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Les secrets d'un bon scénario de BD

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bruno
Michel Jacquemart
Raymond
JYB
Damned
9 participants

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JYB


vieux sage
vieux sage

Après avoir un peu causé des suspenses en fin de strip, voyons un peu le suspense en fin de planche (le plus classique, le plus communément admis et recherché par les scénaristes - en tout cas, au moins par moi-même). Le but est donc d'intriguer le lecteur au point qu'il soit incité à - et même qu'il ne peut s'empêcher de - aller voir à la planche suivante le dénouement de ce qu'il vient de découvrir. Un personnage voit quelque chose, en est surpris, apeuré, etc., et bien sûr le lecteur se demande de quoi il retourne. Une voiture tombe dans un ravin, et le lecteur se demande comment l'occupant - surtout si c'est le héros - va s'en sortir sans dommage. Suite au prochain numéro de Spirou, de Tintin ou de Pilote... quand les BD paraissaient en feuilleton dans un hebdomadaire.
Mais maintenant que la plupart des albums sont édités directement, sans prépublication, est-ce bien utile ?
Oui, c'est utile, et ce pour plusieurs raisons :
- cela force le scénariste à trouver des suspenses réguliers, ce qui rend son scénario plus nerveux, plus rythmé.
- on ne sait jamais, une BD directement éditée en album peut être plus tard "replacée", comme on dit, dans un journal. Par exemple le quotidien breton Le Télégramme publie des BD, à raison d'une planche par jour. Ca tombe bien si le scénariste a prévu un suspense à la fin de chaque planche : chaque jour, les lecteurs du journal seront tenus en haleine et incités à lire le journal le lendemain pour connaître la résolution de chaque mystère.
- même dans un album, un suspense en bas de chaque planche, en tout cas en bas de chaque planche impaire, peut jouer un rôle incitatif pour "accrocher" le lecteur. La page impaire est celle de droite ; quand un lecteur découvre un album et le feuillète dans une librairie, ou même quand il le lit chez lui tranquillement, il ouvre devant lui une double-page et découvre ce suspense dans le bas à droite de la planche de droite. Ce suspense saute en général aux yeux : c'est une image choc, il y a une grande bulle avec un texte en gras, bien visible, etc. Voyant ce suspense et en fonction de ce qu'il montre, le lecteur est aussitôt incité à tourner la page. Et rien qu'en feuilletant, sans vraiment lire dans un premier temps, il peut être amené à passer en revue toutes les doubles pages les unes après les autres, sautant d'un suspense de bas de page à l'autre. Evidemment, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : il n'y a pas que cet élément qui lui fait feuilleter un album ; les dessins aussi attirent son regard, les mises en page, les couleurs... Découvrir un album pour la première fois se fait à différents niveaux, et le coup du "suspense en bas de page" participe à l'appréciation de la BD.
Quoi qu'il en soit, l'élaboration du scénario d'une seule planche pour arriver à ce suspense final n'est pas simple. Je dirais même, expérience personnelle aidant, que c'est le plus difficile. Tout en suivant le fil conducteur de son scénario, il faut, à chaque page ou presque, trouver une scène qui coule bien, qui s'intègre à l'intrigue, et qui doit, si possible, se terminer par un suspense qui tienne en haleine le lecteur. C'est toute une gymnastique ; ce sont aussi des essais, des raturages sur des feuilles de brouillon... On établit un semblant de croquis général de la page, on supprime une case, on met des flèches ici et là pour indiquer que telle autre case va basculer ici, on griffonne des tas de trucs dans tous les coins, etc. Même une fois le propre rédigé et expédié au dessinateur, il arrive que le scénariste se ravise et trouve mieux après coup. D'où rectification, coup de fil au dessinateur pour lui expliquer le truc... C'est arrivé plus d'une fois dans mes propres BD, mais si je donne un exemple, on va encore dire que je tire la couverture à moi... Alors je vais donner un exemple chez un autre scénariste. Au hasard : Charlier... L'exemple que je vais donner, je le connais car j'avais eu entre les mains le scénario original de Charlier et ai pu comparer avec ce qui a été publié finalement dans l'album. J'avais pu avoir la première version du scénario, puis la version corrigée (par Charlier lui-même) indiquant au dessinateur de rectifier.
C'est dans l'album Trafiquants de Bois d'Ebène (série Barbe-Rouge), bas de la planche 37 ; voici ce qui devait être au départ :
- avant-dernière case (celle qu'on voit), un matelot à la barre du voilier dit "Senor Tenente ! La barre ! Elle ne répond plus !" Le lieutenant à côté lui répond : "Trahison ! Le gouvernail ! Il a explosé !"
- dernière case (celle qu'on ne voit pas) : le héros Barbe-Rouge, en gros plan, crie : " Ha Ha Ha ! Tripes du diable ! Baba a réussi !".
En fait, Charlier a modifié la disposition et a reporté cette dernière case à la planche suivante : la case se retrouve en deuxième position, en haut de la planche 38. Charlier a demandé à Patrice Pellerin d'intercaler deux images :
- la dernière case de la planche 37 est devenue ceci : le lieutenant se tourne vers un de ses hommes et lui donne un ordre : "Perez ! Vite ! Envoyez un signal de détresse à la Flota !"
- la première case de la planche 38 devient : le fameux Perez veut lancer un signal à l'aide de fusées, mais il s'aperçoit, en ouvrant le coffre aux fusées, que ces dernières ont été sabotées ; on le voit penché sur ce coffre et disant : "Damnation ! Nos fusées sont mouillées ! C'est du sabotage !"
- ensuite vient la case de Barbe-Rouge citée plus haut, déplacée de la fin de la planche 37.
Pourquoi Charlier a-t-il fait cette modification ? Je n'en sais rien, ni Charlier ni Patrice Pellerin ne me l'ayant dit, et Charlier ne l'ayant pas expliqué dans son scénario. Toutefois, étant scénariste moi-même, je pense en avoir la justification en regardant le contenu de la planche 38 ; sans entrer dans les détails parce que ça va nous emmener loin, il est probable que Charlier a eu besoin de combler un passage pour arriver à remplir comme il le souhaitait la planche 38 (et, encore une fois, arriver à un autre suspense à la fin de cette planche 38). Comme Charlier était réputé envoyer ses planches au compte-gouttes, l'une après l'autre, semaine après semaine, c'est en s'occupant de la rédaction de la planche 38, longtemps après avoir envoyé le scénario de la 37 à Patrice Pellerin, qu'il s'est rendu compte que quelque chose manquait, d'où la réparation a posteriori ; je ne me souviens pas à quel stade en était Patrice Pellerin ni s'il avait déjà préparé ses dessins, mais dans un cas comme ça, c'est souvent au grand dam du dessinateur qui doit refaire ses dessins...
Ce travail de réflexion, de rectifications, de tâtonnements, est totalement invisible, insoupçonnable : le lecteur n'en sait rien (et vous n'auriez rien su du travail de Charlier sur ces deux pages de Barbe-Rouge si je ne l'avais raconté ici). Pourtant, Charlier était à ce moment-là un grand scénariste aguerri (arrivé à la fin de sa carrière, il est mort quelques années après la publication de cet album) ; cela ne l'empêcha pas de revoir sa copie. Il est certain aussi que ce même travail de recherche, d'ajustements, de calculs, d'essais, est effectué pour chaque planche, chez tous les scénaristes (du moins, chez les scénaristes soucieux du découpage, et soucieux de la perfection du découpage de leurs scénarios, ce qui n'est pas le cas de tous, hélas).

Raymond

Raymond
Admin

Après ces longues explications, il vaut la peine d'y ajouter les images qui correspondent.

Voici le bas de la planche 37.

Les secrets d'un bon scénario de BD - Page 2 Barberougep37

Et le haut de la planche 38 (ces couleurs sont vraiment trop criantes No ).

Les secrets d'un bon scénario de BD - Page 2 Barberougep38

En regardant cela, je me demande tout de même si la permutation d'images (que tu décris) apporte vraiment quelque chose ?

La première intuition est souvent la bonne. Rolling Eyes


_________________
Et toujours ... Les secrets d'un bon scénario de BD - Page 2 Charli10
https://lectraymond.forumactif.com

JYB


vieux sage
vieux sage

La permutation et surtout l'ajout de deux images apportent l'information qu'un sabotage empêche les Espagnols de lancer un appel de détresse à l'intention de leur Flotte ("Flota" dans la bulle du lieutenant). Cela dit, c'est un peu idiot, car la bataille qui s'en suit, immédiatement après, dans le haut de la planche 38 que tu as mise en ligne, provoque des tirs de canons illuminés et très visibles qui font aussi bien office de fusées de détresse...
On peut imaginer que Charlier s'est rendu compte après coup qu'il avait oublié de glisser cette info dans la scène (je travaille pareil, et c'est assez affolant le nombre de détails que j'oublie et que je dois caler au forceps dans les cases et dialogues déjà mis en forme par le dessinateur ; mais ça, c'est sans doute parce que j'écris des scénarios trop réalistes et que je ne peux pas penser à tout en racontant une scène documentée ; sans citer de nom, beaucoup de scénaristes, même d'aventures dites réalistes, ne se formalisent pas d'être peu pointilleux : pour eux, le spectaculaire avant tout ; la plausibilité, ils s'assoient dessus...). A défaut d'avoir l'explication réelle de ces ajouts par Charlier, je me dis que, connu quand même pour être très intelligent, il devait avoir une raison valable autre que le simple remplissage.
Mais, que la raison de Charlier soit valable ou non, le but de mon discours était surtout de raconter par le menu un exemple-type, dont j'ai eu la chance d'avoir connaissance, de la préparation d'un découpage BD, en l'occurrence par un très grand scénariste réputé pour son professionnalisme dans le découpage de ses histoires. La qualité de l'ensemble de sa production démontre qu'en général, son découpage est très étudié dans les moindres détails.

JYB


vieux sage
vieux sage

Raymond a écrit: (ces couleurs sont vraiment trop criantes No ).
Les couleurs de l'album sont dues à Claudine Giraud, l'épouse de Jean Giraud, lui-même auteur de Blueberry qui, à l'époque, avait présenté Patrice Pellerin à Charlier (comme je l'ai raconté ailleurs sur le forum).

Damned

Damned
grand maître
grand maître

JYB a écrit:(....)- dans un parking souterrain, quelqu'un marche vers sa voiture. Or, un méchant, planqué pas loin, l'attend dans une autre voiture pour le tuer. Cherchez pas à comprendre, contre toute logique, le méchant va faire exprès de démarrer en trombe en faisant crisser ses pneus, et donc alerter par la même occasion la personne visée qui, en général et grâce à ce crissement qui la met en garde, s'en sortira de justesse.
(....).
Je connais au moins un film, où cette scène est différente :
Le film s'appelle "Whisky Roméo Zoulou", film d'aviation bien sur, mettant en scène une compagnie d'avions "poubelles".

Dans ce film le juge, chargé de l'enquête d'un crash, quitte son assistant à l'entrée du parking, et s'y engage seul !
Comme Jean Yves, je m'attends à la voiture qui va démarrer en trombe, et là, surprise : Rien !
Par contre le juge devine une présence à travers une silhouette qui s'éloigne furtivement, et là, on se dit : Quand il va mettre le contact la voiture va exploser !
Et là : toujours rien !

L'ambiance est pourtant bien la même et le contexte aussi !

En fait ce juge, quand il va ouvrir la portière, ne recevra qu'un avertissement à travers une marée de boules de plastiques se déversant de sa voiture, et le mot de menaces explicites qu'il y trouve ensuite !
Le suspense, à son sujet, ne va démarrer que de là !......
C'est suite à cet avertissement qu'on passe d'une simple enquête sur des négligences criminelles, à une action délibèrément punitive contre les dénonciateurs et les représentants de la justice

Le changement de scène par rapport à ce que décrit Jean Yves vient peut être du fait qu'il ne s'agit pas, ici, d'un scénario, mais de la transcription, en film, d'une histoire vraie !

Raymond Damned

http://www.pbase.com/vv_eagle/legrand_raymond

JYB


vieux sage
vieux sage

Sauf erreur, ce film n'est pas américain (mais argentin, je crois). D'où la différence...! Car je citais des exemples récurrents dans les films et téléfilms américains - tellement récurrents que personnellement ça me sort par les yeux tellement ces scènes sont systématiques, archi-"téléphonées" et parfois débiles. A se demander s'il n'existe pas quelque part à Hollywood une charte des scénaristes stipulant ces tics de scénario qu'on retrouve partout (dans les films et téléfilms US, je répète)... En outre, comme tu dis, ton film semble établi sur des faits réels, d'où un suspense plus vraisemblable.

Damned

Damned
grand maître
grand maître

JYB a écrit:Sauf erreur, ce film n'est pas américain (mais argentin, je crois). D'où la différence...! (....) En outre, comme tu dis, ton film semble établi sur des faits réels, d'où un suspense plus vraisemblable.

Vraiment incollable, le Jean Yves !
Effectivement c'est un film argentin ......

Raymond Damned

http://www.pbase.com/vv_eagle/legrand_raymond

JYB


vieux sage
vieux sage

Damned a écrit:Vraiment incollable, le Jean Yves !
Mais non ! C'est tout bête : en fonction de ce que tu as raconté du film, je me suis douté avec une quasi certitude qu'il n'était pas américain (voir ce que j'ai dit il y a deux ou trois jours sur les tics récurrents chez les scénaristes américains) ; j'ai donc aussitôt cherché sur Internet et j'en ai eu la confirmation ; j'ai aussi cru comprendre, en lisant "en travers" le site que j'ai ouvert au hasard, que ce film est argentin.
Voilà voilà... Cool

Damned

Damned
grand maître
grand maître

JYB a écrit:
Damned a écrit:Vraiment incollable, le Jean Yves !
Mais non ! C'est tout bête : en fonction de ce que tu as raconté du film, je me suis douté avec une quasi certitude qu'il n'était pas américain (voir ce que j'ai dit il y a deux ou trois jours sur les tics récurrents chez les scénaristes américains) ; j'ai donc aussitôt cherché sur Internet et j'en ai eu la confirmation ; j'ai aussi cru comprendre, en lisant "en travers" le site que j'ai ouvert au hasard, que ce film est argentin.
Voilà voilà... Cool
C'est surtout un film où on se régale de trés belles images vues du cokpit !
Ah, l'approche sur Rio la nuit : cette séquence vaut le déplacement (et elle n'est pas la seule).
Avis à ceux qui pourraient trouver le film en DVD (trés rare) !

Raymond Damned

http://www.pbase.com/vv_eagle/legrand_raymond

JYB


vieux sage
vieux sage

Dans les secrets d'un bon scénario de BD, il y en a un autre que je ne crois pas avoir développé sur ce forum. J'ai dû en parler déjà sur Aéroplanète. Il s'agit du fait qu'un scénariste (de BD, je précise bien) est bon parce qu'il est lui-même dessinateur (de BD, j'entends). Ou, le plus souvent d'ailleurs, ex-dessinateur. Si on fait une liste des grands (bons) scénaristes de BD, on s'aperçoit qu'ils sont, ou plutôt ont été, dans leur jeunesse, des dessinateurs. Et plutôt que développer moi-même cet aspect des choses, au cas où certains pensent que c'est une nouvelle lubie de ma part, je vais m'en remettre à un très grand dessinateur, Joseph Gillain lui-même, en reproduisant un extrait d'une interview (dans HOP n°40, spécial Jijé). Cet extrait dit bien que Jijé n'est pas le seul à penser cela :
- (question de l'intervieweur) : Maurice Tillieux nous disait voici deux ans qu'à son avis, pour être scénariste, il faut être ou avoir été dessinateur.
- (réponse de Jijé) : C'est tout à fait mon avis. Ainsi Charlier, qui a été dessinateur, m'envoyait parfois des scénarios dont il faisait lui-même le découpage. Et, pratiquement, ses dessins m'aidaient beaucoup, parce qu'au lieu de donner de longues explications, la vision vient de là ; il faisait un petit croquis et on se comprenait tout de suite. En général, l'ancien dessinateur voit en images, ce qui aide ; en outre, les autres ne voient pas en images, et vous mettent dans des situations qu'il faut alors corriger.
Je pense que la plupart des (bons) scénaristes de BD sont des dessinateurs à la base - pas nécessairement des bons dessinateurs ; il suffit d'avoir tâté de la BD (scénario + dessins), même en amateurs d'ailleurs ; ce qui compte, c'est d'avoir eu une expérience enrichissante à ce niveau. Et puis, un jour, un événement les a conduits à devenir scénaristes : soit qu'ils ont été déçus dans leurs tentatives de devenir dessinateurs professionnels, soit qu'ils se sont aperçu que leur truc, c'est plutôt de raconter des histoires (en BD). Mais l'expérience qu'ils ont eue en tant que dessinateurs est à mon sens capitale et décisive dans leur cheminement et dans le fait qu'ils écrivent techniquement de bons scénarios.
C'est bien sûr un aspect parmi d'autres. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : qu'un dessinateur, bon ou mauvais, qui décide un jour de devenir scénariste, deviendrait automatiquement un bon scénariste de BD. D'autres qualités entrent en jeu. Et il faut aussi, pendant cette expérience dans le dessin de BD, que l'auteur en devenir ait compris les règles de la narration BD.

JYB


vieux sage
vieux sage

Je ne sais pas où mettre ce post ; ce sujet semble le moins inapproprié.
Des lecteurs m'ont dit, ou ont fait savoir ici et là, qu'ils n'aiment pas du tout les histoires longues, qui s'étalent sur deux, trois albums, voire plus. Pour eux, une histoire doit tenir dans un album et un seul, point final (c'est le cas de le dire).
Bien.
Les mêmes - ou d'autres - reprochent aux éditeurs de lancer de nouvelles séries qui commencent par une longue aventure, laquelle va s'étaler sur plusieurs albums. Or, leur premier album mis en vente ne connaissant pas forcément un grand succès, certaines séries s'arrêtent en plein vol, en plein essor, sur décision de l'éditeur... aussi les lecteurs qui ont acheté ce premier album se sentent lésés : ils ne connaîtront jamais la suite et la fin de l'aventure.
Apparemment, ils ont raison de râler.
Donc, il faudrait ne publier systématiquement que des histoires en un seul album. Et surtout ne commencer une nouvelle série que par une aventure courte (= en un seul album, j'entends), pour voir si ça va "prendre" ou non.
Oui, mais : que dire de scénaristes comme Charlier ou Van Hamme - je choisis deux noms presque au hasard... - qui ont écrit de longues, très longues aventures de séries fameuses, et même emblématiques (Blueberry pour l'un, et XIII pour l'autre) qui, on le comprend, ne pouvaient qu'être constituées de nombreux albums "à suivre", et qu'on n'aurait pas connues si les éditeurs s'étaient pliés aux injonctions d'un certain nombre de lecteurs, puisqu'on voit mal les cinq premiers albums de Blueberry (= le conflit avec les Indiens) et les X premiers albums de XIII (pour ne pas dire toute la série, d'ailleurs), ramenés à un seul album de 46 planches pour chaque série.
Variante pour rester dans le sujet ("Les secrets d'un bon scénario de BD") : un bon scénario de BD est-il un scénario court, en un album ?

Michel Jacquemart

Michel Jacquemart
bédéphile pointu
bédéphile pointu

Tu pourrais aussi citer François Bourgeon ! Il avait écrit une histoire qu'il pensait réaliser en un album, les passagers du Vent, et il a finalement développé cette histoire en 5 albums...

Un album de BD actuel - 46 planches, en 3 strips - correspond à environ 40 à 50 minutes de film de cinéma (j'ai fait le calcul en comptant le nombre de plans)... Un film "standard" correspond à environ 2 albums BD - au moins ! A remarquer que l'on a pu observer la même politique chagrine en BD et en cinéma : on a réduit le nombre de pages des albums pour économiser le papier, et on a standardisé les films pour augmenter le "roulement" dans les salles... C'est quand on s'est aperçu que finalement le public, dans ces conditions, préférait regarder les films chez lui sur son téléviseur, que l'on est revenu à un cinéma "grand spectacle", avec des films de longue durée (Star War, Lord of the Ring) pour ramener le public dans les salles... Mais il ne faut pas demander à tous les éditeurs (franco-belges) de trop penser... Certains ont bien compris et développent des intrigues sur plusieurs albums ou avec des albums plus longs, mais ce n'est pas prêt d'être le cas pour les séries de Jacques Martin, alors que tout le monde (sauf l'éditeur, qui se fiche bien de l'avis des lecteurs !) regrette le temps où les intrigues étaient développées sur 62 pages...

JYB


vieux sage
vieux sage

Oui, on peut citer pas mal d'auteurs (scénaristes) qui ont suffisamment de "souffle" pour attaquer une première histoire sur plusieurs albums. J'ai évoqué seulement Charlier et Van Hamme pour faire court et pour citer des grands scénaristes classiques qui ont de nombreuses séries à leur actif.
Mais tu ne réponds pas tout à fait ni clairement aux critiques des lecteurs qui se plaignent de se faire piéger en achetant un album censé être le premier d'une longue série mais qui n'a pas de suite faute de succès.
Pour pallier ce défaut : un éditeur et des auteurs doivent-ils lancer un premier album d'un nombre de pages suffisant (62 puisque tu en parles, ou plus, voire beaucoup plus) selon leur inspiration ? Mais imagines-tu un éditeur capable de laisser un dessinateur (et son scénariste s'il a un scénariste) préparer un album de par exemple 100 ou 120 planches couleur, en le payant à mesure qu'il livre ses planches mois après mois, et ce pendant des années (car ça prendrait des années de boucler un tel album) ? Tout cela sans être sûr que l'album aura du succès ! Sans être sûr non plus que, par exemple, l'auteur ira jusqu'au bout de son travail (il peut se passer tellement de choses en cours de route, et on a vu des séries s'arrêter en cours de route pour diverses raisons).
Le problème que je soulève est aussi celui du formatage universel qui voudrait que tout premier album d'une nouvelle série serait toujours de 46 planches (ou 62 maxi) et se conclurait avec le mot "fin" pour présenter une histoire "bouclée" en un album et pas plus ?



Dernière édition par JYB le Dim 24 Oct - 1:54, édité 1 fois

Michel Jacquemart

Michel Jacquemart
bédéphile pointu
bédéphile pointu

j'ai déjà longuement réfléchi à la question... Il est possible, pour un scénariste, de concevoir une aventure en un album (de 62 pages) ou en deux albums (de 46 pages) - un éditeur, sur la base du projet et/ou de la réputation des auteurs, peut bien prendre le risque de concevoir une aventure en 2 tomes... Mais, si l'histoire marche bien, on peut développer la suite... De la sorte, l'éditeur n'est coincé ni dans un sens ni dans l'autre... En effet, un éditeur préfère développer une série plutôt que de sortir un "one shot"... C'est bien plus intéressant ! Mais il ne veut pas non plus être coincé, être obligé de publier 5 tomes d'une série qui ne marche pas... C'est pour cela qu'il est judicieux de présenter des projets d'histoires qui peuvent être résolues en un ou deux tomes (si ça ne marche pas), mais pour lesquelles on a aussi prévu un développement "ouvert", pouvant donner suite à une série ; il est important de concevoir l'option "série" dès le début, de manière qu'une suite n'apparaisse pas comme un développement artificiel où l'on "tire sur le succès", comme cela est parfois arrivé au cinéma... Cela me paraît, en tout cas, une façon raisonnée de présenter ses projets à un éditeur...

A remarquer que j'avais déjà appliqué cette formule avec "Le Maître de l'Atome", mais, malgré le succès de cet album, l'éditeur en a refusé la suite, parce que, chez Casterman, on n'aime pas la science-fiction...

Qu'il y ait un formatage,n'est pas vraiment un problème en soi... Le cinéma s'en est bien accommodé - formatage de 90 minutes... Mais il faut pouvoir le "dépasser", comme ça a été le cas au cinéma avec des films plus longs, comme Lawrence d'Arabie, 2001, Star Wars... On peut le faire en BD, certains éditeurs le font, cf les albums de Cosey ou de Bourgeon... Mais le standard BD de 46 planches ne correspond pas, au point de vue contenu narratif, à un film "standard" de 90 minutes, mais bien à un "serial" de 30 à 50 minutes... On peut faire de très bons "serials", parfois supérieurs aux films, mais cela demande plusieurs épisodes - des dizaines même - pour construire une intrigue ! Pour élaborer en BD une histoire équivalente à un film de cinéma, il faut deux ou trois albums (standard de 46 pages, 3 strips/page)... Un album de Bd actuel correspond un peu à un épisode TV... C'est pourquoi des scénaristes construisent leur histoire en 2 ou 3 albums (comme Jean-Michel Charlier le faisait déjà...°



Dernière édition par Michel Jacquemart le Dim 24 Oct - 10:58, édité 1 fois

JYB


vieux sage
vieux sage

Certes, mais il faudrait donc ne faire confiance qu'à des auteurs confirmés pour lancer une longue saga ? Donc, un jeune scénariste qui arrive sur le marché devrait forcément se coltiner une histoire tenant dans un unique album de 46 planches ? Mais si ce jeune scénariste est doué pour les longues histoires à suites et à rebondissements, il risque de ne pas donner le meilleur de lui-même et de se planter dans une histoire "courte" (46 planches est long, mais ça fait court par rapport à ce dont je parle).
Ce que tu proposes aussi, consistant à écrire une histoire relativement courte mais en prévoyant un développement "ouvert" pour une éventuelle suite si le public aime, ça complique et ça fait des contraintes ou des artifices qui risquent de se ressentir dans les histoires. Quid de l'inspiration et de l'originalité du scénariste ? Et cela ferait là aussi des scénarios qui risquent d'être construits selon le même principe d'un scénariste à l'autre, d'un éditeur à l'autre, d'où la question du formatage assez semblable dont je parlais un post plus haut.
Par ailleurs, je peux affirmer que de bons scénaristes écrivent des histoires denses et finies en 46 planches (sur 4 bandes par planche, séquences bien tassées, dialogues denses, etc.), tandis que d'autres font des histoires pas terribles et lâches au niveau du découpage, sur 62 ou 74 ou 92 planches (92 : deux fois 46 planches). Cette question des trois ou quatre bandes par planche fausse un peu le problème, car mettre seulement 5 ou 6 cases (sur 3 bandes) par planche permet d'étirer l'histoire sur deux albums par exemple, quand un scénariste traitant l'histoire différemment n'a besoin que d'un album de 46 planches.
Précision : L'Association a pu sortir des albums épais, jusqu'à 200 planches je crois, mais c'était en Noir et blanc avec des dessins moins documentés et moins finis que dans des séries fort longues à dessiner par la masse de détails à dessiner. Quand, en plus, il y a des couleurs à faire, ça prend beaucoup plus de temps, et par ailleurs, ça coûte fort cher à l'éditeur. Il faut en tenir compte dans le calcul de la faisabilité du projet.



Dernière édition par JYB le Dim 24 Oct - 2:35, édité 2 fois

Michel Jacquemart

Michel Jacquemart
bédéphile pointu
bédéphile pointu

Mais non ! Il ne faut pas faire appel qu'à des auteurs confirmés! Comme je l'explique, il y a moyen d'écrire une histoire qui se tient en elle-même (en un ou deux albums), mais qui peut être développée sur plus d'albums! Ce n'est pas si difficile ! Je l'ai fait pour Le Maître de l'Atome : j'ai découpé le synopsis en 3 albums, mais de manière à ce que le premier tome se suffise à lui-même, mais que l'on continue l'histoire si le premier tome rencontre le succès... En fait, je me suis inspiré de la manière dont avait procédé Lucas pour Star Wars : il avait écrit un long synopsis qu'il a "tronçonné", il a tourné le premier épisode, qui se suffisait en lui-même, mais avec l'espoir de tourner la suite (l'ensemble du synopsis) si le premier épisode "marchait" !...



Dernière édition par Michel Jacquemart le Dim 24 Oct - 10:55, édité 1 fois

JYB


vieux sage
vieux sage

Bon, je ne fais que lancer un débat, ce serait bien que d'autres interviennent pour donner leur avis (en particulier des lecteurs, car j'étais parti de réflexions de lecteurs ; mais si des auteurs veulent bien s'y mettre...).
Et là, tu as vu l'heure, je vais me coucher...

Michel Jacquemart

Michel Jacquemart
bédéphile pointu
bédéphile pointu

Je pense que c'est un débat intéressant, car il en ressort la vieille question "serial ou one shot", question qui se pose aussi en littérature et cinéma...

Les "Rougon-Macquart" d'Emile Zola, ce ne serait pas une "série" ? ;-)
Et le Roman de Renart ?

PS à propos de l'association: je rappelle que ça ne coûte pas plus cher à l'éditeur d'imprimer des bons dessins que des mauvais dessins !
De même, au cinéma comme en BD, le scénario est ce qui coûte le moins cher... Mais c'est aussi le facteur numéro un de la réussite - et aussi de l'échec ! Je suis parfois consterné de voir que la production d'un film a engagé de gros moyens dans les acteurs, les effets spéciaux, je vois que des gens se sont cassé le cul pour imaginer des vaisseaux, des stations spatiales, tout cela très bien pensé, mais complètement inutile parce que le scénario du film a été confié à des crétins ! On rencontre aussi le cas en BD... Je me demande parfois comment des dessinateurs talentueux gâchent ainsi des années de leur vie à illustrer des scénarios indigents...

JYB


vieux sage
vieux sage

Je recentre le débat, car tu t'éloignes souvent, Michel (même si j'approuve tes propos sur les scénarios indigents de certaines BD ou de certains films) :
- je parle de BD puisqu'on est sur un forum BD (on peut étendre le débat aux films, mais pas aux romans car l'une des données du problème est que faire une BD copieuse en nombre de planches, et surtout quand elle est mise en couleurs, cela prend beaucoup de temps et coûte cher - ne parlons pas de films à grand spectacle comme ceux que tu évoques, où là les financements sont inimaginables).
- je parlais du premier album d'une nouvelle série. Un scénariste imagine un nouveau personnage qui va vivre une longue aventure sur plusieurs albums, un éditeur dit "banco" et lance le premier. Or, pour parler concrètement : qui dit "nouveauté", dit "pas forcément un succès immédiat". Qui dit "vente d'un album" dit, côté éditeur : "recherche de la rentabilité" - ce qui est normal : un éditeur ne va pas vendre à perte mais cherche à retrouver ses billes. Problème, et fond du débat que j'ai lancé : plus d'un éditeur n'hésite pas à supprimer une nouvelle série s'il voit que le premier album mis sur le marché ne rencontre pas le succès. C'est un cercle vicieux : d'une part, il faudrait pourtant laisser le temps à la série de s'installer (càd qu'il faudrait que l'éditeur fasse son boulot et accepte à l'avance d'essuyer les plâtres en finançant non seulement le premier, mais aussi le deuxième puis au moins le troisième albums), et d'autre part, allons de l'autre côté de la barrière : combien de lecteurs disent qu'ils attendent d'acheter un premier album pour voir si les suivants sortiront ? Ils disent ça de peur de se tromper dans leur choix de lecteur (cette nouvelle série tiendra-t-elle ses promesses ?), et aussi de peur d'acquérir un premier album dont ils ne verront jamais la suite - le cas est hélas courant. Mais s'ils n'achètent pas le premier, comment cet album peut-il se vendre et avoir du succès ???? Je répète : c'est un cercle vicieux.
Bref, pour répondre à tes propos, Michel : je ne parle pas du tout d'une grande série connue dont il existe de nombreux titres et dont tout le monde sait à l'avance que tout nouveau titre, qu'il soit le premier d'une longue saga ou qu'il soit un "one shot", se vendra toujours très bien et sera toujours immédiatement rentable - simplement parce que le public, fidèle à cette grande série emblématique, achète "les yeux fermés". C'est ce que je ne cesse, sur ce forum (et ailleurs), de dénoncer, parfois à mots voilés pour ne froisser personne : un éditeur n'est qu'un commerçant et veut assurer ses arrières en vendant des albums dont il sait d'avance qu'ils rapporteront beaucoup d'argent... quelle que soit la qualité des scénarios, tout simplement parce que ces albums étoffent une série déjà bien installée, et ce depuis des décennies pour le cas de séries très célèbres - et dont parfois les créateurs sont décédés -, séries que je ne citerai pas mais que tout le monde ici a en tête.
Qu'un éditeur soit un commerçant, ce n'est pas une critique en soi. N'importe quel patron de n'importe quelle société cherche à gagner de l'argent pour faire tourner sa boutique et payer son personnel, ses fournisseurs et bien sûr ses auteurs dans le cas d'un éditeur. Ce qui est critiquable, c'est que le même grand éditeur n'a souvent pas de connaissances scénaristiques pour juger la qualité d'un scénario qu'on lui propose, et donc il publie n'importe quoi (voir ce que dit Michel lui-même un post plus haut). Quand il publie un album (au sein d'une série très célèbre, je précise encore) dont le scénario est écrit par un bon scénariste, l'éditeur se frotte les mains en pensant intérieurement "Ouf, j'ai eu de la chance !" ; et quand on l'interroge, par exemple dans un journal sous forme d'une interview, il prend un air inspiré en faisant croire qu'il avait mûrement réfléchi et a choisi le meilleur scénariste, etc. S'il publie un mauvais scénariste, il s'en fout : vu que c'est dans le cadre d'une série très célèbre et bien installée, ça se vendra quand même.
Donc, je repose ma question du départ : avec une NOUVELLE SERIE, et surtout avec un NOUVEAU SCENARISTE, ou un scénariste pas trop connu ou qui fait ses premières armes depuis peu de temps, un éditeur peut-il prendre le risque - pour les raisons que j'ai évoquées ici - de lancer une longue saga "à suivre", ou doit-il au contraire lancer un album de 46 planches publiant une histoire complète (avec le mot "Fin") ?
Petit a parte : je n'ai pas parlé de NOUVEAU DESSINATEUR sur un tel projet, car sur ce point, le problème cause moins de soucis : d'abord, un bon dessinateur, on peut en trouver facilement, et de toute façon, on peut tout aussi facilement masquer ses éventuelles déficiences en lui faisant représenter une ou deux scènes lestes d'une fille qui prend sa douche ou qui se fait sauter, ça marche toujours, pour ça il y aura toujours assez de lecteurs, les exemples sont nombreux pour le démontrer. Et quand bien même l'un ou l'autre d'entre vous répondra : "Mais non, on n'est pas comme ça..." ; vous, non, mais les faits sont là : un album avec plus ou moins de cul, ça marche toujours, ou en tout cas ça marche bien mieux que s'il n'y en avait pas... Et donc, un PREMIER album aussi...
Et en disant tout cela, je suis certain que je reste dans le thème de cette discussion : "les secrets d'un bon scénario de BD".

Michel Jacquemart

Michel Jacquemart
bédéphile pointu
bédéphile pointu

cela ne contredit pas mon propos : quand Lucas a commencé Star War, il n'était pas très connu et personne n'était sûr que le succès serait au rendez-vous ; c'est pourquoi il a conçu le premier épisode comme se suffisant à lui-même !

On peut donc prévoir une histoire qui se suffit en un ou deux albums, mais que l'on puisse continuer en cas de succès...

Même si un premier album d'une nouvelle série ne se vend pas comme celui d'une série déjà à succès, l'éditeur peut voir si les ventes sont intéressantes pour un premier album, si les critiques sont bonnes, si le bouche à oreille fonctionne... Au deuxième épisode, il verra s'il y a une augmentation des ventes... C'est ainsi que la série XIII a débuté... Modestement, mais plutôt bien pour un premier album, avec une bonne critique et une augmentation constante...

Le problème des séries est le même en BD, cinéma, TV ou littérature : cela demande du temps et de l'argent et il faut que les éditeurs ou producteurs rentrent dans leurs bénéfices... Si une série marche bien, il faut pouvoir la continuer sans qu'on donne l'impression de ralonger la sauce, si elle n'est pas assez rentable, il faut pouvoir la conclure sans frustrer les lecteurs ou spectateurs...

JYB


vieux sage
vieux sage

Michel Jacquemart a écrit:cela ne contredit pas mon propos : quand Lucas a commencé Star War, il n'était pas très connu et personne n'était sûr que le succès serait au rendez-vous ; c'est pourquoi il a conçu le premier épisode comme se suffisant à lui-même !
On peut donc prévoir une histoire qui se suffit en un ou deux albums, mais que l'on puisse continuer en cas de succès...
Certes, mais je répète, restons au niveau des BD (pas des films, et en tout cas pas de Star Wars qui me semble être un cas à part, peut-être unique, ne serait-ce que par le thème et le tronçonnage des différents épisodes), et restons au niveau d'une saga prévue à l'avance sur plusieurs albums et qui soit une longue et même aventure, avec un début, un développement et une fin (sur plusieurs albums je répète). Tu as l'air de dire qu'il suffit de prévoir une première histoire qui tienne "en un ou deux albums". Justement, non, le problème est : des lecteurs ne veulent pas acheter un premier album qui a une suite parce qu'ils ne sont pas sûrs que cette suite (donc au moins l'album n°2) va voir le jour ; et ces lecteurs sont apparemment suffisamment nombreux pour faire capoter tout projet de lancement d'une nouvelle série. Donc, il ne faut pas prévoir une première aventure (d'une nouvelle série) sur deux albums mais sur un seul qui "boucle" l'histoire.
Tu proposes aussi que cette première histoire (en un ou deux albums, mais moi, je maintiens : obligatoirement en un seul) se suffise à elle-même mais puisse être continuée en cas de succès. Bien sûr, mais c'est le cas de n'importe quelle série : on lance un premier album, et si ça marche, on en fait un deuxième, puis un troisième. La suite n'est pas forcément la suite directe du premier ; elle peut en être un développement, une sorte de spin off, un truc qu'on raboute, qu'on greffe, mais pas le morceau manquant qui boucle l'histoire, qui résout l'énigme abordée dans le premier tome, etc. Moi, je parle bien d'une longue histoire qui se tienne avec un début, un développement et une fin, qu'on doive tronçonner en trois ou quatre albums ou plus, de 46 planches chacun. C'est tout à fait différent de ce que tu prônes, et c'est là le problème : un scénariste et un éditeur qui veulent lancer une nouvelle série ne peuvent pas vraiment commencer par une longue aventure, sinon ils vont se planter, faute de lecteurs nombreux qui accepteront de marcher dans la combine en achetant le premier tome.
Donc, voici mon souci : un scénariste doté d'une imagination débordante comme Charlier dans Blueberry ou Van Hamme dans XIII, ne peut plus aujourd'hui lancer un nouveau personnage vivant une première longue aventure (5 épisodes pour la saga de Fort Navajo pour ce qui est de Blueberry par exemple), à moins de prendre des risques - ou plutôt, à moins que son éditeur prenne des risques. C'est ce que je trouve dommage, car cela tue la création et la liberté du scénariste, et c'est là où je veux en venir.

Michel Jacquemart a écrit:Même si un premier album d'une nouvelle série ne se vend pas comme celui d'une série déjà à succès, l'éditeur peut voir si les ventes sont intéressantes pour un premier album, si les critiques sont bonnes, si le bouche à oreille fonctionne... Au deuxième épisode, il verra s'il y a une augmentation des ventes... C'est ainsi que la série XIII a débuté... Modestement, mais plutôt bien pour un premier album, avec une bonne critique et une augmentation constante...
Je n'ai pas dit le contraire non plus. Or, tu dis bien "si" ceci, "si" cela... Avec des "si", on met Paris en bouteilles. Or, un éditeur, de nos jours, est frileux et n'a pas envie de prendre des risques en pariant sur un avenir aussi incertain. Sachant, je répète, que le problème vient surtout des lecteurs qui préfèrent ne pas acheter un premier album (premier d'une saga, bien sûr) de peur que la suite ne paraisse jamais. Et cette crainte fait avorter tout projet d'une bonne histoire en plusieurs tomes.

Invité


Invité

JYB a écrit: Sachant, je répète, que le problème vient surtout des lecteurs qui préfèrent ne pas acheter un premier album (premier d'une saga, bien sûr) de peur que la suite ne paraisse jamais. Et cette crainte fait avorter tout projet d'une bonne histoire en plusieurs tomes.

On peut comprendre d'autant mieux les hésitations du lecteur qu'avec la pléthore des sorties d'albums (exemple 319 rien que pour le mois de novembre, comme je le soulignais hier) son appétit de nouveautés (et cela va de soi son portefeuille Wink ) se trouve forcément quelque peu bridé. Twisted Evil

Même des auteurs déjà célèbres ne sont pas à l'abri de ce genre d'aventures : on l'a bien vu avec le regretté Tibet qui, malgré sa notorieté, n'a pas hésité à créer un nouveau personnage, Aldo Rémy.

Malheureusement, il n'a pas bénéficié d'une publicité éditoriale adaptée et n'a pu publier son 3ème et dernier album qu'auprès d'une structure indépendante.

Michel Jacquemart

Michel Jacquemart
bédéphile pointu
bédéphile pointu

Non, on peut écrire un premier épisode prévu pour une saga en plusieurs tome, mais qui se suffit quand même en lui-même ! (le Maître de l'atome en est exemple !) Cela demande un peu d'habilité, mais c'est possible !

On parle de crise, mais je remarque qu'il y plein de nouvelles séries qui démarrent et qui sont pleine d'intérêt !

Par contre, on assiste au déclin qualitatif de plusieurs séries classiques (telles que Blake et Mortimer ou Alix et Lefranc) et cela pourrait pousser les lecteurs à se tourner vers les série émergentes...

JYB


vieux sage
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Michel Jacquemart a écrit:Non, on peut écrire un premier épisode prévu pour une saga en plusieurs tome, mais qui se suffit quand même en lui-même ! (le Maître de l'atome en est exemple !) Cela demande un peu d'habilité, mais c'est possible !
Sans doute, mais je redis (voir un peu plus haut) que ça tue l'inspiration, la création et la liberté du scénariste.
Rappel : nous sommes dans le sujet "Les secrets d'un bon scénario de BD". Donc, un petit secret de plus : ne paralysons pas les scénaristes par des contraintes de ce genre...

Michel Jacquemart a écrit:Par contre, on assiste au déclin qualitatif de plusieurs séries classiques (telles que Blake et Mortimer ou Alix et Lefranc) et cela pourrait pousser les lecteurs à se tourner vers les série émergentes...
Marrant que tu arrives maintenant à cette conclusion, car c'est exactement ce que je disais (sans citer de noms de séries) à la fin du printemps dernier, sur ce forum (je ne sais plus où exactement). Et moi, je le pense depuis de très, très longues années : c'est comme ça, on n'y peut rien, mais globalement, des reprises sont moins bonnes que lorsque les mêmes séries (toujours sans citer de nom...) étaient réalisées par leurs créateurs d'origine... Elles sont même parfois tellement moins bonnes que, je reviens à mon leit-motiv que vous connaissez tous : il vaut mieux ne jamais reprendre une série, point final.
Attention, il y a déjà sur ce forum un sujet où j'ai pas mal développé ce thème des reprises. Voir à :
https://lectraymond.forumactif.com/autres-bandes-dessinees-f7/reprise-d-une-serie-apres-la-disparition-de-son-createur-t401.htm

Michel Jacquemart

Michel Jacquemart
bédéphile pointu
bédéphile pointu

Ce n'est pas parce qu'une catastrophe est arrivée qu'elle était inéluctable !...

Quant aux contraintes, je pense qu'elle sont inhérentes à toute forme d'activité artistique, du fait même du support employé... Ce n'est pas la même chose que des contraintes arbitraires imposées par l'éditeur ou le producteur, concernant le contenu (censure politique ou religieuse, ou tout simplement correspondant aux goûts personnels de l'éditeur - ou encore : "Lefranc ne doit pas faire du ski nautique!")...

Le format est inhérent au support. Par exemple le format de la page, de l'écran, le temps d'un épisode télé, etc... C'est à l'artiste d'utiliser au mieux les contraintes de format, pas de lutter contre. Par exemple, la prébublication hebdomadaire des BD a donné lieu au "suspens" (ou au "coup de théâtre") de fin de page; aujourd'hui, alors que les BD paraissent directement en album, certains auteurs continuent d'utiliser cette construction, car cela donne un rythme au récit.

Le fait de découper une longue histoire en épisodes (albums BD, épisodes télé ou films) permet de structurer le récit en sous-unités ("époques" ou chapitres). Les séries télévisées ou Star Wars illustrent bien ce principe. Je n'aime pas, en tant que lecteur, quand un album est coupé arbitrairement, abruptement, parce que l'on arrive à la page 46... Il faut qu'il y ait une conclusion provisoire... Ce n'est pas une contrainte que je trouve paralysante, mais bien "structurante"...

Quand on veut raconter une histoire, on doit matérialiser des idées, et de ce fait même on est soumis à une série de contraintes matérielles ; l'art, c'est de maîtriser au mieux ces contraintes...

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