Je me suis fait la même réflexion que toi ! Cette planche est bien faite, même si ce n'est pas vraiment du Franquin !
Au début, ce qui frappe dans cette page , c'est bien sûr l'incroyable similitude des dessins de Delaf avec le Gaston de Franquin. On sait maintenant pourquoi (Delaf s'est constitué une grosse base de données en images pour avoir des modèles de postures et d'expressions de tous les personnages de la série), mais je reste quand même bluffé par la ressemblance.

Ce que Delaf restitue très bien également, c'est la nervosité des BD de Franquin. Ses planches maîtrisent en effet très bien les mouvements des personnages, de même que la multiplication des détails et des petits gags graphiques. Cela représente tout de même un gros travail.

Parfois, on se rend quand même compte que ce n'est pas du Franquin, par exemple quand le personnage dit certaines choses. C'est le cas de la case ci-dessous, où Franquin n'aurait sûrement pas utilisé le même langage.

Le gag final est bien réussi, et il y a même des petits gags secondaires (dans le texte, ou dans le petit "clop clop" de la poitrine de Lebrac) qui rendent la situation encore plus savoureuse. Ceci dit, c'est purement du théâtre de marionnettes, du "guignol" pourrait-on dire. Prunelle reçoit donc un gros coup sur la tête et le récit amène simplement cette situation brutale. Franquin a effectivement dessiné un certain nombre de gags de ce genre (avec la fameuse boule de bowling) mais il essayait tout de même de créer des gags généralement un peu plus fins, qui ne soient pas uniquement "mécaniques".

Qu'en dire, finalement ? D'un point de vue artisanal, c'est complètement réussi, et le gags est très drôle. Mais ce n'est quand même pas de l'art. C'est une BD "à la manière de", extrêmement bien réalisée, très juste dans ses plus petits détails, mais il est probable que Franquin ne l'aurait pas dessinée ! Pourquoi ? Et bien parce que Franquin cherchait sans cesse à se renouveler et que des gags avec la boule de bowling, il en avait déjà déjà inventé un certain nombre. Il voulait en fait se surprendre. Et pour mieux résumer mon idée, on pourrait dire que Franquin aurait cherché à faire autre chose, tandis que Delaf cherche pour sa part à faire la même chose que Franquin. C'est là toute la différence entre la copie et l'original.

Ceci dit, cette planche de Delaf m'a donné beaucoup de plaisir.
