Jean-Marc a écrit:Mais le choix d'Hergé est tout à fait respectable et il faut bien sûr s'y conformer, c'est ce que j'ai dit dès le début : respectons le choix de l'auteur.
Quand Hergé dit qu'il ne faut pas publier de nouvelles histoires de son personnage Tintin, sûr qu'il faut respecter sa consigne. Quelqu'un qui passerait outre le trahirait en quelque sorte.
Jean-Marc a écrit:Mais je ne vois pas pourquoi l'option inverse (comme celle de J Martin) serait moins respectable.
Il n'est pas question (pour moi) de dire si le choix de Hergé, de Martin, ou de tout autre, est respectable ou non. Je me situe, et je situe - ou voudrais situer - la discussion, à un autre niveau. Je répète le postulat de l'ami journaliste : un héros de BD ne doit pas survivre à son créateur, il doit mourir avec lui, point final. Et ce que je cherche, ce sont des arguments en faveur de cette assertion, car je pense que c'est la meilleure voie.
Le cas Jacques Martin est encore différent. Il a préparé sa succession, a écrit pas mal de scénarios d'avance, etc. Donc, c'est clair qu'il a souhaité que ça continue, et non seulement ça, mais ça va continuer avec ses propres scénarios... On ne peut pas rêver mieux comme contre-exemple. Il n'empêche que l'assertion de l'ami journaliste demeure : malgré les consignes de Jacques Martin, est-ce bien de continuer ses séries ? Ses héros ne devraient-ils pas disparaître avec lui ? Je maintiens que la question reste posée.
Mais si on pointe le faisceau du projecteur sur des cas à part comme celui de Jacques Martin, on ne s'entendra jamais, alors que je parle globalement du sujet des reprises des BD après la mort de leur auteur, sans m'occuper des particularismes.
Je suppose d'ailleurs que de plus en plus d'auteurs (scénaristes en particulier) vont, à la lumière de ces exemples, prendre des dispositions pour dire clairement, officiellement, par testament, ce qu'il en sera après leur mort.
Mais surtout, il faut prendre du recul par rapport à ce problème et ne pas considérer l'avis des auteurs, mais considérer juste le fait avec cette simple question : un héros de BD doit-il survivre à son créateur ?, qui implique qu'on ne tienne pas compte de l'avis des auteurs : le héros suit son créateur dans la tombe, point final, car l'un ne va pas sans l'autre, car l'un émane de l'autre, car l'un (le héros) n'existe que parce que l'autre (le créateur) l'a imaginé et fait vivre ; ils sont intimement liés, jusque dans la tombe.
Je vais poser le problème sous deux angles différents, pas encore abordés :
- un héros totalement oublié et inconnu, et dont le scénariste est décédé, pourquoi personne ne parle de le reprendre ? Je vais citer un exemple (au hasard. dans l'oeuvre de... JM Charlier...) : en 1962, il a créé avec Paape un personnage de marin, Ned Tiger, dont il n'a existé qu'un récit de 12 planches (voir mon site jmcharlier.com, à ce lien : http://www.jmcharlier.com/bd_divers.php ). Pourquoi personne à ma connaissance n'a repris ce personnage, et pourquoi y a-t-il du monde sur les rangs pour reprendre Blake et Mortimer, Lucky Luke, etc. ? Pourtant, c'est fort possible de créer un personnage de marin de la marchande, vivant des aventures autrefois : voir par exemple la série Tramp de JC Kraehn et P Jusseaume. Voir aussi, plus contemporaine, la série Mérite maritime (et encore chez Charlier le personnage de Ron Clarke, interrompu par la mort du scénariste justement, et dont il existe un album). Donc, pourquoi ne pas reprendre Ned Tiger ? Cela peut avoir du succès, à l'exemple de Tramp. Pourquoi les auteurs aujourd'hui se focalisent-ils sur une série célèbre comme Blake et Mortimer (et d'autres, bien sûr) ? Pour rendre hommage à Jacobs ? Mais le scénariste de Ned Tiger, c'est Charlier ; ce n'est pas un nain du scénario... on peut lui rendre hommage aussi !
- OK, admettons qu'un scénariste reprenne une série célèbre. Mais pourquoi lui ? Pourquoi CE scénariste ? Et pourquoi lui seulement ? Pourquoi d'autres auteurs, d'autres scénaristes ne pourraient-ils pas eux aussi faire leurs petits mickeys, en reprenant un personnage existant mais devenu orphelin ? Pourquoi n'y aurait-il pas dix Van Hamme et dix Sente à pondre du scénario de Blake et Mortimer, chacun dans son coin ? Vous allez me dire :"Ben, parce que ça ferait trop d'albums à sortir chaque année !". Je ne vous le fais pas dire... Mais dans l'absolu, qu'est-ce qui empêche ? Et dans le cas de Blake Mortimer (mais je pourrais citer d'autres séries dans le même cas, ne croyez pas que je m'en prends à celle-là en particulier), s'il faut deux scénaristes, pourquoi Van Hamme et Sente ? Parce qu'ils passaient par là, ils ont vu de la lumière...? Parce qu'il n'y a qu'eux qui sont bons pour reprendre Blake et Mortimer, et tous les autres scénaristes sont mauvais ?
Jean-Marc a écrit:Le seul problème éthique qui peut survenir c'est quand l'auteur n'ai laissé aucune consigne claire, comme Jacobs.
Comme on dit : "Qui ne dit mot, consent". Donc, on peut penser que Jacobs était d'accord, et il ne reste plus qu'à se tourner vers les ayants-droit qui décident de ce qu'il faut faire, en son nom.
Personnellement - je m'avance peut-être un peu trop - mais j'ai un petit doute sur le fait que Jacobs aurait été d'accord de son vivant pour que ses personnages vivent de nouvelles aventures après sa disparition. Peut-être quelqu'un a-t-il des "tuyaux" ou des éléments sur ce qu'on peut en dire ?