Le retour du Capitaine Nemo est une BD (?), un roman illustré (?), un opus des
Cités Obscures de Peeters et Schuiten.
L'ouvrage comporte trois parties toutes centrées sur Jules verne, l'hommage manifeste du livre.
Le début de l'histoire est un long monologue illustré du capitaine Nemo. Celui-ci a survécu à l'explosion volcanique ayant détruit l'île mystérieuse. Vieilli, les cheveux hirsutes, le regard à moitié fou, le vieil homme s'est réveillé de sa maladie dans un nauti-poulpe, un engin mystérieux ayant la forme d'un calmar géant. A bord du bâtiment, comme il l'a fait dans 20000 lieues sous les mers, Nemo va parcourir le monde, pas le nôtre bien sûr, mais celui des cités obscures. Nous retrouvons Urbicande, Brüsel, etc. et leurs monuments. Puis, étrangement, Némo rajeunit et se transforme en Jules Verne alors que le nauti-poulpe accoste dans la cité picarde.
La deuxième partie de l'ouvrage centre le roman récemment retrouvé de Verne,
Paris au XXème siècle, dont Schuiten aurait illustré l'édition. Un texte savant de Peeters nous présente la découverte !
La conclusion de la BD centre le rapport entre Hetzel et Verne, avec un nouveau texte érudit de Peeters.
La narration globale est clairement de bric et de broc avec, en sus, une frontière entre le réel et l'imaginaire poreuse. Les auteurs essaient de lier dans ce livre univers ou testament leurs œuvres et celles de Jules Verne et je confie y percevoir un hommage mais aussi beaucoup d'hubris et d'ego.
La première partie du livre est esthétiquement très belle, narrativement très émouvante, et surtout très positive puisqu'elle conte la lente résurrection de Némo. Les deux autres composants relèvent plutôt du livre illustré. De bric et de broc vous dis-je
. N'ayant pas lu
Paris au XXème siècle, je ne sais pas si les illustrations de Schuiten constituent un recyclage de celles produites en 1994 pour illustrer l'édition Hachette ou s'il s'agit de créations.
Côté graphique, il faut saluer la performance de Schuiten qui se colle dans la charte graphique Hetzel pour faire du Riou, du Schuler ou Neville. Quelle patience il a fallu pour créer à coup de traits et de points des illustrations "madeleines de Proust" qui ne peuvent que réjouirent les enfants que nous fûmes.
Ma note sera entre
EE (2ème et 3ème volets) et
EEEE (premier volet) car on ne voit pas bien quel est le projet des auteurs au-delà d'écrire une sorte de traité illustré sur Verne. La première partie est très belle, très ambitieuse et je la vois comme un lever de soleil. L'arrivée de la couleur dans les dernières pages est tout sauf innocente. Le centre et la fin de la BD regarde plutôt, sans le dire, du côté de l'analyse et du recyclage ce qui me gêne un peu. Les réflexions de Peeters sont intéressantes mais moins qu'une vraie analyse sur Verne.
Eléanore