Un kiosquier parisien sur mon trajet domicile travail a, par erreur (?), mis en vente le nouveau Gaston et j'en ai profité !
Avant de donner mon (très modeste) avis, je tiens à signaler que je trouve la tentative méritoire et que je ne fais pas partie des intégristes criant haro sur Delaf !
Côté personnages, on retrouve la galaxie habituelle avec Prunelle, Lebrac, Jules-de-chez-Smith en face, De Mesmaeker, M'oiselle Jeanne, etc. avec une nouveauté : la mise en vedette du dessinateur anonyme qui essaie désespérément de placer ses planches auprès des éditions Dupuis. Les variations sur le thème du refus par Prunelle et de la défense de l'artiste par Gaston sentent le vécu et j'imagine que Delaf a très probablement connu toutes ces situations difficiles.
La tonalité du récit varie de gag en gag. Certains affichent une grande tendresse, comme lorsque Gaston joue le rôle de bon samaritain durant les premières vignettes et dort dans la rédaction, épuisé par toute l'énergie déployée à faire des bonnes actions. D'autres planches peuvent être très rudes. Par exemple, quand Gaston abandonne M'oiselle Jeanne en pleine campagne. Cette page fera très probablement couler beaucoup d'encre car pouvant être interprétée très différemment. On peut ainsi y voir le début des relations entre les deux personnages et elle rappelle le gag du bal costumé où Gaston choisit de se déguiser en cheval et invite la jeune femme car ses cheveux incarnent parfaitement la queue de l'animal ! Mais, durant les années 70, la relation entre les deux êtres a beaucoup évolué, en même temps d'ailleurs que le physique de l'assistante changeait. Et Delaf opère un grand écart malheureux entre une silhouette "sexy" et une relation teintée d'indifférence.
Globalement, la violence me semble être plus présente que chez Franquin. Faut-il y voir l'influence des Nombrils où Karine est le souffre-douleur de ses "amies" et se voit maltraitée page après page ? De même, les horions pleuvent sans arrêt. On retrouve la tonalité des années 80, 90 où Franquin était devenu plus cynique, plus âpre. La scène où De Mesmaeker échappe à la mort chez Ducran-Lapoigne fait plus peur qu'elle ne fait rire.
J'ai apprécié l’apparition de Fantasio qui ancre l'album dans le corpus des jeunes années de Gaston.
Côté scénario, je dirai en conclusion que les gags sont inégaux, de très bon à moyen.
Le vrai tour de force de Delaf réside dans le graphisme. Dans une interview à Ouest-France, le dessinateur explique avoir travaillé quatre années pour se familiariser avec l'univers de Gaston et qu'il s'est notamment constitué une base de données de 10 000 vignettes ! Il en résulte un style mimétique de celui de Franquin. Mimétique mais pas totalement. En effet, si le souci du détail est là, le canadien pousse un peu moins loin la recherche du petit plus qui donne un relief à l'illustration. Le trait me semble aussi un chouïa différent, peut être plus léger.
Entre EE et EEE