Un peu trop ... Tardi

Dès ses premières histoires qui ont été publiées dans Pilote, j'ai bien aimé ce que dessinait Tardi. Je suis en particulier un fan absolu d'Adieu Brindavoine, cette histoire décalée et intriguante qui prend à contrepied les procédés habituels du feuilleton. Tardi y compose un tableau décapant de la Belle Epoque.



Un ou deux ans plus tard, Tardi publiait le Démon des Glaces. Ce petit chef d'oeuvre pastiche le graphisme des romans de Jules Vernes, et propose une histoire aussi féroce que drôlatique. Avec ces deux albums totalement originaux, Tardi était déjà entré dans la cour des grands.



Après ces débuts marqués par l'humour et la parodie, Tardi a ensuite changé de genre. Que ce soit avec les récits de la Première Guerre Mondiale, les polars de Patrick Manchette ou les aventures de Nestor Burma, le dessinateur a développé un style plus sérieux. Les histoires sont devenues dramatiques, et les vignettes se sont accompagnées de pesants récitatifs. Les oeuvres contiennent parfois un message politique, et Tardi est devenu sans contestation un dessinateur pour adulte.

Depuis les années 80, Tardi n'a plus vraiment changé de style. Il est devenu un grand de la BD, mais je regrette toujours un peu l'humour joyeux et décomplexé de ses premières productions.

Ceci dit, Tardi domine l'actualité de ce week-end, avec la sortie de son dernier album : "Moi, René Tardi, prisonnier de guerre".



Ce livre n'est en fait que le premier tome, intitulé Stalag 2B, d'un récit qui relate en BD les mémoires du père de Jacques Tardi. C'était une oeuvre fort attendue et, au premier abord, elle impressionne par sa dimension. C'est un épais bouquin de 190 pages, qui raconte avec lenteur (et pessimisme) la jeunesse, puis les expériences militaires et enfin la captivité de René Tardi. Relevons que cette lecture est par moment un peu ardue, car aucun effet de mise en page ne vient agrémenter les planches. Le dessinateur se contente en effet de placer d'une façon monotone trois grandes vignettes par page, et l'ensemble ressemble d'avantage à une suite d'illustrations qu'à une séquence d'images. Les cases sont par ailleurs toutes accompagnées d'un texte abondant, voir même bavard, qui nécessitent un regard attentif. Il faut donc prendre son temps pour lire cette BD.



Cette modestie de la mise en page est cependant justifiée par le sérieux du propos. Tardi reprend en effet d'une façon très fidèle le script de son père, et il n'essaie pas de mettre de la gaîté dans ce récit qui est dominé par la colère de son narrateur. Il introduit tout de même ses propres commentaires, sur un ton légèrement sardonique, et se dessine même comme un écolier en culottes courtes, qui accompagne son père tout au long de son odyssée. Les relations étaient semble t-il difficiles entre Tardi et son père, et un étrange dialogue post-mortem se poursuit dans cette oeuvre, sur un ton équivoque.

Le "gros morceau" du récit est bien sûr la description minutieuse de la vie quotidienne des prisonniers dans le stalag. Tardi dessine à merveille cet univers grisâtre et morose, et il essaie de retrouver la vérité des années 40. Il n'y a pas eu beaucoup de livres (ou de films) sur les prisonniers de guerre, et les rares oeuvres qui racontent ces années-là ont une forte tendance à romancer la réalité. Chez Tardi, il n'y a pas de belle aventure, et il nous montre plutôt des journées ordinaires, marquées par l'obsession de la faim, la lutte contre le froid et l'omniprésence de la boue. Cette sinistre ambiance n'est rythmée que par la discipline du camp militaire, et par la malice des prisonniers qui essaient de perturber l'ordre allemand.



A la fin de ce premier tome, les prisonniers doivent quitter leur stalag de Poméranie, car l'offensive russe a envahi toute la Pologne, et une autre aventure se prépare. J'imagine qu'il faudra bien 2 ans à Tardi pour nous dessiner la suite de cette oeuvre monumentale et sérieuse, qui restera probablement comme un des albums de l'année.

Une interview de TARDI à propos de cet album.



http://www.aaapoumbapoum.com/?p=4157

génial !
thks.

http://www.actuabd.com/+Tardi-refuse-la-Legion-d-Honneur+

On parle beaucoup dans les médias de ce refus de la Légion d'honneur par Jacques Tardi. Cette anecdote a même été exposée au Téléjournal suisse hier soir.

Personnellement, je croyais que l'on demandait l'avis des personnes nommées avant de leur attribuer cette distinction. Apparemment, ce n'est pas le cas. En tout cas, c'est toujours curieux de découvrir quelqu'un qui refuse ce genre de distinction honorifique. A entendre Tardi, on a presque l'impression qu'il a été insulté.

Ceci dit, c'est probablement un moyen pour Jacques Tardi de rester fidèle à cet état d'esprit un peu "anar" que l'on trouve dans toute son œuvre.

C'est le moment de réécouter Georges BRASSENS à propos de cette décoration.


https://www.youtube.com/watch?v=IxyhXdUo-iw

http://www.bdangouleme.com/234,special-40e-je-me-souviens-de-jacques-tardi

http://www.tcj.com/the-comics-journal-302-the-jacques-tardi-interview-excerpt/

Le premier numéro est sorti aujourd'hui.

Cela fait plaisir de retrouver Nestor.

Le dessin est de Nicolas Barral ?
Il a pas mal chopé le style de Tardi. Ca donne envie.

Je me demande tout de même si ce n'est pas Tardi qui fait les crayonnés.

Raymond a écrit:Je me demande tout de même si ce n'est pas Tardi qui fait les crayonnés.

Ça c'est un truc à vexer l'ami Barral

C'est pourtant bien lui qui a tout réalisé, même si Tardi n'a certainement pas pu s'empêcher de jeter un oeil (tout au moins au début)... Mais Barral a suffisamment de métier maintenant pour se débrouiller tout seul.

L'album est formidable d'ailleurs... et en surprise, la dernière planche

En ce qui me concerne, je n'avais aucun doute sur le fait que Tardi n'avait pas prêté la main à Barral pour cette histoire.

C'était déjà le cas auparavant pour la précédente reprise du personnage par Moynot.

une reprise qui me tente aussi beaucoup - mais j'attendrais la sortie en album

Le n°2 était bien au rendez-vous ce jour.

Aujourd'hui, je vais aller me procurer le troisième et dernier numéro.





Pour ceux qui préféreront l'album, il leur faudra patienter en principe jusqu'au 15 mai prochain.

Pour ma part, j'attends l'album !

Je m'en doutais.

J'ai achevé la lecture de cette histoire et je continue d'apprécier ce style de publication grand format, façon "presse quotidienne", déjà initié précédemment par Casterman.

Nicolas Barral est finalement un très bon choix pour la reprise des aventures de l'impayable, mais très efficace, détective Nestor Burma.

http://www.francetv.fr/culturebox/jacques-tardi-prepare-une-expo-vente-de-ses-oeuvres-135413

Ce merveilleux "Gaumont-Palace" de ma jeunesse (hélas disparu), avec ses dos de siège de forme ovale...

http://miscomicsymas.blogspot.fr/2013/05/recursos-de-continuidad-en-guerra-de.html

Oui, le nouveau Burma est excellent. Je n'ai pas de préference dans les adaptateurs: les 3 respectent vraiment l'esprit de Léo Malet. Et comme toi Tréblig, j'aime bien cette publication façon France-soir années 50.