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676Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Ven 27 Jan - 11:30

Patrice

Patrice
lecteur émérite
lecteur émérite

Raymond a écrit:... Dans cette histoire d'une institutrice obèse, j'y vois un petit quelque chose qui me fait penser aux albums de Geerts. Est-ce que je me trompe ?

Je ne connais pas l’œuvre d'André Geerts et ne peux pas répondre à ta question Embarassed

677Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Sam 28 Jan - 10:08

Raymond

Raymond
Admin

André Geerts est un des grands dessinateurs du journal Spirou pendant les années 80 et 90. Il a son propre sujet dans notre forum mais il est vrai que l'on a pas beaucoup parlé de lui.   Cool

Geerts - André Geerts (forumactif.com)

Sinon, Gilles Ratier a bien aimé le tome 1 de Amis de Spirou, Il n'est bien sûr pas le seul.   Wink

Je viens de lire - Page 28 Amis-d16

Sa critique sur BDZoom  est très exhaustive :

Les aventures du fan-club de Spirou pendant l’Occupation ! | BDZoom.com


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678Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Mer 1 Fév - 16:44

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

La peur au ventre est une BD écrite par Muñoz, dessinée par Trashorras et colorisée par Rodríguez.

Je viens de lire - Page 28 Couv_466414

Adrián et Raúl étudient en Espagne, dans un collège. La société ibérique sort tout juste du franquisme, et des nostalgiques du caudillo vont d'ailleurs tenter de renverser la jeune démocratie. L'établissement est tenu par un enseignant rigide qui regrette l'ancien temps et n'a que mépris pour ses élèves. Seul le professeur de SVT manifeste compassion et humanité. Nos deux héros vont assister à l'évolution de toute leur société, à travers le miroir grossissant du système scolaire. Ils sont de plus victimes de harcèlement de la part de condisciples plus âgés. C'est alors qu'un des deux amis se voit remettre une lettre anonyme menaçant le collège d'un attentat à la bombe. Mais ce courrier est-il un défi de l'ETA ou le cri de désespoir d'un collégien ?

Le scénario nous plonge dans une période complexe de l'Espagne, où l'ancien système perdure alors qu'un nouveau émerge bien péniblement. La société semble ainsi profondément divisée. On ne peut en tout cas que saluer la qualité de la reconstitution historique et le souci de nous la rendre proche en nous la faisant vivre à travers la vie quotidienne et on ne peut plus ordinaire de deux jeunes élèves. La BD n'en est pas moins âpre et la violence transpire à chaque page. La discipline assurée par le Principal apparait arbitraire et cruelle. Et les petits caïds du collège ne reculent devant aucune intimidation, aucun racket ni aucune agression. L'établissement nous est dépeint comme un lieu de souffrance et non un lieu d'apprentissage. Et la transition vers l'adolescence apparait bien cruelle. Enfin, ce qui n'arrange rien à une intrique quelque peu sombre, les parents des héros semblent dépassés et obnubilés par les changements sociétaux au point qu'ils ne détectent pas la souffrance de leurs enfants et au final ne les protègent pas.
On peut aussi noter la mise en abyme du média BD car le grand plaisir d'Adrián consiste à lire des comics américains ! Et ces bandes dessinées font d'ailleurs partie de sa souffrance car les harceleurs ne partagent pas ses goûts et recherchent des ouvrages plus crus !

Le dessin est très classique, pauvre sans être épuré. Les décors manquent de détails et plus globalement de cachet. La dynamique des mouvements, plutôt pauvre et minimale, génère une impression d'immobilisme, comme si la BD s'était figée. Enfin, les vignettes, désespérément sages dans leur gaufrier, s'alignent imperturbablement alors que le drame se joue au quotidien sous nos yeux.
A contrario, des couleurs pâles et atténuées restituent avec habilité la tristesse des héros et une vie terne et sans espoir.

Je viens de lire - Page 28 Miedo03-RVB Je viens de lire - Page 28 Miedo07-RVB Je viens de lire - Page 28 Miedo11-RVB

Au final, que conclure ? La tentative de rapprocher une petite histoire de la grande Histoire est méritoire. La parfaite restitution du climat politique d'alors donne beaucoup de crédibilité au récit. Et de plus, ce quasi roman graphique affiche 48 pages ce qui rend la lecture facile et rapide. Néanmoins, et justement du fait de la longueur, je trouve que nous quittons bien trop vite une scène qui vient juste d'être installée et qui promettait beaucoup. Et puis les rebondissements finaux sonnent faux. Trop, c'est trop ! Enfin, le graphisme manque cruellement de personnalité.

Entre EE et EEE.

Eléanore

679Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Jeu 2 Fév - 16:12

Raymond

Raymond
Admin

Bref, ton impression est mitigée ! Je crois que je vais laisser le livre sur son rayon, car il y a l'embarras du choix.

Merci en tout cas d'avoir répondu à mon invitation de lire cette nouveauté.   Very Happy


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680Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Jeu 9 Fév - 18:03

Raymond

Raymond
Admin

Paul Kirchner est un dessinateur américain indépendant, qui a commencé comme assistant de Wallace Wood et qui a fait une carrière très discrète dans la BD. Ses rares albums sont souvent oubliés et il a longtemps abandonné la bande dessiné pour faire de la publicité à partir des années 90. On vient toutefois de rééditer une vieille BD mythique et méconnue, scénarisée par un écrivain hollandais et intitulée Meurtre télécommandé. Je ne pouvais pas la manquer ! 

Je viens de lire - Page 28 Meurtr14

Cela démarre comme un polar assez traditionnel et l'histoire se passe dans une région isolée du Maine, aux USA. Un détective fédéral est envoyé pour investiguer un meurtre sur la côte Atlantique et le début apparait très traditionnel. Le dessin lisse et presque kitsch de Kirchner (qui ressemble beaucoup à celui de Wallace Wood) semble au départ promettre une BD fade et prévisible.

Je viens de lire - Page 28 Meurtr15

Mais voilà, Paul Kirchner n'est pas un auteur conventionnel. Il est "mal pensant" si j'ose dire, et surtout il se distancie du système américain. Et c'est ainsi que tout en racontant un récit apparemment sérieux, il multiplie dans son livre les détails graphiques amusants, intrigants et parodiques, qui ridiculisent les personnages. Les raconteurs de polars aiment bien glisser des métaphores ironiques dans leur texte, mais Kirchner les utilise pour sa part dans son dessin. Il dynamite ainsi tout espoir d'être dramatique et construit un polar à l'humour glacé, qui flirte avec le surréalisme et qui mélange le réel avec les rêves, de telle façon que le plaisir des images remplace complètement l'intérêt du "whodunit".

Je viens de lire - Page 28 Meurtr16

Par ailleurs, le dessinateur déstructure habilement ses mises en page. Sans jamais nuire à la clarté du récit, il multiplie les grandes pages décoratives et symboliques, qui commentent à leur manière les actions du détective ou de ses suspects et qui invitent l'amateur à faire à une autre lecture. Et ainsi, tout présentant une BD dont l'intrigue reste très facile à comprendre, Kirchner donne à son récit une élégante distance et une superbe ironie.

Je viens de lire - Page 28 Meurtr17

Il faut aussi mentionner le mérite du scénariste Janwillem va de Wetering, un auteur hollandais qui a écrit de nombreux polars et qui était fasciné par les BD un peu surréalistes de Kirchner. Dans la postface de l'album, qui explique tout le making-of de cette BD, Kirchner explique bien leur collaboration, et surtout la longue durée de réalisation de cette œuvre d'auteur, qui est à la fois simple et très fignolée. C'est le genre de chose que l'on ne fait plus beaucoup aujourd'hui.

Cet album est bien sûr un véritable "classique" de la bande dessinée, qui aurait en fait mérité le Prix du Patrimoine à Angoulême. Hélas, il n'y a pas eu de prix du patrimoine cette année ! Dommage pour Kirchner ! Mais ce n'est pas une raison de négliger cette délicieuse vieillerie, qui appartient manifestement à une autre époque et qui offre le plaisir naïf et suranné d'un petit retour aux rêves des années 80.  Very Happy

EEE


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681Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Ven 10 Fév - 15:28

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

La Demi-Double Femme est une BD écrite et dessinée par Bonne

Je viens de lire - Page 28 Couv_466586

L'intrigue se déroule à la fin du XIXème siècle en Sibérie. Aza, une cul-de-jatte excentrique qui dirige les trappeurs au nord du Baïkal s'apprête à lancer la saison de la chasse à la zibeline. Mais voilà que Jason, un trappeur américain, vient la défier. Et lorsque Séléna, la fille d'un villageois disparaît, les deux héros vont lancer tous les deux une expédition de sauvetage, sauf que les deux entreprises se veulent concurrentes. Aza incarne la tradition respectueuse et Jason le modernisme hautain.  

La BD est bien évidemment un ouvrage d'aventure, rythmé par de nombreux rebondissements, dans un décor grandiose et âpre.
Mais La Demi-Double Femme peut se lire à plusieurs niveaux. L'intrigue regarde aussi du côté des fables écologiques, avec un accent mis sur le nécessaire respect d'une nature sauvage. Et comme toute fable, celle-ci véhicule une morale et la conclusion de l'ouvrage est sans appel. On peut aussi voir dans le scénario une querelle des anciens et des modernes. Et le progrès n'est ici pas à l'honneur. Cupide et inefficace, il échoue misérablement.
Enfin, le choix d'une cul de jatte comme héroïne traduit un fort militantisme. La performance d'Aza, sa résilience, soulignent parfaitement qu'un handicap ne signifie ni la fin de la vie, ni l'incapacité à réaliser des exploits. Les jeux paralympiques ont porté haut et fort ces valeurs et Bonne leur emboîte le pas avec beaucoup de talent  Very Happy .

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Le dessin en couleur directe magnifie les paysages hivernaux de Sibérie. Il reste très classique et très sage. Des personnages parfaitement croqués marchent, luttent et se déchirent dans une nature hostile, où les chutes de neige constellent les vignettes.
On ne peut que saluer le travail fait sur la couverture où un usage immodéré de la perspective à conduire à accentuer la différence de taille entre les deux personnages principaux.

L'ambiance glaciale, rude et hostile du Grand Nord est tout cas parfaitement restituée et on pense bien évidemment au film The revenant avec Leonardo DiCaprio  Very Happy



La bande annonce réalisée par l'éditeur marrie harmonieusement la balalaïka et le blizzard et du coup, je vous invite à la visionner  Very Happy



Au final, les forêts russes semblent attirer les auteurs de BD. La Demi-Double Femme succède heureusement à Astérix et le griffon.
Entre EEE et EEEE.

Il est à noter que cet ouvrage bénéficie d'un Coup de cœur des libraires du réseau Canal-BD dans leur Magazine n°147 de févier et mars 2023.

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Eléanore

682Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Sam 11 Fév - 10:10

Raymond

Raymond
Admin

Merci pour la chronique !   jap

Grégoire Bonne est donc le nom de l'auteur ! Je ne le connais pas, mais ce n'est pas son premier album chez Mosquito.

Je retiens donc l'idée, mais il y a tellement de "must" en ce moment que je ne sais pas où donner de la tête.   Very Happy


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683Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Ven 17 Fév - 10:53

Raymond

Raymond
Admin

Planète BD fait une critique élogieuse de la Demi-double Femme et lui attribue même le Bédien d'Or !

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Je ne sais pas si eleanore est d'accord avec Planète BD, mais Planète BD est bien du même avis qu'elle !   Wink

La demi-double femme, bd chez Mosquito de Bonne (planetebd.com)


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684Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Ven 17 Fév - 12:34

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Jumelle est une autobiographie de Florence Dupré la Tour dont le premier tome, Inséparables, vient de paraître récemment.
L'ouvrage bénéficie d'un coup de chapeau de RTL qui l'a choisie comme meilleure BD du mois de janvier 2023 : https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/jumelle-de-florence-dupre-la-tour-est-la-bande-dessinee-rtl-du-mois-7900230171. De même radio France l'a distingué : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/bulles-de-bd/bulles-de-bd-du-mercredi-01-fevrier-2023-7735280

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L'autrice raconte son enfance et celle de sa sœur jumelle : Bénédicte. Nous les voyons évoluer depuis la matrice maternelle jusqu'à l'entrée dans l'adolescence.

La bande dessinée analyse la gémellité sous toutes ses coutures. La vie fusionnelle à deux présente des avantages et des inconvénients. La solitude disparaît dans cette micro-cellule, excluant de fait le reste de l'humanité composé de "Touseuls". Et dans ce couple d'un nouveau type, le vécu doit être strictement identique faute de quoi apparaît le drame de la séparation. Ainsi, la victoire de la seule Bénédicte dans une partie de billes ouvre une période d'individualisation et de souffrance. L'autrice explore aussi la sexualité des deux parties du couple. Et sans qu'on comprenne bien comment, Florence devient la partie masculine du duo et Bénédicte la partie féminine. Au final, la BD nous emmène dans l'intimité d'une paire avec un petit côté impudique et égocentrique.

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Le graphisme de Dupré La Tour ne surprendra pas celles et ceux ayant déjà lu Cruelle ou le cycle Pucelle. Sous une apparence simple, à l'instar d'un livre d'images pour les enfants, l'autrice expose des faits vécus, précis, parfois rudes, et les dessins vont souvent du rire aux larmes, de la bonté à la cruauté.

Au final, ce sera EE du fait d'un graphisme biaisé qui utilise les codes de l'enfance pour aller bien au-delà, avec un très léger parfum de règlement de comptes. Et le scénario sur la gémellité me semble trop technique et trop tourné vers Françoise Dolto, ce qui en dilue parfois l'émotion.

Eléanore

685Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Mer 22 Fév - 11:31

Raymond

Raymond
Admin

Merci de cette lecture intéressante. J'avais apprécié le tome 1 de Pucelle et cet album semble être de la même veine.   pouce

Je n'y intéresserai forcément un jour.


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686Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Mer 22 Fév - 13:01

Raymond

Raymond
Admin

Cela fait longtemps que je souhaitais pouvoir lire "facilement" La Divine Comédie, ce chef d'œuvre littéraire que l'on peut considérer comme "hors catégorie" dans l'histoire de la Littérature. La toute récente publication de l'Enfer de Dante, adapté en BD et dessiné par les frères Brizzi, me fournissait l'occasion rêvée de rattraper un peu une grosse lacune. Je n'ai donc pas hésité une seconde à acheter cet album.    Wink

Je viens de lire - Page 28 Enfer-19

C'est en fait un somptueux livre, au dessin plutôt majestueux, qui utilise avec classe les possibilités du noir et blanc. C'est aussi un véritable plaisir de parcourir cette BD qui raconte avec simplicité la première partie du récit de la Divine Comédie. Tout commence avec la rencontre imprévue de Dante et du fameux poète romain Virgile. Ce dernier offre à l'écrivain accablé par la perte de sa compagne la possibilité de retrouver la défunte Béatrice, ce que Dante accepte sans hésiter. Tout cela est présenté avec un texte est très concis. La BD ne contient pas plus que deux ou trois images par planche et l'histoire se lit ainsi très vite, voir même peut-être trop vite, à moins que l'on ne s'arrête pour contempler les images.  Wink

Je viens de lire - Page 28 Enfer-20

L'Enfer de Dante n'et pas dessiné comme une BD d'horreur, même si la noirceur des images peut être vue comme inquiétante. Il n'est pas non plus rempli de flammes comme l'enfer chrétien, et s'inspire surtout de l'exemple de la Mythologie grecque. C'est pourquoi les deux voyageurs commencent par traverser l'Achéron, le lac marécageux qui précède l'entrée de l'Enfer. Une fois passée la grande porte, on découvre un dédale de salles, de corridors et de souterrains plutôt élégants. Le véritable Enfer, c'est pour plus tard !

Je viens de lire - Page 28 Enfer-21

Mais comment dessiner l'Enfer lui-même. Tout simplement en imaginant des images légèrement hiératiques, qui prennent au pied de la lettre les descriptions de Dante, et qui gardent une certaine ambition esthétique. Le résultat évoque un peu certaines gravures de la Renaissance mais les démons qui torturent les défunts évitent toute vulgarité. On a quand même parfois envie de sourire.

Je viens de lire - Page 28 Enfer-22

A la fin du récit, les deux voyageurs rencontrent Lucifer lui-même et je n'en dirai pas plus. C'est bien sûr un moment spécial, qui oscille entre l'ironie et la frayeur.

Je viens de lire - Page 28 Enfer-23

Que conclure de tout cela ? D'abord, que c'est une lecture aussi facile qu'agréable ! On lit en effet une vraie BD dont le texte reste assez court, et elle propose un découpage sous la forme de grandes images décoratives qui est très séducteur pour l'œil. Sur le plan du récit, c'est bien sûr un condensé du texte de Dante, qui ne reflète probablement pas la poésie de l'œuvre originale, mais c'est tout à fait conforme à ce que doit être une bande dessinée. De plus, les auteurs évitent prudemment certains pièges habituels de la BD, à savoir la surenchère d'effets visuels (qui tourne souvent à la vulgarité) ou l'humour gras qui tourne à vide, et cette économie de moyens m'a beaucoup plu. Et enfin il y a dans ce livre une sorte de splendeur graphique, associée à une habile sobriété des décors, qui embellit véritablement cette simple adaptation. On n'est pas très loin du chef-d'œuvre.

Il n'y a qu'une seule petite réserve, c'est que je n'ai pas lu la Divine Comédie, Je ne peux donc pas comparer cette BD avec l'œuvre originale. J'ignore en fait si les frères Brizzi ont été très fidèles à leur modèle ou s'ils ont un peu affadi le récit de l'Enfer, Je serai donc prudent avec ma notation et j'éviterai tout enthousiasme qui pourrait être excessif. Mais c'est en tout cas une bonne lecture, que l'on peut recommander à tout ceux qui, comme moi, ne connaissaient pas grand chose à la Divine Comédie.

EEE



Dernière édition par Raymond le Sam 4 Mar - 10:28, édité 1 fois


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687Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Jeu 2 Mar - 10:02

Draculea

Draculea
vieux sage
vieux sage

En tout cas, moi qui en ait lu il y a longtemps une grande partie (je ne sais pourquoi je n'ai jamais fini l'ouvrage, sans doute comme cela m'arrive parfois, pris par le mouvement d'autres lectures), je serai heureux de découvrir cette adaptation qui me semble très belle et très réussie selon ce que tu nous en présentes ! Very Happy

http://www.marchenriarfeux.net

688Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Ven 3 Mar - 16:46

Raymond

Raymond
Admin

Il y a des lectures "haut de gamme", qui sont parfois ardues et qui sont des livres à lire absolument. J'essaie de ne pas les rater mais je n'oublie pas non plus les BD amusantes, ou simplement agréables à regarder, qui se lisent sans effort et qui me font passer un bon moment. C'est dans cette dernière catégorie que je placerai le Royal Fondement, une bonne BD historique et humoristique scénarisée par Philippe Charlot et dessinée par Eric Huebsch.

Je viens de lire - Page 28 Royal-14

Cette histoire se passe au temps de Louis XIV. Les historiens savent depuis longtemps que ce grand souverain avait souffert dans la deuxième moitié de sa vie d'un douloureux problème proctologique et ce sont donc les mésaventures de cette "face cachée du Roi-Soleil" que nous racontent les auteurs de cette magnifique satire. Il fallait oser !  Wink

Je viens de lire - Page 28 Royal-15

Le héros du livre est un jeune fils de bourgeois qui rêve de devenir "barbier," cette fonction impliquant aussi à l'époque d'assumer un véritable travail de chirurgien. Il se lance audacieusement dans cette carrière et le lecteur découvre ainsi (en même temps que le jeune apprenti) les gestes brutaux de même que les finesses inattendues qui étaient alors accomplies par les spécialistes du scalpel. Cette partie historique et bien documentée de la BD est racontée avec malice.

Je viens de lire - Page 28 Royal-16

Le jeune barbier accumule également les rencontres galantes et le récit deviendrait presque un roman d'apprentissage, s'il n'y avait l'humour qui reste toujours au premier plan.  Il va apprendre en tout cas à se méfier des femmes.

Je viens de lire - Page 28 Royal-17

Ce récit légèrement picaresque est donc raconté avec facétie, grâce en particulier au langage de personnages qui se distingue par sa verdeur et son ironie. Le dessin joyeusement caricatural d'Eric Huebsch souligne adéquatement l'aspect humoristique du texte et la conclusion un peu surprenante du récit parachève avec habileté le caractère "pas comme les autres" de cette BD. Les auteurs réussissent en fait à nous surprendre de bout en bout.

Je viens de lire - Page 28 Royal-18

Je n'oserai pas employer le terme un peu gaspillé de chef d'œuvre mais, dans son genre, c'est une BD parfaitement réussie dans laquelle il n'y a aucune faute de goût. L'album se lit avec entrain et on a presque des regrets lorsqu'il est fini (on voudrait que cela continue). C'est donc une lecture à ne pas manquer.   Very Happy

EEE


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689Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Sam 4 Mar - 8:03

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

A la recherche de l'homme sauvage est une BD écrite et dessinée par Frédéric Bihel.

Je viens de lire - Page 28 Couv_467881

Augustin fait des cauchemars depuis que son père est décédé. Et il essaye de conjurer les images qui le hante nuit après nuit en les dessinant. Un motif revient toujours, celui d'une créature humanoïde. Bien des années plus tard, Augustin est devenu un brillant élève en paléontologie. Et lorsqu'il trouve un vieux livre soviétique traitant d'un hominidé vivant en Himalaya, il décide partir à sa recherche. Son enquête va l'emmener en plaine montagne, dans de minuscules royaumes. Il est heureusement aidé par un aventurier local barbu et aimant le whisky, le Capitaine !

La BD mélange le roman d'aventure et la quête initiatique. Elle rappelle ainsi par certains côtés le film Le Grand bleu car la recherche de l'hominidé se double d'une recherche obsessionnelle et mortelle de soi même, de ce que l'on est et de ce que l'on veut devenir. Une nature puissante, vertigineuse et omniprésente offre un somptueux décor à la conclusion de la BD. Et dans cette veine, le scénariste rend hommage à Hergé et à Tintin au Tibet. J'ai beaucoup apprécié les personnages secondaires, que ce soient le mystérieux prince d'un petit royaume ou encore le non-moins mystérieux berger qui ère dans les montagnes.

Les dessins à l'aquarelle en couleurs directes nous plongent dans une succession de beaux paysages, tant urbains que montagnards. Des tonalités douces donnent un caractère intimiste à cette fresque qui contraste avec la majesté des sommets.

Je viens de lire - Page 28 PlancheA_467881

Je viens de lire - Page 28 Ab21

Je viens de lire - Page 28 Ab20

On peut enfin voir dans l'ouvrage un hommage aux explorateurs qui ont risqué leur vie pour faire progresser la science et ouvrir de nouveaux horizons : Alexandra David-Néel par exemple.

EEE

Eléanore

690Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Sam 4 Mar - 10:26

Raymond

Raymond
Admin

Tintin au Tibet ... vraiment ? C'est presque un argument imparable. Tu essaies de nous toucher sur nos points faibles.   Very Happy

Je verrai si je le trouve en bibliothèque.   Wink


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691Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Sam 4 Mar - 12:57

Draculea

Draculea
vieux sage
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Voilà un album dont j'ai très envie de faire la découverte grâce à votre présentation. J'aime ce type de dessin à l'aquarelle et l'idée de l'hommage à Tintin au Tibet que je viens justement de relire cette semaine dans la version en fac similé, m'encourage à franchir le pas. Merci ! Very Happy

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692Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Dim 5 Mar - 18:27

Raymond

Raymond
Admin

Eleanore-clo nous a déjà presque tout dit au sujet de Perpendiculaire au Soleil (au post 763 et à la page 31), un livre qui décrit avec justesse la situation d'un condamné à mort aux USA. Mais voilà, j'ai tellement apprécié cet album qu'il me faut bien y ajouter quelque chose, afin d'enfoncer un peu plus le clou !   Very Happy

Je viens de lire - Page 28 Perpen10

La séduction de ce livre provient d'abord de son authenticité. L'autrice, Valentine Cuny - Le Callet, s'est inscrite il y a quelques années dans une association qui soutient les condamnés à mort américains, en échangeant avec eux une correspondance régulière. Elle est ainsi entrée en contact avec un meurtrier présumé, qui proclame son innocence et qui attend désespérément la révision de son procès. La narration du livre suit dès lors scrupuleusement le déroulement de leurs échanges épistolaires et le lecteur se retrouve bien sûr devant les situations et les impressions que la narratrice a vécues. On lit ainsi les lettres intelligentes et souvent touchantes qu'elle reçoit du condamné, ce qui réveille en nous une sorte de malaise. Quel parti faut-il donc prendre ? Ce condamné ment-il ?  Et même s'il ment, est-il juste de le faire souffrir en lui faisant interminablement attendre la mise en œuvre de sa peine ? Et face à ces questions, il est impossible de rester indifférent.

Je viens de lire - Page 28 Perpen11

Contrairement à eleanore, je n'ai pas eu l'impression que l'autrice cherchait à nous convertir. Son récit reste très factuel et ce sont bien les faits eux-mêmes qui sont provoquants. Même si on est favorable à la peine de mort, et c'est mon cas, est-il humain de faire attendre un condamné pendant 10 ou 15 ans, et de lui donner possibilité de redevenir un brave type, avant de procéder à l'exécution de sa peine. Par ailleurs, cette détention prolongée (et généralement sans espoir) se révèle destructrice sur le psychisme de la personne emprisonnée. Le lecteur découvre donc dans ce livre le long supplice d'un condamné et cette réalité est difficilement supportable.

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Le récit fait plus de 400 pages et j'ai craint que cela ne devienne à la longue un peu ennuyeux. Mais cela n'est jamais le cas ! D'abord parce que l'intrigue et les personnages évoluent, et ensuite parce que la dessinatrice fait preuve d'une constante créativité sur le plan graphique. Les images symboliques, de même que les représentations caricaturales ou poétiques sont fréquentes et j'ai beaucoup apprécié leur justesse. La dessinatrice est clairement contre la peine de mort mais on devine que par moment, elle s'interroge quand même sur la sincérité de son correspondant.

Je viens de lire - Page 28 Perpen13

Le point central du livre se place au moment des rencontres de la dessinatrice (qui s'est déplacée aux USA) avec le condamné. Ce dernier se révèle intelligent, sensible et d'une profonde humanité. On a dès lors envie qu'il soit réellement innocent, afin que l'on puisse "s'indigner en paix", mais ce serait trop simple. La réalité est bien sûr plus trouble. Le condamné s'est conduit comme un vrai délinquant et il nie seulement le fait d'être le meurtrier (il accuse ses complices). Et de fait, on peut se présenter comme un brave type tout en ayant commis des méfaits plus ou moins indignes dans le passé. Pour moi, ce condamné à mort garde tout son mystère, mais ce n'est pas une excuse pour le rejeter.

Je viens de lire - Page 28 Perpen14

Ce qui est certain, c'est que l'humanité de ce condamné est aussi touchante que troublante. Il est par exemple capable de comprendre et de commenter un poème de Baudelaire avec beaucoup de justesse et de pénétration, tout en utilisant ses propres références de délinquant américain. Mais au fond, c'est bien l'une des caractéristiques de l'être humain, que de savoir présenter de multiples facettes. Et la fréquentation régulière d'un condamné (de même que la lecture de ce livre) nous amène inévitablement à cette conclusion.

Je viens de lire - Page 28 Perpen16

La fin du livre est marquée par une sorte de décomposition psychique (probablement due à une dépression) du condamné, car il devient à la longue incapable de poursuivre sa correspondance avec la dessinatrice. Ce processus est assez compréhensible, mais il est quand même émouvant. La simple privation de liberté peut aussi amener à ça, et ce livre nous le fait découvrir avec simplicité, sans pathos. Une célèbre chanteuse fredonnait au siècle passé "ta douleur efface ta faute", et c'est un peu ce que l'on ressent en terminant ce livre. Ce type a certainement commis quelque chose de dégueulasse, mais le système pénitentiaire américain se montre terriblement capable de lui faire payer la note !

Je viens de lire - Page 28 Perpen15

Bref, c'est une splendide lecture, qui flatte en premier notre sensibilité esthétique, grâce à l'incessante créativité graphique de la dessinatrice, mais qui est surtout propice à susciter de terribles réflexions sur une réalité complexe celle de la peine de mort. A mon avis, il n'existe pas de réponse simple.

C'est sans aucun doute une des toutes bonnes lectures de l'année ! 

EEEE


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693Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Lun 6 Mar - 15:35

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

La critique de Raymond relative au Royal fondement, présentée dans le message 791 plus haut sur cette même page, m'a convaincue de plonger dans cette description cocasse et ubuesque de l'univers du Roi-Soleil Very Happy .

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Que dire de plus ou de nouveau ?

Tout d'abord, que le scénariste brosse un portrait au vitriol de Versailles. Le pouvoir despotique du roi nous est conté au quotidien. Les petites gens survivent misérablement et leur corps permettent au chirurgien du roi de tester ses techniques et ses innovations pour le plus grand bénéfice du souverain. L'arbitraire règne en maître et la prison guette chaque sujet du roi, qu'il la mérite ou non d'ailleurs ! Et les complots fleurissent autour de Louis XIV. Au final, la reconstitution du Grand Siècle apparait âpre mais réaliste. Les dorures cachent non seulement les fistules du roi mais aussi une société inégalitaire.

Société difficile mais néanmoins société gaie et pleine de vie. L'échoppe du père du héros fleure la bonne humeur et l'explication de la devise ornant sa façade apparait pleine de bon sens, pleine de justesse. Et  sa réutilisation par le fils sonne juste. Les miséreux dans la rue semble étrangement parfois plus heureux que les nobles embourbés dans une obéissance service et effrayée face à la toute puissance du Roi-Soleil.

Un point important de la BD réside dans le comportement du héros. Nous le voyons évoluer constamment. De léger et badin, il devient imbu de sa personne et "Rastignac", avant de finir par trouver une certaine sagesse grâce à un incroyable coup de chance.

Le graphisme m'a plu. Des personnages pleins de vie se promènent dans des décors majestueux et très réalistes. L'impertinence règne en maître et représenter le roi avec le corps d'une personnage âgée et malade détonne magnifiquement !

Je viens de lire - Page 28 800px-Portrait_of_Louis_XIV_of_France_in_Coronation_Robes_%28by_Hyacinthe_Rigaud%29_-_Louvre_Museum Je viens de lire - Page 28 Aa137

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Au final, je rejoins pleinement Raymond sur la qualité de l'ouvrage. La truculence des situations, le côté anecdotique de la fistule royale et l'apparente légèreté de la comédie de mœurs cachent une analyse méthodique, historique et profonde du pouvoir absolu. Des personnages parfaitement campés donnent corps à un ouvrage visant bien plus que l'humour ou le simple divertissement.

J'hésite donc entre EEE et EEEE. Je me laisse quelques semaines de réflexion pour savoir si j'achète cet ouvrage lu à la bibliothèque FNAC  Laughing Et si un autre membre du forum se lance, je serais curieuse de connaitre ses sentiments à l'égard d'une BD hétéroclite mais très bien ficelée.

Il convient enfin de noter qu'un dossier historique complète la fin de la BD.

Eléanore

694Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Mar 7 Mar - 10:14

Raymond

Raymond
Admin

Gilles Ratier soutient la bonne opinion d'eleanore-clo à propos de la Recherche de l'Homme Sauvage, le nouveau one-shot de Frédéric Bihel.

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Avec ce roman graphique de haute volée, Frédéric Bihel mène, parallèlement, une investigation symbolique sur lui-même, estime le critique de BDZoom :

Sur les traces de Tintin, Frédéric Bihel part « À la recherche de l’homme sauvage »… | BDZoom.com


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695Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Mer 8 Mar - 16:05

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Je poursuis ma découverte des nouveautés post-Angoulême. Et après les jungles vietnamiennes de Legrain, voilà la France profonde de Herry et Samama. Avec La meute, les deux auteurs nous livrent une critique au vitriol de la ruralité.

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Un petit village est en émoi. D'un côté, deux adolescents ont fugué. De l'autre, un loup a été repéré. Ces deux faits divers vont s'entremêler. Dans le bourg, chaque habitant a son avis sur ces évènements. Et pour les jeunes en fuite, la forêt apparait comme l'ultime refuge face à une communauté toxique où chacun jalouse et déteste son voisin et ses proches.

L'œuvre est sinistre et on ne rit pas devant ce Clochemerle moderne. La souffrance imprègne chacune des familles qui recèle des blessures et des haines plus ou moins profondes. L'affection et le respect mutuel n'existent que dans le cœur des deux fugueurs. Et au final, Herry construit une subtile métaphore dans laquelle les habitants du villages sont les seuls loups de l'histoire alors que les animaux sauvages incarnent la pureté et le renouveau.
Dans un autre registre, Herry aborde le thème de la rumeur. Avec beaucoup de finesse, il met en scène sa propagation, ses échos, ses aliments et ses déjections. Je confie avoir été glacée par cette peinture sinistre de l'humanité.

Le dessin de Samama s'inscrit dans le courant expressionniste et elle use de l'acrylique comme le faisait Edvard Munch. Ses traits fins et variés brossent une prodigieuse galerie de décors et de personnages. L'œil est ravi même si le style peut surprendre. Et les couleurs rendent magnifiquement la successions des lieux et des saisons.

Je viens de lire - Page 28 Aa138 Je viens de lire - Page 28 Ab23

La BD a été sacrée par RTL comme BD du mois de février : https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/bande-dessinee-la-meute-de-cyril-herry-et-aude-samama-sacree-bd-rtl-du-mois-de-fevrier-7900239758. Il faut savoir qu'un réseau de libraires spécialisés se cachent derrière la marque RTL et que tous votent pour choisir un titre. Nous avons donc là un gage de qualité.

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Néanmoins, bien que reconnaissant les qualités de l'ouvrage, je l'ai trouvé trop noir. Et je n'aime pas Munch ! Mais un autre lecteur peut avoir un tout autre regard  Very Happy .

Entre EE et EEE.

Eléanore

696Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Lun 13 Mar - 10:46

Raymond

Raymond
Admin

Pour ma part, je ne suis pas très intéressé, même si le dessin me plait assez. Je ne suis pas certain de l'intérêt de cette histoire. Wink

Si je le trouve à la bibliothèque, je l'emprunterai, pour voir ?


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697Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Lun 13 Mar - 12:00

Raymond

Raymond
Admin

Pour ma part, je vais vous parler d'un auteur important, que l'on est peu à peu en train d'oublier. Il se nomme Carlos Gimenez et il a créé plusieurs chefs d'œuvre qui s'intitulent Paracuellos, Barrio, les Professionnels ou les Temps mauvais. Ces bandes dessinées mélangent habilement souvenirs d'enfance et humour caricatural et leur tonalité douce-amère a séduit un large public.

Carlos Gimenez a publié ces derniers mois un gros livre qui pourrait bien être testamentaire et qui s'intitule C'est aujourd'hui. Cette BD échappe à toute catégorie et pourrait être vue comme une simple réflexion sur la vie et la mort. On peut aussi simplement dire que c'est une "BD d'auteur". Elle est publiée pour une fois chez Futuropolis (Gimenez est plutôt un auteur de Fluide Glacial) et elle rassemble ses trois dernières BD qui ont été publiées en Espagne de 2016 à 2020.

Je viens de lire - Page 28 C_est_11

Le personnage principal de ce livre est un double fictif de l'auteur qui se nomme Oncle Pablo. Il a été présent dans de nombreuses BD semi-autobiographique (comme les Professionnels) de Gimenez et ce dernier le présente officiellement (dans sa préface) comme une copie de lui-même. Dans la BD, il nous apparait comme un grand bavard ventripotent et corrompu par la vie, mais aussi comme un homme lucide et pessimiste. Et quand il parle, c'est bien sûr Gimenez qui parle.

Je viens de lire - Page 28 C_est-11

Tout comme Gimenez, Oncle Pablo est parvenu au soir de sa vie et il pense continuellement à sa mort prochaine. Et c'est ainsi que face à ses amis, ou face à ses lecteurs, il énumère sans arrêt le bilan de son existence. Il bavarde et bavarde encore avec tout le monde, et c'est parfois un peu lassant, mais c'est aussi un impressionnant "au revoir" que Gimenez adresse à son public, et qui devient fatalement émouvant.

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La première partie de l'album est consacrée à un ami d'Oncle Pablo, nommé  Raúl, et l'intrigue se termine avec le suicide de ce dernier. Le récit est sinon une longue suite de bavardages entre Pablo et Raúl, qui ne trouvent leur sens qu'avec la conclusion dramatique de ce long chapitre.

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La deuxième partie reprend le scénario du "Christmas Carol" de Charles Dickens et l'Oncle Pablo y joue bien sûr le rôle d'Ebenezer Scrooge. Il n'a pas envie de passer la soirée de Noêl avec sa famille et il va se retrouver pendant la nuit suivante face à trois fantômes successifs, comme il se doit. L'idée n'est pas follement originale mais son utilisation dans la BD est assez réussie.

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La troisième partie raconte la mort d'Oncle Pablo lui-même. Le récit se présente comme une sorte de long delirium, pendant lequel le personnage revit et commente divers moments de son existence. On pense au début que la succession de ces événements est simplement onirique et c'est effectivement le cas, mais la dernière image nous ramène à la dure réalité. Et celle-ci est impitoyable.

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Il n'est pas fréquent qu'un auteur parle à son public de sa mort prochaine, en racontant malicieusement la mort de son personnage vedette, et cette œuvre sombre et pessimiste possède bien quelque chose d'unique. Il fallait oser !

Est-ce un chef d'œuvre ? Je n'arrive pas vraiment à le dire, même si l'ambition de l'œuvre et son récit impitoyable pourraient conduire à cette conclusion. C'est en tout cas une BD pas ordinaire et je me réfugierai derrière cette euphémisme. C'est aussi un livre qui n'est pas recommandé aux dépressifs car l'humour est vraiment très caché par de terribles constatations existentielles !

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Pour conclure, c'est une BD qui m'apparait aussi importante que terrifiante et j'imagine que beaucoup d'entre vous seront effrayés (ou simplement rebutés) par la trame impitoyable de cette histoire. Mais c'est aussi une vraie œuvre d'art, dans laquelle Gimenez se frotte à certains grands mystères de la vie, tout en disant élégamment adieu à son public.

Entre EEE et EEEE !


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698Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Jeu 16 Mar - 16:14

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour

Le réseau des libraires Canal BD ayant sélectionné The Nice House on the Lake pour le prix de la meilleure BD 2023, je me suis lancée dans sa lecture. Les auteurs, le scénariste James Tynion IV et le dessinateur Álvaro Martínez, travaillent dans l'univers des Comics et cela se voit  Smile . Après, nous avons là le premier volet d'un tryptique (?) et il conviendra d'évaluer la qualité des opus suivants.

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Une dizaine d'américains moyens sont conviés dans un lieu perdu du Wisconsin, pour un séjour de rêve, et à l'initiative de leur mystérieux ami commun, Walter. Le petit groupe vient à peine de s'installer dans une splendide maison sur les rives d'un petit lac que le monde autour d'eux s'effondre. Les réseaux et les chaines d'information s'arrêtent cependant qu'une mystérieuse maladie décime la population mondiale. Les vacances se transforment alors en un étrange huis-clos. Chacun des protagonistes raconte sa rencontre avec Walter et tous explorent les limites de leur prison dorée. Qui est vraiment Walter et quels secrets se cachent dans une maison voisine ?

Le titre de la BD, la belle maison du lac, et la splendide couverture font bien évidemment référence à la Maison sur la cascade, une célèbre construction de l'architecte Frank Lloyd Wright.

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L'immense contraste entre un lieu paradisiaque et la tragédie qui se déroule dans le monde extérieur crée une tension qui traverse toute la BD. Le suspens en devient plus prenant et plus angoissant. Progressivement, pas à pas, l'horreur extérieure à la maison rentre dans les murs. Walter se transforme imperceptiblement en un monstre et les blessures infligées à son visage révèlent une face chaotique, incertaine, variable.

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Chaque invité fait l'objet d'une belle caractérisation. La narration explore avec beaucoup de finesse et au "scalpel" tant la personnalité que le passé ou le physique des dix conviés. Il en résulte une micro-société où chacun interagit avec son voisin avec plus ou moins de bonheur. La manipulation et la dissimulation cohabitent ainsi avec l'entraide et la confiance. Le côté générique des personnages et leur capacité à représenter une frange plus ou moins importante de la société américaine sont décuplés par le choix de Walter de leur donner des pseudonymes : l'Autrice, l'Artiste, le Comique, l'Acupuncteur, la Comptable, etc.
Au final, nous avons un beau scénario de science-fiction, une histoire de fin du monde originale et pleine de puissance. La succession de retours en arrière rythme la narration et renforce l'arrière plan qui en acquière une belle crédibilité.
Le thème d'une sorte d'Arche de Noé protégeant ses habitants d'un monde qui s'effondre n'est pas nouveau. Par exemple, Stephen King l'a abordé dans son court roman Brume (https://fr.wikipedia.org/wiki/Brume_(nouvelle)). Et bien, on peut dire que James Tynion IV se révèle le digne émule du maître de Bangor  Very Happy

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Le graphisme est âpre, nerveux, tirant vers le fantastique. Les cadrages dynamiques et changeants déstabilisent quelque peu le lecteur et contribuent efficacement à une intrigue angoissante. La différenciation des personnages manque de précision et les héros se ressemblent un peu trop. Côté couleurs, le recours à des teintes vives et sans dégradé assied une ambiance rude. Des jeunes et des rouges criards renforcent le côté cauchemardesque de l'intrigue. On peut aussi noter la présence de planches quelques peu "spéciales", remplies avec des textes au format informatique, fac-similé d'impressions issues d'on ne sait quel logiciel.

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Au final, ce sera EEE. La qualité est là mais je trouve la BD étouffante et un chouïa complexe à lire du fait de la multiplicité des personnages et du verbiage du scénariste. Et puis les "thrillers" sur fond d'apocalypse ne constituent pas ma tasse de thé. Néanmoins force est de reconnaitre que le comics américain démontre ici sa capacité à se mettre au niveau de la BD franco-belge.
ActuaBD et Planète BD ont apprécié l'ouvrage : https://www.actuabd.com/The-Nice-House-on-the-Lake-T-1-Par-James-Tynion-IV-et-Alvaro-Martinez-Bueno et https://www.planetebd.com/comics/urban-comics/the-nice-house-on-the-lake/-/50450.html.

Après comme l'a si bien remarqué Raymond, je ne partage pas toujours l'avis de Planère BD Laughing

Eléanore

699Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Jeu 16 Mar - 18:20

Kimono


bédéphile pointu
bédéphile pointu

Brrr... Pas trop ma tasse de thé non plus, Eléanore ! Aaaah, mon adoré Frank Lloyd Wright, ce génie !
Cela rappelle ce vieux thème du monde soudain vide de tout être humain, sauf un, ou une. "Je suis une légende", "Seuls", "Labyrinth", et la coqueluche actuelle des djeun'z, "Last of Us". En général, le/la solitaire finit par trouver quelques autres, mais aussi plein de zombies tout pourris (et pourtant costauds Laughing ). Aperçu hier le premier tome de Dents d'Acier, sur ce thème mais cela paraît un peu plus intelligent. Il s'agit d'une ado ordinaire de 16 ou 17 ans, levée très tôt car elle porte un appareil de correction dentaire articulé, comme il arrive à cet âge, et elle n'en peut plus ! Justement aujourd'hui le dentiste va lui enlever l'engin ! Mais ses parents ne sont pas là. Ni les voisins, ni les journalistes des infos télé, ni les dentistes !! Bien dessiné et prenant.
Mais j'ai craqué pour autre chose : Swinging Liverpool, une "Aventure de Louise Petibouchon" par Jean Depelley et Eric Albert. Je ne connaissais pas du tout, mais j'ai été attiré par le côté rétro (1962 ?) et par l'héroïne, une policière brunette à cheveux courts ressemblant beaucoup à la Queue-de-Cerise du grand Tillieux. De fait, les dialogues caustiques, pleins d'ironie, évoquent tout à fait le maître, ainsi que l'aventure mi-polar mi-espionnage entre France et Angleterre. On aperçoit les débutants Beatles sur scène à Liverpool, pris à partie par un tueur ("Help" ! Razz ). Limoges est largement montrée et sponsorise peut-être nos auteurs, un peu comme Amiens le fait pour Dominique Zay et Greg Blondin (Les Enquêtes de Philippine Lomar, 5 albums).
Des albums sympathiques, de bonne tenue. Pour moi c'est EEE.

700Je viens de lire - Page 28 Empty Re: Je viens de lire Ven 17 Mar - 10:03

Raymond

Raymond
Admin

Merci de cette présentation très précise et très évocatrice ! pouce

Cette BD me laisse tout de même un peu dubitatif. Ce serait une sorte de remake des "Dix Petits Nègres", façon apocalypse + thriller, et je me demande s'il 'y en a pas un peu trop ? Où est l'humour d'Agatha Christie ? J'aime bien répéter que tout ce qui est excessif devient insignifiant et ce comic book pourrait être un bel exemple de cet adage.

Mais je n'ai pas lu et je n'ai pas vraiment le droit de juger. Je vais essayer de le feuilleter attentivement samedi prochain. Wink


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