Bonjour
Aujourd'hui, je vais vous parler des
Peanuts et plus particulièrement de l'image iconique de Snoopy sur sa niche, grimé en as de l'aviation de la première guerre mondiale.
Les
Peanuts, c'est d'abord une quête personnel. Adolescente, j'ai découvert la série par une collection très partielle en 12 volumes chez Gallimard. Jeune femme et angliciste confirmée, j'ai pu apprécié les
Peanuts books offerts par mon futur époux. Cette série était interminable et les libraires n'avaient que quelques opus. Du coup, "ma" collection était fragmentaire, ce qui rendait la lecture moins réjouissante. Heureusement, à partir de 1997, Fantagraphics Books a publié une intégrale, reprise en France par Dargaud et dont l'éditon arrivera à son terme en 2021 ou 2022.
Ma lecture des
Peanuts s'est approfondie avec ma vie. De simple BD d'humour, l'œuvre est passée à une critique de l'Amérique profonde, celle des banlieues pavillonnaires. J'ai ensuite découvert sa tristesse, son rire toujours doux-amer, sa profondeur, etc. Et aujourd'hui, j'y vois tout autre chose, un symbole de la vie, dans ce qu'elle a de plus fort, avec ses larmes mais aussi ses rires, avec ses projets, sa complexité, oserais-je dire sa beauté. Et puis, quelle performance ! De 1950 à 1999, Schultz a produit des millions de bandes, toutes voisines et toutes différentes, par une succession infinie de variations. Les thèmes et les personnages sont introduits et leur histoire s'enrichit très progressivement, par un glissando progressif.
D'un point de vue graphique, Snoopy est simple. Quelques traits, des décors volontairement minimalistes, des dessins caricaturaux et des mimiques fort expressives.
Dans le cas ci-dessous, le dessinateur représente une niche, de profil et sans aucun effet de perspective. Snoopy porte des lunettes protectrices, un casque en cuir et une écharpe. Il est assis sur le toit de sa demeure et fixe on ne sait quoi sur la droite. Cette esthétique très simple permet de focaliser l'imagination de la lectrice (du lecteur) sur l'essentiel : la signification. Même sin on ne peut qu'être admiratif devant l'incroyable rendu à partir de si peu de moyens. Quel talent !
La lectrice (le lecteur) ne peut que s'interroger. Comment un chien peut-il lever les pattes avant ainsi ? Pourquoi l'écharpe est-elle horizontale alors qu'aucun vent ne la souffle vers l'arrière ? Pourquoi le beagle ne tombe pas car son assise est rien moins qu'instable ? Comment se fait-il qu'un canidé porte des habits humains ? Schultz nous emmène donc dans un univers imaginaire, plein de fantaisie et de poésie. L'anthropomorphisme du personnage en devient naturelle, évidente, vérace.
Bien évidemment, ceux qui connaissant la BD savent qu'il s'agit d'une nième reprise des combats aériens de la première guerre mondiale, où des chevaliers s'affrontaient mortellement dans le ciel. Côté allemand, le plus célèbre d'entre eux, Manfred Von Richtofen volait dans un avion peint en rouge ce qui lui valut le surnom du baron rouge. Le choix de ce personnage est tout sauf anonyme car la couleur de son appareil le rend visible sur le fond du ciel bleu, ce qui est à la fois une publicité pro-germanique et aussi un risque de sur-visibilité. Par ailleurs, cette teinte, souvent associé à celle du sang, a aussi pour but de semer l'épouvante. Enfin, la mort du héros, tué par une balle d'un soldat au sol, est profondément absurde. Nous avons donc là un aperçu négatif de la vie : l'intimidation, la violence et le non-sens. Face à ce personnage, Snoopy incarne le courage infini. Cent fois, il remet son ouvrage sur le métier et toujours persévère. Des valeurs positives donc : la persévérance et la résilience. Oh, notre beagle n'est pas un modèle de vertu et ses relations avec son mécanicien (l'oisillon Woodstock), avec les poilus dans les tranchées (son frère Spike) ou avec les françaises (Marcy) peuvent paraitre quelque peu méprisantes. Lui est dans le ciel, donc près de Dieu (?) et eux sont dans l'huile, la boue ou dans des troquets misérables. Cette approche primaire doit bien évidemment être prise à contre-pied comme dans toutes les bandes de Schultz. Le mécanicien est en réalité l'ami du chien et lui fait même quelques farces, Snoopy défend la cause de son frère auprès du général Pershing pour qu'il obtienne un gâteau (
)vet enfin, le beagle est amoureux de la paysanne locale. A l'opposé du baron rouge, Snoopy est donc proche du peuple. Ce n'est pas une icone inaccessible mais un être humain, avec ses doutes et ses qualités.
Un autre point remarquable de la BD est le choix de Snoopy d'embarquer sur son avion, le célèbre Soptwith Camel. Deux explications peuvent être avancées : la fuite face à un réel morne (le pavillon de banlieue) et un maître (Charlie Brown) dépressif, ou la transcendance et le dépassement du statut canin. Je choisis sans hésiter la deuxième explication. En effet, Schultz aime ses personnages et les respecte profondément. De plus, Snoopy a du courage à revendre comme nous le démontre ses combats homériques contre la chat monstrueux des voisins ou encore ses plaidoiries juridiques. Le grimage est donc ici le symbole du surpassement. Tous, nous pouvons réussir nos rêves
.
Enfin, n'oublions jamais que les américains sont patriotes et francophiles (merci Lafayette). L'auteur rend donc ici un hommage fort à la France et aux soldats américains dont l'apport en 1917-1018 a fait pencher la balance de la Première Guerre Mondiale.
Voilà, j'espère que je ne vous ai pas trop ennuyé par ce long monologue.
Belle journée
Eléanore