Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Merci Draculea. En repensant à la BD et pour les amateurs de mises en abyme, A la recherche du Tintin perdu en présente deux : bien évidemment l'ouvrage est une bande dessinée qui parle du 9ème art, et aussi, le scénario que recherche Ricardo durant toute l'intrigue est celui que nous lisons !
Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
La tresse est une adaptation en BD du roman de Laetitia Colombani, scénarisée par Lylian et dessinée par Algésiras.
Trois continents. Trois cultures. Trois femmes. Et le destin va tresser leurs vies sans pourtant qu'elles ne se rencontrent jamais. En Inde, Smita, une hors-caste, nettoie les toilettes municipales et vit de la charité. Elle rêve que sa fille s'élève socialement et toutes les économies du couple ont été mobilisées pour acheter une place dans l'école locale. Sauf que l'enseignant demande à la nouvelle élève de balayer le sol.... En Italie, Giulia travaille dans l’atelier de son père, un perruquier sicilien. Lorsque son ascendant décède dans un accident de Vespa, la jeune femme découvre que l’entreprise familiale risque de faire faillite.... Au Canada, Sarah, avocate d'affaire, hyperactive, divorcée deux fois, découvre qu'elle est atteinte d'un cancer en stade avancé...
Derrière la prouesse scénaristique qui relie brillamment, et peut être un peu artificiellement, trois destins, se cache un prodigieux message d'espoir. Toutes les situations, même les plus désespérées, peuvent évoluer. Derrière l'âpreté des sociétés se cachent des êtres humains qui possèdent la capacité innée de changer le cours de leur vie. Le message se veut aussi féministe. L'époux de Smita n'a pas le courage de son épouse et abandonne le combat pour l'élévation sociale de sa fille. Les anciens conjoints de Sarah brillent par leur absence et ont oublié leur parentalité. Seul le petit ami de Giula témoigne d'une réelle efficience et d'un souci d'aider sa fiancée. Le chiffre trois embrasse toute la BD puisque chaque destin est exploré à travers trois moments, trois lieux clés et dans trois chapitres. Cette logique fractale génère une belle musique. Nous suivons ainsi Smira dans son village puis prenons le train avec elle avant de la laisser dans un temple dédié à Vishnou. Giulia vit une jeunesse insouciance, puis veille son père à l’hôpital et enfin imagine la solution qui va sauver la petite entreprise. Enfin, nous accompagnons Sarah dans son cabinet d'avocats, au bloc opératoire puis dans sa nouvelle maison. Signalons enfin le thème de la mondialisation. Présent en filigrane dans la narration, il tresse heureusement les trois fils narratifs. Les auteurs portent un message d'espoir sur une société globale où chaque pays apporte sa tonalité.
Le dessin très classique arbore des couleurs douces. L'effet recherché dégage une grande pudeur. La violence ne transparaît ni dans le scénario ni dans les vignettes. Algésiras représente avec beaucoup d'à-propos les trois pays. Les petites maisons indiennes voisinent les gratte-ciels canadiens alors que la mer lèche la plage italienne. Les trains du sous-continent semblent relier les bicyclettes siciliennes et les puissantes voitures américaines. Les saris regardent les tailleurs chics alors que des tenues simples reflètent l'ambiance décontractée de la mer Méditerranée.
Au final, je confie avoir beaucoup apprécié cette BD qui véhicule un message social et humain fort. Elle est positive et surtout émouvante, comme une symphonie de Brahms.
EEEE
Philippe Tombelaine a aussi beaucoup apprécié l'ouvrage : http://bdzoom.com/181995/lart-de/%c2%ab-la-tresse-%c2%bb-trois-femmes-de-meches%e2%80%a6/. Je ne partage pas son (brillant) rapprochement avec Victor Hugo car le don fait par Smita est religieux, source de joie et de liberté, de même qu'il matérialise l'entrée dans vie plus heureuse, ce qui n'est malheureusement pas le cas pour Fantine.
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Merci pour cette découverte !
En parcourant l'article de Tomblaine, j'ai eu l'impression que c'était une BD pour enfants de plus mais cela ne semble pas être le cas. Le récit est dense et fortement émotionnel, et c'est probablement pour cette raison que Tomblaine a pensé à Victor Hugo !
Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonjour Raymond
Je suis fière et honorée que mon petit mot vous incite à vous intéresser à cette BD. Oui, elle lorgne très discrètement du côté de l'enfance, ou plutôt de l'adolescence, et est d'ailleurs positionnée sur les tables du rayon jeunesse dans ma librairie Canal BD (Bulles en tête, Le Peletier). Et effectivement, il me semble que certains traits de l'ouvrage peuvent séduire les 'jouvenceaux' : la révolte devant l'injustice du monde, la présence de grands enfants, la famille décomposée, une certaine responsabilité vis-à-vis du futur, la mise en scène de la relation enfants-parents, etc. Après, la BD aborde des thèmes "adultes" comme la mondialisation, l'entreprise, le social, la culture, l'hôpital, etc. Si au final, vous la feuilletez ou vous la procurez, puis-je vous demander de la noter ? EE ? EEE ? Par contre et de ce que je perçois de vos goûts, je ne pense pas que vous la classer(i)ez dans les indispensables.
Patrice et moi vous souhaitons un excellent réveillon, à vous et aussi à tous les membres du forum que je profite de ce courriel pour les saluer .
Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Majnoun et Leïli - Chants d'Outre-tombe est l'adaptation en BD d'une histoire traditionnelle arabe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Majnoun_et_Leila. Yann Damezin a écrit et dessiné l'ouvrage.
Mainoun, un jeune poète, aime éperdument Leïli et chante sa joie et la beauté de l'élue de son cœur. Le père de la jeune femme désapprouve cette exubérance et interdit le mariage. De désespoir, Mainoun s'exile dans le désert où les animaux, subjugués par sa personnalité et ses mélodies, vont le nourrir et le protéger. Leïli, profondément amoureuse du poète, sombre dans le chagrin au point que son père se sent obligé d'arranger un mariage, plus respectable, pour lui redonner la joie de vivre. Et lorsque le jeune chanteur apprend la nouvelle, il meurt de tristesse...
Damezin nous conte donc l'histoire d'un amour malheureux. Il ne s'arrête pas là et établit des ponts culturels entre le récit original arabe et notre littérature. Ainsi le scénario est écrit en alexandrin avec un dénouement se voulant féministe. Le fantastique imprègne l'histoire où la réalité s'efface devant l'emphase poétique.
Cependant, le point fort de l'ouvrage réside dans le graphisme dense et fleuri. Adoptant le style des miniatures persanes et indiennes, l'auteur nous livre une succession de splendides vignettes dont la poésie, l'élégance et le chromatisme enchantent les yeux du lecteur.
Au final, nous avons là un livre d'art qui représente un récit tragique avec un grand luxe de détails et un maniérisme oriental. La BD franco-belge s'efface donc devant des techniques issues de la peinture et de la poésie. On ne peut que saluer l'exploit de Damezin qui a transfiguré une histoire somme toute banale. La structure de la page et l'enchainement des dessins s'effacent devant une vision plus globale, faisant de chaque planche un tout artistique indissociable. Faut-il la note maximale ? Possiblement mais j'hésite car ce splendide ouvrage relève-t-il de la BD ou de l'illustration ? C'est un mauvais procès me direz vous ? Je le concède mais d'un autre côté, le souffle de l'histoire et l'émotion restent un peu contenus. En tout cas, et avec raison et goût, Canal BD Magazine n°146 a inscrit l'ouvrage dans ses coups de cœur du bimestre .
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Yann Damezin est aussi l'auteur du Concerto pour la Main gauche, un album que j'avais beaucoup apprécié il y a 3 ou 4 ans. Une chronique (positive bien sûr) devrait en principe se trouver dans ce sujet. L'album est dessiné en noir et blanc mais le style graphique et la construction des planches sont assez semblable à ce que l'on trouve dans Majnoun et Leïli.
Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Après y avoir réfléchi, je crois avoir mis le doigt sur le petit rien qui m'a empêchée de totalement adhérer à l’œuvre. Selon mon goût, une "bonne" BD, c'est d'abord un "bon" scénario. Or, Majnoun et Leïli - Chants d'Outre-tombe affiche un déséquilibre entre un texte minimaliste et des dessins superlatifs. De plus, le conte ne donne pas le même destin aux deux héros, a contrario d'autres amants maudits comme Héloïse et Abélard ou encore Roméo et Juliette. Et ce petit détail affaiblit l'histoire. Enfin, Damezin introduit avec beaucoup de justesse le sujet du libre arbitre féminin dans la société orientale mais le mariage entre une narration poétique voire fantastique, et les enjeux politiques ou sociétaux du monde indo-perse est celui de la carpe et du lapin. Bon, après, je fais ma difficile . Et je comprends parfaitement que l’œuvre ait séduit maints critiques.
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
On verra déjà si je le trouve à Lausanne ?
Ceci dit, j'ai acheté samedi dernier A la Recherche du Tintin perdu, qui est un intéressant livre de confidences. Ce qui m'a bien plus, c'est que le livre a été dessiné par un véritable fou de BD !
L'album est donc un journal intime, réalisé par un graphiste qui rêvait dans sa jeunesse de faire de la bande dessinée. Il n'a pas rencontré de succès dans le monde du neuvième art, malgré d'importants efforts, et il s'est tourné vers le graphisme commercial dont il est à moitié satisfait. Il décide pour cette raison de refaire un voyage en Europe, sur la trace des grands créateurs de bandes dessinées.
Et le livre mélange ainsi plusieurs choses : un journal de voyage, des souvenirs d'enfance et des moments de pur onirisme. C'est ainsi que l'auteur rencontre par exemple LIttle Nemo et qu'il revit avec lui un de ses rêves les plus fameux.
Il voit également beaucoup de dessinateurs européens ou américains. Le plus souvent ce sont des rencontre imaginaires, mais parfois on se demande ? Pour la rencontre avec Hermann, il n'y a toutefois par de doute ! C'est une rencontre fantasmatique, mais assez instructive.
L'auteur rencontre en rêve Hergé, mais il visite surtout le Musée de ce dernier à Louvain la Neuve, et c'est un moment émouvant. C'est la première fois que l'on dit autant de bien de ce musée et cela m'a donné envie d'y aller. Tintin a été à l'origine de la passion de Ricardo Leite pour la BD et les souvenirs semblent s'y mélanger au rêve.
Les souvenirs d'enfance réapparaissent de façon intermittente et le récit se construit en fait dans le désordre, au hasard des inspirations de l'auteur. Ce voyage dans sa mémoire, et dans ses foucades, entraîne de multiples digressions qui rendent la lecture un peu complexe. Cette narration éclatée m'a en fait remémoré le fameux livre "Approximativement" de Lewis Trondheim. Comme dans cet ouvrage qui est devenu un classique, le livre de Ricardo Leite laisse le lecteur un peu perplexe au départ, mais il se relit ensuite avec délice car il y a beaucoup de détails à découvrir.
Il y a en tout cas deux choses que je partage avec Ricardo Leite ! En premier, il y a le besoin de s'intéresser à tout ce qui existe dans la BD et d'acquérir une culture encyclopédique (dans ce domaine). Et en second, il y a une insatiable curiosité pour le "making of". Comme lui, j'ai besoin d'en savoir toujours plus et c'est probablement pour cela que je lui pardonne facilement certains morceaux de bravoure, lorsqu'il nous présente des dizaines de dessinateurs brésiliens totalement inconnus chez nous, de même que d'autres effets un peu faciles et complaisants, comme par exemple ce moment où l'auteur s'envole dans les airs avec Moebius, à la manière du Major Grubert.
De même que pour "Approximativement", je pense que c'est un livre qui ne livre pas immédiatement toute sa sève, et qu'il faut le relire de temps pour mieux l'apprécier. Mais aurons nous le temps (ou l'envie) de le faire, nous qui sommes de véritables boulimiques de la BD et qui lisons plusieurs albums par semaines. il va y avoir un vrai dilemme, n'est-ce pas eleanore ?
C'est peut-être un futur classique ... mais je n'en suis pas sûr. On est toujours étonné de découvrir quelles sont les BD qui vieillissent bien et quelles sont celles qui vieillissent mal.
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Patrice a écrit:Mon ami pierrot est un conte en BD de Jim Bishop.
Une jeune aristocrate, Cléa, doit, selon la tradition, épouser le fils d'un nobliau voisin, Berthier. Mais être comtesse ne satisfait nullement Cléa qui rêve de devenir danseuse. C'est alors qu'elle rencontre Pierrot, un peu baladin, un peu magicien, qui la séduit et lui conseille de suivre son idée. Elle s'enfuit donc avec le jeune homme et s'installe avec lui dans un pays enchanté. Mais le jouvenceau la délaisse rapidement cependant que Berthier s'est juré de venger l'affront et de récupérer sa fiancée...
Que dire de ce conte ? En premier lieu, on peut souligner les moult rebondissements qui rythment la narration. Dans ce conte, personne n'est vraiment ce qu'il parait être et le lecteur se retrouve plongé dans un rêve tellement l'inimaginable se produit régulièrement. Cet onirisme voulu et assumé regarde du côté de la noirceur et il serait d’ailleurs plus juste de parler de cauchemars. On peut aussi rapprocher le travail de l'auteur et celui du japonais Miyazaki (Le voyage de Chihiro). Mais le cœur de la BD réside ailleurs. Bishop nous invite à réfléchir sur le libre arbitre et ses conséquences. L’œuvre respecte l'ordre établi car Cléa ne trouvera pas le bonheur, ni en fuyant l'union imaginée par sa mère, ni en revenant dans le rang après son "incartade". La liberté à un coût. A contrario, l'héroïne gagnera en maturité et se trouvera des talents nouveaux. La BD pourrait presque être qualifiée de féministe tant elle explore le place de la femme dans la société et dans le couple. Des dialogues ciselés accompagnent la narration et appellent à réfléchir.
Amateur inconditionnel de la BD franco-belge, j'ai peu apprécié le graphisme qui regarde du côté des mangas et de l'animation japonaise avec des personnages aux yeux de biches que les cadrages mettent en évidence. Il en est de même pour les expressions des visages dont beaucoup sont outrancières.
Au final, la tentative est ambitieuse mais un peu trop alambiqué car Bishop veut trop en faire. Ainsi, le hibou Schrödinger voisine la sorcière Baba Yaga et la damnation de Faust n'est pas non plus très éloignée du sort réservé final réservé à Pierrot.
EE
Je n'ai toujours pas lu cet album, en grande partie parce que le dessin ne m'attire pas !
Je m'interroge sur l'album précédent de Bishop, qui s'intitulait Lettres perdues. Il me semble qu'on en avait parlé ???
Sinon, Jim Bishop a été interviewé par ActuaBD (c'est une vidéo). Cela permet de se faire une idée de l'auteur.
Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Perpendiculaire au soleil est une BD autographique de Valentine Cuny-Le Callet, qui vient tout récemment d'être distinguée par le Prix BD FNAC France Inter 2023.
À 19 ans, Valentine Cuny-Le Callet entreprend une correspondance avec Renaldo McGirth, un condamné à mort afro-américain. Au fil de leurs échanges, naît un projet commun de récit graphique. La relation progressant, l'autrice part étudier aux États-Unis pour pouvoir rencontrer son correspondant. Du côté de Renaldo, une nouvelle sentence est envisagée avec à la clé peut-être la transformation de sa condamnation à mort en détention longue....
Ce gros roman graphique de 436 pages est un réquisitoire contre le système carcéral américain. Les prisonniers y sont détenus dans des conditions extrêmes au point que certains y meurent durant des sanctions. La censure des échanges avec l’extérieur bride sévèrement toutes les relations épistolaires voire les interdit pour des raisons qui semblent parfois arbitraires. De plus, les prisons abritent une économie semi-officielle où le prisonnier achète tout ce qui n'est pas le stricto-sensu vital et on découvre même qu'une entreprise s'est enrichie en se spécialisant dans ce commerce. Par ailleurs, le scénario met l'accent sur le contraste entre le centre pénitentiaire, sinistre à souhait, et sa région, ensoleillée et verdoyante. La détresse des détenus n'en est que plus grande. La BD se veut aussi une aventure humaine. Nous découvrons notamment une autre correspondante qui a fait le choix d'épouser son correspondant. Je trouve cependant que la BD est manipulatrice. Tout est vu à travers un prisme militant : la description du crime supposé de Renaldo fait l'objet de deux petites pages au style épuré et sa sanction judiciaire y est présentée comme arbitraire. L'autrice nous pousse insidieusement vers l'idée d'une erreur judiciaire due au racisme ambiant de la société américaine. De même les établissements pénitentiaires y sont dépeints comme des lieux de persécution et de torture morale voire physique, occupés principalement par des personnes pauvres et ayant vécu une enfance difficile. Pour connaître un tout petit peu les États-Unis, le sujet est infiniment plus complexe. Je vous invite enfin à visiter la page Wikipedia relative à l'affaire : https://en.wikipedia.org/wiki/Murder_of_Diana_Miller.
Le travail sur le graphisme mérite d'être souligné. L'autrice parle d'une BD écrite à quatre mains et Renaldo aurait contribué à son dessin sans que sa partie soit clairement identifiée. Les vignettes et les styles se succèdent avec une grande variété, des plus simples au plus complexes. Et le lecteur ne peut qu'apprécier un essai réussi de graphisme.
Le recours au noir et blanc et plus particulièrement à un noir fuligineux dramatise encore plus l'intrigue et nous permet de mieux appréhender la noirceur du destin des détenus.
Au final, il ne faut pas s’effrayer de la taille de ce "pavé". Il se lit vite et le nombre de pages se justifie parfaitement du fait des différents styles graphiques et de la difficulté à résumer simplement plusieurs années d'une correspondance riche et émouvante. Il faut noter que l'adresse de Renaldo est fournie à la toute fin de la BD et que le lecteur est invité à lui écrire...
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Merci eleanore, mais comment fais tu pour trouver aussi vite les livres dont-on parle ?
Sinon ... cela me semble être un livre de plus contre le système carcéral et judiciaire américain. On connait à l'avance le message de ce genre de livre. Il n'y a presque plus besoin de le lire.
Sur le plan graphique, cela parait par contre plus intéressant car il y a beaucoup de changements de style. Cela me fait penser que le livre n'est pas monotone. Et puis j'aime les auteurs qui donnent tout ce qu'ils ont, dans leur livre.
Au total, j'hésite. C'est un bel ouvrage, mais il y a beaucoup de beaux ouvrages qui sortent en ce moment. Je vais au départ m'intéresser à des livres comme la Tresse.
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
La Tresse est une BD féministe, sans être militante, qui est adaptée d'un roman de Laetitia Colombani par Lylian et Algésiras.
Ce livre raconte en parallèle les épreuves affrontées par trois femmes. La première vit aux Indes, la seconde en Sicile et la troisième au Canada. Bien peu de choses semblent les lier mais la romancière arrive malicieusement à tisser des liens entre elles à la fin du récit.
Aux Indes, Smita travaille dur pour assurer à sa fille un destin meilleur que le sien (elle est en effet une intouchable et n'a pas d'autre choix que d'accepter des besognes méprisables). Elle est trompée par un brahmane et décide de se révolter contre le système. Elle est prête à tout sacrifier mais est-il bien raisonnable de vouloir échapper au système des castes ?
En Sicile, Giulia voit sa vie chamboulée par le décès de son père et par la faillite qui menace la petite entreprise familiale. Elle ne manque pas d'intelligence ni d'énergie et on peut espérer qu'elle arrivera à surmonter le destin, mais arrivera t-elle à affronter tous les préjugés qui règnent dans sa famille ?
Au Canada, Sarah est une avocate qui gagne, et à qui tout semble réussir. Elle découvre un jour qu'elle est atteinte du cancer et qu'elle doit complètement revoir ses projets, Arrivera t-elle réellement à changer sa manière de vivre ?
Les trois femmes décident donc de combattre et elles connaissent ensuite des fortunes diverses. A la fin de l'histoire, une petite astuce scénaristique permet de nouer ensemble leurs trois destinées ... et on obtient ainsi une tresse assez étrange. Le lecteur se demande tout de même ce qui va vraiment arriver aux trois héroïnes. C'est une belle métaphore, bien sûr, mais je ne pense pas qu'elles vont échapper à leur destin (à l'exception de Giulia peut-être). Je trouve donc la conclusion assez amère, et aussi frustrante, mais il est possible que ce soit voulu.
Le dessin d'Algésiras illustre avec retenue ce roman incisif et il me semble que son style est quand même un peu trop lisse. Je n'ai pas lu le roman de Laetitia Colombani mais j'imagine qu'il devait être plus acerbe que la BD. Ce qui arrive à la petite indienne est très cruel (l'anecdote ne fait que refléter la réalité sociale des Indes) et cette cruauté méritait mieux qu'une présentation un peu trop sage.
Au total, c'est une assez belle BD, mais ce n'est pas un chef d'œuvre.
EEE
Dernière édition par Raymond le Dim 22 Jan - 10:11, édité 1 fois
Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Furieuse est un conte écrit par Monde et dessiné par Burniat.
Le roi Arthur Pendragon a mal vieilli. Le vaillant guerrier ayant chassé les démons grâce à une épée magique n'est plus. Et lorsqu'il projette de marier sa seconde fille, Ysabelle, à un baronnet local, celle-ci décide de fuguer. L'épée, lasse du roi, convainc la princesse de l'emmener. Les deux compères fuient sur les routes du royaume pour retrouver Maxine la sœur ainée d'Ysabelle qui semble avoir réussi à s'établir dans une ville lointaine. Mais la réalité est toute autre… De plus, l'épée a ses propres buts… Et le baronnet s'est lancée dans la poursuite de sa promise, aidé en cela par un étrange domestique…
Le scénariste déconstruit le mythe arthurien et nous livre un conte acide, sombre, traversé par un humour très noir, et dans lequel l'innocence n'existe pas. Par exemple, l'épée magique ne regarde pas du côté d'Excalibur mais plutôt de Stormbringer, l'épée maléfique d'Elric, dans la saga inventée par Michael Moorcock. De très nombreux rebondissements émaillent une intrigue échevelée dont nul héros ne sort vraiment intact. Et si la fin est positive, le scénariste fait comprendre au lecteur que le futur pourrait changer ! La BD se veut féministe et dénonce le sort des femmes. Les princesses sont mariées contre leur gré. Et les habitantes du royaume ont le choix entre la sujétion et la prostitution. Aucun héros n'émerge de cette histoire et tant Arthur que le baronnet révèlent des personnalités médiocres.
Le graphisme détonne. Burniat se positionne résolument à mille lieux des enluminures médiévales. Des personnages caricaturaux arpentent un monde rude et à l'inexistante beauté. Les compositions varient d'une page à l'autre et nous passons de scènes épiques de bataille à des intérieurs sordides. Le dynamisme des traits et le style des visages fait irrésistiblement penser aux mangas. Les couleurs, vives, sans dégradé, regarde du côté de l'animation japonaise.
AU final, voilà une BD mi-figue mi-raisin. Les deux auteurs sont cohérents de bout en bout et la parodie du mythe arthurien atteint les objectifs souhaités. Néanmoins, je n'adhère pas au projet, trop sinistre (la marque de 2022), trop outrancier, trop cynique. Kaamelott était quand même plus joyeux !
Ce sera donc un petit EEE.
On peut noter que le titre va concourir pour le Prix 2023 des libraires du réseau Canal BD. Ainsi, la sélection de septembre, octobre et novembre comprend maintenant : Hoka Hey ! de Neyef, La Dernière Reine de Jean-Marc Rochette, Furieuse de Mathieu Burniat et Geoffroy Monde ainsi que La Couleur des Choses de Martin Panchaud.
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Merci de cette nouvelle chronique !
C'est étrange ! Je l'ai feuilleté en librairie mais cet album ne m'attire pas du tout ! Pourtant j'aime bien l'heroic fantasy, mais peut-être que la satire de ce genre de BD m'intéresse moins. J'ai besoin d'y croire un peu !
Nombre de messages : 160 Localisation : Paris Date d'inscription : 18/06/2022
La couleur des choses est une BD d'art et d'essai de Martin Panchaud
Simon, un adolescent anglais, est constamment harcelé par les petits caïds de son quartier qui l'utilisent pour leurs corvées et toutes sortes d'affaires louches. Alors que le jeune homme fait des courses pour une diseuse de bonne aventure, celle-ci lui prédit les résultats d'une course hippique. Simon vole les économies de son père pour miser sur le cheval "vu" par la voyante. Et comme la cote du pur-sang était énorme, notre héros gagne une fortune. En rentant chez lui, il trouve sa mère grièvement blessée et son père disparu. Simon va se lancer à la recherche de son père avec l'aide d'un ami qui va, au final, se révéler être son père biologique…. Et il veille en même temps sa maman, plongée dans un profond coma, et pour laquelle il souhaite améliorer la qualité des soins en utilisant l'argent miraculeusement gagné…
Avant de parler du scénario, il faut bien évidemment parler du graphisme puisque le dessin relève fondamentalement du plan industriel et des vues de dessus. Les personnages sont représentés par des petits points composés de deux cercles concentriques de couleur différente. La lecture de la BD est complexe et nécessite que l'on se fasse des aide-mémoires car les couleurs étant proches, le lecteur finit par douter de qui est qui. L'esthétisme est donc très froid, très géométrique. Ce que corrobore la présence voulue et somme toute logique d'affichages scientifiques comme des formules chimiques ou une représentation sinusoïdale du son. Les planches classiques avec un quasi-gaufrier cèdent vite la place à des pages déstructurées où les vignettes se promènent dans l'espace à côté d'éléments informatifs comme des dialogues ou des propos annexes à la narration. On pense parfois à Chris Ware sauf que le grand auteur américain n'a pas, à ma connaissance, franchit la frontière d'une totale abstraction. Clairement, La couleur des choses relève de l'OUBAPO (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ouvroir_de_bande_dessin%C3%A9e_potentielle)
Venons en maintenant au scénario. Celui est un peu simpliste et le recours à la symbolisation des personnages par des points colorés complexifie la lecture. J'ai confondu à quelques reprises un personnage annexe avec un autre et il a fallu se replonger dans les pages précédentes pour bien comprendre qui est qui ? On retrouve néanmoins quelques idées très classiques. La misère sociale anglaise s'inspire des films de Ken Loach. Le thème des personnes en coma profond m'a rappelé le très récent L'Etreinte de Jim et Bonneau, mais en beaucoup moins émouvant. La fin et l'explosion de la baleine amenée insidieusement une page par ci, une page par là, manquent de profondeur et sonne artificiel. Et on peut en dire de même concernant le sujet de la filiation de Simon qui survient bien abruptement
Comme pour certaines œuvres d'art totalement absconses, le besoin de justifier et d'expliquer apparait. Un site dédié à la BD a donc été créé : https://lacouleurdeschoses.com/. Au final, je ne puis que dire mon immense surprise de voir que les libraires du réseau Canal BD ont sélectionné cette œuvre pour concourir au prix 2023 de la meilleure BD de l'année. Les soldes ?! Plus sérieusement, cela me rappelle vaguement un texte classique (Baudelaire mais quel ouvrage si ce ne sont pas Les paradis artificiels ?) dans lequel l'auteur explique que les personnes dont les sens sont saturés ont donc besoin de drogues de plus en plus fortes pour éprouver de nouvelles sensations. D'ailleurs, si un membre du forum connait la source de ma "pseudo-citation", je suis très curieux de la connaitre .
Je n'ai pas du tout apprécié cet ouvrage à l'intellectualisme assumé, dont l'élitisme et la lecture demande un fort effort du lecteur. L'émotion est diluée, aseptisée par le recours à un graphisme très artificiel, au sens artificialisation des sols. Et je m'interroge. N'y a t'il pas un soupçon de snobisme derrière la promotion massive d'une œuvre aussi déroutante ? Je ne dis pas que la tentative n'est pas méritoire mais elle ne s'adresse pas au grand public. Après, Kandinsky et Miro que j'apprécie furent incompris avant d'être adulés. Peut être que La couleur des choses vieillira bien ? Wait and see
E
Dernière édition par Patrice le Lun 9 Jan - 20:27, édité 2 fois
Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Je partage totalement l'avis de Patrice Le 9ème art essaie de reconstituer une 3ème dimension sur le papier. Et là, Martin Panchaud assume pleinement la planéité du support. On peut analyser cette démarche comme la réussite d'un défi intellectuel. J'y vois plutôt comme un aplatissement et un rétrécissement de la vie ! Voilà, vous avez l'avis de la famille
Nombre de messages : 464 Localisation : IDF Date d'inscription : 28/06/2022
Raymond a écrit:
Furieuse <<<<< C'est étrange ! Je l'ai feuilleté en librairie mais cet album ne m'attire pas du tout ! Pourtant j'aime bien l'heroic fantasy, mais peut-être que la satire de ce genre de BD m'intéresse moins. J'ai besoin d'y croire un peu !
Idem, Raymond ! A priori, cette couverture et ce style ("manga" ? euh, lointainement) m'attiraient bien, et du coup je l'ai lu sans l'acheter en librairie. Parfois je mets un point d'honneur à acheter si mon début de lecture m'y pousse, mais pas quand je ne suis qu'intrigué, sans enthousiasme, par le dénouement. Et j'ai reposé l'album sur sa pile. L'idée de l'épée faussement bénéfique est assez remarquable, mais il me manquait au final une aventure... oui, plus authentique. C'est plutôt une satire négative, en effet.
La Couleur des Choses , je hausse les épaules, comme toi Clovis Sangrail. "J'y comprends rien, mais je vais avoir l'air inculte si je le dis ! Je vais dire que c'est vachement fort, alors !"
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Merci beaucoup à Patrice pour ses intéressants commentaires sur la Couleur des Choses, qui confirment toutes mes appréhensions. En fait, la réduction de cette BD à une suite de diagrammes difficilement déchiffrables complique inutilement la lecture et la compréhension du récit. J'accepte de temps en temps les "lectures difficiles" mais il faut tout de même qu'il y ait à la fin une récompense, que ce soit un message original, une nouveauté graphique intéressante ou une véritable œuvre d'art qui procure du plaisir au lecteur. Il n'y a rien de tout ça dans la Couleur des Choses et cela m'encourage à faire l'impasse sur ce titre !
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Au message 758, sur cette page, eleonore-clo a fait une intéressante critique de Majnoun et Leïli : chants d’outre-tombe, de Yann Damezin. C'est donc un livre qui m'intéresse.
Et c'est maintenant David Taugis qui commente de façon favorable cette nouveauté, avec toutefois un petit bémol pour le texte qui devient difficilement lisible au milieu de cette profusion graphique.
Majnoun et Leïli : chants d’outre-tombe - Par Yann Damezin - Ed. La (...) - ActuaBD
Mais quand j'y pense, c'était encore bien pire dans le passé avec certaines BD de Druillet. Qui a lu en effet en entier le texte de son fameux Salammbô ?
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Je voulais mettre cette chronique de Taï Dam dans le sujet dédié à Joël Alessandra mais ... j'ai vraiment aimé ce beau livre et je veux le recommander. Alors j'ai choisi de placer cette critique dans un des sujets les plus prestigieux du forum. Voilà ! Je la rapatrierai plus tard.
Joël Alessandra est un dessinateur qui voyage beaucoup et il a créé de nombreux albums en fonction de ses souvenirs de voyages. Taï Dam est une œuvre qui s'inscrit totalement dans cette lignée, mais c'est en plus une BD qui rend hommage à sa compagne d'origine vietnamienne. Il s'en dégage pour cette raison une séduction inhabituelle, qui associe à la fois l'émotion et la vérité.
Marijah est le nom de la compagne de Joël Alessandra et elle est originaire du Taï Dam, une région montagneuse au nord du Vietnam. Elle fait de la peinture et c'est peut-être elle qui est la véritable artiste du couple. Marijah ne sait pas grand chose de ses origines et Alessandra l'encourage à découvrir une fois les lieux de sa petite enfance.
Puis après en avoir parlé avec ses parents, Marijah finit par accepter l'idée de ce voyage. Le couple part donc vers l'Indochine et leur exploration commence à Bangkock. De là, ils partent pour le Laos où se trouvent de nombreux vietnamiens originaires du Taï Dam.
Il n'y a en fait pas de grande aventure dans ce voyage, mais simplement une suite de rencontres qui vont assez vite révéler à Marijah la vérité de ses origines. Et pour raconter cela, l'auteur n'utilise aucun effet romanesque. L'intensité des émotions de l'héroïne est suffisante pour donner à ce livre une atmosphère de bonheur.
Les souvenirs de la Guerre du Vietnam, qui ont poussé les parents de Marijah à émigrer vers la France, sont également évoqués à plusieurs reprises mais pas d'une manière politique. Alessandra ne prend pas position pour un camp et il s'intéresse surtout au sort des individus qui se sont retrouvés pris dans la tourmente. Il n'a au fond pas tort car on dit souvent que dans une guerre, il n'y a que des perdants !
Et à la fin de leur traversée de l'Indochine, les voyageurs partent pour le Taï Dam, enfin ! Je ne vous dirai pas ce qu'ils y découvrent mais tout ce qui est raconté est vrai, bien sûr !
Ce qui frappe d'abord le lecteur dans cet album, c'est bien sûr le dessin rapide et enlevé de l'auteur. Le trait se limite souvent à de simples esquisses mais il est tout à fait suffisant pour donner corps au spectacle et aux réalités du voyage. L'utilisation de l'aquarelle permet par ailleurs d'ajouter aux images toutes les nuances qui sont nécessaires pour leur donner du sens, que ce soit pour exprimer l'émerveillement, le drame, la beauté ou la douceur.
Et ainsi, sans en avoir l'air, avec un simple récit de voyage, l'auteur parvient à nous transmettre une belle gamme d'émotions. En fait, cette bande dessinée est intéressante (et belle) parce qu'elle exprime avec justesse une étonnante vérité. Toutes ses personnes que les voyageurs rencontrent sont présentées avec délicatesse et empathie. Et malgré la modestie de leur condition, sans oublier leur vie difficile, ces simples vietnamiens gardent une authentique gentillesse et une belle dignité. ils donnent ainsi une belle leçon aux durs et réalistes européens que nous sommes.
Nombre de messages : 2100 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Cocto Citadelle est le premier tome d'un diptyque, NéoForest, écrite par Duval et dessinée par Scoffoni.
Une société féodale s'est développée sur les ruines de notre civilisation. Le comte Cocto règne sur son fief mais une conspiration menée par son frère vise à le renverser. De son côté, Blanche, la fille de Cocto, est une enfant rebelle qui recherche sa voie, loin de la route du pouvoir imaginée par son ascendant. Et elle part explorer la dangereuse et mystérieuse NéoForest. Mais Cocto est blessé durant une joute et il doit temporairement abandonner le pouvoir le temps que "ses" généticiens et leurs machines régénèrent son corps. Souhaitant confier la régence à sa fille, le suzerain découvre que Blanche s'est perdue dans la sylve. Il fait alors appel à un ancien garde forestier et adversaire politique, Greem, pour sauver la future comtesse. Greem part dans la grande forêt dont il découvre que les mutations l'ont rendue dangereuse cependant que des tribus de cochons anthropomorphes y menacent la jeune femme.
L'éditeur croit manifestement en ce titre et Canal BD propose d'ailleurs une édition spécifique.
Le décor est clairement le point fort de cette intrigue. Pour les amateurs de science-fiction, on pense au Monde vert de Brian Aldiss même si l'ambition et la touffeur étouffante de la forêt est moindre.
L'autre qualité du récit tient à la société néo-féodale imaginée par Duval où la science la plus avancée, la génétique, cohabite avec des mœurs médiévales, comme les tournois. Je confie avoir trouvé un peu ridicule l'idée des joutes à VTT mais pourquoi pas. Une belle caractérisation des personnages donnent corps et crédibilité à l'histoire. Nous oscillons entre la quête initiatique (Blanche), le voyage rédempteur (Greem) et la cabale (Cocto). De multiples rebondissements rythment la bande dessinée et donnent envie de tourner les pages.
Le graphisme s'efface devant la couleur verte, omniprésente et envahissante, qui traduit la puissance de la forêt.
Le dessin est très classique, sans réelle personnalité. Néanmoins, il aborde avec talent les facettes hétéroclites de ce monde futuriste où la technologie se marie avec le moyen-âge. Des costumes particulièrement travaillés et de belles scènes sylvestres créent une solide ambiance. De grandes vignettes permettent de s'immerger dans un univers riche, quelque peu déroutant, où une civilisation postapocalyptique côtoit l'écologie et le transhumanisme.
Au final, cette BD a déjà l'immense mérite d'être publiée quelques jours avant le Festival d'Angoulême. Est-ce une astuce pour stimuler les ventes durant la grande messe charentaise ? J'y vois plutôt une chance pour le lecteur car sa publication marque le début d'une nouvelle année dont on espère qu'elle aura la richesse de 2022. En effet, la qualité est là. A noter (mais je radote ) que la démarche est identique pour le très mais alors très attendu Adieu Aaricia.
Nombre de messages : 160 Localisation : Paris Date d'inscription : 18/06/2022
Mademoiselle Sophie ou la fable du Lion et de l'hippopotame est une BD écrite par Zabus et dessinée par Hippolyte
Mademoiselle Sophie est une enseignant affligée d'un fort embonpoint. Et son obésité s'accentue, ce qui lui attire les moqueries de certains élèves mais aussi la sympathie de Romain, un jeune homme de 12 ans qui apprécie beaucoup cette professeure modèle qui aime ses élèves, ne s'énerve jamais lorsqu'un collégien ne comprend pas et prend sur ses jours de congés pour faire répéter le spectacle de fin d'année. Romain voudrait bien aider Madame Sophie à surmonter son problème de poids mais il n'a pas le courage de s'opposer à tous ceux qui la raillent. Une pièce de théâtre où les deux héros jouent des rôles va être l'occasion pour le premier de trouver la hardiesse du lion et pour la seconde d'accepter sa taille d'hippopotame !
Tel La Fontaine, Zabus nous livre une fable où, cette fois-ci, ce sont les animaux qui se cachent derrière les êtres humains et non le contraire. Le scénario porte des valeurs de tolérance et d'entraide fort sympathiques.
Le dessin est plus uniforme que celui d'Incroyable où Hippolyte regardait aussi du côté de Buffon. On retrouve un style chaleureusement caricatural qui fait penser à Sempé.
Au final, une belle BD, un peu moins ambitieuse que la précédente. Elle n'en est pas moins de qualité ce qui me conduit à l'appréciation EEE. J'ai pu rencontrer les deux auteurs durant une séance de dédicaces mercredi dernier et partage leurs dessin et petits mots.
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Waouh, il n'y a pas une heure que j'ai parlé de cet album dans le sujet "Vous n'avez pas lu" ! Quelle rapidité !
Cela me semble en tout cas être un indispensable ! Dans cette histoire d'une institutrice obèse, j'y vois un petit quelque chose qui me fait penser aux albums de Geerts. Est-ce que je me trompe ?
Nombre de messages : 37014 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Sinon, je viens de finir moi aussi une chronique ! La voici !
Le tome 1 des Amis de Spirou est un album sympathique, qui mélange malicieusement la réalité et la fiction ! Le scénariste est le bien connu Jean-David Morvan tandis que le dessinateur est David Evrard, également auteur du très beau "Irena".
Le club des Amis de Spirou (ou A.D.S.) a réellement existé pendant les années 40 et c'était une belle idée de Jean Doisy, qui voulait resserrer les liens entre le journal et ses lecteurs. Bien sûr, les cinq enfants de cette histoire sont probablement fictifs, mais sait-on jamais ?
En 1942, la publication du journal Spirou est interdite par l'occupant allemand et c'est à nouveau de la pure réalité. On peut imaginer que cela s'est passé comme Morvan le raconte dans cet album !
Certains de ces ADS sont entrés dans la Résistance, et Jean Doisy a d'ailleurs favorisé ce mouvement en publiant quelques messages codés dans le journal, lorsque Spirou paraissait encore. C'est toujours de la réalité !
Quelques Amis de Spirou sont morts pendant la guerre de 39-45 parce qu'ils étaient des résistants et là encore, l'album de Morvan et Evrard ne fait que s'inspirer de la réalité !
Mais ou se trouve alors la fiction, me direz-vous ? Eh bien ... surtout dans les détails, et aussi dans les personnages qui sont quand même inventés. Et puis une intrigue s'ébauche quand même dans cet album, et elle est présentée comme un grand flash back, raconté par Jean Doisy lui même à la fin de la guerre. En fait, ce tome 1 met surtout en place l'intrigue et les personnages, et les héros de l'album font paraître clandestinement un journal humoristique et insolent.
L'intrigue n'est pour l'instant pas terminée et elle me parait ainsi un peu désarticulée, L'idée générale de raconter la vie des ADS est plutôt géniale, mais je me demande quand même comment le scénario va se terminer. Il faudra revoir tout ça à la fin du tome 2 !