Bonsoir
J'apprécie énormément le diptyque de Léna et souhaite profiter du dernier message pour en parler. En espérant que le sujet n'ait pas déjà été traité ailleurs sur le forum.
Le premier opus est très statique, c'est une promenade quasi-touristique dans l'Europe post-chute-du-mur. C'est aussi une promenade dans l'esprit de Léna avec des souvenirs qui se libèrent km après km. La narration est lente comme le cours d'un fleuve, comme le cours du Danube sur lequel Léna navigue un temps. Le passé ressurgit étape après étape comme si le voyage était une poupée russe et que chaque étape correspondait à l'ouverture d'une des couches. Et puis, c'est l'explosion de la révélation et du contre-attentat. Une réflexion superbe sur l'impuissance, sur le regret et sur la vengeance. Une réflexion aussi sur la morale et la justice : faut il utiliser les armes du mal pour combattre le mal ? Le happy-end final sur les terres australiennes est un symbole de renouveau. Léna traverse l'eau pour revivre, un symbole du baptême ? du nouveau monde où les émigrants refaisaient leur vie ?
Le second opus est une évolution. Léna se libère de son passé. Elle reprend sa vie en main et en redevient actrice. Elle passe ainsi à l'action en prenant la décision de sauver les femmes apprentis-terroristes. Les scènes dans le désert libyen (?), malien (?) sont sublimes. On hésite entre la contemplation saint-exupérienne et l'horreur. Chacune des femmes de Léna est différente : prisonnière, militante ou simplement passive. Les terroristes sont campés dans leur complexité, au-delà d'un manichéisme simpliste. Chaque maillon de la nébuleuse est scruté avec attention et il n'est pas innocent que cheik Najib soit blond. Cet opus est aussi une réflexion sur la responsabilité, sur le courage et la lâcheté.
Un troisième tome semble logique et à portée de main. Léna, les armes la main, combattrait pour son nouvel amant et son "beau-fils", faisant ce qu'elle n'a pu faire pour son mari et son fils. Une nouvelle chance en quelque sorte.... Elle pourrait mourir en combattant et rejoindre ainsi son mari et son fils ailleurs et pour l'éternité. Elle pourrait aussi survivre, vivre et revivre avec son amant et son "beau-fils". Si Christin passe sur le forum, j'espère qu'il lira la suggestion !
Le diptyque est malheureusement d'actualité. Christin maitrise parfaitement la géopolitique. Juillard dessine les paysages et la féminité avec amour, sans ce voyeurisme qui affaiblit le cahier bleu.
Du grand art et une de mes séries préférées.
Je suis en tout cas très heureuse d'avoir pu la présenter !
Cordialement
Eléanore-clo