Lefranc, Alix, Jhen ... et les autres
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Le deal à ne pas rater :
Boutique Nike : -25% dès 50€ sur TOUT le site Nike avec le code ...
Voir le deal

Vous n'êtes pas connecté. Connectez-vous ou enregistrez-vous

Je viens de lire

+26
Clovis Sangrail
Godot
eleanore-clo
Syngonic
Murakami
stephane
2J
bruno
Draculea
Jacky-Charles
bird13
Loup79
Raymond
Fildefer
Ethan
Monocle
sylvain-
FANTOMIALD
catallaxie
Damned
Patrick Essa
Totoche Tannenen
Lion de Lisbonne
JYB
Jean-Luc
Pierre
30 participants

Aller à la page : Précédent  1 ... 9 ... 14, 15, 16 ... 27 ... 39  Suivant

Aller en bas  Message [Page 15 sur 39]

351Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Mer 19 Mai - 12:24

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Les enfants des autres est le tome 1 de la série Contrapaso de Teresa Valero.

Je viens de lire - Page 15 3189_couv

Dans l’Espagne franquiste des années 1950, deux journalistes, Léon Lenoir et Emilio Sanz, mènent l'enquête sur la noyade d'une femme. De fil en aiguille, ils vont remonter la piste d'un trafic d'enfants dans des cliniques psychiatriques.

L'auteure réussit un superbe mariage entre l'Histoire, la dictature du caudillo, et le journalisme d'investigation. Elle nous livre un roman noir, en couleur directe, dans la droite ligne de Blacksad de Canales et Guarnido. Le travail de Valero est incroyable de minutie et je ne résiste pas au plaisir de vous donner le lien vers une citation de Camus que la scénariste a retrouvé : https://cdjm.org/2020/12/11/le-manifeste-censure-dalbert-camus/.

Abordons tout d'abord l'Histoire. La chape de plomb du franquisme est parfaitement rendue à travers l'autocensure des media, les manifestations estudiantines de 1956 (https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1970_num_16_1_1289), la psychiatrie militaire (https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Vallejo_N%C3%A1gera), etc. La Guerre d'Espagne façonne encore la société madrilène et se cache derrière chaque page de la BD : le père adoptif de Léon Lenoir ressemble étonnement au généralissime, Emilio Sanz est un ancien phalangiste, etc.

Je viens de lire - Page 15 3189_P11

La misère du peuple fait aussi partie de l'intrigue. Ne l'oublions pas, la politique d'autarcie de Franco a appauvri le pays et nous accompagnons ainsi les reporters dans la banlieue pauvre de Madrid.

Les personnages sont fortement typés. Côté journalistes, Valero s'inscrit dans la grande tradition des duos dissymétriques. Lenoir, inexpérimenté et impulsif, contraste fortement avec Sanz, expert et désabusé. Murtaugh et Riggs les héros de L'arme fatale ou, plus populaire encore, Starsky et Hutch, ont trouvé leurs dignes successeurs. Le titre de la série, Contrapaso, fait d'ailleurs référence au contrepoint, une technique musicale permettant de marier harmonieusement deux lignes mélodiques différentes (2. m. Mús. En el canto, emisión o interpretación, por unos cantantes, de las notas normales, en tanto que otros hacen el paso o inflexión que sirve de cobertura a la voz.). Les seconds rôles sont magnifiques. La fille surdouée du médecin légiste, capable de réaliser un diagnostic avant même l’autopsie, est hilarante.

Je viens de lire - Page 15 3189_P15

Le criminel (enfin un parmi beaucoup...) est un vrai Docteur Jekyyll et Mister Hyde ou alors un lointain parent de Norman Bates, le terrible héros de Psychose d'Alfred Hitchcock. La noirceur de chaque personnage est toujours teinté d'un soupçon de dérision, l'humour noir se mariant subtilement au roman noir.

La condition des femmes et l'horreur des cliniques psychiatriques construisent un climat oppressant. En fait, la folie règne en maitresse dans ce roman graphique, et pas que chez les malades et les criminels.

J'ai aussi apprécié le clin doeil de l'auteure qui, via le personnage de Paloma, souligne la difficulté d’être illustratrice. Une mise en abyme savoureuse Very Happy

Au final, le scénario est superbement construit même si je me permets d’émettre un petit bémol concernant les dialogues. A l'instar d'un EP Jacobs, Valero est loquace et chaque case donne lieu à de longs échanges entre les protagonistes. Un régime-minceur s'impose pur le tome 2  Smile

Le dessin est magnifique. Une succession d'aquarelles peintes dans des tonalités sombres crée une ambiance désespérée à souhait. Les détails sont soigneux avec un soin maniaque digne de Franquin.
Et puis, quelle couverture. Les manifestants à gauche, le trio de héros au centre et les miliciens de la Falange Española Tradicionalista (https://fr.wikipedia.org/wiki/Falange_Espa%C3%B1ola_Tradicionalista_y_de_las_Juntas_de_Ofensiva_Nacional_Sindicalista) matérialisent une flèche pointée vers le lecteur. Et le fond rouge est bien celui du sang, sang de la répression et sang des victimes.

Je viens de lire - Page 15 3189_P12 Je viens de lire - Page 15 PlancheS_74126

Nous avons là clairement une des très grandes BD du premier semestre 2021. Les amateurs des premiers Blacksad y trouveront, la BD animalière en moins et l'Histoire en plus, un prodigieux succédané. Si le roman noir ne vous rebute pas, allez-y les yeux fermés.

Eléanore

352Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Mer 19 Mai - 15:15

Raymond

Raymond
Admin

Je ne connais pas Teresa Valero mais quand je regarde dans la Bédéthèque, je note qu'elle a derrière elle à la fois une carrière de scénariste ("Sorcellerie" avec Guarnido puis "Curiosity Shop") et de dessinatrice ("We are family"). Elle a en principe tout pour être une grande auteure complète.

Tout ce que tu expliques semble sinon intéressant. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu cet album en librairie et il faudra que j'enquête.   Wink


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

353Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Sam 22 Mai - 15:32

Raymond

Raymond
Admin

La belle lecture de cette semaine, c'est sans aucun doute Ô Verlaine, le beau roman graphique réalisé par Philippe Thirault et Olivier Deloye.

Je pensais au départ que Ô Verlaine était un biopic, et il est vrai que cette adaptation du livre de Jean Teulé avait plusieurs aspects qui y faisaient penser. J'étais par ailleurs curieux de découvrir le personnage méconnu qui se cachait derrière la légende du célèbre poète du XIXème siècle, dont certaines œuvres m'ont été très doctement enseignées par mes professeurs de français. La matière était donc assez riche et la BD peut au fond aussi servir à cela : apporter un regard nouveau sur un personnage connu !   Very Happy

Je viens de lire - Page 15 O-verl11

Et en fait, la première chose qui m'a séduit dans cette bande dessinée, c'est la truculence du récit ! Cette qualité provient bien sûr du style de Teulé, ce dernier m'ayant déjà maintes fois séduit avec ses romans picaresques qui reprenaient (et détournaient) l'histoire de grands personnages littéraires tels qu'Abélard et Héloïse, Baudelaire ou François Villon. Ô Verlaine utilise à nouveau le même procédé car ce livre nous raconte la fin de la vie du poète, ce dernier étant alors devenu devenu un vieil ivrogne lunatique, un tyran impécunieux et un paillard impénitent. Ce surprenant portrait était déjà en soit suffisant pour donner de l'intérêt au récit, mais il s'y est ajouté en plus la lancinante question : où se trouve la réalité ? Verlaine est-il vraiment tombé si bas ? Qu'est-ce qui est vrai dans toute cette histoire ? Et arrivé à la fin de cette BD, je n'ai pas réussi à répondre à toutes ces questions.  Wink  

Je viens de lire - Page 15 O-verl12

Jean Teulé joue donc avec la réalité, mais il invente aussi très habilement une fiction qui se concentre autour de Henri-Albert Arnuty, un "poulbot" agile et malicieux qui s'est épris de la poésie de Verlaine et qui a décidé de défendre l'écrivain contre les avanies de la vie quotidienne. Un attentat puis des meurtres surviennent et le récit ressemble donc bien à une fiction mais l'attention se détourne très vite de ce petit mystère pour se concentrer sur la vie quotidienne de Verlaine, avec ses excès, ses moments salaces et ses anecdotes merveilleuses. Et par moments, les poèmes se mélangent avec la réalité.

Je viens de lire - Page 15 O-verl13


Et j'ai ainsi été emballé par ce beau portrait de Paul Verlaine qui oscille d'une façon permanente entre la poésie et la caricature, entre les détails sordides et les envolées lyriques, entre le plaisir du polar et l'intérêt du biopic, ou entre le portrait d'un monstre et les confidences humoristiques sur un génie. Le personnage historique était bien probablement tout cela à la fois et il en résulte un récit réellement décapant.

Je viens de lire - Page 15 O-verl14

Ceci dit, je me rends compte que si je vous ai dit beaucoup de bien du livre de Jean Teulé ...  je n'ai pas beaucoup parlé de la BD elle-même !  Hum, hum ! Wink  Mais il est bien sûr clair qu'une adaptation réussie résulte elle aussi d'un bon travail des deux bédéastes. Le principal mérite du scénariste est certainement de ne pas avoir perdu l'humour et la poésie du texte en réalisant son découpage, mais il m'est sinon assez difficile d'évaluer son apport. Pour ce qui concerne le dessin, Olivier Deloye déploie un style semi-réaliste et fortement caricatural qui saisit avec habileté l'humour ou la férocité de certaines scènes, tout en trouvant parfois de belles nuances dans l'expression des visages. Et je ne résiste pas à la tentation de vous montrer cette magnifique image de Verlaine ci-dessous, car c'est certainement un des moments forts du livre.

Je viens de lire - Page 15 O-verl15

Je n'en dévoilerai pas plus ! Ô Verlaine est une belle réussite, qui donne souvent envie de rire et qui donne aussi à réfléchir. Je ressens maintenant l'envie de lire une vraie biographie du poète, afin de séparer les faits historiques de la légende qui accompagne volontiers les personnages historiques contestés. Et la vie notoirement dissolue de Verlaine le place certainement dans cette dernière catégorie. 

Sinon, les puristes préféreront peut-être lire le roman qui est à l'origine de cette BD, mais les bédéphiles auraient en fait bien tort de dédaigner cet intéressant roman graphique, qui m'a offert un beau moment de lecture.

Donc ... j'ai bien aimé !   Very Happy


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

354Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Dim 23 Mai - 13:20

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Merci pour cette belle présentation qui donne très envie de lire O Verlaine. Profitons en d'ailleurs  Wink

Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.


Verlaine, les poèmes saturniens 1866

Je vous propose maintenant de quitter la poésie pour la médecine.

Le chœur des femmes est une bande dessinée d'Aude Mermilliod, une remarquable adaptation du roman éponyme de Martin Winckler. C'est clairement une des BD phares de ce premier semestre au point que le réseau Canal BD l'a retenue pour son prix 2022  Very Happy . C'est aussi une BD profondément féministe et que j'ai placée pourtant dans ce fil car elle va bien au-delà d'un ouvrage favorable ou défavorable à la cause des femmes car elle est universelle.

Je viens de lire - Page 15 Couv_422912

Jean, une brillante interne à l'hôpital, major de sa promotion, doit faire un stage en soins gynécologiques aux côtés du docteur Franz Karma. Imbue de ses certitudes, froide, orgueilleuse et cassante, la jeune femme va découvrir une autre médecine, à l'écoute des patientes, dans le respect infini de leur corps et de leur personnalité. Et bientôt la métamorphose s'opère. Jean se convertit à la vision de son maître de stage. Et surtout, tant elle que Franz vont pouvoir affronter leurs blessures secrètes dans une conclusion virtuose...

Je viens de lire - Page 15 Choeur11

Disons le tout de suite, je n'ai pas lu le roman et il m'est donc difficile de faire la part des choses entre les idées de Mermilliod et celles de Winckler. Peu importe car la BD se lit facilement et tant que le texte que les dialogues coulent de source.
Le titre de l'ouvrage est interpellant et surtout signifiant. Le Dictionnaire Larousse propose plusieurs définitions pour le mot chœur :lien vers Larousse et j'en retiendrai trois. La première, "Réunion de chanteurs groupés en vue de l'exécution d'une œuvre musicale, traduit la mélodie de cette BD. Toutes ces femmes, durant toutes les consultations, chantent une mélodie le plus souvent en mode mineur, la cantilène de leur sexualité. La deuxième définition, "Réunion de chanteurs groupés en vue de l'exécution d'une œuvre musicale" témoigne de l'unité de la vision des femmes. Toutes font part d'un besoin de réconfort intime. La troisième définition, enfin, "Ensemble de paroles, de cris qu'un groupe de personnes fait entendre collectivement : Un chœur de lamentations" énonce que la condition féminine est une, au-delà des différentes peurs, des complexes et des pathologies. Le rapport de la femme avec la consultation gynécologique est tout d'ambiguïté : une nécessité et un besoin sanitaire mais qui font peur car concernant la vie intime et sentimentale.

Je viens de lire - Page 15 Choeur12

La BD est vraiment riche. Plusieurs thèmes sont abordés.

Le premier me semble être celui de la seconde chance : seconde chance offerte à Jean pour s'ouvrir aux autres, seconde chance offerte à Jean à la naissance pour vivre son unicité et enfin seconde chance offerte à Franz pour humaniser son métier. Et ce ne sont là que quelques nouvelles opportunités sélectionnées car le livre est un hymne à la vie, à son pouvoir régénérateur.

Le sujet de l'éducation est aussi au cœur de l'ouvrage qui disserte sur l'écart entre la théorie et la pratique. Jean arrive avec ses savoirs académiques et se retrouve confrontée à la réalité des patientes. Plus problématique encore, Franz pratique une médecine profondément différente de celle qui lui a été enseignée : une médecine où le corps et l'âme font un tout, où l'écoute est aussi importante que la technique pour diagnostiquer et soigner, et où chaque patient est unique et profondément respecté. Le propos peut parfois sembler caricatural mais doit sans doute contenir une part de vérité puisque Winckler est médecin. D'ailleurs, la BD interroge sur la profession de médecin. Qu'est-ce qu'un bon ou un mauvais médecin ? D'ailleurs, est-ce que ce genre de qualificatif peut s'appliquer ? Quelle déontologie se cache derrière le pouvoir de guérir ? La BD interroge aussi sur la motivation des élèves médecins. Pourquoi ont-ils choisi ce métier ? L'exemple de Jean est terriblement éclairant car sa motivation affichée, reconstruire les chairs tel Michel-Ange sculptant, cache une souffrance profonde, intime, viscérale.

Un autre thème est celui de la tolérance. Nous sommes tous différents et chacun est respectable. Cette différence peut être physiologique (Jean, les patientes) mais aussi psychiques (Jean et ses amants, Franz, les patientes). Aucun jugement n'est porté et toutes et tous sont écouté(e)s avec bienveillance. La norme n'est plus une prison.

Avec beaucoup de finesse et de pudeur, le scénario nous brosse une immense galerie de portraits. Cela peut d'ailleurs gêner le lecteur car cette multiplicité de propos, de témoignages, de cas peut faire peur. Cependant, jamais l'auteur ne cède à la logorrhée verbale. Chaque parole est distincte, claire et le tout est plus grand que chaque partie. En fait, on pourrait comparer la BD à un tableau de Seurat, une succession de points, chacun avec sa couleur, chacun avec ses particularités, dont l'assemblage génère une vision puissante, celle de l'être féminin et de sa sexualité.

Le dessin est simple et fait penser à Alfred. Décidément, ce brillant auteur va pouvoir fonder une école  Very Happy  
Trouver un visage pour Jean relevait de la gageure. Et bien, le défi est réussi, avec un corps mince et une tête ronde coiffée à la garçonne. Et Franz est rassurant à souhait ! Par ailleurs, et enfin dirais-je, les femmes et leurs corps sont ordinaires. Nous sommes à mille lieues du monde habituel de la BD où les dessinateurs se focalisent sur des corps féminins parfaits oubliant volontairement que ceux-ci n'existent que chez une infime minorité de jeunes femmes. Le livre traite (entre autres considérations) de consultations gynécologiques et l'auteure dessine des sexes féminins. J'ai apprécié leur délicatesse et leur sensibilité, sans qu'aucune vulgarité ni voyeurisme ne perturbent la tonalité du discours tant narratif que graphique.

Le découpage et les différentes cadrages sont brillants, à l'égal d'une production cinématographique. Enfin, les couleurs douces se marient parfaitement à une intrigue qui, au-delà de son âpreté apparente est fondamentalement positive et rayonnante.

Je viens de lire - Page 15 PlancheA_422912

Je viens de lire - Page 15 Choeur10

Au final, un ouvrage fort, très riche en émotions et qui fait beaucoup réfléchir. Je reproche souvent aux magazines spécialisés de ne pas faire de distinction entre les œuvres en les classant toutes dans la catégorie : "à lire d'urgence". C'est pourquoi, je vais désormais essayer de suivre une autre voie, celle de Murakami ou du Guide Michelin, au choix  Laughing ,en attribuant des E (comme Eléanore, bien sûr  Smile ). E est une BD à acheter pour soutenir l'industrie papetière, tant la production que le recyclage. EE est une BD à acheter pour soutenir l'auteur et l'éditeur. EEE est une belle BD, riche de sens et d'un beau graphisme, EEEE est une très grande BD, digne de rester dans les mémoires.
Et donc, roulement de tambours, il me semble que Le chœur des femmes mérite EEEE.

Ouest France a apprécié : https://www.ouest-france.fr/culture/bande-dessinee/bd-grace-a-aude-mermilliod-em-le-choeur-des-femmes-em-de-martin-winckler-vibre-encore-238cbfae-b4b3-11eb-ac24-27678a9eb011

Et Gilles Ratier aussi http://bdzoom.com/166990/actualites/touchante-et-tres-reussie-adaptation-bd-d%E2%80%99un-best-seller-de-martin-winckler-ou-les-soignants-sont-vraiment-a-l%E2%80%99ecoute-des-patients%E2%80%89/  Very Happy

Eléanore

355Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Dim 23 Mai - 14:57

Raymond

Raymond
Admin

Il est intéressant de lire une critique féminine de cet album, car tes réflexions sont bien différentes de ce que j'ai écrit précédemment.

Tu as lu cet album en tant que femme, et moi en tant que médecin.   Wink

Pour la note, je n'aurais probablement mis qu'un "EEE", tenant compte que Winckler a un reconnu s'être au départ inspiré de "Barberousse".


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

356Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Dim 23 Mai - 17:51

Godot

Godot
docteur honoris causa
docteur honoris causa

Eléanore m'a, une fois de plus, guidé vers cette aventure grâce à son post.

eleanore-clo a écrit:Le plongeon est une BD scénarisée par Séverine Vidal et dessinée par Victor Pinel.

Je viens de lire - Page 15 Couv_413113

[...]

Eléanore

La présentation d'Eléanore est complète. Alors je ne vais apporter que quelques idées en plus. J'ai lu plusieurs fois Le Plongeon.

eleanore-clo a écrit:

Yvonne, une veuve octogénaire, vit seule. Comprenant qu’elle aura de plus en plus de difficultés à garder son autonomie, elle prend la douloureuse décision de vendre sa maison et de rentrer en EPAD. Elle y découvre un autre univers, fait de règles, d’autorité infantilisante, de soins incompréhensibles, de soucis mémoriels, mais aussi de chaleur humaine, de complicité, de belles transgressions voire même d’amour.

[...]

Eléanore

Yvonne est authentique et je la crois quand elle montre ce qu'elle ressent. (Vendre la maison, se séparer de son chien,...). Le dessinateur Victor Pinel renforce les "ressentis" grâce à son dessin qui convient à merveille pour l'histoire.

Le sujet est traité avec justesse. L'autrice Séverine Vidal anime des ateliers d’écriture en EPAD et elle a certainement recueilli des témoignages de nombreux pensionnaires. Elle va éviter de tomber dans le pathétique ou la tristesse et c'est pour cela que je la félicite.

Lorsque j'étais jeune, j'effectuais un "travail d'été" dans une résidence pour personnes âgées. Mes expériences m'ont profondément marquées. Ces personnes du 4ème âges qui se retrouvaient en communauté, parfois à plusieurs par chambre.

Je ne travaillais qu'environ 2 mois, mais j'arrivais à développer une amitié, une tendresse avec certains pensionnaires. Je prenais du temps pour discuter avec eux, alors cette page m'a rappelé des souvenirs


eleanore-clo a écrit:


[...]

Et puis, dans ce monde si spécial, les soignants sont à l’honneur. Youssef, l’infirmier, est bien plus que cela. Il est l’ami et le complice qui donne de la saveur à l’EPAD.

[...]

Eléanore

Sans prétention, Youssef, m'a beaucoup fait penser à moi.

Je viens de lire - Page 15 Plonge10


eleanore-clo a écrit:


[...]

Séverine Vidal anime des ateliers d’écriture en EPAD. Elle se met d’ailleurs en scène. En fine connaissance de ce monde à part, la scénariste brosse un vaste panorama, oserais-je dire une micro comédie humaine. Tous, quels que soient leurs passés, se retrouvent à vivre ensemble. Yvonne, dynamique et rebelle, s’emploie à faire souffler un vent de liberté et de jeunesse d’esprit. Le mouroir devient un  lieu de vie. La fin de la BD est heureuse avec un superbe jeu sur les multiples sens du mot plongeon.

[...]

Eléanore

Séverine Vidal traite avec intelligence le sujet. Elle y met de la tristesse mais aussi de la joie, du bonheur. Ce mélange doux/amère équilibré me donne une impression plus humaine, plus authentique.




eleanore-clo a écrit:


[...]

Clairement, la vieillesse n’est plus taboue dans le monde de la bande dessinée. Après Les vieux fourneaux et L’obsolescence programmée des sentiments, nous retrouvons ce territoire nouveau, un territoire lumineux pourtant, et dans lequel tous nous évoluerons, d’une façon ou d’une autre. La BD n’est pas triste. Elle est au contraire fertile et riche en espérances. Une furieuse envie de vivre transcende la nostalgie du passé. Et les moments heureux ne se résument pas aux rares visites. Et puis, dans ce monde si spécial, les soignants sont à l’honneur. Youssef, l’infirmier, est bien plus que cela. Il est l’ami et le complice qui donne de la saveur à l’EPAD. Cette chaleur humaine ne se limite d'ailleurs pas à l'établissement puisque Martial, l'ami d'Yvonne, prend tous les risques pour elle...

[...]

Eléanore

Une relation va "éclore" entre Yvonne et Paul-François P.F. L'image qui m'a le plus marqué

Je viens de lire - Page 15 Plonge11

Le Plongeon fera partie des 10 BDs qui m'auront profondément marquées pour l'année 2021.

357Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Lun 24 Mai - 11:09

Raymond

Raymond
Admin

Et l'on parle encore du Chœur des Femmes, cette fois-ci sur ActuaBD !   Cool

Je viens de lire - Page 15 Choeur16

François Rissel en parle ici :

Le Choeur des femmes de Martin Winckler et Aude Mermillod : une (...) - ActuaBD


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

358Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Lun 24 Mai - 13:22

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Raymond a écrit:La belle lecture de cette semaine, c'est sans aucun doute Ô Verlaine, le beau roman graphique réalisé par Philippe Thirault et Olivier Deloye.

Jean Teulé joue donc avec la réalité, mais il invente aussi très habilement une fiction qui se concentre autour de Henri-Albert Arnuty, un "poulbot" agile et malicieux qui s'est épris de la poésie de Verlaine et qui a décidé de défendre l'écrivain contre les avanies de la vie quotidienne.

J'ai donc lu la BD  Very Happy

Il me semble que le scénario de Thirault, et donc probablement le livre de Teulé, répondent à une problématique : "les interactions entre un artiste (maudit) et son entourage peuvent-elles être bénéfiques ?" François Truffaut a déjà abordé le sujet, mais sous un autre angle, avec L'Histoire d'Adèle H. Et Teulé prend le relais en allant beaucoup plus loin. En effet, Paul Verlaine est ici, sous nos yeux, et nous le suivons pas après pas, minute après minute. Et, effarés, nous observons sa débauche, sa capacité destructrice et autodestructrice. En fait, Verlaine nous est dépeint comme l'antithèse de ses poèmes : la laideur morale engendrant la beauté poétique. Et les proches de Verlaine sont entrainés dans une déchéance inexorable, incapables de se libérer car prisonnier d'une relation d'amour et de haine, une dépendance matérielle et intellectuelle dévastatrice. C'est ainsi qu'Arnuty, le petit poulbot, grand amateur et défenseur du poète, mourra de sa passion. Et les puissants ne sont pas en reste, comme le Préfet Lépine qui protège Verlaine et couvre tous ses délits. En fait, Verlaine ne laisse personne indifférent, que ce soit un confrère jaloux, comme Coppée, ou encore ses soignants comme le directeur de l'hôpital, fasciné par son œuvre. On l'adore ou on le déteste.
D'une façon générale, le peuple parisien est parfaitement "croqué", que ce soit les nantis mais aussi les humbles, ouvriers besogneux, vagabonds bohêmes ou encore prostituées désargentées.

Côté dessin, et comme l'a remarqué Raymond, le style de Deloye, délicieusement caricatural et criant de vérité, se marie parfaitement à l'intrigue. Le Paris de la fin du XIXème siècle est là, sous nos yeux.

Au final, la BD porte un projet artistique cohérent et pédagogique. Elle retrace avec fidélité une vie âpre. Voici d'ailleurs l'extrait de Wikipédia relatif aux derniers mois du poète :
Son alcoolisme entraîne des crises de violence répétées. Il est emprisonné à Vouziers, du 13 avril au 13 mai 1885, pour avoir tenté une nouvelle fois d'étrangler sa mère, avec laquelle il vit toujours (elle mourra le 21 janvier 1886). Longue déchéance, sa fin de vie est quasiment celle d'un clochard, hantant cafés et hôpitaux et condamné à des amours « misérables ». Soutenu par de rares subsides publics ou privés, il donne quelques conférences. Il ne produit plus guère que des textes d'occasion, dont des poèmes érotiques, voire pornographiques. Souffrant de diabète, d'ulcères et de syphilis, il meurt d'une pneumonie aiguë le 8 janvier 1896, à 51 ans, au 39 rue Descartes, dans le Ve arrondissement de Paris.

EEE

Eléanore

359Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Ven 28 Mai - 15:17

Raymond

Raymond
Admin

Il y a des artistes pour lesquels j'éprouve une admiration sans borne et je suis souvent intéressé lorsqu'une BD leur est consacrée. Et c'est pour cette raison que j'ai acheté sans hésitation Beethoven, le Prix de la Liberté, le très bel album scénarisé et dessiné par Régis Penet.

Je viens de lire - Page 15 Beetho10

Il ne fait aucun doute que Beethoven est un stentor, que dis-je, un héros de l'histoire de la musique. A la fois sourd et inspiré, ce génial caractériel a influencé un nombre considérable de musiciens et il a longtemps été une référence absolue en matière de musique classique européenne. Ses travers ont toutefois suscité beaucoup de curiosité et c'est un peu le sujet de ce biopic, qui se concentre sur un événement bien précis de son existence : sa rupture avec le prince Alois von Lichnovski, qui était son ami et son protecteur, au cours de l'année 1805. Et toute la tension qui anime le récit se concentre autour de cette unique question : Beethoven avait-il raison ?

Je viens de lire - Page 15 Beetho11

Après sa victoire à Austerlitz en 1805, Napoléon a envahi l'Autriche avec toute son armée. Ancien admirateur du général, qui avait autrefois été le symbole de la Révolution Française, Beethoven a renié ce militaire qui est devenu un tyran pour de nombreuses populations européennes. De son côté, le prince von Lichnovski doit, en tant que diplomate, recevoir des militaires français dans son château. Il va donc leur offrir un dîner et demande à Beethoven de leur jouer un petit concert de piano. Mais le musicien refuse obstinément !

Objectivement, les motifs de Beethoven sont facilement compréhensibles, car il est allemand et réagit avec patriotisme. Mais les raisons sont plus complexes et il s'y ajoute certainement une grande part d'orgueil. Beethoven n'est pas un domestique ! Et sa musique n'est pas faite pour divertir des galonnés ! Le prince de son côté estime que cette musique est une expression de la grande civilisation germanique et que les français doivent en ce domaine "apprendre à vivre". Il ajoute aussi qu'il fait cette demande à Beethoven en tant qu'ami, mais le compositeur n'est pas sensible à ce genre d'argument.

Je viens de lire - Page 15 Beetho12

A côté de ce dilemme, il y a un narrateur qui est le fils du prince von Lichnovski et qui se remémore de sa vie en présence du compositeur. Le lecteur découvre avec lui la vie quotidienne de Ludwig dans ce château de rêve avec bien sûr son activité de compositeur. Chaque scène est de plus conçue en fonction d'une œuvre bien précise de Beethoven et une petite liste en fin d'album permet à l'amateur de s'offrir ensuite une deuxième lecture, accompagnée d'une "bande son" bien précise, et c'est bien sûr un petit plaisir que je vais encore m'offrir.

Je viens de lire - Page 15 Beetho13

A la fin de l'histoire, l'auteur s'interroge aussi sur l'existence de la fameuse "immortelle bien aimée, dont l'identité reste inconnue. Il passe en revue les hypothèses les plus couramment évoquées mais son livre semble évoquer une autre réponse ... bien plus évidente, même si elle n'est pas verbalisée.

Je viens de lire - Page 15 Beetho14

Sobre et altier, le dessin réaliste de Régis Penet expose avec une certaine grandeur cet affrontement qui oppose l'aristocratie et les révolutionnaires, l'idéal et l'humain, l'amitié et l'orgueil. Le choix du noir et blanc et l'austérité des images souligne avec justesse la gravité du sujet mais cela n'empêche pas l'auteur de dessiner quelques pages élégiaques et d'illustrer toutes les nuances de cette tragédie de caractères. Le grand format et le caractère luxueux du livre me paraissent être à l'unisson de cette volonté de rendre hommage à un grand homme, et l'album est donc aussi un très bel objet pour les bibliophiles.

Je viens de lire - Page 15 Beetho15

Et à la fin de cette lecture, il est bien difficile de choisir ! J'aurais envie de paraphraser une citation célèbre faite il y a une trentaine d'années, au sujet de Jean-Paul Sartre et Raymond Aron, en écrivant que je préfère avoir tort avec Beethoven que raison avec von Lichnovski ... mais il n'est pas sûr que Beethoven ait eu tort.    Wink

Sinon, je ne peux que recommander aux mélomanes, mais aussi à tous les bédéphiles, de s'intéresser à cet ouvrage tout simple et assez vite lu, qui offre un délicat plaisir de lecture. Et j'ai envie de souligner cette intention en lui attribuant la note maximale selon eleanore !   Cool

EEEE


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

360Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Dim 30 Mai - 10:03

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

J'ai aussi lu Beethoven, le prix de la liberté.  Very Happy

La BD commence par le concert où fut créée la 9ème symphonie et son célébrissime Ode à la joie. Puis, à travers un immense flash-back, nous revivons une journée de 1806, où le mécène de l'artiste essaie de le faire jouer pour l'occupant français.
Pénet en profite pour dresser un portrait à 360° du musicien.
- Côté engagements politiques, il nous présente un républicain convaincu, vivant mal sa dépendance financière vis-à-vis de la noblesse autrichienne et un européen profondément anti-napoléonien.
- Côté relations sociales, nous (re)découvrons le misanthrope, infidèle en amitié, incapable de nouer des relations humaines, farouchement attaché à son indépendance et à sa liberté.
- Côté personnalité, l'intrigue insiste sur la solitude et le fol orgueil du compositeur  
- Côté musique, nous pouvons observer le processus de création, son intime liaison avec l'éthique et la vie quotidienne du maestro. Et aussi la fascination exercée par la musique beethovénienne sur les amateurs du 4ème art.

Au final, nous retrouvons le profil de l'artiste maudit. Et le hasard du calendrier éditorial a fait que cette BD parait en même temps que l'ouvrage O Verlaine. Dans les deux scénarios, on retrouve le contraste entre des personnalités difficiles, antipathiques, et des œuvres sublimes.

Le graphisme est très classique et le visage du musicien est très fidèle à celui des toiles nous étant parvenues.
Les dessins sont en noir et blanc, ce qui ne pose aucun souci et donne même une crédibilité historique à ce quasi documentaire.

EEE

Pour conclure, voici le morceau phare de la BD, l'Ode à la Joie, dans deux interprétations
1) celle légendaire de Karl Böhm, avec l'orchestre philharmonique de Vienne, captée quelque mois avant le décès du chef d'orchestre.
2) celle, moins connue, du plus grand chef beethovénien de tous les temps, Wilhelm Furtwängler. Les tempo sont très différents. Et surtout, cette version date de 1942 et a été donnée pour l'anniversaire d'Hitler. Ce contexte traduit bien toute l’ambiguïté du sujet et l'écart entre la pensée du compositeur et sa musique est ici portée à son acmé.





Eléanore

361Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Dim 30 Mai - 10:31

Raymond

Raymond
Admin

Quelle passion, et quelle folie, cet enregistrement de Furtwängler que je ne connaissais pas !    sunny

Je possède deux enregistrements de la Neuvième dirigés par ce grand chef et la comparaison avec cette vidéo est accablante. Ce concert écrase complètement les enregistrements traditionnels.

Notons au passage que Furtwângler était un spécialiste des tempos très lents, alors que cette Neuvième se termine de manière très inhabituelle, sur un rythme échevelé ! Furtwängler était vraiment capable de tout. J'en ai encore des frissons dans le dos.   sunny

Et tout cela a été fait pour fêter l'anniversaire d'Hitler ! Quand j'y pense ...   debil

Merci pour cette splendide découverte !   bise


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

362Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Mar 1 Juin - 8:01

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour

Pulp est une BD (euh?) un comics (euh?) une œuvre ( Very Happy ) écrite par Ed Brubaker et dessinée par Sean Phillips.

Je viens de lire - Page 15 Couv_423066

Max, sexagénaire, la santé fragile et ancien roi de la gâchette dans l'Ouest américain, survit misérablement dans le New-York des années 30 en écrivant des westerns pour des magazines populaires, des pulps (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pulp_(magazine)). Mais les temps sont difficiles. L'éditeur le paie de moins en moins bien. De plus, le vieil homme se fait rosser et dérober son peu d'argent par quelques voyous. Dégoûté par la société, il décide de commettre un vol à main armée. Mais, il est stoppé, juste avant de passer à l'action, par un ancien détective de la compagnie Pinkerton. Celui-ci lui propose une affaire autrement plus rémunératrice, le vol des fonds envoyés en Allemagne par des sympathisants nazis...  

Comment faire une pâte sablée ? Et bien, prenez 200 g de farine, deux cuillerées à soupe de sucre, des grains de vanille extraits d'une gousse, 100 g de beurre ramolli et de l'eau. Malaxez soigneusement les ingrédients puis étalez la pâte au rouleau. Comme on le voit, tous ces ingrédients n'ont rien avoir les uns avec les autres et pourtant leur mélange est harmonieux et délicieux.
Et bien, Pulp est construit sur ce principe. Mélangez un western, une première BD historique sur la Grande dépression, une deuxième (quand on aime, on ne compte pas  Smile  ) BD Historique sur le nazisme puis rajoutez deux pincées de bons sentiments et une cuillère à café de personnages ambigus. Remuez le tout longuement. Et le tout est une belle réussite. Tout dans Pulp est cohérent et parfaitement amené.
Cela tient à beaucoup d’éléments dont un contexte historique extrêmement solide. Ainsi, le scénariste nous rappelle qu'une Amérique toute acquise à la cause du 3ème Reich (https://fr.wikipedia.org/wiki/Bund_germano-am%C3%A9ricain) se cache derrière l'icône de Franklin Roosevelt.
Et puis les rares incohérences disparaissent derrière un scénario tendu à l'extrême et mené tambour battant.
L'intrigue est prenante. Elle déroule une mécanique inexorable qui, certes, broie les êtres mais aussi leur permet d'acquérir une stature du héros. Et les personnages sont tous attachants et merveilleusement crédibles. Les bons sont sublimement bons siffle et leurs crimes expliqués par une succession d'injustices. Et bien évidemment, les méchants sont totalement sans scrupules et cumulent des convictions politiques puantes avec d'atroces violences familiales. Les pages sont tournées à un rythme effréné tant le lecteur est happé dans un tourbillon d'actions. Et puis, quel suspens ! Et le final est parfaitement amené, à l'instar du duel final dans un bon western Wink.

En fait, le scénariste joue en permanence sur des rapprochements tirés par les cheveux et pourtant totalement légitimes. Cette BD de grande qualité, manifestement très travaillée, parle de romans de quatre sous, écrits dans la précipitation. Le personnage principal raconte sa propre vie. Et enfin, nous oscillons en permanence entre le passé et le présent. D'ailleurs, l'Ouest américain et le le New-York de la Grande Dépression ne sont-ils pas frères d'infortune ? Ce que l'on retrouve dans le concept du justicier, sans peur et (presque) sans reproche.

Les dessins sont solides et les différents décors, ceux de l'Ouest américains comme ceux de la Big Apple fleurent bon la réalité. Les images sont réalistes et d'une belle facture.
Et les couleurs sont magnifiques, chaudes pour le volet western et froides pour New-York.

Je viens de lire - Page 15 PlancheA_423066
Je viens de lire - Page 15 81-ndIuOg-L

RTL partage mon avis car Pulp est la BD du mois de mai : https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/pulp-d-ed-brubaker-sean-et-jacob-phillips-est-la-bd-rtl-de-mai-2021-7900037316.

Je n'apprécie ni les comics ni les récits de violence mais il faut reconnaitre que cet ouvrage est construit d'une main de maître (s).

EEEE

Eléanore

363Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Mar 1 Juin - 11:15

Raymond

Raymond
Admin

eleanore-clo a écrit:Bonjour

Pulp est une BD (euh?) un comics (euh?) une œuvre ( Very Happy ) écrite par Ed Brubaker et dessinée par Sean Phillips.

Je viens de lire - Page 15 Couv_423066

Max, sexagénaire, la santé fragile et ancien roi de la gâchette dans l'Ouest américain, survit misérablement dans le New-York des années 30 en écrivant des westerns pour des magazines populaires, des pulps (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pulp_(magazine)). Mais les temps sont difficiles. L'éditeur le paie de moins en moins bien. De plus, le vieil homme se fait rosser et dérober son peu d'argent par quelques voyous. Dégoûté par la société, il décide de commettre un vol à main armée. Mais, il est stoppé, juste avant de passer à l'action, par un ancien détective de la compagnie Pinkerton. Celui-ci lui propose une affaire autrement plus rémunératrice, le vol des fonds envoyés en Allemagne par des sympathisants nazis...  

Comment faire une pâte sablée ? Et bien, prenez 200 g de farine, deux cuillerées à soupe de sucre, des grains de vanille extraits d'une gousse, 100 g de beurre ramolli et de l'eau. Malaxez soigneusement les ingrédients puis étalez la pâte au rouleau. Comme on le voit, tous ces ingrédients n'ont rien avoir les uns avec les autres et pourtant leur mélange est harmonieux et délicieux.
Et bien, Pulp est construit sur ce principe. Mélangez un western, une première BD historique sur la Grande dépression, une deuxième (quand on aime, on ne compte pas  Smile  ) BD Historique sur le nazisme puis rajoutez deux pincées de bons sentiments et une cuillère à café de personnages ambigus. Remuez le tout longuement. Et le tout est une belle réussite. Tout dans Pulp est cohérent et parfaitement amené.
Cela tient à beaucoup d’éléments dont un contexte historique extrêmement solide. Ainsi, le scénariste nous rappelle qu'une Amérique toute acquise à la cause du 3ème Reich (https://fr.wikipedia.org/wiki/Bund_germano-am%C3%A9ricain) se cache derrière l'icône de Franklin Roosevelt.
Et puis les rares incohérences disparaissent derrière un scénario tendu à l'extrême et mené tambour battant.
L'intrigue est prenante. Elle déroule une mécanique inexorable qui, certes, broie les êtres mais aussi leur permet d'acquérir une stature du héros. Et les personnages sont tous attachants et merveilleusement crédibles. Les bons sont sublimement bons  siffle  et leurs crimes expliqués par une succession d'injustices. Et bien évidemment, les méchants sont totalement sans scrupules et cumulent des convictions politiques puantes avec d'atroces violences familiales. Les pages sont tournées à un rythme effréné tant le lecteur est happé dans un tourbillon d'actions. Et puis, quel suspens ! Et le final est parfaitement amené, à l'instar du duel final dans un bon western Wink.

En fait, le scénariste joue en permanence sur des rapprochements tirés par les cheveux et pourtant totalement légitimes. Cette BD de grande qualité, manifestement très travaillée, parle de romans de quatre sous, écrits dans la précipitation. Le personnage principal raconte sa propre vie. Et enfin, nous oscillons en permanence entre le passé et le présent. D'ailleurs, l'Ouest américain et le le New-York de la Grande Dépression ne sont-ils pas frères d'infortune ? Ce que l'on retrouve dans le concept du justicier, sans peur et (presque) sans reproche.

Les dessins sont solides et les différents décors, ceux de l'Ouest américains comme ceux de la Big Apple fleurent bon la réalité. Les images sont réalistes et d'une belle facture.
Et les couleurs sont magnifiques, chaudes pour le volet western et froides pour New-York.

Je viens de lire - Page 15 PlancheA_423066
Je viens de lire - Page 15 81-ndIuOg-L

RTL partage mon avis car Pulp est la BD du mois de mai : https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/pulp-d-ed-brubaker-sean-et-jacob-phillips-est-la-bd-rtl-de-mai-2021-7900037316.

Je n'apprécie ni les comics ni les récits de violence mais il faut reconnaitre que cet ouvrage est construit d'une main de maître (s).

EEEE

Eléanore

Très intéressant car cela sort un peu de  la routine franco-belge !

Merci de l'avoir signalé !   Very Happy


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

364Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Sam 5 Juin - 17:24

Raymond

Raymond
Admin

J'avais lu de bonnes critiques au sujet de Joe la Pirate, la vie rêvée de Marion Barbara Carstairs, et cela m'a donné envie de découvrir cette BD. Cette oeuvre est par ailleurs le dernier album du regretté scénariste Hubert et c'était une façon de lui rendre hommage !

Je viens de lire - Page 15 Joe-la12

C'est d'abord un gros roman graphique dont l'apparence reste assez sobre. Virginie Augustin a choisi pour cette histoire un dessin au trait en noir et blanc, par ailleurs très épuré, et c'est un choix qui me parait assez heureux au vu du caractère scabreux du récit. Les nombreuses partouzes et scènes de coucherie que l'on trouve dans cette BD amorale sont ainsi dessinées avec une certaine délicatesse.

Je viens de lire - Page 15 Joe-la13

"Joe la Pirate" peut être définie comme une lesbienne qui est aussi un peu transgenre, car elle s'habille toujours dans une tenue masculine. Elle est l'héritière d'un magnat du pétrole et passe son temps à dilapider sa fortune en fêtes luxueuses, en voyages ou en compétitions coûteuses. Elle participe par exemple dans sa jeunesse à des compétitions de bateaux à moteur où elle arrive même à battre des records de vitesse.

Je viens de lire - Page 15 Joe-la14

Menant une véritable vie de bâtons de chaise et dépassant toutes les limites sociales permises, l'héroïne (faut-il dire le héros ?) m'a parue par moment un peu excessive et irréelle. Et je n'ai ainsi réalisé que vers la moitié du livre que Marion Castairs avait réellement existé. Cette multimillionnaire a bien sûr rencontré diverses personnalités célèbres (actrices, artistes ou personnalités politiques) et certaines d'entres elles ont même été ses amantes. Un index de toutes ces célébrités est heureusement placé en fin d'album, afin que le lecteur puisse avoir quelque repères et quelques précisions sur des faits historiquement avérés.

Je viens de lire - Page 15 Joe-la15

Le surnom de Marion Castairs ("Joe la Pirate") semble lui avoir été décerné après que celle-ci soit devenue propriétaire d'une petite île des Bahamas. La millionnaire a  en effet gouverné sa propriété d'une main de fer, en prenant parfois certaines libertés avec la loi et en ingligeant aussi de véritables punitions aux visiteurs mal intentionnés. Et de fait, en étant totalement Isolée dans son île, "Joe" était pratiquement au dessus des lois.

Je viens de lire - Page 15 Joe-la16

Mais que dire finalement de cet étrange biopic, dans lequel Hubert s'est amusé à raconter de nombreuses anecdotes provoquantes et parfois presque invraisemblables ? C'est sans doute un livre amusant, dans lequel il est toutefois difficile de faire la part des délires, des fantasmes et de la réalité (j'aurais presque envie de dire que Marion Castairs "délire dans la réalité"  Wink). Le scénariste fonde bien sûr son récit sur des faits connus mais il reconnait aussi (dans le titre de l'oeuvre) qu'il s'agit d'une "vie rêvée". Peut-être y a t-il aussi un certain pessimisme derrière cette description d'une vie facile, car les dernières années de la vie de Marion Castairs restent imprégnées d'une certaine tristesse. Pour ma part, je vois surtout cela comme une existence qui me laisse perplexe et qui n'a rien d'un rêve, mais chacun jugera selon sa propre morale.

C'est une BD agréable à lire, donc, mais ce n'est pas un ouvrage indispensable à mon avis. J'hésite à lui donner une note, qui se trouve à mon avis entre le EE et le EEE selon l'échelle d'eleanore-clo.   Wink


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

365Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Mar 8 Juin - 20:49

Raymond

Raymond
Admin

J'ai cherché Pulp le week-end dernier et on m'a dit que tous les numéros étaient partis. Mon libraire va commander de nouveaux exemplaires.   Wink

Je viens de lire - Page 15 Pulp-b10

C'est plutôt bon signe.  

Sinon, je remarque qu'ActuaBD a sorti une belle critique de cet album !   Cool

Pulp - Par Ed Brubaker & Sean Phillips - Delcourt (...) - ActuaBD


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

366Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Ven 11 Juin - 12:34

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

La baleine bibliothèque est un conte (philosophique?) de Zidrou et Judith Vanistendael.

Je viens de lire - Page 15 Couv_425252

Le héros distribue le courrier en haute mer, aux habitants des ilots et aux marins des navires. Un jour, par hasard, sa route croise celle d'une très aimable baleine qui s'est prise de passion pour les livres au point qu'elle abrite une gigantesque bibliothèque dans son ventre. Et bien évidemment, le cétacé va conseiller et prêter un ouvrage au facteur  Very Happy . C'est le début d'une longue amitié que la naissance mouvementé de l'enfant du héros va perturber

Disons le tout de suite, j'ai beaucoup apprécié cette BD  Smile . Zidrou réécrit à sa façon les mythes de Jonas et de Pinocchio, sauf que l'animal est d'une profonde humanité et d'une grande gentillesse. Et le léviathan cache une âme sensible, soufrant de la solitude et désireuse de partage. Et puis, cette image utérine d'un ventre bibliothèque, havre de paix et de culture, est aussi un bel hommage à Gaston Lagaffe dont j'ai commenté la vignette ad-hoc dans le message n°149 du fil sur la case mémorable https://lectraymond.forumactif.com/t665p125-la-case-memorable. Enfin, n'oublions pas Jules Verne et la bibliothèque du Nautilus : https://fr.wikisource.org/wiki/Vingt_mille_lieues_sous_les_mers/Partie_1/Chapitre_11. Finalement, ranger amoureusement des livres sous la mer est très commun  Laughing !

La baleine bibliothèque est aussi une ode à la lecture. Les livres tiennent compagnie durant les moments de solitude et font réfléchir. Zidrou recourt d'ailleurs à plusieurs mises en abyme en résumant quelques uns des récits prêtés par la baleine. En fait, le cétacé fait irrésistiblement penser au libraire de quartier ou au bibliothécaire qui vous conseillent et vous font partager avec enthousiasme leur dernière découverte  Very Happy

La BD  se veut aussi un hymne à la différence. La couverture nous dépeint deux êtres forts différents, par la taille, mais aussi par le milieu dans lequel ils vivent. Et pourtant, une belle amitié va se nouer entre les deux héros, chacun enrichissant l'autre. Et dans une référence au Petit Prince, nous voyons la baleine poser des questions apparemment naïves sur la vie à terre. Qu'est-ce qu'une feuille, que sont les rivières avant leur embouchure, etc. L'ouvrage se veut aussi écologique car il nous présente les animaux sous un autre regard. Le cétacé n'est plus une source de protéine ou d'huile, mais un ami, avec lequel partager des idées et des bons moments.

A la lecture de mon résumé et à la vision du graphisme, on pourrait penser à un ouvrage pour les enfants. Que nenni. La BD s'adresse aussi bien à l'enfant que nous fûmes qu'à l'adulte que nous sommes.

Le ton est très juste et les mots de Zidrou dégage une subtile poésie, empreinte de lyrisme. Le ton est d'ailleurs donné avec le magnifique avant-propos de l'auteur : Cette histoire a connu une autre vie. La marée la ramenée sur la grève. Au-dessus d'un feu, je l'ai fait sécher. J'ai décollé ses phrases une à une. J'ai ramené chacun de ses mots à la vie. Et l'histoire m'a souri. .Le récit distille une musique paisible, paisible car nous sommes dans une bibliothèque et le silence est de mise  Wink . A noter dans le même registre que le facteur chantonne  une mélodie de Renault durant son travail.



La fin est "zidresque"  Smile douce amère, presque religieuse, car la mort de l'animal n'arrête pas la propagation de son message.

Le dessin, est en couleur directe et une succession d'aquarelles à dominante bleue réchauffe les yeux et le cœur. Par son apparente simplicité, le style s'adresse clairement aux enfants. Néanmoins, j'y vois aussi un souhait d'universalisme et de mise du message à la portée de tous, petits et grands.

Je viens de lire - Page 15 3244_P4

Je viens de lire - Page 15 3244_P5

Je viens de lire - Page 15 3244_P7

En résumé, n'hésitez pas !

EEEE

Eléanore

367Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Ven 11 Juin - 16:06

Raymond

Raymond
Admin

Merci de cette séduisante chronique !     pouce

Disons-le d'emblée : j'apprécie beaucoup l'oeuve de Judith Vanistendael, dont je suis de très près la carrière dès ses débuts. J'avais d'ailleurs déjà parlé d'elle dans mon vieux blog en 2009, lorsqu'elle avait publié La jeune fille et le nègre.

La jeune fille et le nègre - Les lectures de Raymond (over-blog.com)

Le thème poétique du livre me séduit immédiatement, tout comme d'ailleurs la bibliophilie du scénario et la composition très libre des pages. Et comme c'est un album publié par Le Lombard, il ne devrait pas être difficile à trouver.

Je ne vais donc pas manquer cet album.   Wink


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

368Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Mar 15 Juin - 15:54

Raymond

Raymond
Admin

J'ai à mon tour commenté La Baleine bibliothèque, cette oeuvre merveilleusement hors norme ... à moins qu'on ne la considère tout simplement comme un conte pour enfants. 

Et comme elle est hors norme, j'ai estimé judicieux de la commenter dans le sujet dédié aux "Inclassables".    Wink

Les inclassables (forumactif.com)


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

369Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Dim 27 Juin - 15:56

Raymond

Raymond
Admin

La belle lecture de ce week-end, c'est indiscutablement Marathon, une nouvelle BD magnifiquement écrite et dessinée par Nicolas Debon.

Je viens de lire - Page 15 Debon-10

J'ai déjà commenté d'autres albums de cet auteur dans le même sujet, il y a quelques années (comme par exemple sa magnifique Invention du Vide qui m'avait fort impressionné) et il faudra peut être que je lui ouvre une fois un sujet dédié ? 

Mais passons ! Comme son titre l'indique en partie, cet album raconte la course du marathon des jeux olympiques d'Amsterdam en 1928. Le narrateur n'introduit quasiment aucune fiction dans cette BD dont le récit est construit comme un vrai documentaire, entièrement fondé sur des faits exacts. Et cette "histoire vraie" est racontée comme si le lecteur était un spectateur de la course.

Je viens de lire - Page 15 Debon-11

C'est ainsi qu'après la présentation des lieux, les marathoniens arrivent dans le stade olympique et l'auteur nous présente les principaux compétiteurs. Il y a bien sûr les grands favoris, quelques outsiders et aussi un coureur colonial insignifiant, né en Algérie qui se nomme El Ouafi. Personne n'imagine qu'il puisse gagner !

Je viens de lire - Page 15 Debon-12.

Puis les athlètes sont tous rassemblés vers le lieu de départ et un coup de pistolet fait démarrer la course. Les coureurs font tous un tour de stade avant de s'élancer vers la campagne qui entoure Amsterdam, le long de l'Amstel. Les vents de la Mer du Nord soufflent malheureusement très fort sur les plaines hollandaises et ce marathon va être une terrible épreuve pour les participants.

Je viens de lire - Page 15 Debon-13

Et le livre nous montre dès lors la course telle qu'elle est vécue par les participants, à savoir une lutte incessante contre la nature et contre le corps qui souffre. S'intéressant ainsi davantage à l'effort des marathoniens qu'à leurs positions dans le classement, Nicolas Debon imagine parfois ce qu'ils voient, ce qu'ils ressentent et ce qu'ils pensent, en se concentrant bien sûr sur les coureurs français.

Je viens de lire - Page 15 Debon-14

Dès lors, les kilomètres défilent et les images d'athlètes en plein effort se succèdent. C'est très long un marathon et, malgré la peine, on a beaucoup de temps pour penser, pour ressentir ce qui se passe autour de soi et pour méditer sur sa situation. Et quand le corps n'arrive puis à suivre la volonté, il n'y a plus qu'à redevenir humble.

Je viens de lire - Page 15 Debon-15

La bande dessinée se termine abruptement avec la victoire d'El Ouafi et l'auteur n'y ajoute aucun commentaire. L'essentiel du livre s'intéresse en effet aux épreuves de la course et au vécu des participants. Nicolas Debon cherche en fait à immerger son lecteur dans le monde quotidien du marathon, avec tous les espoirs, la dureté, l'incertitude et les dénouements implacables qu'e cette course comporte. Un petit dossier est toutefois ajouté à la fin de l'album, afin d'informer le lecteur sur la vie (assez misérable) d'El Afoui après sa victoire et bien sûr de compléter le documentaire. A cette époque-là, les athlètes étaient de vrais amateurs.

Le style graphique est assez singulier et en tout cas bien différent des images des albums précédents de Nicolas Debons, qui avaient offert aux lecteurs de splendides couleurs directes. L'auteur se contente cette fois-ci d'un dessin caricatural simplifié, accompagné d'une bichromie assez pauvre et monotone, mais ce choix est assez révélateur. L'austérité du dessin (qui se rapproche un peut du style des romans graphiques) accentue en fait impitoyablement la misère et la dureté du monde des marathoniens. La beauté n'en est pas certes absente, mais elle se cache derrière une multitude d'obstacles et d'efforts interminables. Et plutôt que de louer la beauté du sport, l'auteur préfère constater l'humilité de leur situation.

Je viens de lire - Page 15 Debon-16

J'ai en tout cas beaucoup apprécié l'efficacité de ce livre, et cette immersion dans le monde des marathoniens de l'année 1928, un univers qui m'apparait aujourd'hui assez héroïque. La réalité est souvent plus impressionnante que la fiction, et Nicolas Debon réussit une fois de plus à nous le prouver.

C'est donc une des bonnes lectures de cet été qui commence, et j'attribuerai ainsi la note EEE (*) à ce beau livre d'auteur que je vous recommande.


* selon l'échelle d'eleanore-clo (voir le message N° 442)   Wink


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

370Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Dim 27 Juin - 16:52

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour

Je profite du choix des 10 lectures indispensables de l'été réalisé par l'association ABCD pour rattraper quelques oublis majeurs. Smile

Blanc autour est une BD historique et un manifeste politique scénarisé par Lupano et dessiné par Fert.

Je viens de lire - Page 15 Couv_405234

L'ouvrage s'inspire d'un fait réel, l'ouverture en 1832, dans le Connecticut, d'une école privée réservée aux jeunes filles : . La directrice et enseignante, Prudence Crandall, est Elle décidé d'admettre une afro-américaine ce qui va provoquer le départ des élèves "blanches" et la naissance d'un pensionnat "noir". Les notables locaux voient d'un mauvais œil cette initiative et vont tout faire pour fermer l'établissement...

Lupano, scénariste engagé (Les vieux fourneaux), nous conte ici une des plus belles pages de la lutte contre la ségrégation raciale. Il nous emmène dans un État situé juste au nord de New-York, presque 30 ans avant la Guerre de Sécession. Et l'intrigue met en scène une personnalité majeure du mouvement abolitionniste dont je vous invite d'ailleurs à lire la page Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prudence_Crandall. Quelques éléments de contexte sont néanmoins indispensables pour bien appréhender l'intrigue. Tout le monde a en tête l'abolition de l'esclavage, décidée en 1865, peu après la terrible guerre civile. En fait, le 13ème amendement de la constitution avait déjà été plus ou moins adopté par de nombreux Etats. Ainsi, en 1774, le Connecticut promulgue une loi interdisant l'importation des esclaves indiens, noirs ou mulâtres. Mais alors, quel est le problème me direz-vous ? Et bien, cette injustice porte un nom, les black-codes. Des lois locales permettaient à chaque composante de l'Union de restreindre les droits civiques des afro-américains. Et par exemple, en 1833, le Connecticut interdit l'inscription d'élèves noirs dans les écoles publiques.
Au-delà du contexte historique, Lupano publie une tribune parfaitement adaptée à notre société où, au-delà de la loi, le racisme ordinaire reste d'actualité comme le démontre les discriminations à l'embauche.
J'ai aussi beaucoup apprécié le féminisme de la BD. Choisir une héroïne n'est pas si ordinaire. De plus, dans l'inconscient collectif, la maitresse d'école est un personnage important, le socle des apprentissages fondamentaux. Et donc, positionner une enseignante dans le registre de la lutte politique est un choix très fort.
Le scénario est malgré tout quelque peu manichéen. Et hormis Prudence, les notables blancs locaux sont dépeints comme peu recommandables. Le meurtre, la manipulation et la les émeutes font partie de leurs personnalités. On sombre dans une vision caricaturale légèrement manipulatrice. Et comme la BD porte un message sur notre société actuelle, il convient de prendre du recul.

Les personnages secondaires sont criants de vérité et  contribue à l'ossature de cette BD. On pense bien évidemment aux élèves de l'école, si différentes et si semblables, mais aussi à Sauvage, un jeune afro-américain vivant en marge de la société et rappelant quelque peu Huckleberry Finn, ou enfin Miriam, une étrange créature mystique et pourtant pleine de sagesse et de compassion.

Les dessins sont d'une grande douceur. Et la simplicité des traits confère à ce manifeste l'apparence d'un livre d'instruction à destination des enfants, et donc une véracité incontestable  Wink . Et puis les couleurs affichent une dominante marron ce qui fait que la carnation des notables est très voisine de celles des élèves ! Un clin d'œil de Fert ?

Je viens de lire - Page 15 PlancheA_405234 Je viens de lire - Page 15 Blanc-autour.jpeg

Au final, nous avons là une belle BD, remarquée par l'ABCD, mais aussi par Canal BD qui l'a mise en lice pour son Prix 2022 : https://www.canalbd.net/glbd_plibre_33-10_Selection-2022  Very Happy
Je vous la recommande. C'est une leçon d'histoire, bien vivante et donnant matière à réflexion. A noter que les locaux qui abritaient l'école existent toujours et un musée y présente la vie de l'ancienne directrice.

Je viens de lire - Page 15 Prudence_Crandall_House%2C_Canterbury_CT

EEE

Eléanore

371Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Ven 2 Juil - 16:14

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour

L'étreinte, scénarisée par Jim et dessinée par Bonneau, est LA BD de cette fin de premier semestre.

Je viens de lire - Page 15 Couv_426388

Benjamin est sculpteur. Amoureux du corps et des formes, il vient de photographier une inconnue et réfléchit en quoi cette image pourrait l'inspirer pour une future œuvre. Alors qu'il discute de son modèle avec Romy, sa compagne, leur voiture est percutée par un automobiliste. Le jeune homme se réveille en miraculé à l’hôpital. Malheureusement, Romy est plongée dans un profond coma... Se réveillera-t-elle un jour ?

Je confie ne pas être une grande amatrice de Jim. Je trouve que ses intrigues qui mettent en scène les émois sentimentaux d'éternels adolescents manquent de réalisme, et tout simplement de cœur. Un paradoxe non ? Et son trait rond et sensuel m'apparait plutôt comme un alibi que comme une représentation de la beauté. C'est donc à reculons que j'ai lu cette œuvre. Et pourtant, quelle belle surprise....

Tout d'abord, l'intrigue est d'une grande richesse. Elle aborde avec justesse et sensibilité de très nombreux thèmes, dont bien évidemment ceux de l'amour et de la rencontre. Cependant, Jim va bien au-delà. Et par exemple, il traite aussi de l'accompagnement des malades, de la relation à la mort, du hasard, etc. Et puis les personnages sont denses et tellement vrais.

En premier lieu, je tiens à saluer la magnifique référence au chef d'œuvre de Claude Sautet, Les choses de la vie. Les pensées de Benjamin, ses souvenirs, ses rêves, ses regrets, ses espoirs et ses dialogues imaginaires nourrissent superbement l'intrigue. Après, Romy n'est pas Hélène, et Benjamin n'est pas Pierre. Et puis je confie préférer le jeune homme à Michel Piccoli  Laughing Après, la profession du héros et les lieux de l'action nous emmènent irrésistiblement vers un autre duo mythique, celui du peintre Dalí et de sa muse et épouse Gala. L'art est présent partout dans la BD. Jim nous emmène au cœur du processus de la création. Il nous fait vivre les affres du sculpteur et nous présente le processus de la création comme profondément douloureux. L'art est une sublimation du réel, un biais pour l'affronter ou alors le magnifier.

L'accompagnement des malades est au cœur de cette BD. La famille et les proches y sont dépeints comme les héros ordinaires d'un combat extraordinaire, celui du malade pour sa vie. L'évolution de la relation entre l'alité et ses visiteurs, son délitement ou son renforcement, sont bouleversants. Et que dire de l'épouse d'un cancéreux lorsqu'elle déclare souffrir d'un mal incurable, l'espoir ?

Le hasard, comme toujours avec Jim, est au rendez-vous. Et, comme dans Une nuit à Rome, le hasard apporte la mort et la vie. La mort car l'aventure débute par une collision dramatique. Et la vie parce que Benjamin va rapidement rechercher l'inconnue photographiée juste avant l'accident. Sa quête lui permet de rencontrer de nombreuses femmes, certaines avec lesquelles la relation est éphémère voire violente, et d'autres avec lesquelles une durable complicité semble possible.

Je conclurai cette analyse par le thème de la seconde chance. Le scénario débute sur une tragédie et se conclut par le renouveau de la vie. La fin est doublement optimiste...

Le graphisme se marie parfaitement avec l'intrigue. Les dialogues sont rares et s'effacent souvent devant le dessin, au point d'ailleurs que de nombreuses pages ne comportent aucun texte. Nous nous laissons submerger par le crayon de Bonneau, apparemment brouillon mais surtout terriblement évocateur. Il convient de noter que le travail entre le scénariste et le dessinateur ne fut pas conventionnel puisque l'ouvrage fut réalisé à quatre mains, avec des textes s'inspirant des dessins.

Je viens de lire - Page 15 PlancheA_426388
Je viens de lire - Page 15 004

L'étreinte est la BD du mois de RTL : https://www.rtl.fr/culture/cine-series/l-etreinte-de-laurent-bonneau-et-jim-est-la-bd-rtl-de-juin-2021-7900050187.

N'hésitez pas. Les 312 pages du livre peuvent rebuter. Mais l'œuvre se lit facilement, rapidement d'abord puis  tout doucement pour bien profiter de chaque moment.
EEEE

Eléanore

372Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Ven 2 Juil - 18:10

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Fausses pistes est une BD anthropologique de Bruno Duhamel analysant les laissés-pour-compte du miracle américain

Je viens de lire - Page 15 9782818978764

Franck Patterson est un acteur de western. Depuis 15 ans, il incarne le personnage d'un marshall. Mais les producteurs trouvent que son jeu vieillit et décide donc de le remplacer par un autre comédien. Le vieil homme désabusé éprouve le besoin de changer d'air. Il achète donc un voyage organisé dans les parcs nationaux de l'Ouest américain. Les autres touristes et la guide sont tous en marge de la société étasunienne : un US marines névrosé, une mexicaine sans papier, de vieux hippies, un jeune obèse, un afro-américain désabusé, etc. Les personnalités de chacun des voyageurs vont se révéler progressivement et Franck Patterson va devoir assumer dans la vie réelle le rôle de justicier qu'il tenait dans la série.

La BD vaut surtout pour les personnages et la critique de la société américaine, violente, socialement injuste, hypocrite, etc.. Ayant vécu outre-atlantique, la réalité est un peu plus complexe. Oui, les armes sont en vente libre et un européen est toujours très surpris lorsqu'il voit une arme rangée dans un tiroir. Et oui, l'ascenseur social est lent. Et encore une fois oui, les américains affichent des règles strictes qu'ils peuvent allègrement transgresser s'ils y trouvent leur compte. D'un autre côté, les massacres cachent d'innombrables ventes de charité et une solidarité réelle. Et l'échec professionnel est toujours relativisé avec en arrière plan la possibilité d'essayer encore et toujours. Et enfin, les menteurs sont sévèrement jugés (à l'exception notable de Donald Tump  Laughing ).

Le graphisme est simple. ll manque de relief. Et les merveilleux paysages de l'Ouest font pâle figure. Monument Valley, le Grand Canyon ou Death Valley ressemblent à des décors de cinéma, en carton-pâte ! Nous sommes à mille lieues de Jean Giraud ou d'Hermann.

Je viens de lire - Page 15 9782818989012_pg

Je viens de lire - Page 15 Capture-de%CC%81cran-2021-06-07-a%CC%80-10.01.38

Au final, ne cherchez surtout pas un western. Vous seriez déçu. Je vois plutôt un beau road-trip, un voyage rédempteur au bout duquel, à force de volonté, Franck Patterson se révélera. Et bien évidemment, le happy-end est de rigueur.

EE

Eléanore

373Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Sam 3 Juil - 10:18

Raymond

Raymond
Admin

Merci de ta critique au sujet de L'étreinte !    Very Happy

Le dessin de Laurent Bonneau y semble en effet un peu moins insipide que celui de Jim, et le scénario est peut-être plus intéressant que ce que j'avais imaginé.   Cool

Casemate lui consacre par ailleurs un article de 6 pages ... que je n'ai pas encore lu !

Comme il y a peu de nouveutés pendant l'été, j'aurai peut-être le temps de m'y intéresser.   Wink


_________________
Et toujours ... Je viens de lire - Page 15 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

374Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Sam 3 Juil - 11:21

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Ce sera avec plaisir que je lirai votre avis sur L'étreinte Very Happy

Eléanore

375Je viens de lire - Page 15 Empty Re: Je viens de lire Mer 7 Juil - 10:22

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Entre les lignes est un livre illustré (euh, non, pas vraiment), une BD (là non plus), un roman graphique (peut-être) de Mermoux.
L’œuvre s'inspire du roman Toutes les histoires d'amour du monde de Beaulieu.

Je viens de lire - Page 15 Couv_422127

Denis, en triant les affaires de son père Moïse, récemment décédé, découvre une succession de lettres à destination d'une inconnue, Anne-Lise Schmidt. Les courriers relatent l'histoire de la vie du défunt. Denis entreprend des recherches pour retrouver la destinataire des courriers mais doit s'arrêter après un malaise cardiaque. Son fils, Baptiste, prend alors le relais. Et le jeune homme se lance dans un voyage à travers le temps et l'espace. Chaque nom et chaque lieu mentionnés dans les missives constituent des pistes qu'il explore méthodiquement. Sauf que les lettres ont été écrites voilà bien longtemps et que les indices se révèlent bien trop ténus pour pouvoir retrouver Anne-Lise. Ne voulant pas décevoir son père, Baptiste construit un voyage imaginaire où il retrouve les descendants des ami(e)s de Moïse, descendants dont il fait jouer le rôle à ses ami(e)s. Puis Il téléphone régulièrement à Denis en faisant part de ses (fausses) découvertes. Mais tout voyage, aussi beau soit-il, a une fin...

Voilà encore une très belle bande dessinée, pleinement adulte et au bon sens du terme. Elle mélange harmonieusement l'Histoire avec un grand H et un secret de famille. Côté Histoire, la vie de Moïse est ancrée dans les 50 premières année du 20ème siècle : son père meurt au front durant la première guerre mondiale et il combat l'armée nazie en mai-juin 1940. Les relations franco-allemandes sont ainsi longuement explorées, avec plusieurs regards, celui haineux des français occupés, celui amoureux de Moïse pour une jeune germanique, celui intéressé de Victorine qui vend ses charmes pour survivre, celui bienveillant de Herr Doktor Schmidt qui soigne les blessés de tous les bords, celui désespéré des opposants allemands à Hitler,... Côté famille, tel un psychothérapeute, l'auteur explore tous les sentiments possibles, leur origine et leur filiation. Nous découvrons ainsi des parents dévoués, indifférents, admirables, médiocres. Et la même profondeur d'analyse est opérée sur les relations entre les femmes et les hommes. Qu'est-ce que l'affection ? Qu'est-ce que la fidélité ? Qu'est-ce que l'engagement ? Cependant, si je ne devais retenir qu'un mot pour qualifier la pensée de Beaulieu, c'est un amour universel. Tous les personnages sont attachants, avec en arrière plan de leur personnalité, une noblesse qui compense souvent les aléas de la vie. Les défauts sont présents mais toujours expliqués et tolérés.

En fait, j'ai beaucoup apprécié l'optimisme de la BD. Les héros sont martyrisés par l'Histoire. Leur vie est tragique et pourtant résiliente voire même lumineuse. Les personnages trouvent en eux la capacité de créer des bulles de bonheur au sein des drames. Et puis la fin, ouverte, est magnifique. Denis va t-il réussir à retrouver Anne-Lise Schmidt ? On ne le sait pas. Mais, en tout cas, il a déjà retrouvé Baptiste, son fils avec lequel il s'était brouillé. La chronique familiale s'étend sur quatre générations et pourtant toutes sont intimement liées, dans le bonheur comme dans la souffrance. Quelle belle histoire.

Adapter le roman de Baptiste Beaulieu était un défi : multiplicité des personnages, longueur de l'intrigue, multiplicité des lieux et des temporalités. Et bien, je crois qu'on ne peut que saluer la magnifique performance de Mermoux. On ne s'y perd jamais. Et le passé et le présent se conjuguent pour mieux créer une situation, une ambiance. Les personnages sont tous différents et ils se croisent, se séparent et se retrouvent dans un tourbillon enivrant.



Le graphisme est très travaillé avec deux styles différents suivant que le dessinateur aborde le passé ou le présent. Le passé est donc traité sous la forme d'illustrations et le présent sous la forme d'une bande dessinée. L'alternance est plaisante et renforcée par une palette de couleurs différentes.
J'ai beaucoup apprécié la caractérisation des personnages. Tous sont différents et quel travail sur les regards  Very Happy . Tous sont signifiants au point que les regards se répondent à travers la succession des vignettes. Nous sommes invités à prêter l'attention à un dialogue riche même s'il est muet.
Cela m'a remémoré le poème Tes yeux d'Yves Le Guern.

Tes yeux.

Quand le temps montre sa détresse
Quand mon cœur se serre de tristesse
Lorsqu'il contemple cette époque
Où la mort n'est rien et que l'on moque.

Quand paraît l'affreuse multitude
Mon cœur se serre de solitude
Quand toutes les bouées se sont enfuies
Que reste-t-il dans ce monde détruit ?
Il me reste tes yeux et ton regard

Ces véritables miroirs de l'âme.
Pour ce voyageur que la nuit égare
Ce sont deux guides sûrs dont la flamme
Fait renaître l'espoir
Ne serait-ce qu'un soir.

Profonds comme deux puits
Mystérieux comme la nuit
Ils brûlent pour toujours
Aux flammes de l'amour.

Légers comme une pluie
Sous la lune qui luit
Ils savent consoler
Les esprits égarés.

Tristesse et solitude se meurent
Au soleil de tes yeux qui m'effleurent.
Leurs rayons, au travers de mes larmes,
Firent un arc-en-ciel de mes drames.

Yves Le Guern 2001


Enfin, on ne peut pas assez à côté de la performance réalisée sur le lettrage. Des milliers de mots tous parfaitement calligraphiés.  cheers

Je viens de lire - Page 15 3205_P1
Je viens de lire - Page 15 3205_P2
Je viens de lire - Page 15 3205_P13
Je viens de lire - Page 15 PlancheA_422127

Au final, une grande BD, à lire cet été au même titre que L'étreinte ! Peut être encore plus profonde et subtile. Nous voilà face à un œuvre peu diffusée, mal positionnée sur les tables et peu remarquée. Et pourtant quel talent. La chronique est puissante et pétrie d'humanité. Beaulieu et Mermoux nous distillent ici l'essence de la vie, dans ce qu'elle a de beau et de moins beau. Entre les lignes est une fenêtre grande ouverte sur notre existence, sa couleur, son goût, sa continuité, ses nuages, ses rayons de soleil, etc. Oui, une très belle œuvre, bouleversante. Et j'ai été très heureuse de vous en parler  Very Happy

EEEE

Eléanore

Contenu sponsorisé



Revenir en haut  Message [Page 15 sur 39]

Aller à la page : Précédent  1 ... 9 ... 14, 15, 16 ... 27 ... 39  Suivant

Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum