Bonjour
Voici un dessin dont on a peut être parlé sur le forum (?) mais qui me semble pleinement à sa place dans ce fil de discussion.
Il est extrait de
Z comme Zorglub.
Je confie, à contre-courant de beaucoup, ne pas apprécier cette BD. Et pourtant, ici, Franquin confine au génie.
Que voyons-nous ?
Fantasio, Champignac et Spirou regardent Zorglub s'éloigner dans la nuit. Le savant fou est sur une humble bicyclette et se dirige vers on ne sait où... Enfin, le lecteur le sait mais cette vignette ne le dit pas explicitement.
J'adore le contraste entre les 3 déclinaisons de la puissance de Zorglub :
- la lune avec la publicité pour Coca Cola témoigne d'une maitrise scientifique presque totale. Peindre une inscription géante sur notre satellite représente un succès prodigieux,
- mais, alors qu'une armée de reporters ou de zorglhommes devraient saluer l'évènement, nous ne voyons ici qu'un modeste "soldat", bien isolé, et ce ne sont pas les trois malheureux saluts dans le lointain qui viendront atténuer cette impression de solitude,
- et surtout, le génie est juché sur une petite et lente bicyclette, à mille lieues des fantastiques zorglumobiles.
Donc Franquin se veut ici moral. Il nous montre la déchéance du puissant, qui passe du statut de demi-dieu à celui d'homme :
arx Tarpeia Capitoli proxima (Il n'y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne). Le vent a tourné. La morgue du savant fou a disparu en même temps que son hubris. Et son ultime tentative ne lui apportera ni gloire ni célébrité mais plutôt des moqueries du fait que l'inscription est écrite à l'envers.
Le recours a une scène nocturne amplifie encore la démonstration. Zorglub est loin du soleil et de la splendeur (Louis XIV) mais se cache dans la nuit. Et le volet cassé de la maison sur la gauche crée un sentiment de désolation. La maison en ruine en devient une métaphore de l'empire de Zorglub.
La vignette se lit de gauche à droite, en partant de Fantasio et se concluant sur Zorglub, dans un curieux raccourci : la victime du début de l'album contemple son ancien bourreau.
Les mains ballantes de Champignac et Spirou témoignent d'une certaine tristesse, d'un signe d'impuissance et peut être d'une certaine compassion.
Une vignette de génie
.
Eléanore