Ah, Vercingétorix ! Le tout premier Alix que j'ai lu. En fait, "lu" est beaucoup dire à l'origine : on me l'a offert vers l'âge de 5 ans et je ne comprenais rien aux dialogues ni à l'histoire. Mais le dessin ! Mais la recréation d'un univers à des années-lumière de mon quotidien d'enfant ! C'est une des bases majeures de mon intérêt pour l'histoire et je dois beaucoup pour l'éternité à Jacques Martin.
Donc je ne suis pas objectif vis-à-vis de cet album. Avec le recul, je vois bien les quelques invraisemblances du scénario (déjà pointées plus haut) et des dialogues moins convaincants que ceux de La tour de Babel par exemple. Le dessin n'est pas sans défaut au sens où le trait martinien commence à se figer et la perspective à perdre en profondeur par rapport au Spectre de Carthage ou à L'empereur de Chine.
Il reste que le tableau global d'une Gaule à la croisée des chemins entre son passé celtique et son avenir latin est passionnant, tant sur le plan du scénario que du dessin : la densité documentaire de l'album (costumes, armes, décors) me laisse pantois à chaque lecture. Martin a réalisé une "mise à jour" de ses sources tout à fait remarquable et profite à fond des avancées archéologiques de l'après-guerre, rompant définitivement avec les images d'Epinal et les approximations qui truffaient sa vision de la guerre des Gaules dans Le sphinx d'or, album que j'apprécie aussi pour son souffle et son dynamisme mais qui n'a aucune dimension historique. En somme, il révise sa propre oeuvre. En grandissant et en me documentant, j'ai été stupéfait de la justesse notamment de la représentation de l'armée romaine de 50 avant J-C : elle tranche avec les anachronismes habituels en BD (cuirasses articulées qui n'apparaîtront qu'un quasi-siècle plus tard, boucliers rectangulaires, etc.).
Il achève également de réviser ses personnages ; ni Alix ni César n'ont plus grand chose à voir avec ce qu'ils étaient dans Alix l'intrépide ou Les légions perdues : plus de jeune adolescent éperdu d'admiration, plus de général dérétinisant d'intelligence et sans défaut. Pompée y gagne également, ses motivations et son comportement étant un des éléments les plus crédibles du scénario, et très conformes à ce qu'on sait de son personnage réel : un politique avisé, pas spécialement fourbe pour la Rome de l'époque, plus adepte de la manoeuvre indirecte que de l'affrontement brutal (qui ne lui portera pas bonheur !). Quant à Vercingétorix lui-même, son caractère intransigeant et son orgueil presque mégalomaniaque constituent une clé intéressante et crédible pour comprendre son échec final ; on n'est pas très loin ici de Iorix ! Le résultat de cet échec, une Gaule au croisement du monde germanique et du monde gréco-romain qui en deviendra le point de rencontre pour des siècles, est finement décrit.
En somme, une fresque, et le dernier Alix auquel j'adhère sans vraie réserve.
Donc je ne suis pas objectif vis-à-vis de cet album. Avec le recul, je vois bien les quelques invraisemblances du scénario (déjà pointées plus haut) et des dialogues moins convaincants que ceux de La tour de Babel par exemple. Le dessin n'est pas sans défaut au sens où le trait martinien commence à se figer et la perspective à perdre en profondeur par rapport au Spectre de Carthage ou à L'empereur de Chine.
Il reste que le tableau global d'une Gaule à la croisée des chemins entre son passé celtique et son avenir latin est passionnant, tant sur le plan du scénario que du dessin : la densité documentaire de l'album (costumes, armes, décors) me laisse pantois à chaque lecture. Martin a réalisé une "mise à jour" de ses sources tout à fait remarquable et profite à fond des avancées archéologiques de l'après-guerre, rompant définitivement avec les images d'Epinal et les approximations qui truffaient sa vision de la guerre des Gaules dans Le sphinx d'or, album que j'apprécie aussi pour son souffle et son dynamisme mais qui n'a aucune dimension historique. En somme, il révise sa propre oeuvre. En grandissant et en me documentant, j'ai été stupéfait de la justesse notamment de la représentation de l'armée romaine de 50 avant J-C : elle tranche avec les anachronismes habituels en BD (cuirasses articulées qui n'apparaîtront qu'un quasi-siècle plus tard, boucliers rectangulaires, etc.).
Il achève également de réviser ses personnages ; ni Alix ni César n'ont plus grand chose à voir avec ce qu'ils étaient dans Alix l'intrépide ou Les légions perdues : plus de jeune adolescent éperdu d'admiration, plus de général dérétinisant d'intelligence et sans défaut. Pompée y gagne également, ses motivations et son comportement étant un des éléments les plus crédibles du scénario, et très conformes à ce qu'on sait de son personnage réel : un politique avisé, pas spécialement fourbe pour la Rome de l'époque, plus adepte de la manoeuvre indirecte que de l'affrontement brutal (qui ne lui portera pas bonheur !). Quant à Vercingétorix lui-même, son caractère intransigeant et son orgueil presque mégalomaniaque constituent une clé intéressante et crédible pour comprendre son échec final ; on n'est pas très loin ici de Iorix ! Le résultat de cet échec, une Gaule au croisement du monde germanique et du monde gréco-romain qui en deviendra le point de rencontre pour des siècles, est finement décrit.
En somme, une fresque, et le dernier Alix auquel j'adhère sans vraie réserve.
Dernière édition par Khyron le Ven 6 Aoû - 6:08, édité 1 fois