Parmi les artistes du comic book, j'admire beaucoup Barry Windsor-Smith, le créateur de Conan qui a intelligemment su se distancier de la production courante des grands éditeurs. Depuis plus de 40 ans, cet auteur construit une œuvre personnelle et insolite qui décontenance ses admirateurs, tout en revenant de temps en temps à une BD plus commerciale afin de faire bouillir la marmite. Il est donc un créateur imprévisible.
Pour ma part, j'ai définitivement été séduit par Barry Windsor Smith lorsqu'il a publié pendant les années 80 une petite BD intitulée
The beguilling (l'enchantement). Racontant une poétique et cruelle histoire de fée, cette œuvre très courte (8 pages) s'inspirait graphiquement des œuvres des peintres préraphaélites et ce style se révélait aussi original qu'efficace. A une certaine époque, lorsque je voulais prouver que la BD pouvait être un art véritable, je n'hésitais pas à montrer à mes interlocuteurs quelques pages de cette bande dessinée tout à fait exceptionnelle. Et bien sûr, j'ai aussi commenté en détail cette œuvre dans mon blog de jadis, lorsque j'avais encore le temps de m'y consacrer.
http://lecturederaymond.over-blog.com/article-22190506.html
Presque toutes les images de cette petite BD sont mémorables et j'ai choisi cette fois de vous montrer une audacieuse combinaison de cases, qui construit finalement un véritable tableau grâce à son décor unique. C'est aussi une habile séquence narrative, qui montre un jeune chevalier essayant de suivre une séduisante fée à travers un mur. On y voit à gauche le jeune couple, puis la fée qui s'enfonce dans le mur. Sur la droite, on voit le chevalier qui s'enfonce lui aussi dans le mur mais il n'en ressort pas. La dernière case montre en effet la fée qui reste tout seule. Mais que s'est-il passé ?
La page suivante explique d'une façon totalement visuelle ce qui s'est passé. En pénétrant dans le mur, le jeune chevalier s'est simplement transformé en statue. On ne sait pas s'il est encore vivant ou s'il est définitivement mort mais il va rester prisonnier ce ce mur rocailleux, pour l'éternité. Quelle fin cruelle .. mais la BD est redoutablement séduisante !
Eh oui, la BD peut être un art !