Pendant les années 2000, on a pu observer différentes sortes de collaboration entre les dessinateurs et le journal Spirou. Il y avait d'abord les fidèles qui avaient fait leurs débuts dans Spirou et qui y restaient définitivement attachés (ils étaient cependant de moins en moins nombreux), il y avait ensuite les météores qui faisaient une ou deux BD intéressantes avant de partir définitivement, il y avait aussi les arrivants tardifs qui possédaient une grande expérience dès leur entrée dans le journal et qui y restaient grâce à une bonne série durable, et il y avait enfin les "intermittents" qui étaient présent de temps en temps, car ils partaient et revenaient sans vraiment avoir choisi leur camp. Fabrice Tarrin appartient sans aucun doute à cette dernière catégorie.
Fabrice Tarrin a fait une bien curieuse carrière (qui n'est bien sûr pas terminée). J'ai l'impression qu'il a surtout privilégié ses passions du moment par rapport à son destin professionnel et il serait beaucoup trop long de raconter ici sa trajectoire complexe. Je me réfère donc à la page de Wikipédia qui lui est dédiée, car elle détaille bien les multiples événements, les absences, les travaux et les collaborations diverses qui caractérisent son parcours :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fabrice_Tarrin
Pour faire court, il semble y avoir eu deux pôles dans sa carrière : d'une part une passion réelle pour le Spirou d' André Franquin, et d'autre part une attirance vers le monde des dessinateurs indépendants (il était "camarade de route" de Lewis Trondheim, Christophe Blain, Joan Sfar et tous les autres) ainsi que vers le monde des blogs. Ces tendances un peu contradictoires l'ont entraîné dans diverses aventures, collaborations et ruptures et il en a résulté des œuvres parfois très remarquées, mais aussi divers échecs.
Dans Spirou, on peut signaler une première série intitulée "Violine", apparue en 2001 et qu'il dessinait sur des scénarios de Tronchet. Elle remporta un réel succès d'estime mais la collaboration s'interrompit brutalement après trois aventures en raison d'un différent avec le scénariste. Violine fût alors reprise par un autre dessinateur que l'on peut oublier. Il y eut bien sûr des albums et je dois avouer que je n'ai jamais lu cette BD.
Il y eut ensuite le très beau "Tombeau des Champignac" en 2007, dessiné sur un scénario de Yann. Dans cet autre "Spirou et Fantasio par", Fabrice Tarrin reprend avec beaucoup de bonheur le style vif et nerveux de Franquin tandis que le récit de Yann mélange allègrement le goût de l'aventure avec une recherche de gags et du pastiche. A mon goût, cet album reste un des meilleurs titres de la série.
Tarrin créa ensuite un personnage de lémurien nommé "Maki", qui apparu entre 2008 et 2011 dans le journal. La série eut droit à deux albums et s'arrêta ensuite sans explication claire. Parallèlement, Fabrice Tarrin publia en 2008 chez Delcourt le "Journal intime d'un lémurien", BD initialement créée dans un blog où l'auteur y apparaissait avec le visage d'un animal. Toutes les anecdotes racontées étaient vraies mais le dessin animalier leur donnait un semblant fictif. Ce petit livre autobiographique eut paradoxalement plus de retentissement que toutes les œuvres antérieures du dessinateur et beaucoup de ses interviews furent réalisées au moment de cette publication.
Après ... ça devient compliqué car la présence de Tarrin dans Spirou devint très intermittente. Il dessina en 2012 une éphémère "Jeunesse héroïque de Fantasio", comportant seulement deux courts récits qui n'eurent aucune suite. Il publia sinon peu de choses pendant 5 ou 6 ans et ce n'est qu'en 2019 qu'il réapparu au grand jour, avec "Spirou chez les Soviets". Je n'ai pour ma part que peu apprécié cet album, essentiellement à cause du scénario de Neidhardt qui force beaucoup trop les aspects parodiques de la BD, rendant ainsi toute l'aventure non crédible. Fabrice Tarrin y reste en revanche égal à lui-même, et son dessin aussi séduisant que "franquinien" aurait mérité d'illustrer un meilleur récit.
Et qu'en est-il des références que l'on pourrait choisir pour cet auteur ? Il n'existe bien sûr aucune monographie, mais on trouve un certain nombre d'interviews dans La Lettre, dans BoDoï N° 116, dans Zoo n° 13, dans Casemate N° 3 et N° 118, ou dans le
dBD N° 22. Et c'est l'article de ce dernier journal, datant de 2008, qui me semble être le plus intéressant car il souligne bien l'aspect léger et papillonnant de la carrière de Tarrin.
Les autres articles sont d'un intérêt variable. Plusieurs d'entre eux parlent du "journal intime", tandis que le Casemate 118 interroge Tarrin sur l'adaptation BD du "Secret de la Potion Magique", un tout récent film d'Astérix. Eh oui ... Tarrin continue manifestement à se disperser dans tous les sens.