Oui, on n'en a jamais fini avec cet "enfant trouvé", comme le qualifie Apostolidès, qui ne devient tout à fait adulte - mais, en effet, jamais "père" - qu'à partir du moment où apparaît Haddock (tandis que Milou, lui, en perdant la parole, régresse de père à enfant).
De mon côté, je viens de relire une énième fois
Les 7 boules de cristal : 62 pages pratiquement sans action, mais pourtant sans aucun temps mort et où l'on ne s'ennuie pas une seconde, malgré la répétition des 7 boules brisées. C'est un tour de force en matière de conduite du récit, qui est truffé de scènes-cultes et nous offre un festival Haddock tout en finesse - par ex, je ne me souvenais plus de son coup de sang, vignette 14-IV-4, où il reprend inconsciemment le mot d'Alcazar, "individou", qu'il avait vécu quelques instants plus tôt comme une insulte :

On sent bien, si on replace l'album dans la série, qu'il y a un avant et un après
Les 7 boules de cristal, mais en quoi?
J'ai relu le chapitre des
Métamorphoses de Tintin qu'Apostolidès lui consacre, et la réponse qu'il apporte m'a semblé très pertinente. Selon lui,
Les 7 boules de cristal serait l'album de la Renaissance, au sens historique, càd témoignant du moment où, dans la pensée et dans l'art, le sacré est évacué au profit du profane, ce qui se traduit notamment par la façon dont ce qui se passe à l'arrière-plan, le décor, interfère avec l'action que mènent les protagonistes (Apostilidès se livre sur ce thème à une analyse formelle très pertiente de l'évolution du cadrage et du contenu des vignettes).
Le réel semble s'imposer - mais le sacré revient à la fin par la bande - retour du refoulé! : "En déchaînant la foudre, en introduisant dans la nuit de l'Occident les boules de feu, Rascar Capac illumine cet univers éteint, et lui rend pendant quelques secondes un éclairage sacré... Il creuse le sol comme une taupe, s'infiltrant dans les consciences. Au contact de la foudre, Hippolyte Bergamotte [quel nom merveilleux!] perd peu à peu sa superbe et il finit vaincu par un mystère que son savoir est impuissant à expliquer. La fin des
Sept boules de cristal paraît marquer le triomphe de l'univers archaïque et magique de l'enfant trouvé."
Décodons donc, ne nous privons pas de ce plaisir!