Pif Gadget et le Communisme est resté introuvable en Suisse, mais je l'ai facilement trouvé lors de mon passage à Paris il y a 2 semaines. J'ai eu ensuite tout le temps de le lire tranquillement, en particulier pendant le retour en train vers la Suisse !
Maël Rannou raconte donc l'épopée de ce journal patronné par le PCF, qui était paradoxalement assez peu politique ou qui l'était en tout cas beaucoup moins que Vaillant (dans lequel était parue quelques BD ultra-marxistes comme
Fils de Chine). L'auteur s'attarde évidemment sur la question d'une éventuelle influence communiste et ceci l'amène à commenter une par une toutes les séries connues et moins connues qui furent publiées pendant les années 70 et 80. Pour les lecteurs comme moi qui n'ont qu'une connaissance superficielle de Pif Gadget, cette partie ne manque pas d'intérêt car je me demande toujours s'il n'existe pas dans Pif Gadget quelques petits chefs d'œuvre inconnus. Je n'en ai pas vraiment découverts dans cet ouvrage mais la revue reste quand même intéressante. La conclusion n'est quant à elle pas très surprenante : dans leur toute grande majorité, les bandes dessinées de Pif Gadget ne faisaient aucun prosélytisme politique.
Et puis, ce livre confirme que le "grenouillage politique" n'était pas négligeable vis-à-vis des rédacteurs et des dessinateurs du journal. Il est tout de même ironique de constater que le parti des travailleurs se révélait être un patron impitoyable et peu "social" vis à vis de ses employés. J'en avais déjà lu quelques échos dans le gros bouquin de Richard Medioni (
Mon camarade, Vaillant, Pif Gadget : l'histoire complète, 1901-1994) mais le livre de Mael Rannou se montre encore plus précis. Il propose en particulier des interviews de Louis Cance et Claude Gendrot qui révèlent sans détour les expériences pénibles que ces derniers ont vécues dans le journal. Sous cet aspect, certaines constatations sont réellement implacables.
Ce livre n'est toutefois pas un réquisitoire, On sent que Maël a lu et aimé ce journal et les critiques restent très mesurées. En fait, l'auteur énonce quelques constats, en concluant que les conflits résultaient surtout d'une lutte de pouvoir entre les rédacteurs créatifs et les responsables commerciaux. Il n'y avait vraiment pas de consigne politique de la part du "patron" (le PCF), mais plutôt une volonté de maximiser les bénéfices en écartant tout ce qui n'était pas vendeur. Et c'est la victoire finale des "commerciaux" qui explique l'évolution puis la décadence assez dramatique du journal au cours des années 80. Dans tous les journaux, les intérêts économiques finissent par devenir prioritaires, hélas !
Il y a sinon des chapitres surprenant, comme par exemple la diffusion assez importante du journal
Pif dans toute l'Europe de l'Est, un phénomène que j'ignorais. C'est peut-être la seule facette de la revue qui me pousserait à la considérer comme communiste.
C'est donc une très bonne analyse historique du journal, qui devrait plaire au minimum à tous les anciens lecteurs de Pif. Ces derniers pourront le classer à côté des livres de Richard Medioni, dont il est assez complémentaire, et peut-être aussi relire avec nostalgie certaines séries comme Doc Justice ou Rahan, qui n'ont semble t-il pas si mal vieilli que ça.