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Références et monographies d'auteurs

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Raymond

Raymond
Admin

Et c'est ainsi qu'en 1969, Claire Bretécher fût enfin engagée par Goscinny. 

Elle s'était déjà présentée quelque années auparavant mais le rédacteur en chef avait jugé qu'elle n'était pas encore mature. Claire publia donc ses premières BD dans Record et Tintin en 1965, puis dans Spirou en 1967 (les Gnangnans) et elle fit rapidement de gros progrès. L'apparition de Cellulite et de son humour vache dans Pilote concrétisa ensuite d'une façon exemplaire le virage plus adulte du journal. A la fois indépendante et branchée sur son époque, Claire Bretécher devint très vite la spécialiste des petites chroniques féroces qui caricaturent la France bourgeoise, avec d'abord les superbes "Salades de saison" dans Pilote, puis ses fameux "Frustrés" qui parurent dans le Nouvel Observateur à la fin des années 70. Elle fit également partie de la grande aventure de "l'Echo des Savanes" aux côtés de Gotlib et Mandryka, et elle n'eut jamais besoin de forcer son style pour y paraître totalement adulte. Avec son coup d'œil précis et sa façon inimitable de faire mouche, quand elle ciblait les petits travers de ses contemporains, la grande Claire était devenue en quelques années une véritable classique et une humoriste indispensable.

Les critiques s'intéressèrent bien sûr très vite à Claire Bretécher et il y eut donc un certain nombre d'interviews et de commentaires élogieux à son sujet dans la presse spécialisée. Curieusement, il n'y eut cependant pas de belle monographie, ou en tout cas pas de livre qui soit digne d'une autrice d'un si haut niveau. Il m'a fallu faire des recherches dans le monde des fanzine pour trouver quelques dossiers intéressants.

Et c'est ainsi que l'actuel ouvrage de référence sur Claire Bretécher reste très ancien ! Il s'agit du N° 24 des Cahiers de la BD qui date de 1974 et qui est heureusement d'un assez bon niveau. Il contient en tout cas une interview assez bien menée et une bibliographie complète pour l'époque, ainsi que quelques BD peu connues et un hommage de Marcel Gotlib. Les textes critiques sont peu nombreux, mais assez corrects pour un simple fanzine. En fait, il faut surtout déplorer qu'il n'y ait presque rien eu sur le plan critique depuis lors !

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Bretzo10

Claire Bretécher est morte récemment (en 2020) et le Nouvel Observateur eut alors l'élégance de lui consacrer un numéro hors série de très belle allure. Riche en informations et en images de toutes sortes, et récemment édité sous une forme cartonnée, cet ouvrage collectif est intitulé Le destin de Claire et il propose un bilan assez complet de sa carrière. On n'y trouve pas d'interview mais divers textes de journalistes qui s'intéressent à sa jeunesse ("il pleut sur Nantes"), au "portrait de l'artiste à son atelier," au florilège de ses déclarations tout au long de sa vie ("ainsi parlait Claire Bretécher"), à sa carrière dans Pilote, aux moments épiques de l'Echo des Savanes, aux bandes dessinées publiées dans le Nouvel Observateur ou même à son œuvre privée (ses tableaux). Contenant par ailleurs une quarantaine de pages tirées de ses meilleures BD ainsi qu'une dizaines d'hommages de dessinateurs récents, ce fascicule de 100 pages est une magnifique rétrospective de sa carrière qu'il ne faut pas rater. Il risque en effet de disparaître assez vite des librairies.   Wink

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Bretzo11

Une exposition a été consacrée à Claire Bretécher en 2015 par la Bpi du Centre Pompidou, à Paris, et un catalogue a été publié à cette occasion. Intitulé Bretécher Morceaux choisis, il contient surtout (comme son titre l'indique) des bandes dessinées. Il y a en effet 90 pages de BD choisies surtout parmi ses albums récents, mais on y trouve également une introduction de Marie-Ange Guillaume intitulée "Portrait", ainsi qu'une postface d'une vingtaine de pages contenant le "Cahier de l'exposition à la Bibliothèque publique d'information". Ce n'est bien sûr pas un livre indispensable, mais c'est tout de même un beau "livre en plus" qui déplaira pas aux admirateurs de Claire.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Bretzo12

Et c'est tout ce que j'ai trouvé au sujet de cette grande dessinatrice ! Il existe il est vrai quelques textes sur Bretécher dans Neuvième art 2.0 mais ils ne me semblent pas indispensables, et cet ensemble ne représente par ailleurs pas un vrai dossier ! 

claire bretécher - neuviemeart2.0 (citebd.org)

Si jamais vous avez d'autres suggestions, n'hésitez pas à les faire ici !   Wink


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Raymond

Raymond
Admin

Autre dessinateur d'humour travaillant pour les adultes, Alexis (Dominique Vallet) avait fait son entrée dans Pilote à la même époque que Bretécher. Son talent fût d'emblée remarqué et s'il commença par travailler sur de simples "Actualités", il fût très vite recruté par Fred pour dessiner le savoureux "Time is Money" (sous-titré "Ils voyagent dans le temps pour gagner de l'argent"  Références et monographies d'auteurs - Page 10 Icon_wink). Il collabora ensuite avec Gotlib, qui lui scénarisa une belle série de parodies intitulées "Cinémastock", et après trois ou quatre ans, Alexis était déjà devenu un des meilleurs auteurs du journal. Sa carrière fût cependant très courte, car après avoir suivi Gotlib lors de la fondation de Fluide Glacial en 1975, il dessina encore quelques satires dans cette revue, ainsi que l'excellent western humoristique "Al Crane publié dans Pilote, avant de mourir subitement d'une rupture d'anévrisme en septembre 1977. Il avait juste 31 ans !

Grosse vedette de la BD pendant les années 70, Alexis est plus ou moins oublié de nos jours et il n'existe pas beaucoup de littérature à son sujet. Les interviews sont rarissimes et la littérature critique est quasiment inexistante. Mais heureusement, les Cahiers de la BD se sont dépêché de publier après sa mort leur N° 38 qui rend un bel hommage au talent du dessinateur. Certes, ce fascicule n'est pas bien épais, mais il contient tout de même une ancienne interview du dessinateur (publiée auparavant dans le fanzine Schroeder), ainsi que divers entretiens avec ses camarades Gotlib, Lauzier et Jacques Lob. Il s'y ajoute une dizaine de pages du "Transperce-Neige", un projet de BD scénarisée par Lob qui fût ensuite redessinée par Rochette, ainsi qu'une bibliographie complète réalisée par Filippini et ... c'est tout ! On ne trouve aucun texte critique dans cet embryon de monographie mais les nombreuses interviews permettent tout de même au lecteur de se faire une bonne idée de la carrière d'Alexis. C'est aussi un dossier qui a le mérite d'exister.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Alexis10

Sinon, je n'ai rien trouvé de plus sur Alexis, que l'on redécouvrira peut être un jour. C'est une éventualité que l'on peut espérer car il a laissé derrière lui quelques perles humoristiques ("Cinémastock", "Time is Money" et les premières histoires de "Super-Dupont") qu'il vaut la peine de découvrir.


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sylvain-

sylvain-
grand maître
grand maître

oui, quasiment rien sur Alexis - un génie mort tellement prématurément aussi ! Sad

mais c'est bien dommage, il mériterait un hommage appuyé, son talent est immense.

sylvain-

sylvain-
grand maître
grand maître

à noter que sur ce n° des cahiers qui lui est consacré (et quelle consécration deja pour un auteur si jeune !) il y a les premières planches du Transperceneige co-réalisé avec Lob, avant qu'Alexis ne meurt subitement laissant l'aventure inachevée.

quel dommage !

les planches sont superbes.

Raymond

Raymond
Admin

C'est en 1969 également que le fameux trio composé par Jean Mulatier, Patrice Ricord et Jean-Claude Morchoisne commença à sévir dans les pages de Pilote. Ils y apportèrent leurs célèbres caricatures de personnages célèbres, une série totalement à part qui s'intitulait "les Grandes Gueules" et qui fit parfois la couverture du journal.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Morcho10

Plutôt illustrateurs de presse que bédéastes, ils commencèrent tous par dessiner quelques planches d'Actualités en 1969, avant d'inaugurer leur célèbre série en 1970. Très influencées par les dessins de la revue Mad, leurs pages témoignaient d'un humour essentiellement adulte. Mulatier et Ricord quittèrent hélas assez vite Pilote, suite à un conflit avec Goscinny, et ils fondèrent après la belle revue Mormoil en 1974. Ce journal eut cependant une existence très courte et la suite de leur carrière se prolongea surtout dans la grande presse où leurs "Grandes Gueules", puis "les Animaux qui nous gouvernent" remportèrent un indiscutable succès. Il y eut bien sûr quelques albums sur ce thème et leur inspiration semblait inépuisable. Le trio finit cependant par se séparer au milieu des années 80 mais ils continuèrent à faire chacun une belle carrière individuelle dans les domaines de la caricature et du graphisme.

Le plus connu de ces trois caricaturistes est certainement Mulatier qui a été interviewé à diverses reprises par la presse spécialisée. Son meilleur entretien est certainement celui qu'il a donné au fanzine Tonnerre de Bulles N° 6, qui date de 2012. Présentées sous la forme d'un abécédaire, les questions abordent tous les aspects les plus importants de la carrière du dessinateur et ce dernier y répond avec beaucoup d'honnêteté et de verve. Cet entretien très agréable à lire reste donc la référence de choix au sujet de Mulatier.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Mulati12

Il existe une interview plus récente qui a été publilée par le fanzine Bananas N° 12, en 2020. Interrogé par téléphone, Mulatier y parle sans détour et dans le désordre des dessinateurs américains (en particulier de MAD), de Pilote et de Goscinny, de Mormoil et de sa fin prématurée, de la BD actuelle, de Franquin, des Grandes Gueules, de l'écriture de scénarios et de Reiser. Présenté comme ça, l'ensemble parait un peu brouillon mais il reflète probablement très bien la personnalité du dessinateur, à la fois impulsive et enthousiaste.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Mulati10

Mulatier aime bien parler des auteurs qu'il admire et il existe une interview dans BoDoï N° 91 où il parle beaucoup de Goscinny en tant que caricaturiste, ainsi que de leurs rencontres à la rédaction de Pilote. Ce n'est pas un article indispensable, mais on y apprend par exemple comment Mulatier et Ricord ont quitté Pilote et cet entretien présente lui aussi une verve qui est bien agréable.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Mulati11

Patrice Ricord n'a presque pas été interviewé (il existe bien un article dans le N° 21 de RTP mais je ne le possède pas) et c'est un dessinateur sur lequel je ne sait pas grand chose. Morchoisne est un peu dans le même cas, mais il a tout de même accordé un entretien à Casemate en 2012, lors de la sortie d'un nouveau recueil des "Grosses Bêtes qui nous gouvernent". Ce Casemate N°45 comble ainsi un vide important et l'interview ne manque pas d'intérêt.

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Dernière édition par Raymond le Lun 23 Aoû - 11:28, édité 2 fois


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Raymond

Raymond
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En 1969, Nikita Mandryka fit officiellement ses débuts dans Pilote, après y avoir dessiné quelques planches sous le nom de Kalkus. Il amenait avec lui sa série vedette qui s'intitulait le Concombre Masqué et cette BD ne ressemblait vraiment à rien de ce qui avait été dessiné auparavant. C'était un autre bel exemple de bande dessinée d'auteur, un genre déjà fort bien représenté par Fred, Gotlib, Gébé, Claire Bretécher et Cabu ... et par d'autres trublions qui n'allaient pas tarder à faire leur apparition.    Wink

Passionné de psychanalyse, de liberté et de jeux avec les codes, Mandryka eût le mérite d'amener dans Pilote un nouvel humour et de nouvelles idées, mais aussi de nouvelles exigences. Elles donnèrent à Pilote un niveau intellectuel intéressant, mais elles favorisèrent à la longue une nouvelle crise qui déboucha quelques années plus tard sur la création du fameux Echo des Savanes. Sans le savoir, René Goscinny avait peut-être introduit le loup dans la bergerie. Mais il faut aussi reconnaître que c'était surtout l'idée d'une bande dessinée adulte qui s'était mise en marche, et que plus rien n'allait pouvoir désormais l'arrêter.

Je ne raconterai pas ici la carrière longue et compliquée de Mandryka, qui ne fût pas seulement un auteur, mais aussi un rédacteur en chef et un créateur de journaux. Cette trajectoire a bien sûr intéressé les journalistes mais, curieusement, les interviews de cet auteur très original n'ont pas été si nombreuses que cela. Il n'y a par ailleurs jamais eu de beau livre qui ait fait le tour de sa carrière et il faut donc fouiller dans les fanzines pour trouver quelques références intéressantes. Elles sont hélas assez rares.

S'il fallait aujourd'hui désigner une référence de premier choix, il est probable que ce serait le vieux N° 28 des Cahiers de la bande dessinée qui serait élu. C'est bien sûr une petite monographie plus ou moins complète avec une interview réalisée par Numa Sadoul, quelques commentaires succincts sur sa carrière écrits par Yves di Manno, Paul Herman et Henri Filippini, et enfin l'inévitable bibliographie qui est bien sûr aujourd'hui dépassée. Ce numéro n'est pas mauvais, mais l'interview n'est hélas pas toujours intéressante (Mandryka y met un peu trop de réflexions psychanalytiques) tandis que les articles critiques sont un peu trop pauvres. Il était probablement difficile d'être à la hauteur de cet auteur très intellectuel, mais cette petite monographie a au moins le mérite d'exister.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Mandry11

A part cela, il existe diverses interviews de circonstance dont l'intérêt est très variable, et qui ne font pas le tour de la carrière du dessinateur. L'un des plus intéressant est un entretien réalisé en 2011 par le dBD N° 55, qui réunit Gotlib et Mandryka. Il donne l'occasion à ces deux monstres sacrés de faire un petit retour en arrière et de commenter à leur façon de vieux événements historiques. C'est aussi une discussion sympathique qui révèle deux auteurs toujours pleins de vivacité et d'humour, ayant par ailleurs fait depuis longtemps la paix sur leurs anciens différents. Bien sûr, cet article privilégie les anecdotes mais il est très plaisant à lire.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Mandry12

Et devant cette faible concurrence en matière d'interviews, je n'hésiterai pas trop longtemps avant de vous recommander le N° 20 de Tonnerre de Bulles, même si cela peut ressembler à de l'autopromotion. Mandryka m'a en effet accordé en octobre 2018 un très long entretien (plus de 2 heures 30), dans lequel il raconte d'une manière méthodique toutes les étapes de sa longue carrière. C'est par ailleurs un témoignage de première main sur 30 ans d'histoire de la bande dessinée, car Mandryka a occupé divers postes à responsabilités pendant les années 70 et 80 dans le monde éditorial, et cet article contient ainsi quelques infos peu connues. Les "historiens de la BD" devraient s'y intéresser.  Wink

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Mandry14

Et c'est hélas tout ce qu'il y a sur Mandryka, qui fût pourtant un acteur important par rapport à l'évolution du 9ème Art. J'espère sincèrement qu'un grand livre lui soit un jour consacré.


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Raymond

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L'année 1970 fût marquée par l'apparition de Philippe Druillet et des "Six Voyages de Lone Sloane" dans le journal Pilote, et ce fût presque une sorte de séisme.

Certes, avec l'essor de la bande dessinée d'auteur, le 9ème Art avait bien évolué. Le grand public s'était ainsi peu à peu habitué à l'abandon des traditionnelles trois ou quatre bandes sur lesquelles s'alignaient gentiment les images. La disposition des cases était devenue très libre car certains dessinateurs (comme Cabu ou Gébé) avaient depuis longtemps cessé d'en tracer les bords. Quelques audacieux se permettaient même de remplir toute la page avec une seule illustration mais ... tout cela restait bon enfant et plutôt bien élevé. Avec Philippe Druillet, la BD sortait en revanche de toute limite raisonnable ! Le graphisme de la planche devenait en effet d'une complexité folle à cause de ses architectures monstrueuses, du gigantisme de ses images à bords perdus, de la multiplication infinie de ses détails, de ses idoles aux postures obscènes et de l'aspect baroque de ses décors. Le regard était frappé par une sorte d'ivresse et toute distinction entre planche et illustration devenait presque impossible à définir. La révolution était en marche et il ne restait plus que deux certitudes, en fait, celle que Druillet était un véritable artiste et celle que la bande dessinée ne serait plus la même qu'auparavant.

Cet auteur fascinant a bien sûr affolé les critiques et les interviews ont été aussi nombreuses que les art-books. Les études critiques ont été en revanche moins fréquentes mais il en existe quand même un certain nombre, et cela donne aujourd'hui deux ou trois intéressantes monographies ou biographies que l'on peut facilement recommander.

Et en tête de liste, on peut sans hésitation présenter l'impressionnant "pavé" de Benjamin Legrand qui a été publié en 2016 chez Mel Publisher. Simplement intitulé Philippe Druillet, ce beau catalogue richement illustré explore avec méthode la longue et prolifique carrière du dessinateur et il faut le reconnaître, ce recueil nous régale aussi bien par l'intelligence de ses textes que par la splendeur de ses images. Commençant avec une traditionnelle interview et un catalogue de photographies, ce livre présente ensuite chaque œuvre à travers les déclarations du dessinateur et l'ouvrage devient ainsi une sorte de "Druillet par lui-même". Il y a hélas très peu de textes critiques et ce livre se limite donc à une présentation plutôt basique de l'auteur. Il est cependant très riche en images et cela permet de découvrir de toute l'œuvre graphique, que ce soit la bande dessinée, les séries d'illustrations, les tableaux, les images architecturales ou les sculptures. Le recueil se termine avec une petite biographie et une bibliographie succincte et il en résulte un très beau livre pour tout ceux qui veulent simplement découvrir Philippe Druillet. Mais il faut reconnaître que l'ouvrage ressemble par moment davantage à un art-book qu'à une monographie.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Druill13

Dans la série des "Druillet par lui-même", on peut y ajouter son livre de mémoires qui s'intitule "Delirium - Autoportrait". Ecrit avec l'aide de David Alliot et publié en 2014, ce petit bouquin de 270 pages est une intéressante autobiographie dans laquelle le dessinateur raconte surtout ses jeunes années. On peut en effet découvrir en détail les événements de son enfance, ses années de formation, ses début de dessinateur, sa courte carrière dans Pilote, la fondation de Métal Hurlant et le décès de son épouse. Les années de maturité (à partir des années 80) n'occupent en revanche qu'une partie relativement courte du livre, probablement parce que les choix principaux étaient déjà faits et que l'essentiel était dit. C'est sinon un livre plein de sincérité, dans lequel Druillet ne cherche pas forcément à se donner le beau rôle, et il nous permet d'approcher d'une façon sympathique un artiste qui est souvent bien plus intimidant.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Druill14

J'avais parlé plus haut de monographies, mais il n'y en a pas beaucoup. Le seul ouvrage digne de ce nom est bien sûr le N° 42 des Cahiers de la BD qui a été publié en 1980 et qui reste aujourd'hui d'une assez bonne facture. Bien que cet ouvrage soit ancien, il propose une longue et intéressante interview, suivie de de trois textes analytiques assez courts mais corrects, puis d'une bibliographie très détaillée pour l'époque. L'ensemble donne une vision assez précise de l'artiste et cet ancien dossier a donc gardé un certain intérêt, même s'il ne dit rien sur les 40 années suivantes.   Wink

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Il y a sinon beaucoup d'art-books qui permettent de découvrir les œuvres de Druillet réalisées en dehors du domaine de la BD et je les connais hélas assez mal. J'ai un lointain souvenir de P.A.V.É, un gros bouquin qui est paru paru en 1988 et qui rassemble des images provenant de multiples travaux (sculptures, peintures. meubles etc.). Je ne l'avais pas acheté à l'époque pour des raisons pécunières et je le regrette un peu aujourd'hui. Il est assez probable que d'autres livres d'images pourraient très bien aujourd'hui à le remplacer, mais il m'est difficile de dire lesquels ?

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Et puis pour finir, j'ai tout de même envie de mentionner ici le N° 30 de Swof, un fanzine suisse des années 90 qui n'hésitait pas à se lancer dans de grands travaux. Comportant une interview bien menée, une mini-bibliographie et plusieurs articles critiques, ce dossier d'environ 35 pages reste d'une très belle tenue et il est en plus très facile à lire. Ce n'est pas de la critique universitaire, bien sûr, car les affirmations y sont parfois assez hardies et le ton plutôt familier, mais les critiques qui sont certes très subjectives restent cependant influencées par le bon sens. Dans ce style, Swof était souvent irremplaçable.  

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Voilà ! Il y a bien sûr d'autres livres sur Druillet (surtout des art-books) que je ne connais pas et il ne faut pas hésiter à me signaler si je commets des oublis impardonnables. C'est après tout un forum où l'on peut discuter.   Wink


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Raymond

Raymond
Admin

Bien sûr, il n'y avait pas que des dessinateurs révolutionnaires dans Pilote, et Goscinny faisait attention à équilibrer les genres. Les planches de Druillet côtoyaient ainsi des BD tout à fait conventionnelles, comme par exemple l'intéressante série documentaire consacrée aux "Soucoupes volantes", qui était scénarisée par Jacques Lob et dessinée par Robert Gigi.

Ancien dessinateur de presse, Jacques Lob avait fait beaucoup de choses (il avait même travaillé chez Hara Kiri) avant de se reconvertir dans la rédaction de scénarios de bandes dessinées. Il était arrivé dans Pilote en 1963 et avait alors commencé à écrire des histoires pour des illustrateurs comme Guilmard, Pichard, Lacroix ou Alexis. Dès 1969, Lob se mit à faire surtout des pages d'Actualités et, plus tard, il scénarisa même la deuxième aventure de Lone Sloane (Delirius) pour Philippe Druillet. Sa carrière ultérieure fût assez curieuse car au cours des années 70, il se remit à dessiner des BD dans l'Echo des Savanes et Métal Hurlant, puis il remporta grâce à cela le Grand Prix de la ville d'Angoulême en 1986. C'était le genre de gag que le jury d'Angoulême (composé uniquement d'anciens lauréats) réservait de temps en temps à l'intention du grand public.   Wink

Disons-le sans ambages, Jacques Lob est un auteur plutôt mineur. Il n'y a pour cette raison qu'assez peu d'interviews de cet auteur et il m'a fallu beaucoup chercher pour trouver ne serait-ce qu'un embryon de dossier. La seule référence que je connaisse a été publiée dans le beau fanzine Haga N° 46, en 1981, et c'est un travail de belle qualité. Il contient une bonne interview, beaucoup de vieux dessins inconnus de Lob, une histoire de l'Homme au landau (série autrefois publiée dans l'Echo des Savanes) et un petit dossier sur "Herculena", une BD scénarisée pour Jijé qui n'est finalement jamais parue. Tout cela fait environ 20 pages et ce dossier m'a paru assez riche en trouvailles.

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Robert Gigi, de son côté, était un vieux de la vieille qui avait fait une longue carrière dans la presse quotidienne (dès 1948) puis à la Société Parisienne d'Edition, avant de travailler pendant les années 60 pour des hebdomadaires comme Francs Jeux, Record ou Pilote. Le "Dossier des Soucoupes volantes" fût en fait sa principale contribution pour le journal de René Goscinny puis il créa par la suite diverses séries de second plan comme Agar, Ugaki l'escrimeur fou ou Orion laveur de planètes. Tout cela était très honorable mais ses albums n'eurent jamais un grand succès.

Claude Moliterni, qui avait scénarisé diverses BD pour Robert Gigi dès les années 70, eût la bonne idée de publier en 1987 un album qui lui rendait hommage. Ce livre s'intitulait Rêves écarlates et c'était un recueil composite, assez proche d'un art-book, qui contenait une petite biographie richement illustrée du dessinateur, accompagnée d'un cahier d'images diverses puis d'une réédition de la première aventure d'Agar, intitulée "les Jouets maléfiques". Cet ensemble pourrait être une assez bonne base pour les amateurs qui ne savent rien sur Robert Gigi.

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Mais la meilleure référence est certainement le fanzine Hop N° 70, dans lequel Louis Cance a introduit un petit dossier très soigné. Le numéro contient en effet une interview focalisée sur toute la carrière du dessinateur, suivie d'une bibliographie exhaustive (comme d'habitude avec Hop). Robert Gigi était déjà assez âgé lors de la sortie de ce numéro (c'était en 1996) et on peut admettre que c'est devenu aujourd'hui une référence définitive.

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Jean Solé était lui aussi un dessinateur qui avait commencé par dessiner les "Actualités" en 1970 dans Pilote. En fait, il avait quasiment fait ses débuts dans le journal (il n'avait que 22 ans à son arrivée) et il s'était très vite révélé comme un illustrateur hors pair, en participant entre autres aux "Grandes Gueules" dès 1971. Puis un jour, après que Solé ait réalisé une BD documentaire sur le rock'n roll, Goscinny lui proposa de dessiner une chronique hebdomadaire consacrée à la musique, qui s'appelait "En écoutant des images". Le dessinateur avait dès lors trouvé sa voie, située à mi-chemin entre l'histoire en images et l'illustration, et il allait dans cette ligne créer ses fameuses Animaleries qui le rendirent assez connu, pour ne pas dire célèbre. Quelques années plus tard, Solé se tourna vers Fluide Glacial où Gotlib lui proposa de dessiner Super Dupont, une BD qui reste à ce jour son plus grand succès.

Comme d'autres anciens du journal Pilote, Solé est à la fois connu (par ses bandes dessinées) et méconnu (pour ce qu'il a fait ailleurs). Il a été interviewé de temps en temps et il existe donc des entretiens intéressants à son sujet, mais il n'y a hélas pas grand chose sur le plan monographique.

Et s'il fallait choisir une référence de premier choix pour Solé, il me semble que les Carnets intimes (un art-book publié par Fluide Glacial) restent aujourd'hui la meilleure porte d'entrée pour découvrir l'homme et son œuvre. Il n'y a certes pas de grande interview ni de bibliographie dans cet album, mais simplement une longue suite de dessins et d'images qui sont richement commentés par l'auteur lui-même. Et en regroupant tout ces petits textes, on a finalement une bonne idée de la carrière du dessinateur. Par ailleurs, il est au fond très logique de découvrir un dessinateur à travers ses images.   Wink

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Pour les interviews, il faut bien sûr se tourner vers journaux spécialisés ou les fanzines, mais il n'y a pas un entretien qui soit nettement supérieur aux autres. Pour ce qui concerne les débuts du dessinateur, il me semble que le fanzine Haga N° 46 (déjà montré plus haut) reste une bonne référence. Cet entretien datant de 1981 fait 5 pages et il est accompagné par de nombreuses illustrations qui révèlent la variété du répertoire graphique de Solé.

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Datant de 1990, l'interview de Lézard N° 3 est plus copieux (7  pages) mais également moins conventionnel et parfois un peu désordonné. Toutefois, Solé y montre assez de verve et l'entretien ne répète pas ce qui a été dit dans d'autres journaux. Cet article est ainsi intéressant mais .. j'imagine qu'il est devenu difficile à trouver (tout comme celui de Haga d'ailleurs). 

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Solzo-12

Si on veut une interview plus facile à obtenir, il faut se tourner vers le N° 6-7 de (A Suivre), La Lettre de Dargaud N° 21 ou 71, ou Bo Doï N° 64, mais ce sont hélas des propos très circonstanciels. L'entretien accordé au N° 28 de On a marché sur la Bulle me parait moins daté, car il accompagnait une exposition consacrée en 2012 aux dessins de Solé sur la musique. Le dessinateur y parle donc abondamment de choses qu'il aime et ... c'est dans le fond cela qui est le plus intéressant.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Solzo-13

Et voilà ! Je vais en rester là ! Il n'est malheureusement pas très simple de se documenter sur Solé et c'est une réalité qu'il faut admettre.   deso


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Autre dessinateur arrivé pendant les années 70, Jean-Claude Forest publia finalement très peu histoires dans Pilote mais ce bref passage lui apporta clairement une belle notoriété. Ce vétéran avait auparavant fait une carrière discrète pendant les années 50 et 60, dans des revues comme Vaillant, Fillette, Mireille ou Chouchou, et son nom n'avait commencé à émerger qu'en 1964 avec sa fameuse héroïne Barbarella. Il avait ensuite dessiné son chef d'œuvre dans Pif Gadget, un poétique "one shot" intitulé "Mystérieuse, Matin, midi et soir" et cette BD reste aujourd'hui injustement méconnue. Dans Pilote, il dessina les aventures désinhibées (et difficilement compréhensibles) d'une jeune fille brune nommée "Hypocrite" et j'avoue avoir été peu sensible à l'éventuelle poésie de cette histoire déjantée. Mais il est vrai que Jean-Claude Forest est un auteur à part, qui reste dans son propre univers (imaginaire) et qu'il faut faire un certain effort pour y pénétrer.

Dès les années 70, les intellectuels se sont intéressés à cet auteur original qui n'appartenait à aucune école, et les interviews sont donc assez nombreuses. Les textes critiques sont évidemment plus rares (il y avait de gros risques de passer totalement à côté de la plaque  Wink ) mais le minimum a tout de même été publié, je pense, pour ce dessinateur qui ne souciait guère de plaire.

La référence de choix est en tout cas évidente ! C'est bien sûr le beau livre de Philippe Lefèvre-Vakana intitulé simplement L'art de Jean Claude Forest, qui a été publié en 2004 par les Éditions de l'An 2. N'étant pas un vrai "forestien", je n'ai pas acheté ce livre à l'époque et il est probablement aujourd'hui trop tard pour le faire. Je me souviens cependant fort bien d'avoir feuilleté cette monographie richement illustrée, qui contient souvent des reproductions d'originaux. Ce n'est par ailleurs pas qu'un art-book car les textes y sont abondants mais ... mes souvenirs sont maintenant trop flous pour les commenter. Une chose est sûre toutefois : il est aujourd'hui impossible de trouver mieux !

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Forest11

En second, il y a certainement la petite monographie publiée dans le N° 26 des Cahiers de la bande dessinée, qui reste aujourd'hui tout à fait correcte. Certes, la bibliographie est aujourd'hui devenue incomplète, mais la longue interview et les petits textes critiques gardent en revanche un intérêt certain. Par ailleurs, comme je l'ai déjà écrit plus haut, bien peu de kamikazes ont osé jusqu'ici se lancer dans une étude de l'œuvre de Forest, et l'effort des "Cahiers" est donc très méritoire.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Forest12

Et puis, comme ma liste de références n'est pas longue, j'oserai y ajouter un vieux fanzine que j'aime bien et qui a consacré un beau numéro à Jean-Claude Forest. Il s'agit du N° 5 de Submarine qui a été publié en 1973. Commençant avec une interview assez traditionnelle de l'auteur (faite par un connaisseur), la revue propose ensuite un "petit panorama" en images de la production de Forest, puis un article de Fresnault-Deruelle consacré à Barbarella, et enfin une dizaine de pages du fameux "Copyright", cet animal ambigu de Forest qui a fortement inspiré le "Concombre" de Mandryka. C'est en fait un vrai petit dossier, qui est conçu avec simplicité et intelligence et qui n'a vraiment pas pris une ride. Vous n'avez bien sûr presque aucune chance de trouver ce fascicule aujourd'hui, mais j'aurais trouvé bien dommage de le passer sous silence.

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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonsoir Raymond
Me conseillez-vous : Mystérieuse, Matin, midi et soir ?
Le cas échéant, en couleur ou en noir et blanc ? Chez L'association ou Serg ?
Bien cordialement
Éléanore

Raymond

Raymond
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Oui, je te le conseille vivement, surtout si tu as déjà lu L'île mystérieuse, le célèbre roman de Jules Verne dont le récit de Forest est un savoureux démarquage. Cette BD est en fait un bon compromis entre la fantaisie narrative de Forest (qui rend parfois certains récits difficiles à suivre) et le romantisme aventureux et structuré propre aux romans de Jules Vernes. Forest donne à ce récit d'aventure le ton ironique qui lui est propre et on ne s'ennuie pas une minute en lisant cet album.

Pour ce qui concerne les couleurs, je les trouve laides et beaucoup trop "kitch" et je préfère donc cent fois l'album noir et blanc. Mais bien sûr, il faut aussi voir ce que tu peux trouver ?   Wink


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Raymond

Raymond
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L'année 1972 fût aussi celle de l'arrivée d'Enki Bilal dans le journal Pilote. 

Au départ, Bilal n'était encore qu'un débutant et il commença par dessiner de courts récit de science fiction en noir et blanc, richement hachurés et imaginatifs qui lui donnèrent assez vite une place à part. Puis lorsque Pilote devint mensuel, il créa avec Pierre Christin les fameuses "Légendes d'aujourd'hui", dans lesquelles il développa son art de la couleur qui laissa une forte impression sur le grand public. Ces albums lui donnèrent en fait assez précocement le statut d'un grand classique et la suite de sa carrière ne fit que confirmer son prestige. Il dessina ainsi la fameuse trilogie Nikopol pendant les années 80, puis la belle tétralogie du "Monstre" au début des années 2000, et ces grandes suites sont probablement le meilleur de son œuvre. Mais à part cela, Bilal multiplia les expériences créatrices dans tous les sens en devenant d'abord l'auteur complet de ses albums, puis en travaillant comme affichiste, cinéaste, illustrateur de livres ou producteurs d'images diverses qui firent le délice de nombreux collectionneurs. Avec le temps, Bilal est aujourd'hui devenu un artiste universellement reconnu.

Pour ma part, j'éprouve une admiration ambigüe pour cet auteur que je n'arrive pas à placer parmi mes favoris, même si je reconnais largement ses mérites. Je n'ai pour cette raison pas attentivement collectionné les nombreuses et nombreux livres, monographies, catalogues ou art-books qui lui sont consacrés, et Dieu sait s'il y en a ! Ma sélection d'ouvrages de références n'est ainsi pas faite par un grand connaisseur. Elle est au contraire un peu approximative et il ne vous faut pas hésiter à intervenir si j'oublie des ouvrages essentiels.  Wink

J'ai par ailleurs bien de la peine à choisir une monographie de référence à son sujet. Il me semble qu'il n'y a aucun livre vraiment complet sur Bilal, comportant à la fois une bonne interview, un beau choix d'illustrations, de bons textes critiques et une bibliographie la plus large possible. Toutes ces choses existent, certes, mais elles sont  dispersées dans divers ouvrages. Je présenterai donc ces livres et journaux dans un ordre chronologique, ce qui sera très commode pour moi qui possède surtout des références assez anciennes.

Je commencerai ainsi avec les Cahiers de la bande dessinée N° 53 qui sont parus en 1983. Véritable petite monographie très soignée, cette référence contient une bonne interview, plusieurs articles analytiques pertinents (sur la couleur, sur les œuvres des débuts ou sur l'obsession de la métamorphose), un beau cahier d'illustrations en couleurs et une bibliographie relativement détaillée. C'est un dossier qui reste encore intéressant aujourd'hui, même s'il existe des ouvrages plus impressionnants, et on le trouve même parfois sur le Web à des prix assez modestes. On aurait donc tort de le négliger.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Bilal-10

Un petit livre de Jean-Marc Thévenet est sorti en 1987 et ... je l'ai toujours un peu injustement dédaigné. Intitulé simplement Bilal et ayant une orientation assez généraliste, il contient une interview, des témoignages et des petits dossiers. Il est est assez bien illustré (du moins dans mes souvenirs) et on le trouve facilement sur le Web pour pas très cher. Cela peut être une solution correcte pour les amateurs minimalistes, mais il est bien sûr essentiellement acheté par des collectionneurs passionnés et exhaustifs.

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J'avoue avoir pour ma part une nette prédilection pour le Sapristi N° 29 qui est paru en 1994. Contenant surtout une longue interview et une bibliographie très détaillée, ce fanzine se distingue par une présentation très séduisante avec son beau papier brillant et ses multiples illustrations soigneusement imprimées. Il n'y a certes aucun texte analytique, et l'ouvrage est par ailleurs trop ancien pour que cela reste une référence de premier choix, mais c'est tout de même un beau fanzine dont on ne se séparera jamais.   Wink

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Le fanzine Swof N° 27 a lui aussi rendu un bel hommage à Bilal en 1999, à sa propre manière bien sûr ! Son dossier de 45 pages contient lui aussi un petit cahier d'illustrations en couleur, mais j'y apprécie surtout une longue interview très bien menée ainsi que les nombreux commentaires sur des sujets variés, que ce soit des albums de BD, certaines illustrations ou les premiers films. Il y a toujours beaucoup à lire avec Swof et ce n'était pas le cas pour tous les fanzines.

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Beaucoup de livres et de catalogues très richement illustrés sont ensuite parus pendant les années 2000 et ce sont généralement des art-books. Comme je suis loin de tout connaître, je vais laisser de côté tout cela et signaler plutôt le livre d'entretiens de Christophe Ono-dit-Bio qui date de l'année 2011. Intitulé Enki Bilal Ciels d'Orage, ce livre contient évidemment une longue interview. Comme je n'ai jamais eu ce recueil entre les mains, il m'est impossible de le commenter plus en détail mais il doit s'agir à l'évidence d'un document de premier choix.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Bilal-14

Olivier Jung a publié en 2018 un livre intitulé La trilogie Nikopol - Du réalisme aux imaginaires chez Enki Bilal et il s'agit certainement d'un ouvrage très sérieux, qui analyse une des œuvres majeures du dessinateur. C'est également un de ces bouquins que j'ai (plus ou moins volontairement) "oubliés" jusqu'à présent, en raison de la pléthore de livres de toute sorte qui sont produits par le monde de la BD, mais il est probable que je m'y intéresserai un jour.   Cool

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Bilal-15

Et voilà ! Je signalerai tout de même pour finir le catalogue de l'exposition Bilal qui s'est tenue à Landerneau de juillet 2020 à janvier 2021. Cette manifestation sponsorisée par Michel-Edouard Leclercq proposait une grande rétrospective thématique de l'œuvre de l'artiste et j'imagine que ce catalogue doit être particulièrement intéressant, mais ce n'est bien sûr qu'une conjecture. C'est cependant un autre de ces achats auquel je pense de temps en temps ... et peut-être que je finirai par céder.  Wink

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C'est tout et c'est déjà beaucoup ! J'attends avec intérêt vos éventuels commentaires.



Dernière édition par Raymond le Jeu 13 Mai - 12:15, édité 1 fois


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Raymond

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Personne n'ayant pris la parole au sujet de Bilal, je vais donc continuer ma revue des dessinateurs de Pilote !   Cool

Le début des années 70 concrétisa aussi l'arrivée discrète dans le journal de Julio Ribera, dessinateur espagnol ayant émigré en France à la fin des années 50 pour fuir la dictature de Franco. Cet auteur avait commencé par travailler chez divers éditeurs (Montsouris, Bonne Presse, Opera Mundi) avant d'arriver au journal Bayard où il publia les aventures de "Tony Sextant" des 1957. Pendant les années 60, il dessina de nombreuses histoires complètes pour Coeurs Vaillants et J2 Jeunes, puis il s'introduisit progressivement dans le journal Pilote où il ne travailla régulièrement qu'à partir des années 70, grâce à sa série "Vampirella" qui eut droit à plusieurs albums. Puis au milieu des années 70, il rencontra enfin le grand succès avec son magnifique "Vagabond des Limbes" qui était scénarisé par Christian Godard et qui connut de nombreux albums. C'était une récompense méritée pour cet artisan modeste qui ne fût jamais une star de la BD mais qui a tout de même réalisé une carrière plus qu'honorable. 

Ribera a bien sûr intéressé la presse spécialisée, grâce surtout au Vagabond des Limbes, et il existe même des petites monographies à son sujet. La première est parue en 1979 et il s'agit du N° 41 des Cahiers de la bande dessinée, qui reste encore aujourd'hui une intéressante source d'informations. L'interview copieuse de Jean Leturgie passe bien en revue la carrière du dessinateur, tandis que ses principales séries sont commentées par trois articles honorables et qu'une bibliographie nous fait découvrir ses multiples travaux graphiques. C'est en fait un numéro sans génie, mais il est tout-à-fait satisfaisant pour les amateurs de Ribera qui veulent bien connaître l'auteur.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Ribera12

Julio Ribera a sinon écrit et dessiné sa propre biographie et c'est une BD passionnante à tout point de vue. L'auteur y raconte en effet son enfance dans une Espagne en pleine guerre civile, puis son adolescence pénible dans la société franquiste (en faisant ses débuts de dessinateur,) et enfin sa seconde vie en France à partir de 1954, où il va devenir peu à peu un auteur reconnu. Cette longue histoire est initialement parue sous la forme d'une minisérie de trois albums ("Montserrat suivi par "une Jeunesse bafouée" puis par "Paris Liberté") avant d'être publiée dans un gros livre unique intitulé Mon crayon et moi. C'est à mon avis un livre hautement recommandable, non seulement pour ceux qui aiment Ribera mais aussi pour tous les lecteurs qui s'intéressent à la vie difficile des émigrés espagnols pendant les années 50. L'auteur s'y révèle par ailleurs sous son jour véritable, à la fois humble et fier, prudent et enthousiaste, longtemps humilié et finalement vainqueur, bref un véritable espagnol.  Wink

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Ribera13

Jean-Paul Ribéri a lui aussi publié en 2016 une petite monographie consacrée à Ribera. Edité par les éditions Regards, cet album s'intitule simplement Julio Ribera et c'est une bio-bibliographie très riche en images et BD inédites. Comme je possédais déjà d'autres bonnes références sur l'auteur, je ne m'y suis pas intéressé et je ne possède donc pas cet ouvrage, mais il plaira certainement aux collectionneurs exhaustifs.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Ribera14

Et puis je ne snoberai pas le Hop N° 92 qui est paru en 2001 en proposant son petit travail habituel. Le dossier de 16 pages consacré à Ribera contient en effet une interview bien menée par Louis Cance, suivie d'une longue bibliographie assez exhaustive qui séduira tous les collectionneurs méthodiques. On peut bien sûr faire confiance au sérieux et au savoir faire de ce fanzine presque inusable, qui est soutenu par un solide bataillon d'admirateurs.

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eleanore-clo

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vieux sage
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Raymond a écrit:

Sa façon de conduire un récit, au mépris de toute raison et en fonction de liens inconscients, est intelligemment analysée ("Actes des passages") de même que l'originalité du "Petit Cirque" ("Le cirque sauvage de Fred") qui est peut-être sa BD la plus impressionnante.


Ne connaissant pas Le petit cirque et attirée par le qualificatif de "chef d'œuvre absolu", je me suis plongée dans l'œuvre. Et bien, je sors du voyage en étant partagée...

Oui, c'est un chef d'œuvre. Fred déploie une maestria incroyable dans une succession de lavis pour construire un univers surréaliste, d'une poésie décalée. Chaque histoire est un voyage en lui même, une exploration de l'âme humaine, de sa générosité (Rodolphe cassant la vitre du magasin pour donner une fourrure de renard à Carmen) mais aussi de sa folie (la jambe cassée de l'enfant pour qu'il puisse profiter de son cadeau de Noël), de sa grandeur (Rodolphe voulant offrir une fleur à Carmen) mais aussi de son égoïsme (le clown crucifié sur la porte de la ferme pour la protéger du mauvais-œil).

Mais, quelle noirceur  Crying or Very sad . La bassesse (les paysans soumis au noble qui vient de tuer le clown), l'inconstance des fermiers (en extase devant le palais contenu dans la roulotte), la violence (le tireur détruisant les ballons accrochés à la roulotte pour qu'elle puisse traverser le gouffre), le vide (le personnage dont Carmen retire le bouchon et qui se dégonfle), la mort (le défenseur des plantes carnivores), l'injustice (Carmen est traitée en animal), l'abus de pouvoir (les soldats aidant le trapéziste voyageur) règnent en maîtres dans ces pages toutes plus désespérées les unes que les autres.

Au final, comme pour les Idées noires de Franquin, ou Peter Pan de Loisel, j'ai admiré l'incroyable performance d'un auteur touché par l'aile du génie, mais suis aussi effrayée par cette peinture au vitriol de la nature humaine.

Eléanore

Raymond

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Il est vrai que l'on peut avoir cette impression en première lecture, et que l'humour noir (pour ne pas dire féroce) de certaines planches peut générer une ambiance très rugueuse, voir même un peu triste. C'est un choix esthétique de Fred qui allait bien sûr de pair avec la publication de cette BD dans le journal Hara Kiri. L'humour est souvent méchant, mais il y a parfois des gags plus poétiques (comme par exemple Fred qui répare la roulotte des romanichels) et la série n'est pa sdu tout monotone.

Dans une de ses interviews, Fred mentionne une anecdote intéressante sur le Petit Cirque. Cette BD est en effet parue dans Hara Kiri au début des années 60 tandis que l'album n'est  sorti que 10 ans plus tard chez l'éditeur Dargaud. Et en ressortant ses planches pour les amener chez Dargaud, Fred constata que le papier avait malheureusement beaucoup bruni. Une fois arrivé chez l'éditeur, on lui proposa bien sûr de remettre tout cela au propre mais Fred refusa tout net. Il trouvait en effet que cette couleur brunâtre apportait à sa BD une très belle atmosphère, qui correspondait tout à fait à ce qu'il voulait créer dans sa série.   Wink

Et donc, le Petit Cirque ne développe pas un humour très joyeux mais il contient une poésie tout à fait particulière, qui est très savamment dosée. On retrouve d'ailleurs les mêmes qualités (ou défauts ?) dans son autre recueil de planches de Harakiri qui s'intitule "Le fonds de l'air est frais", et que je te recommande aussi.   Very Happy


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F'Murr (Richard Peyzaret) est un autre grand dessinateur qui est arrivé au début des années 70, alors que Pilote était encore hebdomadaire. Il y dessina d'abord "Contes à rebours", une œuvre bien vite oubliée, avant de créer  en 1973 son fameux "Génie des Alpages", qui lui permit de devenir un auteur de premier plan. La série ne quitta ensuite jamais le journal, jusqu'à la disparition de Pilote en 1989.

Personnalité rebelle qui pratiquait un humour acide, F'Murr peut aussi être considéré comme un véritable démiurge, un créateur d'univers dont l'œuvre nécessite d'être lentement découverte afin d'être appréciée. Le succès du Génie des Alpages ne fût ainsi pas immédiat mais le rythme hebdomadaire du journal permit assez vite au grand public de se familiariser avec l'humour caustique, les décors montagnards et les personnages délirants de cette série. Et en quelques années, F'Murr devint tout de même un dessinateur réputé, qui avait acquis son propre bataillon de fidèles lecteurs.

Mais rien n'est jamais éternel ! F'Murr resta un auteur "grand public" aussi longtemps que parurent des revues comme Pilote ou (A Suivre), dans lesquelles il publiait régulièrement ses bandes dessinées. Il fût ainsi régulièrement interviewé et commenté par la presse spécialisée au cours des années 80, puis son nom se fit ensuite plus rare dans les journaux, avant qu'il soit presque oublié à partir des années 2000. La plupart des bonnes interviews et articles sur l'auteur du Génie des Alpages datent donc des années 80, et c'est un peu dommage. Il n'y a par ailleurs presque aucune étude sur cet auteur peu conventionnel, et les bonne références sont donc peu nombreuses. Il faudra faire avec !   Rolling Eyes

Devant cette relative rareté de la littérature critique, il est hyper facile de choisir un ouvrage de premier choix. On peut en effet retenir sans aucune hésitation le N° 60 des Cahiers de la bande dessinée, qui a été publié en novembre 1984 et qui est la seule monographie existante. Contenant 30 pages, ce dossier débute avec une interview bien menée par Thierry Groensteen, avant de se poursuivre avec divers articles commentant les aspects saillants de l'œuvre de F'Murr. C'est ainsi que l'on peut y lire des textes intelligents sur le non-sens qui est à la base de l'humour (Claude Ecken), les mécanismes inventifs qui aboutissent à un univers délirant (Groensteen) ou le monde alpin qui peut être considéré comme un théâtre (Sylvain Bouyer). Ce sont globalement de belles analyses, même si quelques esprits grincheux pourraient y voir une certaine tentation du verbiage, et une bibliographie assez complète (pour 1984) termine ce dossier que est très correct pour l'époque. C'est encore aujourd'hui une référence que j'apprécie mais ...  il n'y a de toute façon rien eu d'autre depuis lors.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 F_murr10

Je pourrai presque en rester là mais j'ai quand même envie d'y ajouter une interview plus récente, réalisée dans le Bo Doï N° 76 en juillet 2004. F'Murr y apparait cette fois comme un personnage caustique et indépendant, devenu un peu misanthrope et refusant de s'adapter à la technologie du 21ème siècle. Répondant d'une manière incisive et parfois un peu vacharde aux questions de l'intervieweur, le dessinateur s'y expose aussi avec une belle sincérité et cela donne un entretien plutôt "hors norme", qui est réellement passionnant à lire. Cet article représente à mon avis un bon complément à la monographie publiée par les "Cahiers".

Références et monographies d'auteurs - Page 10 F_murr11

Et c'est tout ce que j'ai pu retenir, hélas, sur F'Murr ! Peut être qu'un critique avisé essaiera un jour de publier une bonne étude sur cet auteur, car il fût certainement (et à sa façon) un artiste de la bande dessinée, mais le monde moderne semble pour l'instant l'avoir bien oublié. Son décès en 2018 n'a pas été beaucoup commenté dans la presse et c'est un signe qui ne trompe. Dans un monde bédéphile qui est chroniquement débordé par la pléthore de nouveautés, on n'a plus le temps de s'intéresser aux grands auteurs du passé. Mais ceux-ci  prendront un jour leur revanche !    Wink


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Raymond

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Normalement, je pourrais encore vous parler de Tardi, qui fût révélé par Pilote grâce à "Rumeurs sur le Rouergue" et "Adieu Brindavoine", mais ces titres ne sont pas le sommet de son œuvre. Je préfère donc attendre le chapitre dédié au journal (A Suivre), dont Tardi est un auteur emblématique, pour détailler sa littérature critique. Je vais maintenant aborder la seconde époque du journal Pilote, qui devint dès 1974 une revue mensuelle parmi d'autres. 

Mais remarquons d'abord que le déclin du journal Pilote en 1973 et 1974 fût (à l'époque) réellement inattendu et spectaculaire ! Ce journal était monté tellement haut (en terme de qualité et de prestige) qu'une telle chute apparaissait presque incompréhensible. Elle s'expliquait en grande partie par le départ de la plupart de ses grands auteurs vers d'autres magazines, que ce soient Hara Kiri et Charlie Hebdo (Cabu, Reiser, Gébé), Tintin (Godard, Auclair, Greg), l'Echo des Savanes (Gotlib, Bretécher, Mandryka), Mormoil (Mulatier, Ricord, Morchoisne), Métal Hurlant (Giraud, Druillet), Tousse Bourin (Loro, Cabanes) ou encore d'autres supports de publication (Uderzo, Morris, Charlier, Hubinon, Tabary, etc.), et ce processus paraissait vraiment inexorable. Goscinny sombrait dans la déprime et ne savait plus quoi faire pour colmater cette hémorragie ! Parfois, il ne savait même plus comment s'y prendre pour remplir toutes les pages de son journal.

Et c'est ainsi que deux décisions furent prises en 1974 : en premier, Goscinny laissait à Guy Vidal le poste de rédacteur en chef, et en second, l'hebdomadaire allait devenir un mensuel. Certains critiques pensèrent à l'époque que c'était l'avant dernière étape avant un arrêt définitif du journal, mais ils se trompaient. En réalité, ce fût assez rapidement le début d'un renouveau.

A l'étonnement général, Guy Vidal se révéla en effet être un excellent rédacteur en chef. Il eût d'abord l'intelligence d'établir de bonnes relations avec les quelques vedettes qui lui restaient (Mézières, Christin, Fred, F'Murr, Alexis, Bilal), et ensuite le flair de publierde nouveaux auteurs talentueux (Lauzier, Régis Franc, Blanc-Dumont, Caza, Floc'h) qui allaient donner une identité propre au mensuel, à la fois très éclectique et un peu plus adulte. Le rythme mensuel convenait par ailleurs beaucoup mieux aux lecteurs, qui consacraient déjà une grosse partie de leur budget aux albums, et Pilote reparti ainsi d'un bon pied pour plus d'une dizaine d'années.

Et je vais maintenant vous présenter cette "nouvelle génération Pilote", qui produisit souvent des œuvres inattendues.   Very Happy


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La première révélation spectaculaire du Pilote Mensuel, ce fût sans aucun doute celle de Gérard Lauzier qui publia dès l'automne 1974 ses célèbres "Tranches de Vie". Et ce fût très vite un événement !

Venu un peu de nulle-part (il n'avait auparavant publié que dessins isolés dans Lui), cet humoriste féroce fût d'emblée controversé et même franchement détesté. Certains critiques (comme Yves Frémion) le considéraient comme un "facho" mais, pour ma part, je le voyais plutôt comme une sorte de  "Claire Bretécher de droite" car, tout comme la "grande Claire", Lauzier avait un coup d'œil aiguisé et il pratiquait un humour impitoyable. Démolissant une par une toutes les utopies propagées par ceux que l'on n'appelait pas encore les "bobos" (on disait alors plutôt les "soixantes-huitards"), cet "anar de droite" avait réellement un don inné pour se faire des ennemis. Et bien qu'il se soit rapidement retrouvé au ban du milieu des dessinateurs de BD, il ne se privait jamais du plaisir d'en rajouter une couche et de dessiner de nouvelles perles qui mettaient en rage la pensée dominante, tout en faisant hurler de rire le grand public. Et de fait, Gérard Lauzier devint pour le mensuel ce que Gotlib était autrefois pour le Pilote hebdomadaire : la meilleure (ou la pire) des raisons d'acheter (ou de ne pas acheter) le journal. Mais vous avez déjà compris, je pense, que je faisais partie du contingent des acheteurs et que j'appréciais l'humour noir de Lauzier.  Smile

Et bien sûr, après un tel portrait, vous aurez aussi compris pourquoi les interviews de Lauzier furent assez rares ! Personne n'a jamais eu envie d'écrire une monographie ou un article consacré à ce "pestiféré" du milieu parisien et il faut maintenant se contenter de ce qui existe, c'est à dire pas grand chose.   

Mais en cherchant bien, il existe presque un livre qui concerne Lauzier, et il a été publié en 1993 par Marie-Ange Guillaume. Il s'intitule Tranches de Lauzier et je l'avais à l'époque laissé de côté car ce n'est pas une monographie ni une biographie. Cet album contient en fait un certain nombre de BD (surtout les "Tranches de Vie") et elles sont accompagnées de petits textes intermédiaires présentant les diverses facettes de l'auteur. Je n'ai pas et je n'ai jamais lu ce florilège et il m'est ainsi difficile de le commenter. Mais comme il n'y a rien d'autre ... c'est peut-être un livre qui vaut le coup, finalement.   Rolling Eyes 

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Lauzie10

Et puis, il existe aussi quelques interviews du dessinateur qui sont dignes d'intérêt et je retiendrai en particulier l'article qui est paru dans le mensuel (A Suivre) n° 14. On y trouve un texte intéressant et sans parti pris, qui s'intéresse surtout aux "Chroniques de l'Île Grande", l'étonnante BD autobiographique racontant les années brésiliennes de Lauzier. Ces années heureuses sont racontées avec réalisme et tendresse et cette autre BD est un intéressant contrepoint aux "Tranches de Vie", qui sont par contre le véritable chef d'œuvre du dessinateur.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Lauzie11

D'autres interviews existent encore dans la presse spécialisée et celle de Schtroumpfanzine N° 26, qui date de 1979, me parait être la plus complète. Henri Filippini passe en revue la carrière du dessinateur et on y apprend au fond tout ce qu'il faut savoir d'important. Là aussi, la neutralité de l'intervieweur permet à l'auteur de s'y montrer sous son véritable jour.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Lauzie12

Et c'est presque tout ce que j'ai trouvé pour ce personnage très singulier, que l'on pourrait presque voir comme un dessinateur maudit ? Il est aujourd'hui bien oublié et c'est un peu dommage, car ses Tranches de Vie (tout comme les Frustrés de Claire Bretécher) ont fort bien capté ce que pouvait être la société française des années 70.


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Godot

Godot
docteur honoris causa
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Raymond a écrit:La première révélation spectaculaire du Pilote Mensuel, ce fût sans aucun doute celle de Gérard Lauzier qui publia dès l'automne 1974 ses célèbres "Tranches de Vie". Et ce fût très vite un événement !

[...]

Merci pour ta présentation de Lauzier.

A part Al Crane avec Alexis au dessin, j'ai toujours "évité" les albums de Lauzier au dessin. Mon critère de sélection se baisait sur son style de dessin que je n'aimais pas. Je me suis uniquement basé sur le ressenti que j'éprouvais en feuilletant un de ses albums dans les brocantes.  

Tu as éveillé ma curiosité, alors j'ai réservé en bibliothèque certaines de ses BDs.

Raymond

Raymond
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Ancien restaurateur de tableaux qui avait auparavant suivi l'Ecole des Arts Appliqués. Michel Blanc-Dumont avait commencé à publier sa série Jonathan Cartland en 1974, dans l'éphémère mensuel Lucky Luke. Après la disparition de ce journal, Guy Vidal eut l'intelligence de recruter dans son équipe cet artiste au parcours très classique, qui admirait certains peintres figuratifs comme Meissonier ou Remington, et qui rêvait de créer en bande dessinée des westerns qui soient les équivalents de certains films comme Jeremiah Johnson ou Little Big Man. Et de fait, il ne lui fallut peu de temps pour séduire le grand public, grâce à la finesse de son trait, à l'équilibre de ses images et au talent de dramaturge de sa scénariste Laurence Harlé. En deux ou trois albums, Jonathan Cartland devint aisément une "BD classique" et la réussite paraissait complète.

Bien sûr, l'aspect velouté du dessin de Blanc-Dumont et le prestige du journal Pilote motivèrent assez rapidement divers articles et interviews dans la presse spécialisée. On publia même de belles monographies mais ... il survint un changement assez étonnant à la fin des années 90 ! A la demande (semble t-il) de Jean Giraud, Michel Blanc-Dumont abandonna soudainement Jonathan Cartland pour devenir le dessinateur attitré de la "Jeunesse de Blueberry". Cette relative "trahison artistique" fût assez diversement appréciée, et le fanzine Swof n'hésita pas à lancer une polémique qui ne s'est pas tout-à-fait éteinte. Pour ma part, je ne pus m'empêcher de penser que l'artiste se transformait en un simple "faiseur", quelque soit l'application et la finesse de son travail sur Blueberry. Et depuis, je ne lui ai jamais complètement pardonné d'avoir abandonné certaines de ses ambitions ... même si j'achète tout de même parfois ses albums de Blueberry.   Embarassed

Ce qui est en tout cas certain, c'est qu'on ne voit que très rarement (et qu'on n'interviewe presque plus) Michel Blanc-Dumont dans la presse spécialisée, de nos jours. Toute la littérature de référence sur le dessinateur date des années 80 et 90 et c'est un signe qui ne trompe pas. Blanc-Dumont a désormais perdu son statut d'auteur.

Il reste heureusement une très belle monographie sur Michel Blanc-Dumont, qui date de 1984 et qui est sans aucun doute la meilleure référence à son sujet. Ce beau et grand grand livre (37 x 26 cm) est l'œuvre d'une équipe réunie autour de Guy Vidal et il s'intitule simplement L'univers de Blanc-Dumont. Réunissant de nombreux témoignages, une longue et minutieuse interview, quelques analyses ( sur la dimension artistique et sur les travaux publicitaires), un beau cahier d'illustrations rares et même une petite bibliographie, ce magnifique ouvrage offre un portrait assez intimiste et empathique du dessinateur de Jonathan Cartland. Mais il est vrai qu'à cette époque-là, personne ne doutait que dernier était un futur grand auteur.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Blanc-16

"L'univers de Blanc-Dumont" se trouve assez facilement sur les sites de vente du Web, mais il faut bien souvent "casser sa tirelire". Certains d'entre vous préféreront donc peut être un dossier moins onéreux et néanmoins de bonne qualité, et ce signalement correspond parfaitement à ce que propose le fanzine Hop N° 53. Ce numéro a été publié en 1992 et son dossier (faisant 9 pages) est nanti d'une bonne interview et d'une petite bibliographie. L'amateur y trouvera les informations les plus importantes sur les travaux du dessinateur (du moins avant qu'il ne vire sa cuti) et comme le journal est toujours en vente chez son éditeur, cela me parait être une bonne "deuxième option".

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Les éditions Petit à Petit ont publié il y a une vingtaine d'années une petite série de biographies illustrées, présentant un format à l'italienne et consacrés à divers dessinateurs de bandes dessinées, C'est à cette collection qu'appartient l'ouvrage Sur la Piste avec Blanc-Dumont, qui est signé par Olivier Cassiau et qui est paru en 2000. Magnifiquement illustrée, cette biographie est accompagnée de nombreux commentaires du dessinateur lui-même et sa lecture est aussi agréable que riche en informations. Il faut certes admettre que cet ouvrage n'a rien d'indispensable, mais le plaisir que procure sa découverte justifie encore aujourd'hui son achat.

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Blanc-18

Je pourrais en rester là mais je ne résiste pas à la malice d'ajouter à ma liste le fanzine Swof HS-2. Ce numéro est avant tout consacré aux reprises de Blueberry après la période Jean Giraud, et Michel Blanc-Dumont y est donc tout naturellement interviewé. Les auteurs du fanzine ne se privent cependant pas d'y ajouter une critique très franche  de cette reprise de Blanc-Dumont ... qui nous prive de la suite des aventures de Jonathan Cartland. Et c'est ainsi qu'est née une durable polémique ! Swof n'avait jamais peur de mettre les pieds dans le plat  !   Cool

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Blanc-19


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonsoir

Je ne connais pas cet auteur ni surtout sa série fétiche : Jonathan Cartland.
Sur Bedetheque, les albums les mieux notés sont : Le trésor de la femme araignée et Les repères du diable. Babelio a les mêmes recommandations.
Partagez-vous ces conseils ?

Eléanore

Raymond

Raymond
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Oui, ces deux albums sont très bons. Ils se caractérisent par les scénarios très durs et très pessimistes de Laurence Harlé. On y trouve des personnages féminins mémorables.

Ceci dit, il y a d'autres albums un peu plus classiques (dans leurs scénarios) qui sont tout aussi bons et un peu moins sombres, comme l'Enfant Lumière ou Silver Canyon.  Wink


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
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Merci.
Je vais donc lire Silver Canyon Cool

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Dessinateur fasciné par l'univers de la science-fiction, Caza (Philippe Cazaumayou) fût un autre de ces auteurs qui émergèrent rapidement dans la version mensuelle de Pilote

Caza avait fait ses débuts en 1971 dans l'hebdomadaire, mais sa présence était restée au départ assez discrète. Ce n'est qu'après les grands changements de 1974 que commença vraiment sa carrière dans Pilote, avec une première grande série qui s'intitulait les "Scènes de la vie de Banlieue", suite d'histoires courtes qui associaient une vision décapante de la vie en HLM et un monde quotidien fantastique, parfois effrayant mais bien plus souvent contestataire et humoristique. Caza mena en parallèle une belle carrière de dessinateur de couvertures (aux éditions OPTA puis J'ai lu) et il y obtint un tel succès que cette partie de son œuvre est aujourd'hui presque mieux connue que ses BD. Par la suite, il explora toutes les possibilités qui s'offraient à un bon dessinateur de SF, que ce soit chez Métal Hurlant où il publia "Arkhé (peut être son plus bel album), chez Dargaud où parurent les histoires de  "L'Âge d'Ombre", ou chez Delcourt où il termina son très beau "Monde d'Arkadi" (commencé chez les Humanoïdes Associés). Moins délirant que celui de Moebius et plus classique que celui de Bilal, son univers graphique inventif et chatoyant a facilement séduit le grand public. Caza n'est certes pas une grande vedette, et il s'est d'ailleurs un peu fait oublier depuis une quinzaine d'années, mais plusieurs de ses albums sont aujourd'hui très cotés et c'est un signe qui ne trompe pas.   Wink

Pendant ses années de succès (en gros de 1975 à 2005), Caza a souvent été interviewé par la presse spécialisée et le matériel critique ne manque pas. Il n'y a pas eu beaucoup de monographies à son sujet mais elles sont par contre d'une excellente qualité et il est donc facile d'établir une liste de références de premier choix ... pour une fois. 

Le livre indispensable pour bien connaître cet auteur, c'est bien sûr la Monographie Mosquito qui est intitulée simplement "Caza". L'ouvrage est paru en juin 2000 et il contient avant tout une très longue interview (environ 80 pages) dans laquelle le dessinateur répond avec beaucoup de sincérité aux questions de Richard Comballot. Plusieurs articles intelligents analysent ensuite certains aspects de sa carrière, que ce soient ses succès en tant qu'illustrateur, sa participation à certains dessins animés (comme Gandahar de René Laloux), sa mythologie personnelle ou encore les thématiques dominantes du Monde d'Arkadi. Se terminant avec une bibliographie concentrée sur les bandes dessinées de l'auteur, cette monographie est en fait suffisante à elle seule. Et comme cerise supplémentaire sur le gâteau, j'ajouterai que ce livre est toujours disponible (pour un prix modique) chez l'éditeur. Eh oui, tout est possible !   Very Happy

Références et monographies d'auteurs - Page 10 Caza-m10

Il existe sinon divers articles et interviews qui n'apporteront pas grand chose de plus aux amateurs. Il faut signaler en revanche un bel art-book qui a été publié en 1994, et qui s'intitule De Métal et de Chair. Proposant une centaine d'images de couvertures de roman de science-fiction, ce recueil s'accompagne en plus de multiples petits commentaires de Caza au sujet de la science fiction ou de son propre travail. Il en résulte un ouvrage spectaculaire et plein d'informations inédites, qui complète intelligemment la monographie déjà mentionnée.

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Et c'est tout, mais c'est en fait largement suffisant pour bien connaître Caza !   Very Happy


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