J'ai enfin lu
Mission Antarctique ! Il m'a fallu bien du temps, car cette semaine était un peu chargée.
Et puis, il me fallait aussi quelques jours pour digérer la dernière histoire d'Alix.
J'avais bien sûr en tête les commentaires sévères exprimés sur ce forum à propos du scénario, et je m'attendais donc à être un peu déçu. Etrangement, cela n'a pas du tout été le cas. C'est peut-être ma tendance innée à l'esprit de contradiction.
Bien sûr, cette histoire de repaire nazi construit dans l'Antarctique parait aujourd'hui un peu désuète. Il y a d'ailleurs bien longtemps que les nazis ne font plus peur à personne, et on pourrait accuser les auteurs de manque d'originalité. Toutefois, il ne faut pas oublier que "
Mission Antarctique" est un "Lefranc années 50", donc une aventure en principe passéiste et nostalgique. Le scénariste essaie ainsi de retrouver l'esprit de cette époque et, selon mes propres souvenirs d'enfance, les années 50 (et 60) étaient encore dominées par la haine (et la terreur) que les nazis avaient créée en Europe. Je me souviens que mes parent racontaient volontiers leurs années de guerre, que les films, les livres et les BD relataient inlassablement la guerre de 39-45, et que les journaux évoquaient volontiers les criminels nazis en fuite, peut être en train de comploter quelque part contre la paix dans le monde. Je me souviens même de manchettes de journaux annonçant qu'Hitler était toujours vivant quelque part en Amérique du Sud, avec des photographies (probablement retouchées) essayant d'imaginer à quoi il pouvait ressembler. Bref ! Les années 50 étaient réellement imprégnées par une guerre encore toute proche, qui laissait de douloureux souvenirs et des terreurs presque irrationnelles.
Par ailleurs, l'idée qu'une base militaire nazie ait survécu 10 ans après la guerre dans l'Antarctique n'est pas totalement absurde. Corteggiani se donne d'ailleurs beaucoup de peine pour nous en convaincre, en soignant sa documentation et en multipliant les détails véridiques. Il reprend en fait certaines croyances des années 50 et, finalement, je me suis rendu compte qu'il n'a pas inventé tant de choses que cela, en écrivant son histoire.
Il y a tout d'abord cette implantation de bases nazies en Antarctique, dans une région appelée "Nouvelle Souabe". Cette idée repose sur des faits historiques.
Comme preuve de cette affirmation, je me contenterai de vous adresser à Wikipédia, site qui est certes plutôt dédié à la culture populaire, mais qui contient tout de même beaucoup d'informations bien documentées.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle-Souabe
Une base nazie en Antarctique n'aurait pas pu passer inaperçue, puisque les américains ont exploré le pôle sud après la guerre. Corteggiani tient compte de cette objection, et utilise malicieusement le récit authentique de l'opération Highjump, menée par l'amiral Richard Byrd, pour conforter sa thèse. Selon le scénariste, les multiples échecs ou accidents dont furent victimes les américains pendant cette opération ne seraient pas dus au hasard (ou à la météo) mais à plutôt aux actions défensives des soldats nazis.
Quelques infos à l'adresse ci-dessous sur l'opération High-Jump :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Highjump
Les armes secrètes conçues par les ingénieurs nazis ont longtemps fait fantasmer les écrivains et les journalistes, et beaucoup de choses ont été écrites sur ce sujet. Au sujet de ces armes, l'idée que les savants auraient construits une soucoupe volante était couramment répandue pendant les années 50. Bien sûr, cette thèse est totalement improbable, mais il est bien difficile de prouver son impossibilité. Cette théorie farfelue a donc pu proliférer sans peine, et François Corteggiani la reprend maintenant avec malice (puisqu'il n'en est pas l'inventeur).
Sur ce sujet, Wikipédia offre également un site consacré aux OVNI construits par les nazis.
https://fr.wikipedia.org/wiki/OVNI_du_IIIe_Reich
Peut être existe t-il encore d'autres données historiques que je n'ai pas repérées, mais ces exemples me paraissent déjà suffisants. On ne peut pas balayer ce scénario d'un revers de main, en concluant qu'il s'agit de simples billevesées. Corteggiani a bien construit son scénario et, même si les nazis sont moins à la mode qu'autrefois, leur présence me semble appropriée dans une aventure qui se déroule pendant les années 50. Le suspense n'est pas haletant, il est vrai, mais j'ai eu du plaisir à investiguer cette intrigue, et à essayer d'y démêler le réel et le fictif.
Pour ce qui concerne le dessin de Christophe Alves, il est très excellent, tout le monde s'accorde sur cette constatation, mais je ne trouve pas qu'il soit vraiment meilleur que celui de Regric. Il y a parfois des petites approximations lorsque les personnages sont vus en oblique, et c'est le genre de détail qui nécessite un long travail pour être perfectionné. Je suis content que soit apparu un nouveau dessinateur capable d'illustrer les aventures de Lefranc, mais je pense qu'il peut encore mieux faire.
Au total, j'ai eu du plaisir à lire cet album qui réveille une certaine nostalgie, même si notre époque est davantage terrifiée par un nouveau genre de terrorisme. L'actualité n'est pas rose, et il y aura toujours des menaces qui viseront notre société occidentale. Peut être pourrait-on "ressusciter" un "Lefranc années 2000" pour mieux tenir compte de ces peurs actuelles.