Alors ... dont acte ! On ne change rien à la répartition des sujets !
Passons maintenant aux
Voleurs du Marsupilami ! Cette histoire est née d'un vrai remord de Franquin, qui avait abandonné son marsupilami dans un zoo à la fin de "Spirou et les Héritiers". Au départ, l'animal à longue queue n'était pas destiné à réapparaître mais l'auteur s'y était vite attaché. Comme le relatent Christelle et Bertrand Pissavy Yvernault dans leur fameux livre sur Spirou, Franquin estimait que "le meilleur souvenir de ma carrière, c'est le jour où je l'ai créé" (le marsupilami bien sûr). Un personnage qui rend heureux ne peut pas être abandonné aussi facilement que ça.
L'histoire est d'abord une intrigue policière car le marsupilami est drogué (on croit un moment qu'il est mort), puis enlevé. Une bonne moitié de l'album est consacrée à la recherche du petit animal, que les héros retrouvent dans le cirque Zabaglione. Ce nom est bien sûr né de la fusion de deux patronymes, a savoir Bouglione (le fameux cirque du 20ème siècle) et d'Achille Zavata (et des plus grands clowns de l'histoire). Les scènes de cirque sont aussi drôles que poétiques, et Franquin venge malicieusement le marsupilami lorsque ce dernier corrige le dresseur devant tous les spectateurs ébahis. Spirou et Fantasio en rient, tout comme le public, et les lecteurs aussi ! La bonne humeur de Franquin est communicative
Bob Garcia souligne au passage la réplique du spectateur amusé, qui a presque un double sens : "Je ne savais pas que Zabaglione était un si bon clown !" Seuls ceux qui comprennent la genèse du nom auront saisi le gag.
Le marsupilami devient dès lors un personnage récurrent, tout comme le comte de Champignac que les héros croisent par chance dans la rue. L'événement est important et le lecteur moyen (j'en fais partie) ne prête pas trop d'attention aux petits détails qui se trouvent dans l'image. L'essentiel, c'est que le comte va aider Spirou et Fantasio à pénétrer dans le cirque.
Mais l'avez-vous remarqué ? Franquin est lui aussi présent dans cette scène !
C'est le genre de "private joke" que Franquin aimait bien insérer dans ses BD, tout comme le faisait Hitchcock dans ses films. Dans "les Voleurs", il existe aussi une autre image montrant Franquin en compagnie de son épouse. Elle se trouve à la page 46 et il faut vraiment la rechercher.
L'avez-vous vu? Peut-être pas car c'est minuscule ! Le couple Franquin se trouve entre les jambes du comte, et il faut agrandir pour arriver à les reconnaître.
.
Franquin fait donc des clins d'œil à ses lecteurs, mais il le fait aussi parfois aux censeurs lorsqu'il incorpore dans une image une couverture du
magazine Oh !. Ce journal est aujourd'hui complètement oublié car il n'a été diffusé en Belgique qu'entre 1948 et 1950. C'est dans ce même journal que Zabaglione a découvert l'existence du marsupilami et il le reprend en main lorsqu'il a soudain un doute sur l'identité de Spirou et Fantasio. Franquin dessine donc benoitement le directeur du cirque en train de parcourir la revue.
Vu de cette manière, il n'y a rien de frappant ! Mais voilà, il faut savoir que
Oh ! était un journal à contenu érotique, un peu équivalent au journal
Playboy. Il n'y avait certes pas de femme nue mais les appâts féminins étaient dessinées sans équivoque !
Oh ! a d'ailleurs fini par être interdit par la censure à cause de ce contenu provoquant. Vous pouvez voir ci-dessous à quoi ressemblait une de ses couvertures.
En choisissant ce titre, Franquin faisait bien de la provocation ! Il a pris toutefois ses précautions en modifiant la couverture habituelle du magazine. Si on agrandit le dessin, on remarque en effet que la tête de Fantasio remplace l'habituelle femme un peu déshabillée. La censure et Monsieur Dupuis ne pouvaient plus lui faire de reproche.
Franquin n'était pas toujours un rêveur.