Auteur de l’article : Diego Jiménez
Publié en 1985, cet album fait suite à l’empereur de Chine.
Je ne dirai que quelques mots de la trame elle-même pour remettre les évènements dans leur contexte et parce que je n’entends dispenser le lecteur de cet article d’avoir à faire l’acquisition de cet album par un résumé par trop exhaustif.
Je me limiterai donc à ceci : Alix et Enak sont invités par un sénateur dans sa maison de campagne. Le but de cette invitation se révèle être la suivante : raccompagner le chef gaulois Vercingétorix en Gaule.
LES LIEUX :
On voyage surtout en Gaule mais on visite assez peu de villes dans cet album qui prend pourtant la forme d’une leçon d’histoire.
Massalia : Ancêtre de Marseille, cette ville fut colonisée et fondée par les Grecs phocéens vers 600 av J.C. A l’époque d’Alix, ses habitants commirent l’erreur de soutenir Pompée dans sa lutte contre César et la ville fut fédérée à l’empire, amorçant un déclin économique au profit de Narbonne, la capitale de la Gaule romaine à l’époque. Ici on n’en voit que quelques rues.
Arquelia : La ville dont Vanik, le cousin d’Alix est gouverneur. Son architecture fait penser à celle d’une ville de type gréco-romaine ancienne alors qu’elle ne doit avoir que quelques années. Il s’agit d’une ville fictive et je ne pense pas qu’en 51 av J.C, les villes gallo-romaines aient déjà atteint ce niveau architectural sachant que la pacification au sens le plus strict du terme s’est achevée en 48 av J.C. Dans le contexte, il serait plus probable que l’on se trouve à Narbonne.
Alésia : Je pense que tout le monde a entendu parler d’Alésia. Vercingétorix s’y rend pour son dernier combat et nous livre un récit poignant mais très subjectif de la bataille. C’était un oppidum des Mandubiens qui a vraisemblablement été rasé jusqu’à hauteur du sol car on n’en a retrouvé que des traces assez insignifiantes. Les fouilles entreprises sous Napoléon III ont permis de situer le site dans l’actuelle commune de Alise Sainte Rheine en Côte d’or mais il n’existe pas de consensus des historiens sur ce point.
On connaît le déroulement de cette bataille uniquement par César et ses Commentaires sur la guerre des Gaules. Donc après l’échec de Gergovie, César entreprend une retraite, stratégique selon lui, vers Genève. Vercingétorix attaque l’armée romaine à hauteur de Dijon avec sa cavalerie mais essuie une défaite et doit se replier dans Alésia avec 80.000 hommes dont 12.000 cavaliers et autant de chevaux. Les romains sont 45.000 dont 10.000 cavaliers plus 20.000 Germains. Ne voulant pas s’arrêter en si bon chemin, Vercingétorix garnit les abords de l’oppidum de toutes sortes de pièges et de pieux, ce qui va éviter à César d’avoir à le faire lui-même. Les romains décident de faire le siège de la place qui les empêche d’atteindre Genève et bâtissent donc un mur de 16km pour faire face aux assiégés et un autre mur de 21km pour faire face aux éventuels renforts, le tout entouré par un fossé de 4,5m de largeur et de profondeur à peu près infranchissable.
Construites en cinq semaines, ce travail mobilisa dix légions jour et nuit. Lors de l’attaque finale les travaux étaient à peine achevés.
La bataille d’Alésia qui nous est contée dans cet album s’étend en fait sur trois jours que Jacques Martin synthétise en un seul. Ayant une fois de plus échoué à briser le siège, Vercingétorix renvoie sa cavalerie appeler des renforts. Ceux-ci arrivent six semaines après et sont composés de pas moins de 250.000 Gaulois au sein desquels le nombre de cavaliers nous est inconnu. Les Romains étant réduits à se battre à 1 contre 5, la victoire ne fait apparemment pas de doute. Le premier jour la cavalerie gauloise charge, soutenue par des archers (oui il y en avait contrairement aux dires de Vercingétorix dans cet album) et fantassins. Ca ne sert à rien : César envoie sa cavalerie puis les Germains et les Gaulois sont dispersés. Toujours aussi intelligents, nos ancêtres gaulois attaquent pendant la nuit (sans allumer de torche pour ne pas avertir l’ennemi) et comme ils ne voient pas où ils mettent les pieds, ils se prennent dans presque tous les pièges qui sont sur leur route. Les romains visent un peu au hasard car ils n’y voient rien non plus et finalement au petit matin les Gaulois se replient à nouveau tandis que Vercingétorix, ayant tenté de mettre en mouvement ses machines de siège, arrive après la bataille. Le troisième jour, tout se déroule comme le conte Jacques Martin : les Gaulois de l’armée de secours et les assiégés déclenchent une attaque générale sur les fortifications romaines qui sous le nombre commencent à céder (ils se battent toujours à un contre cinq).
Une brèche est finalement percée dans la palissade romaine mais César amène lui-même sa cavalerie et ses Germains derrière les attaquants qui sont donc pris à revers et massacrés. Environ 60.000 Gaulois de l’armée de secours avaient pris part à l’assaut, le reste était en réserve. Le beau-frère de Vercingétorix ayant été tué, les Gaulois se retrouvent désorganisés et lorsque la cavalerie romaine attaque le camp de l’armée de secours c’est vraiment l’hallali.
Les Gaulois s’enfuient et se dispersent dans leurs cités alors que les Romains, passablement exténués, renoncent à les poursuivre. Le lendemain Vercingétorix présente sa soumission et 70.000 combattants se rendent à une armée qui en compte au maximum 60.000… Ce qui permet d’ailleurs à César d’attribuer un esclave gaulois à chaque légionnaire et de garder le surplus pour lui. Quelques milliers de Gaulois sous Luctérius se réfugient dans un village du Quercy nommé Uxellodunum et résistent aux romains jusqu’en 51 av J.C. César doit finalement s’y rendre lui-même, cet épisode a d’ailleurs inspiré à Goscinny l’histoire d’Astérix le Gaulois sauf qu’à la fin c’est César qui gagne.
PERSONNAGES :
Cet album se caractérise par la profusion des personnages historiques.
Alix : Le personnage ne renouvelle pas vraiment son caractère mais prend une dimension nouvelle. Il revendique sa citoyenneté romaine et renie en quelque sorte ses origines gauloises.
Il s’oppose également pour la première fois à César et à ses intérêts au nom de sa conception de la Justice. Il accuse même celui-ci de cruauté « Crains général que l’histoire ne te juge sans coeur ». Il a sans doute de l’amitié pour Vercingétorix sans quoi il n’aurait pas tenté de le retenir de se jeter sur les lignes romaines. Alix est un personnage en rupture avec son époque, on se demande comment il peut survivre dans ces eaux troubles de la politique. A part ça il retrouve ses amis les loups rencontrés dans « Les Légions Perdues » et parle même leur langue. Il rencontre aussi son cousin Vanik, très romanisé.
Enak : Fidèle compagnon d’Alix, il fait preuve du même courage que lui tout en se montrant toujours plus humain, moins parfait, s’inquiétant par exemple de la durée de leur mission.
Je cite cette phrase très significative que Jacques Martin place dans sa bouche : « Alix, s’il t’arrive d’être déraisonnable, lui (Vercingétorix) est complètement fou ». Force est de reconnaître que lorsqu’il ne joue pas le rôle de talon d’Achille d’Alix, son rôle est celui de double du héros.
Vercingétorix : Il s’agit bien sûr d’un personnage historique sur lequel cet album nous apprend peu de choses, et pour cause : on ne le connaît que d’après les commentaires de César sur la guerre des Gaules. Il n’existe aucune autre source écrite le mentionnant.
Cet homme naît donc en 72 av J.C en Auvergne, il est le fils du chef arverne Celtill qui fut exécuté par son peuple pour avoir tenté de rétablir la royauté à son profit (les Gaulois avaient une structure politique clanique, tribale et clientéliste qui s’opposait au principe de transmission patrimoniale d’une terre et d’un peuple en héritage).
Il a peut-être servi comme officier dans les rangs des mercenaires gaulois qui formaient les troupes auxiliaires de l’armée romaine et y a peut-être appris la stratégie romaine. Son nom signifie « grand roi des guerriers courageux ». On ne sait absolument rien de sa vie avant qu’il soit élu chef des armées gauloises par les druides réunis dans la forêt des Canuts en 52 av J.C, la conquête de la Gaule ayant commencé en 58. Il pratique alors la tactique de la terre brûlée c’est-à-dire qu’il ordonne la destruction systématique de toutes les infrastructures et biens se trouvant sur la route des romains (oppidums, routes, gués, ponts, récoltes, habitations). Les Bituriges ayant refusé de sacrifier leur capitale (Bourges), César parvint à s’en emparer et put ainsi nourrir ses troupes. Les défenseurs eurent les mains coupés et les moignons calcinés comme on le voit dans l’album. En 52 av J.C, Vercingétorix remporte la victoire sur César à Gergovie par un coup de chance. César assiège cette place et sait que les Gaulois font leur sieste à une heure donnée, il lance donc l’assaut sur un côté de l’oppidum gardé par une tribu qui fait la sieste en début de journée. Manque de chance, le chef de cette même tribu étant incommodé par les ronflements de ses colocataires était allé dormir plus loin et donna l’alerte en voyant les romains arriver. Ce fut ensuite une grande pagaille : les romains chargent sans ordre, les Gaulois font une sortie et les archers romains tirent sur les Eduens, leurs alliés, qui du coup se retournent contre eux.
César parvient cependant à reprendre ses troupes en main et ne perd que 700 hommes, ce qui est négligeable. Vercingétorix perd ensuite à Alésia dans les circonstances que j’ai décrites précédemment puis il jette ses armes aux pieds de César, geste très dédaigneux s’il en est. Il est ensuite emmené à la prison du Tullianum à Rome d’où il sort en 46 av J.C pour le triomphe de César. Il est étranglé sans raison apparente quelques semaines après. Dans l’oeuvre de Jacques Martin nous avons un Vercingétorix très exalté, fier et orgueilleux mais aussi très borné dans son refus de l’évolution de la Gaule et assez belliqueux. Il connaît apparemment la composition des herbes médicinales. Rien ne permet de confirmer ou d’infirmer cette affirmation de Jacques Martin car César ne nous dit pas si les druides enseignaient leur art aux profanes et c’est comme toujours la seule source d’information. Très courageux jusqu’à la témérité, il met en pièces plusieurs dizaines de romains dans l’une des plus belles scènes d’action de la série et manque de tuer César auquel il voue une haine irascible mais aussi une profonde admiration. Notons au passage que son apparence a beaucoup changé depuis « Le Sphinx d’Or » où il était brun aux cheveux tressés. Il meurt également dans cet album et encore une fois il n’existe pas de moyen de vérifier cette information mais force est de reconnaître que son étranglement, alors qu’il pouvait encore servir et que les prisonniers politiques étaient des esclaves très prisés, est assez suspect.
Pompée : Déjà apparu dans « Alix l’Intrépide », « Les Légions Perdues » et « Le Fils de Spartacus », le voilà de retour, plus que jamais déterminé à mettre des bâtons dans les roues à César. Je vais dresser un très rapide rappel des principales dates du personnage.
Il naît à Rome en 106 av J.C, son nom complet est Gnaeus Pompeius Magnus. Incarnation de la Droite aristocratique romaine (son père a été consul avant lui), il se distingue très tôt par son engagement politique et militaire. Il commande en effet trois légions durant la guerre civile entre Marius et Sylla et combat les partisans du premier en Italie, en Sicile, en Afrique et en Espagne, ce qui lui permet de faire son premier triomphe à Rome. Il parvient ensuite à usurper à Crassus le mérite de la victoire sur Spartacus en arrivant à Rome avant ce dernier, deuxième triomphe. Il est ensuite chargé de détruire les pirates de la Méditerranée et de vaincre Mithridate Euphrator du Pont. C’est ce qu’il fait et il annexe la Syrie et Jérusalem dans la foulée, doublant les revenus du Trésor. Ne parvenant pas à s’entendre avec le Sénat qui refuse de lui permettre de distribuer les terres conquises à ses hommes (stratégie de colonisation), il forme un triumvirat avec Crassus et César dont il épouse la fille Julie en 60 av J.C. Il peut alors faire son troisième triomphe à Rome. Bien que ses rivaux fussent éloignés du pouvoir, il refuse de s’en emparer pour ne pas détruire les institutions républicaines auxquelles il est attaché. Crassus mort en 53 av J.C et Julie l’année suivante, rien ne le lie plus à César et pourtant il ne se proclame pas dictateur même après avoir mis fin aux conflits de clans en Italie. Il laissera ainsi continuellement passer sa chance jusqu’au moment où César passera le Rubicon et envahira l’Italie. Il commet encore une erreur en levant des troupes en Grèce au lieu de rester à Rome où César entre alors. Battu à Pharsale en 48 av J.C il commet la dernière erreur de sa vie en s’enfuyant en Egypte d’où il comptait se diriger vers l’Afrique et l’Espagne où l’attendaient ses légions. Il est tué le 28 septembre 48 av J.C sur ordre de Ptolémée XIII qui pensait ainsi se concilier César. Son fils, Sextus Pompée, continuera la lutte jusqu’en 36 av J.C, date à laquelle il fut enfin vaincu par Agrippa, général d’Octave. Dans cet album on retrouve bien son caractère républicain et légaliste : il présente César comme un homme doué de grandes qualités mais dangereux pour la République car trublion et insoumis aux directives du Sénat. Il libère Vercingétorix pour ennuyer son rival mais sera probablement obligé de fournir un faux Vercingétorix à celui-ci pour éviter la guerre.
César : On pourrait écrire des milliers de pages sur ce personnage aussi vais-je me limiter à son rôle en Gaule. Né en 100 av J.C dans la gens Julia qui prétendait descendre d’Aphrodite, Caius Julius Caesar est un aristocrate de Gauche qui toute sa vie s’appuiera sur la Plèbe. Il commence sa carrière politique assez tardivement, en 71 av J.C, car neveu par alliance de Marius, l’ancien rival de Sylla, et gendre de Cinna, général de Marius, il est très suspect aux yeux de Sylla, dictateur de Rome très conservateur. Il s’exile donc à Rhodes où il étudie. A la mort de Sylla il rentre à Rome et répudie sa femme… Prêteur de Rome, il se couvre de dettes et fait un beau mariage pour se sortir d’affaires. En 60 av J.C il est consul puis proconsul de Gaule Transalpine, Cisalpine et d’Illyrie, ce qui lui permet de faire passer des réformes agraires en faveur de la plèbe. Une fois ses dettes épongées, il se lance dans la conquête de la Gaule sans l’autorisation du Sénat où on l’accuse de vouloir en tirer un profit personnel. Il repousse dans un premier temps les Helvètes puis les Germains à la demande des Eduens, s’occupe ensuite des Belges puis des Vénètes, il mène de 54 à 55 une expédition en Angleterre avant de terminer par les Arvernes qui se sont soulevés avec Vercingétorix en 52 av J.C. Il écrit et publie dans cet intervalle ses Commentaires sur la Guerre des Gaules dans lesquels il fait tout pour que sa propagande ait tous les aspects du réalisme. Ayant achevé la conquête en 48 av J.C, il peut finalement retourner à Rome et répudier sa seconde épouse pour se pencher sur de nouvelles conquêtes. Dans cet album, on le voit très soucieux de son image et de son triomphe. Emporté, violent, cynique devant la mort de Vercingétorix voire cruel pour Edorix. Le personnage prend une dimension nouvelle et ses relations avec Alix perdent beaucoup en cordialité. Après cet épisode on peut d’ailleurs s’étonner qu’il lui confie une mission aussi importante à Altus Rhenus dans « Les Barbares » et s’inquiète de sa sécurité.
Vanik : Cousin d’Alix et chef du clan d’Astorix après le départ de celui-ci pour l’Egypte, on l’a revu faux conjuré de l’affaire « Garofula » dans « Les Légions Perdues » où il défend les bienfaits de la romanisation, on le retrouve plus romain que gaulois. Il est gouverneur de la ville d’Arquelia, ville fictive mais très représentative de la Gaule romaine.
Galva : On savait qu’il n’était pas très intelligent mais là notre centurion au grand coeur frôle la cour martiale pour incompétence. Je ne me fais pas à l’idée qu’il soit général et gouverneur depuis les « Barbares » où il fait d’ailleurs preuve de la même incompétence. Toujours est-il qu’il apparaît dans cet album, il se laisse facilement berner par les mensonges d’Alix, comme si on s’amusait à envoyer des patriciens faire des relevés hydrographiques… Pas très intelligent donc mais quand même assez cultivé : il connaît le mythe du meurtre d’Astyanax par Ulysse. Ensuite il est chargé de ramener Alix et Enak à Rome.
Numa Sadulus : En voilà un qui commence déjà à mal tourner. Notre patricien romain raffiné de « L’Enfant Grec » nous donne la preuve qu’il est surtout un pompéien, ce qui est finalement tout à fait normal de la part d’un aristocrate à cette époque. Alix et Enak ne semblent guère enjoués de le revoir : « Que fait-il là ? ». Il n’est toutefois qu’un agent de Pompée dont le rôle était de convaincre un sénateur à la retraite d’inviter Alix discrètement dans sa maison de campagne. Rien de très méchant par rapport à ce qu’il nous réserve dans « La Chute d’Icare ». Le ton qu’employait Alix pour lui écrire dans « L’Odyssée d’Alix » a dû changer depuis.
Serovax : Un personnage assez secondaire. Second mari de la femme de Vercingétorix, membre de la tribu des Arvernes, il n’est probablement pas le père biologique de Edorix mais il l’a élevé. Il est très haineux à l’égard de Vercingétorix, ce qui se comprend, et finit dans l’armée romaine où César l’a promu centurion à une vitesse qui laisse rêveur en échange de son silence.
Ollovia : Première femme de Vercingétorix, elle a un rôle assez effacé dans cet album comme beaucoup de personnages féminins. La principale question la concernant est de savoir si elle a menti à Vercingétorix ou à César à propos de la parenté de son fils Edorix. Je suis tenté de croire qu’elle a menti à César car la façon dont elle présente son fils à son premier époux est beaucoup trop spontanée pour être simulée.
Les costumes, détails anthropologiques, culturels… :
Les Gaulois : Scientifiquement on utilise le terme « Celtes » car le terme Gaulois est introduit par Jules César lui-même dans la langue latine. Ils ont des costumes assez classiques, tels que peut se les imaginer tout lecteur de Astérix le Gaulois. Les nobles étaient souvent enterrés avec leurs armes voire un char et portaient un torque au cou.
Le seul détail vraiment intéressant c’est qu’il reste des tribus gauloises insoumises. Je pense à celle qui héberge nos amis dans une sorte de gouffre. Mais dans l’ensemble il y eut peu de révoltes nationalistes gauloises. On en connaît seulement deux : en 69 ap J.C, celle du Batave Cvilis en Hollande actuelle et au Ive siècle celle des Bagaudes.
Religion : Je fais quand même un paragraphe sur ce thème bien qu’il soit absent de cet album mais pas tout à fait du « Sphinx d’or ». Je me répète mais les écrits de César sont LA source unique de connaissance de la Gaule préromaine. Nous n’avons aucun moyen de connaître la façon dont les gens y vivaient en dehors de ces écrits qui se composent de sept tomes d’une centaine de pages chacun. On sait donc par César que les Gaulois sacrifiaient des humains à leurs dieux : Teutatès (dieu de la Guerre) exigeait des victimes noyées ; Taranis (dieu du Tonnerre), des brûlés vifs dans un mannequin d’osier ; Esus, des hommes suspendus à un arbre et déchiquetés etc.
César a visiblement diabolisé la religion de ses adversaires. La plupart des historiens se montrent moins sévères que lui et tentent de souligner le caractère exceptionnel des sacrifices humains mais ils s’appuient pour cela sur des écrits tous postérieurs à la conquête et à la disparition des druides. Je noterai finalement que le propre père de Vercingétorix a été sacrifié à Taranis, c’est-à-dire brûlé vif dans une cage en osier. De plus de nombreuses légendes irlandaises ou galloises mettent en scène des druides accomplissant des sacrifices humains même si le druidisme postulait l’immortalité de l’âme. On sait aussi que les druides se répartissaient en trois catégories : devins, bardes et prêtres éventuellement assistés de sorcières.
Croix celtique
Sculptées dans le grès ou le granit, décorées de scènes bibliques, d'animaux fabuleux et de motifs géométriques, les croix celtiques, dont les premières furent érigées à partir du VIIe siècle, réalisent la synthèse entre l'art celtique et l'art chrétien.
Société : La société gauloise avait une organisation de type clanique avec des nobles, des chefs élus par eux et des druides. En général les chefs se faisaient élire en achetant le plus grand nombre de voix de « clients », c’est-à-dire de nobles qui leur étaient dévoués.
Ce système favorisait les grands propriétaires terriens qui s’élevèrent avec les druides contre la puissance romaine mais pas les paysans qui appelèrent la romanisation de leurs voeux. Il est probable que le père de Vercingétorix ait tenté d’instaurer une monarchie héréditaire et hégémonique et que ce fut la cause de son exécution. A l’époque où César conquiert la Gaule, les druides détiennent un très grand pouvoir et font souvent office de magistrats civils.
Quelques historiens avancent qu’ils auraient aboli la monarchie à leur profit en rappelant que ce sont les druides réunis dans la forêt des Canuts qui ont investi Vercingétorix de son commandement. C’est une hypothèse parmi d’autres : en Irlande et au Pays de Galles, toutes les légendes antérieures à la christianisation mettent en scène des rois et non pas simplement des chefs de tribus. Cela dit, les historiens chrétiens latinisés ont souvent eu tendance à traduire le titre de « dux », duc, chef par « rex », roi car c’est un titre que portent la plupart des souverains barbares à leur époque. On a également retrouvé des pièces de monnaie celte datant de la période préromaine. L’usage de la monnaie était peu répandu et le fait d’inscrire un nom sur un objet servait surtout à identifier son propriétaire. Les pièces de monnaie servaient essentiellement au commerce avec les Romains et étaient peu utilisées dans le commerce entre tribus.
Controverses :
Les arcs : Jacques Martin fait dire à un de ses personnages, le fils du chef qui juge Vercingétorix, que les Gaulois n’avaient pas d’arcs à Alésia et que c’est un Numide qui leur a appris comment les fabriquer. De temps à autres il faut le dire quand un détail est faux. Dans le septième tome de ses Commentaires, le seul consacré à la révolte des Arvernes, César dit explicitement que les cavaliers gaulois qui ont attaqué le premier jour à Alésia étaient soutenus par des archers. Qu’il y en ait eu assez peu c’est possible, que leurs armes aient été peu efficaces face aux frondeurs ibères, c’est possible mais en tout cas ils en avaient. Les Gaulois étaient depuis longtemps en contact avec les Romains et autres peuples. Plusieurs rois grecs se sont faits tuer en tentant de repousser une invasion celte à l’époque d’Alexandre, les Celtes Galates se sont installés en Turquie, le Gaulois Brennus a envahi Rome, les Cimbres et les Teutons l’Italie et Hannibal s’est allié aux Gaulois. Ils ne savaient sûrement pas s’en servir de façon aussi efficace que les romains mais en tout cas il est plus que probable qu’il faut croire César et que les Gaulois avaient effectivement des archers.
Repères historiques :
Vers 1500 av J.C : Age de Bronze. Début de la période dite de la civilisation des « champs d’urnes » à cause de la conservation des cendres dans des vases en terre cuite. Peuplement protoceltique.
VIII au Vie siècle av J.C : Age de fer. Période de Hallstatt. La civilisation celtique s’implante en Autriche, France, Espagne et Angleterre. Sépultures et oppidums. Début des relations commerciales avec la Méditerranée.
V au Ier siècle av J.C : Civilisation dite de « Tène ». Fin de l’âge de fer, implantation celte jusqu’aux bords de la Mer Noire.
390 av J.C : Pillage de Rome par Brennus.
279 av J.C : Prise de Delphes par un autre Brennus.
60 av J.C : Jules César, proconsul de Gaule Cisalpine. Début de la Guerre des Gaules.
52 av J.C : Vercingétorix, roi des Arvernes est élu commandant en chef des troupes gauloises.
Juin 52 av J.C : Victoire défensive de Gergovie.
Juillet-Août 52 av J.C : Début du siège d’Alésia.
Septembre 52 av J.C : Reddition de Vercingétorix après un siège de 42 jours.
51 av J.C : Défaite et mort de Luctérius, dernier lieutenant de Vercingétorix, à Uxellodunum.
48 av J.C : Fin de la pacification de la Gaule.
48 av J.C : Défaite et mort de Pompée.
46 av J.C : Triomphe de César, Vercingétorix et un certain nombre de prisonniers gaulois sont attachés à son char.
46 av J.C : Vercingétorix étranglé dans sa cellule du Tullianum.
15 Mars 44 av J.C : Assassinat de Jules César.
L’action de « Vercingétorix » se situe donc logiquement entre 52 et 48 av J.C puisque Pompée est encore en vie. Ce qu’il y a d’assez paradoxal dans le fait que César en ait besoin pour son triomphe et pour humilier Pompée c’est qu’il n’a pu « triompher » que lorsque la guerre civile était déjà terminée, c’est dire que l’utilité du chef gaulois était devenue assez relative.