J'ai lu Mission Antarctique hier soir, avec un double sentiment : celui d'un dessin de grande qualité d'une manière générale à l'exception de certain trois-quarts ou certains profils du visage de Lefranc où le visage est étrangement boursouflé par une pommette et la forme du nez, trop épaisse et différente du canon martinien respecté jusque alors par tous les dessinateurs, quels que soient les différences de leur traitement du personnage. Ce détail a déjà été signalé dans ce sujet, mais j'y reviens car s'il ne m'avait pas frappé à la vision de la première planche, sa présence par la suite est en effet gênante. Voir ci-dessous, différentes versions du visage de Lefranc par Taymans, Régric et Christophe Alvès dans le nouvel album :
Je n'ai pas très bien saisi l'intérêt de nous présenter un Borg glabre dont le visage d'homme mûr, qu'on situe aux environs des 45 ans, du moins est-ce mon cas, ne se coordonne guère avec le visage du personnage que dessine ici Christophe Alvès. Mais à supposer que je me trompe et qu'on puisse admettre la juvénilité du visage de Borg dans ce nouvel album, je ne vois guère l'intérêt de ce tour de passe passe, si ce n'est pour justifier qu'il se dissimule sous la fausse identité d'un général nazi, sachant que la barbe ne faisait guère partie, c'est le moins qu'on puisse dire, des ornements faciaux en usage durant la période hitlérienne. Que Borg soit donc privé dans ce nouvel opus de sa barbe luciférienne s'explique donc par cette nécessité du scénario mais me dérange un peu. Voir successivement ci-dessous, le visage de Borg dans Opération Thor et dans Mission Antarctique :
Quelques surprises amusantes et réussies à l'actif de cet album et superbement dessinées. Il me semble que par trois fois au moins les auteurs nous adressent quelques clins d'oeil tintinesques. Ttout d'abord de façon à mon avis virtuose à Tintin au pays de l'or noir. je n'ai pas sur moi cet album afin de montrer la correspondance entre notre nouveau Lefranc et cet opus ô combien passionnant des aventures de Tintin, mais les lecteurs se souviennent certainement de l'enlèvement de Tintin dès son arrivée en Palestine par des membres de l'Irgoun qui le prennent pour un envoyé secret en lutte contre les britanniques - je parle de la version initiale de ce Tintin, la seule que je connaisse, tout en sachant que par la suite le terrain de l'action initiale a été déplacé pour des raisons de "political correctness", mais je n'ai jamais feuilleté cette version finale de l'album.
La seconde de ces surprises est me semble-t'il le visage du général Von Graf - je ne sais plus quelle allure Taymans lui donnait dans Le Maître de l'atome et si la ressemblance était alors suggestive - qui m'évoque furieusement le colonel Sponz tel qu'il apparait dans L'Affaire Tournesol en officier supérieur d'un état certes de type stalinien, mais dans un uniforme de type clairement nazi :
La dernière référence possible et à vérifier que je crois avoir remarquée est la case où le Haunebu fonce sur le navire d'Axel Borg qu'île va détruire. Il m'a semblé que cette case faisait songer à celle de Vol 714 pour Sidney dans laquelle la surcoupe extra terrestre fonce sur le canot pneumatique où Rastapopoulos et ses derniers fidèles ont pris place, tandis qu'Allan tente ridiculement de tirer au revolver sur l'engin. Je n'ai malheureusement pas ce Tintin ici, mais je suppose que les lecteurs se souviennent de ce détail. A défaut, je montrerai une autre image de la même séquence de ce Tintin, sachant que ce n'est pas à cette case que je songe.
Je laisse de côté le fait que le scénario - malgré les précautions initiales de la conversation où Lefranc exprime des doutes, ce qui conduit à tenter maladroitement de crédibiliser le récit - n'est guère convaincant. Cette histoire invraisemblable est de surcroît assez ennuyeuse car elle reprend sans originalité particulière une thème classique : la base secrète et les péripéties qui peuvent s'y dérouler. Tout cela ne m'a gère passionné.
Reste que Christophe Alvès, en dépit des réserves que j'ai indiquées au départ, me semble un dessinateur très talentueux et confirme l'impression que j'avais eue il y a quelques mois quand quelques extraits de l'album avaient été révélés de se situer à un très beau niveau dans l'histoire des reprises de la série. Qu'il corrige son visage de Lefranc et il sera certainement l'un des meilleurs repreneurs. Voici un bel exemple de son talent de paysagiste - et de coloriste s'il se confirme qu'il est bien le coloriste de cet album, ce que je suppose, pour clore ce récit :
En résumé, je trouve ce nouvel album assez décevant voire inutile du point de vue scénaristique,mais de grande qualité sur le plan visuel. L'histoire racontée dans le précédent opus, Cuba Libre, qui a parfois été jugée faible, me semblait l'an dernier passionnante et l'est encore davantage à mes yeux cette année par contraste avec cet assez fade Mission Antarctique.