Je viens de lire
Le Baron de Jean-Luc Masbou et je vous le recommande très fortement !
Aujourd'hui, s'il y a deux auteurs dont je suis l'actualité plus que tous les autres, c'est Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou, qui ont produit le plus grand chef-d'oeuvre de la BD contemporaine à mes yeux, avec
De Cape et de crocs. Après
Les Indes fourbes l'année dernière, c'est donc à Jean-Luc Masbou de nous proposer un vrai bijou !
Il s'agit d'une relecture du Baron de Münchausen, dans laquelle on voit le vrai baron se confronter aux histoires qu'on raconte partout sur lui et qui ont fait l'objet d'un livre : ce livre sera-t-il vraiment la seule chose qui lui survivra ? Doit-il laisser ce livre propager une image fantaisiste de lui ?
Visuellement, déjà, on renoue avec le style
De Cape et de Crocs dans l'intrigue principale, qui met en scène le fameux baron de Münchhausen dans la réalité (puisqu'il s'agit d'un personnage réellement historique). Mais à chaque fois que le baron raconte une histoire, Jean-Luc Masbou s'envole dans un style graphique différent, ce qui donne une excellente dynamique au récit, car on se demande toujours, en plus de savoir ce que va raconter la prochaine histoire, quel style l'auteur aura choisi pour la mettre en scène.
Par exemple, ci-dessous, une planche d'un récit de chasse puis d'une anecdote en Russie, on peut voir le changement de style qui affecte chaque récit enchâssé :
Le récit, lui, est très habilement construit sur une excellente mise en abyme, montrant le fameux baron de Münchhausen, habitué à raconter ses histoires fantaisistes, qui voit ces histoires lui revenir comme il ne s'y attendait pas, sous forme de livre. Cela permet bien sûr à Masbou d'introduire une réflexion fine et subtile sur la différence entre une histoire orale et une histoire écrite, et surtout, de rendre un hommage puissant à tous les raconteurs d'histoire de par le monde.
L'auteur nous fait entrer dans un monde imaginaire qui, lui-même, nous ouvre la voie à un nombre illimité d'autres mondes. C'est drôle, léger et envoûtant, on veut toujours en savoir plus, au point qu'on ne soucie plus guère de voir avancer l'intrigue (le récit-cadre faisant du sur-place pendant la majorité de la bande dessinée).
Seul petit bémol à mes yeux, qui m'empêche d'atteindre la note maximale : alors que l'auteur nous dévoile tout le potentiel émotionnel de son récit, il ne s'en sert jamais tout-à-fait. J'aurais aimé que la fin m'émeuve davantage, tant il y avait quelque chose à faire autour de ce personnage recherchant une simplicité que son rang semble lui interdire et s'évadant pour cela dans des histoires fantasmées.
Mais bon, je ne veux pas terminer cet avis sur cette note (très) légèrement négative, car
Le Baron n'a rien d'une déception. C'est une bande dessinée très généreuse, tant envers son lecteur qu'envers tous ceux qui inventent, qui créent, qui écrivent ou qui dessinent des histoires. L'hommage au pouvoir de l'imagination et à tous les hommes qui s'en servent pour faire rêver les autres et rendre le monde meilleur (ou essayer) est touchant, poétique et s'achève sur une dernière page assez laconique et pourtant pleine de sens.
Mais pour ne pas tout déflorer, c'est plutôt sur la première page du récit que je vais terminer, qui donne déjà un bel aperçu du type d'hommage que Masbou veut rendre et de son jeu stylistique :
En tous cas, Masbou relit de manière très intelligente l'univers fascinant du baron de Münchhausen (avec un joli pied-de-nez au récit sans doute le plus emblématique du baron), et rend un hommage vraiment poétique à tous les saltimbanques et les poètes qui se sont donnés la si belle tâche d'enchanter le monde et de lui faire retrouver le sens du rêve.