Je viens de lire "
Pour en finir avec le cinéma" et je suis assez d'accord avec le titre.
Comment présenter ce livre. Peut être en se remémorant d'abord certaines déclarations de Freddy Buache (fondateur de la Cinémathèque Suisse et critique redoutable) au début de notre millénaire. Il déplorait (je ne sais plus en quels termes précis) que le cinéma n'ait pas réalisé beaucoup de chefs d'oeuvre, mais ajoutait aussi que sans connaître cet art, on ne pouvait pas comprendre le XXème siècle. Il pensait aussi que le cinéma achevait son lent déclin, et qu'il allait disparaître au profit de la télévision et de la vidéo (ou du DVD).
Blutch semble défendre une vision comparable. En véritable connaisseur du "cinéma spectacle", il égrène les souvenirs de films ou d'acteurs célèbres, en relevant que ses impressions se mêlent à d'autres souvenirs et à des fantasmes. Il y mélange aussi quelques anecdotes rêvées, et surtout une réflexion très élaborée sur le charme et les mystères du cinématographe.
Divisé en sept chapitres d'importance inégale, ce livre ne semble pas suivre de plan précis. Tantôt hermétique et tantôt familier, il rend d'abord hommage à quelques personnages qui ont marqué l'histoire du 7e art : Luchino Visconti, Jean-Luc Godart, Alain Cuny ou Burt Lancaster ...
Volontiers revêche, parfois nostalgique et plus souvent caustique, Blutch se met aussi lui-même en scène. En évoquant les souvenirs de films qu'il a aimé, le dessinateur fait le point de son existence et de ses illusions. Après tout, comme le déclare un personnage du livre, "le cinéma est un filet à papillons pour attraper les petites filles".
Ce qui prédomine dans ce livre, en fait, c'est le plaisir de la citation. Même s'il perd parfois le fil de la réflexion, le lecteur se retrouve très vite en terrain familier grâce à de nouvelles rencontres. C'est ainsi que Blutch se délecte manifestement à reprendre d'une manière très fidèle cette fameuse scène de Sacha Guitry.
Sur le plan graphique, l'auteur nous livre un album très classique, imprimé au moyen d'une somptueuse bichromie. Chaque chapitre se distingue par sa propre couleur, et la mise en page se distingue par sa variété et sa souplesse. Tout est construit pour soutenir la réflexion, et le dessin est conçu pour suivre le fil de la pensée.
Voilà donc comment se présente ce livre ! Ce n'est certainement pas le chef d'oeuvre de Blutch, mais c'est peut être un des albums important de la rentrée ... pour autant, bien sûr, qu'il soit possible de s'y retrouver dans la pléthore actuelle.