Dans toute communauté, il existe un membre à part, un vilain petit canard, un mouton noir ou si vous préférez un "membre alpha" (c'est le terme qu'emploient les psychologues en analysant la dynamique des groupes). Il en est bien sûr de même dans le monde des fanzines où l'enquiquineur patenté (et l'ennemi que beaucoup voulaient voir disparaître) était sans doute
Bédésup.
Fondé en 1978 par une équipe "sécessioniste" d'Haga, le journal s'appelait d'abord "
Hagasup", puis il a adopté le patronyme
Bédésup dès son N° 8. Cette revue a connu une longue carrière puisqu'il y a eu 74 numéros sous des formats divers jusqu'en 1996. Le fanzine a disparu cette année là en même temps que son fondateur Jean-Claude Faur.
Ayant la vocation d'une revue d'étude, ce journal contenait un mélange d'interviews d'auteurs, d'articles d'analyse (dont certains étaient consacrés à Jacques Martin) et de BD de débutants. Une partie du sommaire de cette revue peut être trouvée sur
BDGest.
A première vue, il n'y a rien à redire au programme de ce fanzine mais l'attitude change lorsque l'on le possède entre ses mains. Intéressons nous par exemple au N° 35, principalement consacré à Albert Weinberg.
C'est une revue de 48 pages imprimée en offset, sur un bon papier, mais la mise en page n'est cependant pas à la hauteur des attentes. Les images proviennent souvent de photocopies de mauvaise qualité et produisent une désagréable impression d'amateurisme (même pour l'époque). Les articles sont nombreux mais leur contenu est parfois bizarre, pour ne pas dire abscons. L'interview d'Albert Weinberg est une excellente idée (il n'y en a pas beaucoup qui existent) mais il apparait minimaliste lorsqu'on l'a terminé (tout comme la notice biographique et la biblio qui l'accompagnent, le total du "dossier" ne faisant guère plus que 7 pages). Les BD d'amateurs, ne sont pas très nombreuses et il y a en revanche beaucoup de textes et d'articles qui donnent une impression de "remplissage". Dans l'ensemble, tout cela apparait comme un travail disparate et incomplet. Inutile d'ajouter qu'après avoir acheté ce numéro, je n'ai pas eu envie de renouveler l'expérience.
Petite remarque de collectionneur au passage. Il y a une dizaine d'années, j'ai trouvé par hasard de plusieurs vieux numéros de
Bédésup en occasion chez un libraire genevois. Le prix était modeste et j'aime acheter les vieux fanzines, mais ... j'ai tout de même fait l'impasse tellement le contenu semblait inintéressant. C'est tout dire ! (par contre j'ai trouvé au même endroit les premiers numéros de
Hop qui étaient déjà épuisés à l'époque et là ...
... je ne me suis pas fait prier
... bon, je digresse un peu trop, excusez-moi
).
Bédésup s'est en partie fait remarquer par ses querelles avec Thierry Groensteen au moment où celui-ci dirigeait les "Cahiers". Ces querelles de clocher m'ont laissé plutôt indifférent à l'époque, mais peut être que certains d'entre vous se rappelleront de l'article de Groensteen paru dans le N° 71 des "cahiers" (intitulé "le cas Bédésup") qui se livre à une diatribe impitoyable. Les rédacteurs de
Bédésup lui ont répondu de manière tout aussi féroce par la suite ("le cas Groensteen" dans le n° 38-39) et je peux éventuellement en envoyer une copie à tous ceux que cela intéresse
.
Parallèlement à la revue principale, il existait une
Lettre de Bédésup à laquelle je ne me suis jamais intéressé. En 1992, cette "lettre" s'est retrouvée insérée dans les pages d'un journal d'extrême-droite ! Inutile de préciser que ceci n'a pas amélioré la réputation de
Bédésup.
Essayons tout de même de dire un peu de bien de ce fanzine, car il avait tout de même la passion d'une certaine BD. Comme beaucoup d'autres, il s'est lancé dans l'édition d'albums et on lui doit quelques publications consacrées à Walthéry, Tillieux ou Jijé qui ne sont pas à négliger. Les rédacteurs ont également publié quelques livres d'étude (dont un qui est consacré à Jacques Martin
) mais il m'est difficile de les commenter. En effet, comme je me méfie de toutes les productions de
Bédésup, j'ai soigneusement évité de les acheter.
Signalons aussi un numéro qui sort de l'ordinaire, c'est le 38-39 celui qui est consacré à Chott et à
Fantax.
Pour une fois, le contenu du journal est assez copieux, et le dossier fait 60 pages. On y trouve des interviews des principaux collaborateurs de Chott comme Marcel Navarro, Claude Bordet, Rémy Bordelet et Bertrand Charlas, en plus d'un entretien avec la fille de Pierre Mouchot, et tout cela permet d'avoir une bone idée de l'auteur. Bien sûr, le ton est hagiographique et certaines appréciations dityrambiques semblent bien ridicules (Chott serait le "Hogarth français"), mais c'est un détail. Il y a cependant quelques détails désagréables, tels qu'une impression des textes et des dessins dans un bleu délavé parfois mal lisible (pourquoi ???) ou une réédition du premier récit de Fantax de qualité piteuse. On ne peut ainsi jamais s'empêcher de penser que ... décidément ...
... ils auraient pu faire mieux.
Bon, je m'allonge un peu trop sur le sujet et je vais en rester là, mais cela m'intéresse cependant de voir si il aura des contradicteurs à ce que je viens d'exposer.