a écrit:
En effet, le 1er volume a été plus difficile à trouver. (Il y a une librairie qui possède parfois certaines BDs qui sont habituellement indisponibles et elle les vend au prix normal. C'est d'ailleurs dans cette librairie que j'ai trouvé l’intégrale 18 de Chick Bill que steronais59 recherchait désespérément  Wink ).

A noter que j'ai vu que que Delirum annonce une Intégrale Eerie et Creepy présentent Richard CORBEN pour Octobre. Est-ce que réédition ou une nouvelle édition augmentée. J'attends leur réponse.
(...)

C'est une chance d'avoir l'adresse d'une librairie qui a de la place et qui garde un peu ce qu'on appelle "le fond". J'imagine qu'elle se trouve en Valais !

Sinon, je ne sais pas si cette nouvelle "intégrale Eerie & Creepy" annoncée chez Delirium apportera vraiment quelque chose de plus, car les deux livres que tu as achetés me semblent assez complets. Il est vrai qu'il reste quelques histoires Warren qui n'ont pas été reprises dans ces deux albums. Elles ont été publiées dans le journal Vampirella et c'est un peu compliqué, car certaines BD de ce journal ont été intégrées dans "Eerie et Creepy présentent Corben", tandis que d'autres non (je ne sais pas pourquoi). Il faudra voir à quoi ressemble cette future intégrale mais ... il est assez peu probable que je l'achète.   Rolling Eyes


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