Si un deuxième album de Champignac est publié, je l'achèterai très certainement ! Mais venons en au Journal Pilote, un hebdomadaire (puis un mensuel) qui a disparu depuis longtemps mais qui reste une véritable légende pour les bédéphiles de ma génération.
Et commençons d'emblée avec le grand maître d’œuvre de Pilote, qui fût aussi un des fondateurs du journal. Je parle bien sûr de René Goscinny !
Il est difficile de résumer son immense carrière en quelques mots, car il n'a pas été qu'un simple scénariste. Goscinny était un homme complexe, à l'intelligence vive et aux souffrances cachées, qui voyait loin et qui a souvent été un précurseur. Certes, il était d'abord un humoriste et un inlassable créateur de gag, un genre qu'il maîtrisait d'ailleurs sous toutes ses formes (comique de situation, jeux de mots, parodies, comédies de caractère, humour jouant sur l’absurde ou satire sociale). Il n'avait en fait pas besoin d'être méchant pour être drôle et le rire naissait d'une incroyable accumulation d'idées, de traits d'humour et de plaisanteries de toutes sortes. Le "phénomène Astérix" s'expliquait simplement ainsi, par la gaité permanente des récits et par l'incroyable inventivité du scénariste qui produisait de nouveaux gags à chaque image.
Mais la carrière de Goscinny est allée au delà du formidable triomphe d'Astérix. Il a été un caricaturiste inspiré, un écrivain de talent, un rédacteur en chef avisé, un audacieux créateur de dessins animés et surtout un véritable visionnaire de la bande dessinée. C'est en effet lui qui a lancé dans le journal Pilote une nouvelle vague de dessinateurs qui avaient un ton et un style différent, comme Cabu, Gotlib, Fred, Reiser, Mézières et Christin, Claire Bretécher, Druillet, Bilal, Tardi, Forest et j'en passe. Avec eux, Pilote fût certainement le meilleur journal de BD du monde au début des années 70, grâce aux choix clairvoyants et audacieux de Goscinny.
Au fil des années, une abondante littérature biographique et analytique a été consacré à ce créateur multiforme et le choix des bonnes références n'est donc pas facile. Il existe à mon avis au moins une demi-douzaine d'ouvrages de premier choix, sans compter le reste ... qui est souvent intéressant aussi.
Remarquons que je n'ai pas trouvé de belle monographie complète et récente qui s'impose en tête du peloton. C'est en partie lié au fait qu'il existe peu d'ouvrages contenant une bonne bibliographie. Il y a en revanche plusieurs livres qui parcourent agréablement la carrière de Goscinny en montrant beaucoup d'illustrations. Dans ce genre, il est tentant de proposer le livre des Editions du Chêne intitulé
Goscinny et écrit par Caroline Guillot, qui résume sa vie et sa carrière. Je l'ai dédaigné au moment de sa parution parce que je possédais d'autre ouvrages plus pointus, mais il intéressera tout ceux qui n'ont rien sur Goscinny car il propose une bonne synthèse et contient beaucoup d'illustrations. Remarquons que ce gros bouquin a été publié en 2005 et qu'on le trouve encore facilement sur le Web.
Parmi les références de premier choix, il faut bien sûr aussi un livre qui recueille les déclarations du célèbre scénariste. C'est la base et à mon avis, le
Dossier Goscinny du DBD N° 16 s'impose nettement dans ce domaine, car il fait une intéressante synthèse d'une vingtaine d'interviews, publiées à diverses époques et dans divers journaux. Ce DBD contient par ailleurs une des rares bibliographies de l'auteur (concentrée surtout sur la publication de bandes dessinées) et c'est donc un ouvrage intéressant à plusieurs titres.
Par rapport à l’œuvre abondante de Goscinny, il existe un bel album chez Dargaud écrit par Guy Vidal, Anne Goscinny et Patrick Gaumer, qui présente d'une façon détaillée toutes les BD qu'il a scénarisées et dessinées depuis ses débuts. Ce livre s'intitule
René Goscinny - profession humoriste et il contient également une bonne biographie d'une cinquantaine de pages (richement illustrée). Je le considère aussi comme une référence premier choix, même s'il est paru en 1997 et qu'il est probablement épuisé. Cet album reste cependant facilement disponible sur le Web !
Goscinny a débuté sa carrière artistique comme dessinateur et cette facette de son œuvre est passablement méconnue. Heureusement, Aymar du Châtenet et Christian Marmonnier ont publié en 2005 un splendide recueil de 300 pages, qui contient des caricatures et des dessins de toutes sortes ainsi que quelques BD plus ou moins connues. Cela s'intitule simplement
René Goscinny et on y découvre avec étonnement les talents graphiques du père d'Astérix, que l'on a tendance habituellement à sous-estimer. Cet ouvrage offre ainsi une meilleure perspective sur l'ensemble de son œuvre et c'est bien sûr un autre livre indispensable, qui pour une fois ne rabâche pas toujours les mêmes choses.
Une autre façon de découvrir un auteur, c'est tout simplement de donner la parole à ses collègues. C'est ce qu'a réalisé José-Louis Bocquet en 2007 avec son recueil
Goscinny et moi et ce regard original (et kaléidoscopique) sur le père d'Astérix et du Petit Nicolas met en relief plusieurs facettes méconnues de sa personne. Ce livre est aussi un indispensable, à mon avis, ne serait-ce que pour mieux comprendre les avis contrastés que l'on a pu lire (et entendre) ici ou là sur Gsocinny.
Et à côté de tous ces recueils "factuels", il ne faut pas oublier bien sûr la dimension critique. Le matériel est un peu moins abondant mais il existe tout de même d'excellents ouvrages sur ce sujet. Un des plus élémentaires (et des plus agréables à contempler) est probablement le récent catalogue d'exposition intitulé
René Goscinny Au-delà du rire. Accompagnant la belle présentation qui avait été exposée en 2017 au Musée d''Art et d'Histoire du Judaisme, à Paris, ce gros bouquin contient quelques textes intéressants qui ébauchent une réflexion sur l'enfance et la famille de l'auteur, sur sa judéité, sur son rôle précurseur, sur son talent de raconteur d'histoires, sur la complexité qui se cache derrière son génie comique et sur l'héritage artistique qu'il nous laisse. C'est le genre de livre que l'on a du plaisir à relire ou à revoir et j'oserai le placer lui aussi dans la catégorie des "indispensables".
Après tous ces ouvrages "indispensables", si j'ose dire, je mentionnerai encore quelques fascicules intéressants. En premier, je retiendrai le très beau numéro hors série du journal Lire qui s'intitule
La vie secrète de Goscinny. Clairement conçu comme un complément à la nombreuse littérature qui existait déjà, ce journal propose des interviews inédites, des œuvres peu connues, des analyses originales et quelques images rares. Nullement indispensable, il offre un contenu varié, original et agréable à lire. Il est donc fait pour plaire aux admirateurs de Goscinny et ceux-ci auraient bien tort de s'en priver.
J'y ajouterai également un autre document dont l'intérêt est plutôt historique, qui est le
Cahier de la BD N° 22. Entièrement consacrée à Goscinny et datant de 1973, cette petite monographie a été publiée dans un contexte bien particulier, à une époque où il était de bon ton de dénigrer le scénariste d'Astérix. Une partie du public trouvait en effet que ses BD des années 70 n'étaient plus aussi drôles qu'avant, tandis que certains dessinateurs de Pilote le présentaient volontiers comme un dictateur. Ce numéro des "Cahiers" permettait donc à Goscinny de corriger les racontars et il en a résulté un bel entretien, riche en remarques saillantes et en précisions incontestables. Les articles analytiques sont sinon plutôt basiques, tandis que la bibliographie reste tout à fait d'actualité pour la partie BD, et ce journal n'est au fond pas indispensable mais ... il témoigne bien de son époque. Petite anecdote amusante : lors de cette fameuse interview "historique" (qui reste aujourd'hui la référence de base), Numa Sadoul et Jacques Glénat avaient oublié de contrôler le fonctionnement de leur magnétophone, et ce n'est qu'en rentrant à Grenoble qu'ils se sont rendus compte que rien n'avait été enregistré. Comme ils étaient vraiment dans la mouise, Glénat et Sadoul ont reconstitué l'entretien (en particulier les réponses de Goscinny) en fonction de leurs souvenirs tout récents et ils ont mis tout cela par écrit. Ils ont ensuite envoyé le texte à Goscinny (en le prévenant je crois de ce qui s'était passé) et ce dernier a tout validé sans faire la moindre correction. L'auteur d'Astérix était parfois un grand monsieur.
Et j'en resterai là ! Il y a encore d'autres ouvrages qui sont intéressants, mais je vous laisse le soin d'éventuellement les proposer.