L'OMBRE DE SARAPIS
Trente et unième aventure d'Alix
Le résumé
Un groupe de truands massacre les habitants d'un petit village de pêcheurs dans le delta du Nil. Quelques jours plus tard, à Rome, Alix apprend que Césarion, le fils que César avait eu de Cléopâtre, a disparu d'Alexandrie. César charge Alix d'enquêter à ce sujet ; il part avec Enak pour l'Egypte, mais dès le port d'Ostie, puis sur le bateau, ils sont confrontés à des espions et des tueurs, auxquels ils parviennent à échapper. Arrivés en Egypte, ils sont intrigués par l'attitude étrange de Cléopâtre et du grand prêtre de Sarapis, Nefrerou...
Où cela se passe-t-il ?
A part le prologue dans le delta du Nil, puis des passages rapides à Rome, à Ostie et sur un bateau, l'essentiel de l'aventure se déroule à Alexandrie et dans ses environs immédiats.
Quand cela se passe-t-il ?
En septembre -46.
Cléopâtre dit à Alix ( page 47 ) qu'elle va se rendre à Rome pour assister au prochain triomphe de César, de retour d'Espagne, que l'on voit revenu au début du récit à cette date. En fait, celui-ci bénéficia de quatre triomphes successifs, mais rien ne dit qu'elle fut présente aux quatre. L'un de ces triomphes fut celui en l'honneur de sa conquête des Gaules au cours duquel fut exhibé Vercingétorix qui fut exécuté peu après ; un autre était en l'honneur de sa victoire en Egypte en -48/-47, et là c'était Arsinoé, la jeune soeur de Cléopâtre, qui fit de la figuration en tant que captive pour s'être alliée à leur frère Ptolémée XIII dont la noyade mit un terme au conflit.
César était revenu de ses combats contre les pompéiens en Afrique du nord, où il avait remporté notamment la bataille de Thapsus ( cf. mon commentaire de « L'Ibère » ). S'il rencontre Alix dès son retour, et si celui-ci part immédiatement pour l'Egypte, cette histoire se déroule donc en septembre -46, ce qui laisse ensuite le temps à Cléopâtre de se rendre à Rome. Elle ne quittera cette ville qu'en avril -44, avec cependant un entracte égyptien en -45.
Dans ma chronologie, cet album prend place entre « L'empereur de Chine » ( -47/-46, à condition de ne pas tenir compte de la durée réelle du voyage en Chine ) et « Le testament de César » ( fin -46/début -45 ).
Le contexte historique : César, Cléopâtre et quelques autres
César en Egypte ( -48 )
Dans l'album paru juste avant celui-ci, « La conjuration de Baal », nous avions laissé Pompée galopant vers la Grèce pour se mettre à l'abri des troupes de César qui lui filaient le train ; c'était en mars -49. Finalement, César laisse Pompée tranquille pour un temps, il s'occupe essentiellement des affaires de Rome et de l'Italie, va néanmoins en Espagne régler quelques comptes avec d'autres pompéiens, assiège au passage les Massaliotes, c'est à dire les Marseillais, alliés de Pompée et qui n'en faisaient qu'à leur tête, ce qui lui prend la fin de l'année -49 et le début de -48. Après quoi il rejoint son vieil ennemi dans la plaine de Pharsale, en Thessalie. Le 9 août -48, Pompée perd ses dernières illusions en même temps que ses légions et s'enfuit en Egypte.
Signalons au passage que César, au cours de cette bataille de Pharsale, avait trouvé un moyen ingénieux, à défaut d'être original, pour désorganiser les troupes de son adversaire. Il forma de petits commandos ayant pour mission de rechercher les jeunes officiers accompagnant Pompée et de les frapper au visage. Pour éviter d'être défigurés, ces braves garçons s'enfuirent, abandonnant leurs soldats qui se trouvèrent privés de commandements, ce qui facilita la victoire des césariens.
Pompée aurait pu faire un meilleur choix que l'Egypte. Il avait longuement et victorieusement combattu en Orient au cours des années précédentes, il était fasciné par cette région et aurait bien voulu y poursuivre son glorieux destin. Il avait entretenu de bonnes relations avec les souverains lagides, cette dynastie macédonienne qui régnait sur l'Egypte depuis la mort d'Alexandre le Grand et il espérait être bien reçu par le jeune Ptolémée XIII. Mais celui-ci, ou plutôt ses conseillers, le général Achillas, le rhéteur Théodote de Chios et l'eunuque Pothin, avaient cru comprendre que César était l'homme de l'avenir et qu'il valait mieux être de son côté, d'autant plus qu'il arrivait aux trousses de Pompée avec une petite armée. Pompée s'en trouva promptement et proprement trucidé et sa tête envoyée à César.
L'effet ne fut pas celui sur lequel les Egyptiens avaient escompté : César fut fort attristé par le cadeau ( peut-être aurait-il fait grâce au grand homme déchu ), mais surtout encouragé à se mêler des affaires égyptiennes, puisqu'il était arrivé sur place. Il ne se doutait pas dans quel panier de crabes il mettait les pieds, n'étant pas le premier, ni le dernier, à venir dans l'Orient compliqué avec des idées simples.
L'Egypte, ses rois, ses reines, ses dieux, etc.
Ce n'était pas une sinécure que d'appartenir à la dynastie des Lagides. Du premier au quinzième et dernier, tous les rois se sont nommés Ptolémée, comme le fondateur, avec des surnoms divers, tandis que les princesses se partageaient quatre noms : Arsinoé, Bérénice, Cléopâtre et Séléné. Les choses se passèrent bien avec les trois premiers Ptolémée et commencèrent à se gâter avec le quatrième qui massacra une partie de sa famille pour conforter sa place ( voir mon analyse du « Démon du Pharos » ).
Le souverain actuel, Ptolémée XIII, est un tout jeune garçon qui règne avec sa soeur aînée, également son épouse, Cléopâtre VII. En effet, tout macédoniens qu'ils soient, les Lagides onr adopté les habitudes des pharaons égyptiens qui les avaient précédés, et qui, pour maintenir la dynastie dans la même lignée, épousaient leur soeur, ce qui ne les empêchait pas d'avoir de nombreuses concubines, macédoniennes ou égyptiennes, et d'autant plus d'enfants...
Entre les rois macédoniens et les hauts dignitaires de même origine d'une part, et les nobles égyptiens d'autre part, il n'y avait pas d'unions exogamiques, tout au plus le pharaon pouvait-il avoir des concubines égyptiennes ; cela s'expliquait par le souci de ne pas privilégier une noble famille égyptienne plutôt qu'une autre et lui donner une importance qui aurait pu faire de l'ombre aux macédoniens et aux autres Grecs. Les Lagides avaient conservé la quasi totalité de l'administration de l'Egypte pharaonique, faute d'être assez nombreux pour contrôler eux-mêmes l'ensemble du pays, tout comme l'avaient fait avant eux les conquérants perses qu'ils avaient chassés. Les dignitaires égyptiens acceptaient cette situation pour conserver leurs privilèges et continuaient à gouverner le pays comme ils l'avaient fait depuis des siècles, l'important n'étant pas la nationalité de celui qui gouvernait, mais qu'il soit le représentant des dieux et l'intercesseur entre eux et le peuple. Il n'y avait vraiment que des mauvais coucheurs comme les Menkharâ pour ne pas accepter l'état de fait.
Les unions mixtes étaient plus nombreuses dans le petit peuple, même si elles n'étaient pas toujours considérées favorablement, chaque ethnie vivant en Egypte ayant tendance à rester entre soi : ainsi, à Alexandrie, Egyptiens, Grecs, Juifs, etc. habitaient leurs quartiers et ne se mélangeaient pas.
Cléopâtre, telle qu'en elle-même
Son nom signifie : la gloire de son père ; le nom masculin signifiant la même chose est : Patrocle.
Si Ptolémée XIII avait bien deux parents d'origine macédonienne, on ne sait pas avec certitude qui était la mère de Cléopâtre VII. Certains macédoniens la traitaient de bâtarde, prétendant que sa mère était l'une des concubines égyptiennes de Ptolémée XII. Toutefois, c'est peu probable : dans ce cas, elle n'aurait pas été appelée à régner avec son frère ou demi-frère. Il est probable que sa mère était macédonienne, même si elle n'était pas la soeur de Ptolémée XII.
Le physique de Cléopâtre a beaucoup inspiré les auteurs, artistes et commentateurs de toutes les époques et pas seulement Blaise Pascal qui, il est vrai, ne s'intéressa qu'à son nez ( on se demande bien pourquoi ). Pour rendre justice à notre reine, il faut éviter de se la représenter sous les traits de Liz Taylor. Le buste de Cherchell ( musée de Berlin ) a été réalisé longtemps après sa mort et représenterait plutôt sa fille Séléné, épouse du roi Juba II de Maurétanie, et qui est l'héroïne du beau roman de Françoise Chandernagor : « Les enfants d'Alexandrie ».
Les pièces de monnaie contemporaines de Cléopâtre VII donnent l'image d'une femme au visage assez massif et au nez proéminent ; quant à sa taille et à sa corpulence, c'est l'inconnu. Cela n'empêchait pas cette forte personnalité incontestable d'avoir du charme et de la séduction, aidée en cela par une voix plaisante et une vaste culture. Elle aurait parlé plusieurs langues et en particulier l'égyptien, la langue de son peuple qu'aucun autre souverain lagide ne s'était donné la peine d'apprendre avant elle ; on lui attribue aussi l'écriture de plusieurs ouvrages, mais probablement apocryphes.
L'incertitude sur son ascendance maternelle est sans doute la cause – ou le résultat – de son conflit politique avec Ptolémée XIII, envenimé par Achillas, Théodote et Pothin, qui veulent ainsi s'assurer le contrôle du jeune roi sans que son épouse, plus âgée et plus avisée, puisse intervenir. Menacée d'être mise à l'écart, ou pire ( l'assassinat familial était devenu une tradition chez les Lagides ), Cléopâtre s'enfuit en Syrie, mais finit par rentrer prudemment à Alexandrie, un peu avant que César s'y présente lui-même.
Alexandrie
Cette cité cosmopolite est « une ville grecque en Egypte » et non pas une ville égyptienne. Edifiée selon un plan orthogonal hellénistique, elle compte alors environ 500 000 habitants, ce qui en fait la deuxième agglomération du bassin méditerranéen, après Rome, et avant Antioche et Athènes. Sa population est d'origines très diverses ; les Grecs et les Macédoniens vivent près des ports, au nord, les Egyptiens au sud, près du lac Maréotis, dans le quartier de Rakhotis ( le « chantier » ), car beaucoup sont les descendants des ouvriers locaux qui ont construit la ville, 200 ans plus tôt ; il y a aussi une importante communauté juive, d'environ 150 000 personnes, et des représentants plus ou moins nombreux d'autres peuples voisins : Libyens, Syriens, Arabes, Nubiens, etc.
Mais cette grande ville administrative et commerçante ne doit pas faire illusion ; l'autorité du roi ne s'étend guère au delà de ses murs ; dans les provinces éloignées, les nomes, le pouvoir reste aux mains de l'aristocratie locale, contrôlée par les représentants macédoniens des souverains. Pour le peuple, cela ne change pas grand chose : la vie n'a pas changé depuis des siècles, le pharaon est le prêtre suprême des dieux égyptiens, et peu importe sa nationalité pourvu qu'il intercède auprès d'eux, notamment pour que la crue nourricière du Nil ait bien lieu à la date prévue. ( Voir aussi mon analyse du « Sphinx d'or ». )
Sarapis, ou comment fabriquer un dieu
Parmi ces dieux, Sarapis ( ou Sérapis, voir aussi mon analyse du « Démon du Pharos » ) est un dieu syncrétique, c'est à dire qu'il reprend des caractères de plusieurs autres divinités, grecques ou égyptiennes, trait particulier de la civilisation hellénistique, puis gréco-romaine. L'identification des divinités orientales avec celles du panthéon grec s'opére sans difficulté et les cultes deviennent multiformes, les rites variés, et les noms d'une même divinité se diversifient.
C'est ainsi que Sarapis corrspond à l'assemblage des deux divinités Osiris et Apis, représenté sous la forme de Hadès ( le Pluton grec, y compris le chien Cerbère ) et associé avec Isis. Il serait une création de Ptolémée 1er, désireux d'unir les deux communautés, hellénique et égyptienne, dans le culte d'un même dieu dynastique, et sa première statue serait venue d'Asie mineure. Son temple d'Alexandrie, le Sérapéum, fut édifié par Ptolémée IV sur l'emplacement d'un précédent sanctuaire, dans le quartier de Rakhotis, au sud-ouest de la ville.
C'est un dieu guérisseur, protecteur du monde agricole et de la richesse. Par la suite, il se rapprochera de Zeus et sera lié au culte impérial romain à partir d'Hadrien. Le temple d'Alexandrie sera détruit en 391 de notre ére par les chrétiens.
César et Cléopâtre
Le décor étant planté et les principaux personnages en place, revenons à nos deux héros.
Voici donc César à Alexandrie, reçu par Ptolémée XIII pour lequel il n'éprouve que fort peu de considération, l'assassinat de Pompée n'arrangeant rien à ce sujet, au contraire de ce qu'espérait le pharaon. A ce moment, César a plusieurs objectifs. D'abord garantir l'approvisionnement de Rome en blé égyptien, l'Egypte étant depuis des siècles le fournisseur attitré en grain de tous les autres pays riverains de « Mare Nostrum ». Ensuite récupérer l'argent prêté par Rome à ce panier percé de Ptolémée XII Aulète, le père des actuels souverains, ce qui vaut d'ailleurs aux finances de son pays d'être gérées par un banquier romain.
Les discusions s'avèrent laborieuses, et ce n'est pas l'arrivée de Cléopâtre, avec ou sans son tapis, qui arrange les choses. Néanmoins, César parvient à obtenir du couple royal un accord de façade, que Ptolémée XIII avait d'autant moins l'intention de respecter qu'il disposait de toute l'armée égyptienne contre les 7 000 légionnaires qui accompagnaient César.
Que cherchait à faire exactement César ? Depuis longtemps Pompée s'intéressait à l'Egypte, probablement dans l'intention d'annexer le dernier royaume indépendant du monde méditerranéen, et César, désormais seul maître de la politique romaine, ne devait pas manquer d'être dans les mêmes dispositions.
Mais il voyait plus clair que Pompée, bon général, médiocre politique. Une annexion pure et simple n'aurait pas manqué d'apporter des inconvénients considérables en impliquant la présence en Egypte d'un gouverneur romain et de troupes à sa dévotion ; si un tel personnage dévoré d'ambition se sentait pousser des ailes, il pouvait affamer la République et la mettre en danger. Ce sera d'ailleurs la raison pour laquelle, plus tard, Auguste interdira aux Sénateurs de se rendre en Egypte et la fera gouverner par des préfets de rang équestre.
Une alliance avec une dynastie discréditée mais encore autonome était donc une solution plus sûre dans l'immédiat. A son départ, César laissera derrière lui, outre le banquier ministre des finances, quatre légions commandées par un légat de classe équestre pour contrôler militairement le pays. Ce n'était de son point de vue qu'une solution provisoire et on sait ce qu'Octave en fera plus tard.
En attendant, le pharaon et ses conseillers prennent très mal les initiatives de César et ils complotent contre lui plus ou moins ouvertement. On tente d'abord de l'empoisonner au cours d'un banquet auquel il assiste en compagnie du couple royal, puis, à la suite d'émeutes du peuple alexandrin, il est assiégé dans le palais royal pendant l'hiver -48/-47. Un prince ami, Mithridate de Pergame, vient le sortir de cette fâcheuse position grâce à une solide armée principalement composée de mercenaires juifs. Pendant les combats, Ptolémée XIII, en fuite, se noie dans le Nil.
C'est pendant cette période troublée que César s'éprend de Cléopâtre, qui ne demandait qu'à se laisser séduire pour conforter sa position. Une fois libérés, les tourtereaux s'en vont deux mois en croisière sur le Nil, dans une ambiance rafinée. Le repos du guerrier pour César, mais aussi une occasion de faire une enquête approfondie sur l'état du pays.
Les meilleures choses ont une fin : en juin -47, il doit quitter l'Egypte et Cléopâtre pour aller donner une leçon au roi du Pont, Pharnace, en révolte contre Rome, qu'il bat en Asie mineure, à Zéla ( aujourd'hui : Zilé ), le 1er août -47. Veni, vidi, vici, et il rentre à Rome pour s'occuper à nouveau des pompéiens, qu'il va vaincre à leur tour à Thapsus ( aujourd'hui en Tunisie ) le 6 avril -46. Il repart pour Rome le 28 juillet et y revient en septembre.
« L'ombre de Sarapis » se situe à ce moment.
De nouveau à Rome, César célèbre quatre triomphes dont celui en l'honneur de sa conquête des Gaules au cours duquel Vercingétorix fut exhibé puis exécuté ; un autre, en présence de Cléopâtre, invitée à cet effet, vit figurer en tant que captive sa soeur cadette Arsinoé qui s'était fait imprudemment reconnaître comme reine par Ptolémée XIII avant la mort de celui-ci. Contrairement au Gaulois, Arsinoé ne fut pas exécutée, mais exilée à Ephèse ; quelques années plus tard, Antoine la fera liquider sur la demande de Cléopâtre qui se débarrassa ainsi du dernier membre de sa fratrie. A la fin de -46, César repart en Espagne combattre les pompéiens qu'il vainc, cette fois définitivement, à Munda ( mars -45 ).
Cléopâtre à Rome
Cléopâtre, qui a épousé un autre frère cadet, Ptolémée XIV, en tant que souverain nominal, est devenue la souveraine réelle de l'Egypte sous un protectorat romain officieux. Elle restera néanmoins à Rome de septembre -46 à avril -44, sauf un bref séjour en Egypte au milieu de l'année -45, et habitera dans la villa de César, au Trastevere. Pendant son absence, le légat de César gouvernera le pays à sa place.
Pour la morale romaine, Cléopâtre, toute maîtresse de César et reine d'origine macédonienne qu'elle soit, n'est rien d'autre qu'une souveraine égyptienne, donc barbare, à peine mieux qu'une esclave et quasiment une prostituée, puisqu'elle a été conquise en même temps que l'Egypte. Il faut se souvenir qu'à cette époque, à Rome comme en Grèce, les femmes n'avaient aucun droit civique et ne pouvaient participer à un gouvernement ( ce qui ne les empêchait pas d'inspirer parfois les gouvernants, telles Aspasie, Livie, Agrippine... ). A l'instar de Cicéron, le peuple romain la déteste ( on ne connaît pas l'avis de l'épouse de César ), bien que César ait fait ériger dans le temple de Venus Genetrix une belle statue en or de Cléopâtre, qu'Octave conservera et qu'on verra encore au II° siècle. Aussi, rien d'étonnant qu'après la mort de César, en mars -44, elle n'attendit qu'un mois pour reprendre le chemin de l'Egypte, qu'elle atteignit en juillet -44 après une escale en Grèce.
Voir l'article suivant sur la naissance de Césarion
Si la mort de César a surpris Cléopâtre, ce fut aussi pour elle une occasion inespérée de ne plus l'avoir comme obstacle à la restauration de la puissance dynastique lagide à laquelle elle aspirait. En revanche, on peut douter que César ait eu l'intention de fonder une dynastie romano-égyptienne.
De retour à Alexandrie, Cléopâtre élimine Ptolémée XIV dont elle n'a plus besoin : son fils Ptolémée XV Césarion devient le souverain officiel jusqu'à leur disparition à tous deux en -30. Elle renvoie aussi les légions romaines en poste dans le pays qui s'étaient livrées à quelques pillages en son absence.
La suite des évènements : la reprise en main de l'Egypte par Cléopâtre, sa participation à la poursuite des assassins de César, sa rencontre avec Marc Antoine et leur conflit fatal avec Octave est, pour l'instant, en dehors de notre sujet.
La naissance de Césarion : une fausse énigme historique ?
Une datation apparemment certaine ?
Selon Plutarque, au moment du départ d'Egypte de César ( juin -47 ), Cléopâtre donne naissance à un fils dont elle attribue la paternité à l'imperator. L'enfant est appelé Ptolémée, mais il passera à la postérité sous le diminutif de Kaisarion ( « petit César » ), donné par les Alexandrins.
Une stèle démotique mentionnant un « Pharaon César », découverte au Sérapéum ( temple de Sérapis ) de Memphis, aujourd'hui au Louvre, donnerait la date de naissance du prince : 23 juin de l'an 5, soit -47 si cet an 5 est celui du règne de Cléopâtre VII. Il n'est pas certain qu'il s'agisse de Césarion, qui est normalement nommé à la fois Ptolémée et César ( cf. la stèle de Coptos, au British Museum ). En fait, si le nom de Ptolémée n'est pas mentionné, c'est parce que cette inscription ne désigne pas un Ptolémée, mais uniquement un « César », c'est à dire un empereur romain tenant le rôle de Pharaon, la stèle se référant à l'anniversaire de celui-ci. Quant à la date, elle correspond aussi à une importante fête célébrée en l'honneur de la déesse Isis. On ne peut donc rien en tirer de probant en ce qui concerne la date de naissance de Césarion, ni de quelque prince que ce soit.
Selon ses intérêts du moment, Cléopâtre proclamera la filiation césarienne de son fils ou au contraire l'oubliera soigneusement.
Les auteurs de l'antiquité ne sont pas d'accord sur celle-ci, tandis que les historiens d'aujourd'hui restent circonspects.
Une hypothèse controversée
En 1958, l'historien Jérôme Carcopino lance le débat, qui n'est pas encore clos, sur la naissance de Césarion et la paternité de César. La stèle du Louvre n'étant pas une preuve, il conclut que l'enfant était né, non en -47, mais en avril -44, après l'assassinat de César. Cette dernière date exclut César comme géniteur puisqu'il était encore en campagne en Espagne au cours de l'été -45, et qu'il n'est rentré à Rome qu'en septembre -45 ( à moins qu'il se soit précipité pour revoir Cléopâtre ou que celle-ci ait accouché prématurément, mais c'est peu probable également ).
J. Carcopino propose comme véritable père de Césarion : Marc Antoine, qui, lui, était présent à Rome pendant cette période. Il s'appuyait notamment sur le fait, très incertain, qu'Antoine aurait déjà rencontré Cléopâtre lors de son expédition en Egypte de -55 pour remettre sur son trône usurpé par sa fille Bérénice le Pharaon Ptolémée XII Aulète, et qu'il était désireux de renouer des relations avec elle. Mais en -55, Cléopâtre n'avait que 14 ans et il est peu probable qu'Antoine, qui avait autre chose à faire, ait eu le temps et l'occasion de porter les yeux sur elle.
L'hypothèse très romanesque de J. Carcopino vient d'un passage assez obscur d'une lettre de Cicéron datée du 11 mai -44 : « A propos de la reine, je voudrais bien que ce soit vrai et à propos aussi de ce fameux César ». Il s'agirait d'une référence à la naissance du prince vers le 20 avril -44, à moins qu'il s'agisse de la rumeur d'une fausse couche. Le passage pourrait aussi faire allusion au bruit d'un naufrage de la reine qui venait de quitter Rome pour rentrer à Alexandrie : Cicéron serait heureux d'obtenir la confirmation de sa mort ainsi que de celle de son fils. Il n'est pas plus explicite, car le destinataire de la lettre, Atticus, sait de quoi il parle.
Faire confiance à Plutarque ?
Quoi qu'il en soit, le texte de Plutarque ( qui écrivait plus d'un siècle après les faits, mais dont les sources sont généralement fiables ) est clair et ne permet pas de remettre facilement en cause la date de -47. Césarion, dit-il, est né après le départ de César d'Egypte, soit vers la fin du printemps ou au début de l'été -47. Il précise que César laissa Cléopâtre enceinte lors de son départ vers la Syrie, après l'avoir rétablie sur son trône. Et Plutarque ajoute, cette fois dans la « Vie d'Antoine », que Césarion était considéré comme le fils de César. Suétone affirme de son côté : « César accepta que le fils qui lui était né porte son nom », ce qui exclut une naissance posthume comme le suppose J. Carcopino, sur la foi de Cicéron.
En effet, on ne voit pas pourquoi Cléopâtre aurait pris le rique d'avoir un enfant d'un autre que César, et ce, au vu et au su de tous, y compris, bien entendu, de César lui-même. Une telle liberté de la part de Cléopâtre et d'Antoine ne cadre pas avec les intérêtes politiques de la reine : si elle affirme que son fils a César pour père, encore faut-il qu'il puisse apparaître comme tel, ce qui exclut un enfant né en -44.
Surtout, il était politiquement avantageux pour Cléopâtre de donner naissance au plus vite à un fils de César. Elle avait intérêt à faire tout son possible pour être enceinte dès le début de sa liaison avec lui, soit dès septembre -48. Césarion a dû être conçu durant le siège du palais, au cours de la guerre d'Alexandrie, avec une naissance en mai ou juin -47, qui officialisait l'union de la reine et de l'imperator. Elle n'a donc pas attribué la paternité de son fils à Ptolémée XIII, selon les coutumes dynastiques, mais elle devient la mère de celui qui pourra un jour se proclamer l'héritier de César. Elle part avec son fils pour l'Italie en -46, car c'est là que se joue son avenir politique, et quitte Rome avec lui peu de temps après la mort de César.
Et après ?
Par la suite, la propagande efficace d'Octave fera tout pour discréditer ce rival potentiel : aucune mention n'est faite dans le testament de César de Cléopâtre ou de Césarion, il n'est question que d'Octave. César aurait-il modifié ce testament rédigé en -46 s'il avait vécu ?
Dès -43, Cléopâtre partage la royauté avec cet enfant devenu Ptolémée XV ( Ptolémée XIV, son deuxième frère-époux, étant opportunément décédé au préalable ). Les textes grecs et égyptiens vont donc désormais citer « Ptolémée César », appelé à succéder à Cléopâtre sur le trône d'Egypte.
Treize ans plus tard, quand Cléopâtre et Antoine se marient officiellement, ils partagent leur empire d'Orient entre leurs trois enfants communs : Alexandre, Séléné et Ptolémée, tandis que Césarion, futur roi d'Egypte, est présenté comme le fils de César, érigé ainsi en père fondateur d'une dynastie romano-égyptienne.
Antoine devenait ainsi le successeur de César dans l'Empire, Rome comprise, par Cléopâtre interposée. On comprend dès lors l'inquiétude d'Octave : son adoption par César avait été une divine surprise et voilà qu'au lieu d'être le fils unique, il se voit confronté à un petit frère et à une dynastie ptolémo-césarienne, c'est à dire gréco-romaine, synthèse historique entre l'Occident et l'Orient, entre César et Alexandre ( le Grand ) !
Cette paternité César-Césarion proclamée avait trois avantages : elle déclassait Octave, simple enfant adopté, elle lui ôtait l'exclusivité de la prestigieuse filiation et elle permettait de perpétuer une tige julienne directe. Octave n'était pas décidé à se laisser faire !
Après la victoire d'Octave sur Antoine et Cléopâtre à Actium et la disparition de ces derniers, Césarion s'enfuit vers l'Ethiopie d'où il espérait gagner l'Inde, en s'étant muni « de grandes richesses ». mais il fut trahi par son précepteur Rhodôs qui le persuada qu'il n'aurait rien à craindre en rentrant à Alexandrie et en se livrant à Octave. Celui-ci réunit ses conseillers pour délibérer sur son sort. L'un d'eux, le philosophe alexandrin Arios pasticha un vers de l'Iliade : « Pluralité de chefs ne vaut rien, qu'il n'y en ait qu'un ! » Ce qui devint : « Pluralité de Césars ne vaut rien ! »
Octave était bien d'accord là-dessus et fit périr Ptolémée XV Césarion.
Comment est racontée l'histoire ?
Plus qu'un récit d'aventures à grand spectacle comme Alix en a déjà connus à ses débuts, il s'agit encore cette fois d'une histoire de mystère et de suspense qui se déroule presque exclusivement dans le cadre urbain d'Alexandrie. Cela devient fréquent : les villes et leurs monuments seraient-elles des décors plus gratifiants pour les dessinateurs que les grands espaces ?
Déjà, la couverture intrigue avec son étonnante et inhabituelle composition : le premier plan est occupé par une énorme colonne égyptienne et la tête d'une statue non moins imposante du dieu Sarapis, reconnaissable à sa curieuse coiffure cylindrique, le khâlatos, tandis que les deux personnages présents, Alix, de dos, et Cléopâtre, de face, discutent avec animation, semble-t-il. Ils ne paraissent pas d'accord, ni même en confiance, et la lecture de l'ouvrage confirmera cette impression. La pièce où ils se trouvent est une terrasse appartenant à l'un des palais royaux qui se trouvent au nord-est de la ville, comme on peut en juger par rapport au phare, et qui la domine de très haut. En toile de fond, la ville, le port, la phare, et, à gauche, le port artificiel carré du Kibôtos ( la « boîte » ). Le lecteur croit surprendre la conversation des personnages en se cachant derière des éléments d'architecture : il fait « le curieux ».
On remarque aussi que, pour la première fois depuis longtemps, le bandeau du titre n'est plus blanc mais coloré en jaune pâle.
Ouvrons l'album : sur les pages de garde, on est revenu à l'ancienne frise ( c'était déjà le cas avec l'album précédent, « La conjuration de Baal », mais j'avais omis de le signaler ). Pourquoi ? La nouvelle frise ne plaisait plus ?
L'histoire s'ouvre sur deux séquences, le massacre du village égyptien et la mission confiée par César à Alix, qui n'ont d'autre lien entre elles, en apparence, que l'existence d'un enfant, mais on s'imagine mal Césarion vivant dans un village de pêcheurs ; la réponse ne viendra que beaucoup plus tard.
Puis Alix s'en va accomplir sa mission tandis que les pièges se multiplient sous ses pas, le moindre n'étant pas le sentiment qui le lie à Cléopâtre et au sujet duquel on peut s'interoger sur la sincérité. Cela n'empêche pas la reine de faire preuve à son égard d'une duplicité qu'elle partage avec Nefrerou, deux complices obligés qui se haïssent et qui, complot dans le complot, envisagent froidement de se débarrasser l'un de l'autre.
De quel complot s'agit-il ? S'il n'est pas explicité clairement dans le corps du récit, on peut sans trop de difficulté le reconstituer à partir des éléments donnés ci-dessus dans « Le contexte historique ». On a vu que, bien que pays théoriquement indépendant, L'Egypte était alors sous une double tutelle romaine : tutelle militaire avec les légions laissées par César et dont les officiers gouvernaient de fait le pays, tutelle financière dans le but de récupérer l'argent prêté à Ptolémée XII et gaspillé par lui. L'un des moyens était de fournir à Rome le blé nouricier ainsi que d'autres denrées de valeur. Ce contrôle étroit et cette mise en coupe réglée ne pouvaient satisfaire la souveraine et les plus « nationalistes » ( expression inconnue à l'époque mais qui traduit bien un état d'esprit ) des grands aristocrates, dont Nefrerou.
Cléopâtre et Nefrerou ne pouvaient prévoir que César serait mort moins de deux ans plus tard. L'homme était actif, vigoureux et en bonne santé. Son lien avec la reine était leur fils dont il pouvait se réclamer pour revendiquer la souveraineté sur l'Egypte, au besoin en faisant disparaître la mère.
Le but du complot de Nefrerou, associé ou non à Cléopâtre pour des raisons pratiques, est de supprimer ce lien familial entre le dictateur romain et l'héritier du trône égyptien sans que ce dernier en pâtisse. D'où cette incroyable manipulation consistant à le retrouver mort après un enlèvement et à le faire ressuciter par Sarapis, dieu guérisseur reprenant les attributions d'Osiris, dieu égyptien traditionnel, mort et ressucité. De cette manière, l'enfant n'était plus celui de son géniteur humain, mais celui du dieu qui lui avait rendu la vie : il n'avait plus rien à voir avec Rome, devenait entièrement égyptien, et pouvait être le souverain en titre, avec ou sans sa mère, mais avec forcément un tuteur qui aurait pu être Nefrerou.
En procédant à cette cérémonie secrète devant des affidés soigneusement choisis et tout acquis à sa thèse qui n'hésiteraient pas à proclamer la réalité du miracle, Nefrerou s'assurait un avantage incontestable, tant sur César et Rome que sur Cléopâtre. Mais il a voulu trop bien faire en exhibant un enfant mort qui n'était évidemment pas Césarion et qui ne trompa ni sa mère, ni sa dame de compagnie. Et voilà comment on se fait piéger en voulant approcher la perfection de trop près. Pendant ce temps-là, Alix avance, lentement mais sûrement, vers la vérité.
Telle est mon interprétation de cette histoire, sans vouloir préjuger des intentions du scénariste.
Logiquement, le scénario de François Corteggiani souligne les efforts de notre héros tout en essayant de maintenir le mystère régnant sur cette affaire qui se dévoile peu à peu en même temps qu'évoluent les réactions des protagonistes. C'est du beau travail, retors à souhait, même si quelques pages supplémentaires n'auraient pas été de trop pour développer cette histoire complexe.
Saluons le remarquable dessin de Marco Venanzi et Mathieu Barthélémy. Leur Egypte est très bien représentée, avec des monuments somptueux, ce qui témoigne d'un excellent travail de documentation. Les personnages sont parmi les plus vivants et les plus expressifs qu'on ait vu depuis longtemps. On notera l'utilisation, oubliée depuis un certain temps, de petites cases qui permettent de densifier l'action. Une palette de couleurs agréables complète harmonieusement l'album. Espérons qu'on retrouvera cette équipe dans un prochain ouvrage.
Les personnages
Alix : toujours prêt pour une mission, même dangereuse, encore que là, le danger vient d'où il ne le soupçonnait pas : la reine en personne. Il semble avoir du mal à y croire : des souvenirs sentimentaux remontent-ils à la surface ? S'il paraît encore sous le charme de Cléopâtre, c'est que ces deux-là auraient bien eu une relation privilégiée à l'occasion d'une précédente rencontre. Mais jusqu'à quel point ne se méfie-t-il pas ? Réfréner son audace n'est pas dans sa nature, et il montre une fois de plus que la prudence n'est pas toujours de mise et qu'il vaut mieux foncer sans hésitation même si c'est risqué : il n'a jamais qu'une reine, un grand dignitaire et presque toute une ville contre lui. Le voilà une fois de plus convaincu que les grands de ce monde ne sont pas toujours fréquentables.
A noter : son nom romain est orthographié Gracchus et non pas Graccus.
Enak : de retour au pays, il ne peut pas dire qu'il s'y trouve bien accueilli, à commencer par la reine, qui l'ignore un moment. Heureusement qu'il peut compter sur la charmante Isadora. Pour l'action, il se montre désormais efficace, même si la chance ne l'accompagne pas toujours.
A noter : les scénaristes devraient bien relire les albums précédents ; on dit ici qu'Enak n'a pas le pied marin alors qu'on l'a vu maintes fois naviguer sans dommage et même gouverner un bateau dans la tempête ( cf. « La chute d'Icare » ).
Et, par ordre d'entrée en scène :
César : sa brève intervention au début du récit n'a pour but que de manifester une réelle inquiétude pour le sort de son fils et de confier à Alix la mission de le retrouver.
Menkhès : le chef des sbires est un homme efficace et sans scrupules, entièrement dévoué à sa cause, jusqu'à la mort qui le rattrapera après l'avoir infligée à d'autres.
Ammonios : l'adjoint de Menkhès est lui aussi un exécutant redoutable et peu regardant sur les moyens, toujours prêt à jouer de la lame et à espionner discrètement : un polyvalent, en quelque sorte.
Pihor : tout autant déterminé que les précédents, le troisième homme de l'équipe de tueurs échouera cependant à se débarrasser d'Alix et d'Enak sur le bateau, ce qui le conduira à se supprimer ; qu'on ne s'étonne pas de ce geste désespéré, car s'il avait été pris vivant, son sort aurait pu être bien pire.
Cléopâtre : son aspect physique est un peu plus conforme à ce qu'on sait d'elle ; pour le caractère, les auteurs n'ont pas eu à beaucoup forcer la réalité. La reine est dans une situation où la fin justifie les moyens, la fin étant l'indépendance de son pays et l'assurance d'un règne sans partage. Ce qui la conduit à faire bon marché de la vie d'autrui. Elle semble néanmoins conserver pour Alix une certaine affection, en souvenir de bons moments passés ensemble ou de services rendus. Mais comme le dit Alix, elle a peut-être des émotions, pas des sentiments.
Nefrerou : le grand prêtre de Sarapis a de grandes ambitions pour l'Egypte et surtout pour lui-même ; on ne s'étonnera pas que la reine ne semble pas en faire partie. Qu'il veuille rendre son pays indépendant de la puissance romaine peut se comprendre. A ce stade, il ne lésine pas sur les moyens, y compris compromettre sa souveraine en attendant de se débarrasser d'elle pour avoir les coudées franches. C'est un perfectionniste en son genre, mais on a vu que cette qualité le perdra.
Nehesi : le fidèle chambellan de Cléopâtre paiera de sa vie son attachement à sa maîtresse. A la différence de la reine et du grand prêtre, ce n'est pas un comploteur dans l'âme, il est trop sincère et un peu naïf.
Malika : la vieille rebouteuse, un peu empoisonneuse aussi, est un personnage pittoresque bien qu'assez sinistre ; apparemment, elle se tire de l'affaire sans dommage.
Isadora : cette charmante dame de compagnie de Cléopâtre aura au moins deux mérites : d'abord celui d'avoir fait échouer le complot de Nefrerou en reconnaissant que l'enfant mort n'est pas Césarion, ensuite celui d'avoir su plaire à Enak, exploit qu'on croyait impossible. C'est donc son intervention qui résout l'énigme. Espérons qu'il ne lui arrivera rien de mal, comme l'espère Alix, et que nous pourrons la revoir.
Césarion : ( ou si l'on préfère, Ptolémée XV ) n'a qu'un an et il est déjà le jouet des intrigues de la cour, à commencer par celles de sa propre mère. Pour cette fois, il s'en tire bien, à la différence de son malheureux sosie qui n'a pas eu la chance d'être un enfant royal. Hélas pour lui, il n'en sera pas toujours de même, et, quinze ans plus tard, quand il sera confronté à Octave, ce sera pour y laisser sa vie. Il avait pourtant tout pour réussir, avec deux parents exceptionnels et une situation de rêve... mais il n'y avait pas de place dans le monde pour deux César ! C'est un des grands malchanceux de l'Histoire.
Conclusion
Un scénario solidement charpenté et un dessin élégant et précis font de cet album une des meilleures histoires de la saga d'Alix depuis longtemps. Un bon moment de lecture et un souvenir agréable : on en souhaite d'autres comme celui-là !
Sources : à peu près toujours les mêmes : le « Dictionnaire de l'Antiquité », de Jean Laclant ( PUF ),
l' « Histoire du monde », de Jean Duché ( Flammarion ), l' « Histoire de la Rome antique » de Lucien Jerphagnon ( Pluriel ), l'Encyclopédie Quillet, collection des « Cahiers de Science et Vie ». Pour l'article sur Césarion, j'ai utilisé les biographies récentes de Cléopâtre ( par C.-G. Schwentzel, Payot 2014 ), César ( par R. Etienne, Fayard ) et Antoine ( par P. Renucci, Perrin 2014 ).
La prochaine fois : « La dernière conquête »
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