Le grand Large est un roman graphique
de Jean Cremers.
Les parents
de Léonie ont une méthode d'éducation quelque peu rude. Ils embarquent
de force leur fille infirme, une prothèse remplace son bras absent, sur une barque et la propulse sur l'océan en plein milieu d'une tempête ! Sac sur le dos, Léonie se retrouve au milieu
de nulle part. Elle doit faire face aux navigateurs imprudents et aux gros navires qui manquent
de chavirer son petit esquif. Mais la solitude
de notre héroïne ne dure qu'un temps et elle sauve Balthazar, un adolescent, muet
de naissance, dont le canoë prend l’eau
de toutes parts. Bientôt le couple débarque sur une île artificielle formée
de tous les débris et carcasses
de bateaux où il fait la connaissance d'Agathe, une vielle dame, dynamique et quelque peu agreste, qui a décidé
de vivre sur l'eau. Mais rapidement, des pirates tentent
de s'emparer des maigres richesses
de la petite compagnie. Il faut fuir. Agathe est-elle d'ailleurs ce qu'elle affirme être car elle bien proche des boucaniers...
Au premier abord, le scénario raconte une aventure maritime. Mais, mais, une toute autre lecture, bien plus riche et bien plus belle, peut être faite. L'océan est tout simplement une métaphore
de la vie. Aussi les péripéties et les rencontres
de Léonie nous plongent dans un roman initiatique. La jeune fille va ainsi découvrir la séparation, l'autonomie, l'amitié, la solidarité, la débrouillardise, le mensonge, les blessures etc. Balthazar incarne le petit frère idéal et Agathe la grand-mère rêvée. Chaque rencontre sur l'océan nourrit l'éducation
de notre héroïne confirmant l'étrange choix initial des parents. L'immensité des flots constitue paradoxalement un huis-clos où chaque personnage se confronte à lui-même et aux autres.
Sur le fond, la navigation sur l'eau constitue un brillant et subtil trope
de l'adolescence. Et la conclusion optimiste traduit ni plus ni moins que l'arrivée dans l'âge adulte.
Et quels beaux protagonistes ! Leur générosité, leur colère, leur intelligence, leur bonté font plaisir à voir. Clairement, Cremers maîtrise parfaitement cet aspect du scénario.
Un graphisme sans surprise et sage illustre parfaitement le récit. Côté couleur, et sans surprise, un bleu puissant et omniprésent nous accompagne d'un bout à l'autre
de l'aventure.
Les libraires du réseau Canal BD partagent mon avis sur cette œuvre qu'ils ont sélectionnée dans les deux gros plans
de Canal BD magazine n°153 daté
de février mars 2024.
J'ai apprécié cet ouvrage humaniste et très positif. Entre
EEE et
EEEE.
Eléanore