Franquin mania

dakota68 a écrit:est ce que Milie et mickey au far west se trouvait et était facilement accessible en Belgique dans ces temps là ? , tel est le vrai problème .

si on pouvait se le procurer à tous les coins de rue alors dans ce cas là , Franquin l a certainement lu et son subconscient l'a inspiré .

Si c'était une pièce rare et difficile à trouver et qu'il n'avait jamais vu  alors il a crée un gag similaire ( une bonne idée peut très bien arriver à deux personnes a des années et des lieus différents ) .

Cette histoire de Mickey est certainement parue dans le Journal de Mickey, comme toutes les BD de Gottfredson des années 30, et l'hebdomadaire était bien sûr distribué en Belgique. Il était donc facilement accessible.

Par ailleurs, Hachette a aussi publié ces BD dans des petits albums de Mickey avec texte sous les images. Il y a eu ainsi un Mickey au Far West qui reprend probablement ce gag,



Dernier élément objectif, pour répondre à ta question ! Dans l'énorme interview de "Franquin créa la Gaffe", ce dernier avoue qu'il possédait (et qu'il avait lu) beaucoup d'albums de Mickey pendant sa jeunesse et que c'était une de ses BD préférées. Franquin admirait donc l'œuvre de Gottfredson et il est raisonnable de penser qu'il a lu au moins une fois cette aventure de Mickey et Minnie i

Ceci dit, je pense aussi que Franquin est honnête. Une "réminiscence", c'est un phénomène mémoriel involontaire et je suis assez enclin à penser que c'est bien cela qui s'est passé.  

Dans l'album les "Chapeaux noirs", on trouve aussi la petite histoire "Mystère à la Frontière" qui est une œuvre de transition. C'est en effet en dessinant cette BD que Franquin procède à un changement important sur le plan graphique.

J'ai découvert cela dans l'intégrale Rombaldi car dans l'album standard, l'histoire garde une mise en page constante constituée de 5 bandes. En réalité, Franquin change sa mise en page au premier tiers de l'aventure, en adoptant un dispositif de 4 bandes par page. Il se sentait à l'étroit avec 5 strips par planche et cet agrandissement va lui permettre d'adapter et de peaufiner son dessin.

Le changement est assez frappant dans l'intégrale ! Tout à coup, les cases passent d'une hauteur de 42 cm à une hauteur de 65 cm. Cela représente un agrandissement de 50% et ses images deviennent tout de suite pus aérées. C'est alors que le style Atome se met à apparaître !

Voici un exemple visuel de cette différence de taille.

De on passe à

Et Franquin va dès lors peaufiner beaucoup plus son dessin ! Fini les crobars et bonjour aux grandes images pleines de mystères et de détail, telles qu'elles le seront dans l'aventure suivante qui est le Sorcier à Champignac.

Petits changement et grosses conséquences. Franquin va dès lors devenir un maître, et un modèle pour les nouveaux dessinateurs du journal.  

Pour ma part, je plaide aussi pour une réminiscence non volontaire. Je pense qu'il y a bien un lien. Pour ma part, j'ai usé cette histoire de Mickey longtemps pendant la jeunesse, donc je situe très bien le gag et je l'imagine très bien remonter à la surface sans le dire si j'essayais de faire une histoire qui s'y prêtait. ^^

Intéressant, cette transition de 5 à 4 bandes. C'est effectivement une avancée majeure, car c'est ce qui m'a toujours un peu rebuté dans la BD jusqu'aux années 50, ce côté trop étroit, trop resserré.

Merci pour tes bilans de lecture de ton livre, il a l'air super intéressant, ça donne envie de se le procurer !

Le livre de Garcia est surtout intéressant pour les fanatiques de Franquin (ce que je suis ). Il contient en effet beaucoup d'informations qui très connues, et les spécialistes feront la fine bouche, mais il y a quand même d'intéressantes découvertes, du moins pour moi.

L'aventure suivante est bien sûr Il y a un Sorcier à Champignac. C'est à mon avis le premier chef d'œuvre de Franquin, grâce à un riche scénario qui mélange harmonieusement le fantastique, l'humour et l'intrigue policière. il y aurait beaucoup de commentaires à faire sur cet album et je vais me limiter à deux détails.

Bob Garcia s'interroge longtemps sur la création du Comte de Champignac ! Ce personnage avait-il un modèle ? il est difficile de répondre car Franquin n'en a jamais parlé. Garcia nous rappelle "l'hypothèse Jean Doisy", proclamée par le petit-fils de l'ancien rédacteur en chef de Spirou ! J'ai assez de peine à y croire si on compare une photo de Jean Doisy avec le visage du Comte de Champignac en 1950.

                      

Garcia avance une autre hypothèse qui serait Jacques Eggermont, un ancien collaborateur de Franquin au studio CBA. Je n'ai pas de photo qui me permette de comparer. mais comme on sait que Franquin aimait bien "croquer" les personnes de son entourage pour les glisser dans ses BD,  l'hypothèse n'est pas si sotte que cela.

Signalons sinon un petit détail qui m'avait échappé. Dans la longue séquence de poursuite du voleur à la fin du récit (page 49), on découvre dans une case Franquin et son épouse, qui sont de simples passants. Cela se trouve dans cette case !



Vous avez vu Franquin ? Plutôt difficile, n'est-ce pas ? Mais si on agrandit les deux petits personnages qui se trouvent tout à gauche de la case, cela devient plus évident.



Le format plus grand de ses planches permettait au desisnateur enfin d'y ajouter certains détails, et parfois de belles surprises.  

Bob Garcia a dû regarder ses albums de Spirou à la loupe car il mentionne beaucoup de détails qui sont plutôt difficiles à remarquer.  

C'est ainsi que dans "le Sorcier à Champignac", il détaille toutes les affiches et les publicités dessinées dans certaines cases. Souvent, ces affiches sont fragmentaires mais Garcia essaie de les mettre en relation avec des publicités bien connues et typiques des années 50.

Franquin insère aussi de fausses publicités, pour des produits qui n'existent pas. Il y a en particulier une affiche pour un film de Lucky Luke, qui apparait à plusieurs reprises dans cet album (pages 50, 52 et 53). Le film s'intitule l'Outlaw déchaîné et Lucky Luke y est considéré come un acteur. Voici par exemple la case de la page 52, que j'ai agrandie.



J'agrandis encore plus l'affiche, pour qu'elle soit bien lisible.



A cette époque là (en 1951), Franquin était revenu en Europe tandis que Morris était toujours aux USA. Ceci ne les empêchait de 'envoyer des clins d'oeil !  

Excellent ! C'est génial, ce genre de détails ! ^^

En 1951 parait dans le journal une nouvelle aventure intitulée Spirou et les Héritiers ! C'est une autre belle histoire, entraînante et pleine de bonnes idées ! C'est aussi un des premiers albums de Spirou que j'ai lus au milieu des années 60, et j'en garde un souvenir ému.  

Cette année-là, Franquin perd sa mère, tout comme Fantasio perd son oncle, et ce n'est pas une coïncidence !  Cette perte a bien sûr entraîné tout un tas de tracas, en particulier administratifs, et on n'est ainsi pas étonnés de retrouver Fantasio dans la même situation. Franquin sublime toutefois son deuil en lançant son personnages vers des tas d'inventions ébouriffantes, des voyages plein de surprises et des compétitions sportives inattendues ! Les ennuis de Fantasio sont quand même plus divertissants que ceux de son dessinateur.  

Une des épreuves que Fantasio doit surmonter est de participer à une compétition automobile. Et Bob Garcia nous rappelle évidemment la passion que Franquin entretenait pour les bagnoles. Est-il nécessaire d'ajouter que Franquin fût le créateur du personnage "Starter" et de sa rubrique sur les automobiles au début des années 50, avant que la chronique ne soit donnée à Jidéhem quatre ou cinq ans plus tard à cause d'un excès de travail !

Franquin illustre pour cette raison avec beaucoup de réalisme le Grand Prix de Francorchamps 1951, qui devient dans Spirou le Prix de "Cocochamps". Le dessinateur s'est documenté sur place et la voiture Turbo qu'utilise Fantasio est une petite sœur de la Talbot qui dominait les compétitions cette année-là. Les pilotes de cette course sont eux aussi tirés de la réalité et c'est ainsi que Fangio devient Banjo dans "les Héritiers", tandis que Fagioli devient Farinoli. Cette passion de Franquin, et cette inspiration très réaliste, rend le récit de cette course aussi véridique que prenant. On se retrouve presque dans les histoires de Michel Vaillant !  



je reviendrai sur cet album demain !  

Raymond a écrit:En 1951 parait dans le journal une nouvelle aventure intitulée Spirou et les Héritiers ! C'est une autre belle histoire, entraînante et pleine de bonnes idées ! C'est aussi un des premiers albums de Spirou que j'ai lus au milieu des années 60, et j'en garde un souvenir ému.  

Spirou et les Héritiers a été l'un de mes deux premiers albums de Spirou (avec Les Chapeaux noirs) alors que je savais tout juste lire vers 6 ou 7 ans je pense. Je n'ai pas vraiment accroché à la série à l'époque (c'est seulement vers 10-12 ans que j'y suis revenu via les aventures dessinées par Tome et Janry), mais la course automobile (et les manigances de Zantafio) m'avaient marqué.

Raymond a écrit:

Une des épreuves que Fantasio doit surmonter est de participer à une compétition automobile. Et Bob Garcia nous rappelle évidemment la passion que Franquin entretenait pour les bagnoles. Est-il nécessaire d'ajouter que Franquin fût le créateur du personnage "Starter" et de sa rubrique sur les automobiles au début des années 50, avant que la chronique ne soit donnée à Jidéhem quatre ou cinq ans plus tard à cause d'un excès de travail !

Franquin illustre pour cette raison avec beaucoup de réalisme le Grand Prix de Francorchamps 1951, qui devient dans Spirou le Prix de "Cocochamps". Le dessinateur s'est documenté sur place et la voiture Turbo qu'utilise Fantasio est une petite sœur de la Talbot qui dominait les compétitions cette année-là. Les pilotes de cette course sont eux aussi tirés de la réalité et c'est ainsi que Fangio devient Banjo dans "les Héritiers", tandis que Fagioli devient Farinoli. Cette passion de Franquin, et cette inspiration très réaliste, rend le récit de cette course aussi véridique que prenant. On se retrouve presque dans les histoires de Michel Vaillant !  

Tout à fait, Raymond, passionnant ! Je n'ai pas lu l'album "vintage" Spirou et les Héritiers, mais j'ai senti très vite la passion de Franquin pour l'automobile, analogue à celle de mon père et de toute sa génération. Je me souviens aussi qu'il était de mon avis, contre la nouvelle Turbotraction et pour la superbe ancienne ! Un fan absolu de Panhard, mon père. A noter que Gaston Lagaffe avait beau être un écolo véhément, il avait une voiture, certes très peu performante, mais une voiture quand même ! Et très polluante....

Deux personnages importants apparaissent dans Spirou et les Héritiers : Zantafio et le Marsupilami. Bob Garcia s'intéresse bien sûr à leurs origines, et discute en détail leurs éventuels modèles.

Pour Zantafio, Bob Garcia nous rappelle "l'hypothèse Greg", proposée par certains membres de sa famille. Il existe certes une certaine ressemblance entre le cousin de Fantasio et le père d'Achille Talon mais elle est probablement fortuite ! Faisons une petite comparaison entre le visage de Greg au début des années 50 et celui de Zantafio dans "les Héritiers". Elle est assez troublante.

                   

Il y a donc une ressemblance ! Seulement voilà, Spirou et les Héritiers a été dessiné en 1951 et Franquin a toujours affirmé qu'il ne connaissait pas Greg à ce moment-là. J'ai pour ma part tendance à le croire.

On peut cependant noter que dans les interviews de Greg, ce dernier affirme avoir déjà rencontré Franquin à la fin des années 40, alors qu'il n'était encore qu'un étudiant. On peut toutefois imaginer que Franquin ne se soit pas souvenu d'une banale rencontre avec un collégien. Plus tard, lorsqu'il devint auteur de bande dessinée vers 1952, Greg est retourné chez Franquin et il a alors appris son métier avec le maître. C'est à ce moment-là probablement que des liens amicaux se sont noués.

Pour le Marsupilami, Franquin a raconté de multiples fois comment il a improvisé ce personnage, qui a été au départ une sorte de "bouche-trou". Il fallait en effet une troisième épreuve difficile pour les "Héritiers" et le dessinateur a eu l'idée de cette recherche d'un animal improbable. Franquin a concédé que le Pilou Pilou d'Elsie Segar (un personnage de la série Popeye aussi dénommé "le Jeep") aurait pu éventuellement l'inspirer mais cette hypothèse reste douteuse. Visuellement, vous pouvez constater ci-dessous que les deux animaux sont bien différents.

                          

Leur comportement n'est pasdu tout le même ! Le Jeep est un animal venu de l'espace, qui est doux comme un agneau mais qui a des pouvoirs surnaturels (il peut par exemple voir dans l'avenir). Le marsupilami est au contraire un animal sauvage, aussi fort que malin, qui a surtout d'étonnante capacités physiques. Il n'a rien de magique.

Dans les années 70, Thierry Martens a lancé l'hypothèse du Ringaloo en tant que précurseur du marsupilami. Ce singe fictif africain est apparu à la fin des années 40 dans la série Tim Tyler's Luck de Lyman Young. Il avait lui aussi une longue queue et un pelage jaune mais ce personnage n'avait rien d'humoristique, contrairement au marsupiiami. Cette hypothèse branlante fût assez rapidement récusée par Franquin lui-même, mais Bob Garcia semble encore lui accorder un certain crédit. Le plus simple est de vous montrer ici une image du Ringaloo, que j'ai trouvé dans le tome 2 de la "Véritable Histoire" du couple Pissavy-Yvernault, et de vous laisser juges.



Qu'en pensez-cous ?  

Je me demande s'il ne faudrait pas ouvrir un sujet séparé pour cette petite chronique du livre de Garcia ? On pourrait l'appeler "Franquinologie". Qu'en dites-vous ?

Sinon, il reste encore quelques anecdotes sur Spirou et les Héritiers, qui est un album charnière. Il contient bien sûr des clins d'œil, comme par exemple la présence d'Van Delporte qui se promène dans la rue, à l'arrière plan, derrière les deux dames en page 4 de l'album. Il avait déjà sa silhouette caractéristique et il n'est pas trop nécessaire d'agrandir.



Il y a également toutes ces enseignes et ces affiches publicitaires que Franquin aimait parsemer dabs ses paysages urbains. il y a des affiches de l'époque, typiques des années 50, mais aussi de "l'autopromotion" pour le journal Spirou, ou pour "Bonnes Soirées", autre journal des éditions Dupuis.



C'est très petit et je l'agrandis donc encore un peu.  

Raymond a écrit:Je me demande s'il ne faudrait pas ouvrir un sujet séparé pour cette petite chronique du livre de Garcia ? On pourrait l'appeler "Franquinologie". Qu'en dites-vous ?

Je ne suis pas sûr que ce soit si pertinent. Entre "Franquin mania" et "Franquinologie", je ne suis pas sûr de très bien faire la différence. Je craindrais qu'on ne s'emmêle les pinceaux, et qu'on ne sache plus ou poster ni où on a lu tel ou tel message.
A mon avis, cette chronique du livre de Garcia a toute sa place ici. Maintenant, si la majorité rallie ton avis, je n'y vois pas de problème majeur. ^^ Mais pour moi, c'est bien, ici.

Alors ... dont acte ! On ne change rien à la répartition des sujets !  

Passons maintenant aux Voleurs du Marsupilami ! Cette histoire est née d'un vrai remord de Franquin, qui avait abandonné son marsupilami dans un zoo à la fin de "Spirou et les Héritiers". Au départ, l'animal à longue queue n'était pas destiné à réapparaître mais l'auteur s'y était vite attaché. Comme le relatent Christelle et Bertrand Pissavy Yvernault dans leur fameux livre sur Spirou, Franquin estimait que "le meilleur souvenir de ma carrière, c'est le jour où je l'ai créé" (le marsupilami bien sûr). Un personnage qui rend heureux ne peut pas être abandonné aussi facilement que ça.

L'histoire est d'abord une intrigue policière car le marsupilami est drogué (on croit un moment qu'il est mort), puis enlevé. Une bonne moitié de l'album est consacrée à la recherche du petit animal, que les héros retrouvent dans le cirque Zabaglione. Ce nom est bien sûr né de la fusion de deux patronymes, a savoir Bouglione (le fameux cirque du 20ème siècle) et d'Achille Zavata (et des plus grands clowns de l'histoire). Les scènes de cirque sont aussi drôles que poétiques, et Franquin venge malicieusement le marsupilami lorsque ce dernier corrige le dresseur devant tous les spectateurs ébahis. Spirou et Fantasio en rient, tout comme le public, et les lecteurs aussi ! La bonne humeur de Franquin est communicative



Bob Garcia souligne au passage la réplique du spectateur amusé, qui a presque un double sens : "Je ne savais pas que Zabaglione était un si bon clown !" Seuls ceux qui comprennent la genèse du nom auront saisi le gag.  

Le marsupilami devient dès lors un personnage récurrent, tout comme le comte de Champignac que les héros croisent par chance dans la rue. L'événement est important et le lecteur moyen (j'en fais partie) ne prête pas trop d'attention aux petits détails qui se trouvent dans l'image. L'essentiel, c'est que le comte va aider Spirou et Fantasio à pénétrer dans le cirque.



Mais l'avez-vous remarqué ? Franquin est lui aussi présent dans cette scène !  



C'est le genre de "private joke" que Franquin aimait bien insérer dans ses BD, tout comme le faisait Hitchcock dans ses films. Dans "les Voleurs", il existe aussi une autre image montrant Franquin en compagnie de son épouse. Elle se trouve à la page 46 et il faut vraiment la rechercher.



L'avez-vous vu? Peut-être pas car c'est minuscule ! Le couple Franquin se trouve entre les jambes du comte, et il faut agrandir pour arriver à les reconnaître.

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Franquin fait donc des clins d'œil à ses lecteurs, mais il le fait aussi parfois aux censeurs lorsqu'il incorpore dans une image une couverture du magazine Oh !. Ce journal est aujourd'hui complètement oublié car il n'a été diffusé en Belgique qu'entre 1948 et 1950. C'est dans ce même journal que Zabaglione a découvert l'existence du marsupilami et il le reprend en main lorsqu'il a soudain un doute sur l'identité de Spirou et Fantasio. Franquin dessine donc benoitement le directeur du cirque en train de parcourir la revue.



Vu de cette manière, il n'y a  rien de frappant ! Mais voilà, il faut savoir que Oh ! était un journal à contenu érotique, un peu équivalent au journal Playboy. Il n'y avait certes pas de femme nue mais les appâts féminins étaient dessinées sans équivoque ! Oh ! a d'ailleurs fini par être interdit par la censure à cause de ce contenu provoquant. Vous pouvez voir ci-dessous à quoi ressemblait une de ses couvertures.



En choisissant ce titre, Franquin faisait bien de la provocation ! Il a pris toutefois ses précautions en modifiant la couverture habituelle du magazine. Si on agrandit le dessin, on remarque en effet que la tête de Fantasio remplace l'habituelle femme un peu déshabillée. La censure et Monsieur Dupuis ne pouvaient plus lui faire de reproche.  



Franquin n'était pas toujours un rêveur.  

L'histoire suivante est la Corne du Rhinocéros et cette BD est connue pour avoir été victime de la censure. Curieusement, Garcia ne parle pas de ce bricolage effectué par les correcteurs de Dupuis sur les planches de Franquin, motivé par la présence de bandits tenant un pistolet dans la main. Craignant une réaction de la Censure, l'éditeur a effacé ces pistolets dans certaines pages de l'album, mais il ne l'a pas fait complètement.

La scène se passe dans un grand magasin, où Spirou et Fantasio sont entrés pendant la nuit pour faire un reportage. Ils y trouvent un gardien bâillonné et attaché, puis un de leurs amis qui a été blessé par des bandits. Ce dernier remet à Spirou les plans de la nouvelle turbo-traction puis les héros rencontrent deux bandits qui exigent qu'on leur donne ces plans. Ces bandits les menacent avec leurs revolvers mais Spirou les éblouit avec un flash et les héros disparaissent (page 13)



Une poursuite s'engage mais, à partir de la page 13, les pistolets ont disparu. Franquin explique tout cela en détail à Numa Sadoul dans la très longue interview de "Franquin créa La Gaffe". On ne voit plus les pistolets mais les mains des bandits continuent souvent à faire un geste qui suggère leur présence.



On ne rigolait pas avec la censure, en ce temps-là !

Bravo pour la fine analyse et le repérage de tous ces détails, Raymond ! les pubs, les autoportraits de Franquin et son épouse ! Les revolvers (puis disparus) dans le grand magasin ! j'avais même vu ailleurs toutes les cases concernées, avec des bouts de papier collés sur les flingues....en effet la censure (plus hexagonale que belge) ne plaisantait pas en ce temps-là.
J'ai eu envie de relire Le Prisonnier du Bouddha, excellent album où Franquin fut aidé par Greg et Jidéhem. C'est un de ceux où Spip se livre à des apartés en monologue intérieur particulièrement nombreux (et un peu condescendants envers nos héros, comme souvent). Sur un autre forum j'avais cru pouvoir signaler qu'après l'installation chez Spirou et Fantasio du marsupilami, Spip devenait "muet", jouant en simple animal avec son ami à longue queue. Mais un autre membre m'a fait remarquer que ce n'est pas du tout le cas, comme il est avéré dans cet album : mea culpa ! Curieusement donc, car contradictoirement, le lecteur sait ce que pense Spip, mais la pensée du marsupilami lui reste opaque... On la devine, c'est tout.

Merci !    J'ai eu pour ma part du plaisir à découvrir ce livre de Bob Garcia, qui est semble t-il plutôt dédaigné dans certains forums.  

Toujours au sujet de la Corne du Rhinocéros, l'auteur s'intéresse beaucoup au personnage de Seccotine, une jeune femme entreprenante et pleine de vivacité. Il est vrai que l'on trouve peu d'héroïne de ce genre dans la BD franco-belge, qui s'impose dans un monde masculin grâce à son ingéniosité et son sens de la répartie. Les dialogues qui surgissent entre elle et Fantasio sont d'ailleurs pleins d'humour et de verve. Cette sympathique enquiquineuse est (au début) une toute grande création de Franquin. Le dessinateur semble avoir été considéré comme misogyne par certains critiques, à cause de ce personnage, mais cela ne n'est pas mérité. Comme l'écrit Garcia, cette ambitieuse journaliste "est dans tous les coups, ne lâche rien, et surtout pas les héros."



Sinon, on retrouve dans "la Corne" de nombreuses pages publicitaires, réelles ou fictives. Celle qui concerne le journal Moustique (un autre hebdomadaire de Dupuis) peut tout à fait être considérée au premier degré, même s'il y a un clin d'œil !



Il y a aussi de savoureuses mises en abyme, par exemple avec le journal Spirou que le héros éponyme est en train de lire à la page 59. Il faut rappeler que ce dessin est d'abord paru dans le journal Spirou lui-même.  



Bien sûr, on peut s'interroger s'il s'agit bien de Spirou car le titre n'apparait pas si on agrandit le dessin. On constate cependant qu'il s'agit bien d'un journal de BD, avec la mise en page qui est typique de Spirou pendant ces années-là. Je pense donc que Bob Garcia ne s'est pas trompé.

Raymond a écrit:Merci !    J'ai eu pour ma part du plaisir à découvrir ce livre de Bob Garcia, qui est semble t-il plutôt dédaigné dans certains forums.  

Toujours au sujet de la Corne du Rhinocéros, l'auteur s'intéresse beaucoup au personnage de Seccotine, une jeune femme entreprenante et pleine de vivacité. Il est vrai que l'on trouve peu d'héroïne de ce genre dans la BD franco-belge, qui s'impose dans un monde masculin grâce à son ingéniosité et son sens de la répartie. Les dialogues qui surgissent entre elle et Fantasio sont d'ailleurs pleins d'humour et de verve. Cette sympathique enquiquineuse est (au début) une toute grande création de Franquin. Le dessinateur semble avoir été considéré comme misogyne par certains critiques, à cause de ce personnage, mais cela n'est pas mérité. Comme l'écrit Garcia, cette ambitieuse journaliste "est dans tous les coups, ne lâche rien, et surtout pas les héros."

En effet, Raymond, ce n'est pas mérité car Spirou ne rejoint jamais Fantasio dans son machisme borné. De plus, Seccotine aidera courageusement nos héros, déguisée d'un poncho et d'un sombrero dans une de leurs aventures en Amérique du Sud, Bob Garcia en parle certainement. Le gag ci-dessus est peut-être inspiré de la fameuse prise de bec entre Churchill, réputé anti-féministe, et Lady Astor, une des premières parlementaires féminines britanniques, qui lui disait : "Si j'étais votre femme, je mettrais du poison dans votre thé !!" Churchill répondit "Et moi madame si j'étais votre mari, je le boirais !"

Passons au Dictateur et le Champignon, une autre aventure de Spirou que j'ai toujours adorée.

Bob Garcia rappelle à bon escient qu'il existait au départ un scénario de Maurice Rosy, non crédité dans l'album, que Franquin a rapidement modifié. Et c'est Rosy qui avait eu cette excellente idée d'inventer un gaz ramollissant le métal, qui est nommé Métomol. Franquin l'exploite sans attendre et c'est ainsi que le marsupilami s'empare vite de la bonbonne contenant le produit, avant de s'enfuir vers le village de Champignac. Il y disperse le gaz ramollissant un peu partout et il en résulte des scènes qui sont parfois à hurler de rire.

J'adore par exemple cette scène de la pauvre ménagère appuyée contre la grille de son balcon. Elle plonge dans le vide après une bouffée de Métomol et se retrouve ligotée dans une sorte de filet métallique. C'est superbement dessiné, la mise en place des images est géniale (la chute de la dame se confond avec le mouvement des yeux du lecteur)  et c'est bien sûr une scène qui me fait hurler de rire, même si (ou plutôt parce que) elle contient une petite pointe de méchanceté.  



Spirou et Fantasio partent ensuite pour la Palombie, afin de ramener le marsupilami dans son milieu naturel. Ils retrouvent Zantafio qui est devenu dictacteur du petit pays et Garcia constate que le cousin de Fantasio est devenu une convaincante copie du sinistre Adolf Hitler. Il faut rappeler bien sûr l'horreur que gardait le grand public des années 50 envers ce sinistre personnage. Pour moi, il n'y a aucun doute que Franquin s'est inspiré du Führer allemand pour dessiner les gestes de Zantafio en train de clamer son discours !

Il y a aussi quelques affiches amusantes ainsi que des clins d'œil dans "le Dictateur". En voici deux !

Lors de la belle bagarre dans un restaurant de Spirou et Fantasio contre des militaires, Franquin glisse quelques affiches pour des boissons connues, entre autre "Cola-Cola".



Si on agrandit cette partie de l'image, on y découvre une appétissante jeune femme qui n'aurait probablement pas beaucoup plu à la censure de cette époque.  



Lors de leur voyage en bateau vers la Palombie, Spirou et Fantasio prennent le soleil sur le pont. Spirou y lit un album de BD qui n'est rien d'autre que le Châtiment de Basenhau.



Il faut relever que Peyo était alors un inconnu et que son premier album venait de sortir (la planche de Franquin est parue au début de l'année 1954). Ce clin d'œil est donc aussi un salut amical de Franquin à son ancien collègue du studio CBA, qui fabriquait des dessins animés.

Ha ha ! Oui, le balcon à la grille molle, génial !
Dans Le Prisonnier du Bouddha, Spirou et Fantasio sont équipés par le Comte de mitraillettes au Métomol, mais leur arme au cours de l'aventure ayant été le G.A.G. au rayon d'apesanteur, dans la voiture les ramenant en sûreté ils remarquent que ces engins ne leur ont pas servi. Mais le marsupilami en tripote une, et la voiture se ramollit complètement ! Comme les deux G.A.G. subissent le même sort, Franquin résout ainsi le problème des Chinois : une arme terrible du camp "capitaliste" contre eux ! Ainsi il botte en touche de la Guerre Froide. Même si au final, Champignac et les deux savants en ont reconstruit un, destiné seulement (?) à l'exploration pacifique de l'espace

La Mauvaise Tête est un des premiers album de Spirou que j'ai reçus et j'en ai un souvenir très vif. Dans "Franquin créa Lagaffe", l'auteur en dit curieusement peu de bien (il est vrai qu'il était déprimé) et je pense vraiment qu'il a tort. Cette intrigue mélange habilement l'humour et le suspense policier et il n'y a pas de temps mort.

Pour une fois, Bob Garcia ne découvre pas de détail ignoré dans cette histoire. Il discute plutôt des histoires de sosies, qui étaient fréquentes dans le cinéma français des années 50. Peut être que Franquin s'en est inspiré un peu mais cela ne me semble pas évident quand on compare rapidement les intrigues. Le récit de "la Mauvaise Tête" diffère en effet nettement de "Copie conforme" (un récit centré autour de Louis Jouvet) ou de "l'Ennemi public N°1" (tourné avec Fernandel), qui sont deux films policiers assez notables de cette époque. Avec Franquin, le lecteur se demande pendant la première moitié de l'album si Fantasio n'est pas devenu fou, avant de comprendre qu'il s'agit surtout d'une histoire de masque.



Le morceau de bravoure de cet album est sinon la participation de Fantasio à une étape montagneuse du Tour de France. Détail amusant, Franquin n'était pas un fan de cyclisme ! Il avait choisi de dessiner cette compétition de vélo parce que cela lui offrait la possibilité de dessiner des scènes pleines de mouvements, et il faut bien dire qu'il se défoule. La vitesse avec laquelle Fantasio dévale jusqu'en bas de col est vraiment mémorable !  



il y a donc peu d'anecdotes mais cela reste une belle histoire à lire et à relire, au premier degré. Même si vous n'y avez rien raté d'important, l'album garde tout son charme et il ne faut pas hésiter à relire ses classiques,  

Raymond a écrit:La Mauvaise Tête est un des premiers album de Spirou que j'ai reçus et j'en ai un souvenir très vif. Dans "Franquin créa Lagaffe", l'auteur en dit curieusement peu de bien (il est vrai qu'il était déprimé) et je pense vraiment qu'il a tort. Cette intrigue mélange habilement l'humour et le suspense policier et il n'y a pas de temps mort.

Pour une fois, Bob Garcia ne découvre pas de détail ignoré dans cette histoire. Il discute plutôt des histoires de sosies, qui étaient fréquentes dans le cinéma français des années 50. Peut être que Franquin s'en est inspiré un peu mais cela ne me semble pas évident quand on compare rapidement les intrigues. Le récit de "la Mauvaise Tête" diffère en effet nettement de "Copie conforme" (un récit centré autour de Louis Jouvet) ou de "l'Ennemi public N°1" (tourné avec Fernandel), qui sont deux films policiers assez notables de cette époque. Avec Franquin, le lecteur se demande pendant la première moitié de l'album si Fantasio n'est pas devenu fou, avant de comprendre qu'il s'agit surtout d'une histoire de masque.
 

Oh moi aussi Raymond, j'en ai un souvenir très vif ! Non seulement l'énigme du début est frappante, mais comme tu le dis le rythme est dense, très soutenu. La course haletante (au sens propre) de Spirou à la poursuite du ballon à la tête maléfique m'a toujours pris aux tripes par son côté cauchemardesque et son échec. Et puis, la trouvaille géniale peu avant la fin : Spirou inerte à l'hôpital depuis 3 mois, l'infirmière résignée à ce "pauvre cerveau" vide, puis Spirou sursaute à apercevoir un ballon : "la tête de Fantasio ! Spip, il ne faut pas la perdre de vue !!" Et tout lui revient ! Excellent ! Il y a un jeu assez fantastique dans l'album entre la folie, les têtes, les masques (et n'oublions pas que le faux Fantasio a volé le masque d'or de la reine Nefersisit)...

Le Repaire de la Murène est un album inspiré par la passion qu'entretenait Franquin envers les progrès de la science et de la technique. En 1954, le Professeur Auguste Piccard avait publié un livre racontant son voyage "Au fond des mers en bathyscaphe" et l'auteur de Spirou s'était passionné pour cette expédition. Il lisait alors avec avidité des revues comme Science et Vie et c'est un peu sa propre passion qu'il met en scène lorsque Fantasio reçoit avec joie des magasines qu'il attendait impatiemment. Cette première page de l'album est presque de nature autobiographique.



Franquin fait d'ailleurs de nettes allusions au professeur Piccard un peu plus loin, lorsqu'il relate que le labo du Professeur Pinçard a été détruit par une explosion. Ce "concurrent" de Spirou et Fantasio (pour explorer une épave maritime à 200 mètres de profondeur) présente d'ailleurs le visage du célèbre explorateur scientifique, dans le journal que lit Spirou.



Le dessin de Franquin est bien sûr caricatural mais la comparaison est édifiante.

                       

Champignac invente sinon un mini sous-marin permettant à Spirou d'explorer les grandes profondeurs maritimes et Franquin s'est bien sûr soigneusement documenté. Bob Garcia estime que le dessinateur s'est inspiré d'un petit sous-marin présenté dans le N° 419 de Science et Vie en 1954 et il a totalement raison. Franquin prend d'ailleurs soin de fournir quelques explications aux lecteurs, afin d'expliquer pourquoi Spirou n'est pas écrasé par la pression de l'eau, et comment le sous marin arrive à tourner sans gouvernail. Tout est méticuleusement étudié.

                     

Bien sûr, il y a le marsupilami qui est au dessus de tout ça et qui plonge en étant capable de respirer sous l'eau, mais l'ami de Spirou est bien au-dessus des lois de la science.  

Je continue avec le Repaire de la Murène, en m'attardant cette fois sur quelques anecdotes !  

Bruno Garcia croit découvrir un tableau de Rembrandt dans le château du Comte de Champignac, et j'ai un peu de peine à y croire. Il le constate dans une case de la page 10 et l'exemple ne me semble pas très ressemblant.



Je n'ai hélas pas réussi a découvrir ce tableau du "Portrait d'homme portant un chapeau à larges bords", mais même si je me contente de comparer ce dessin avec le croquis qui est reproduit dans le livre de Garcia, il faut admettre que ça ne marche pas. L'habillement n'est pas du tout le même. 

             

Et puis, il y a toujours les micro détails et les pubs rigolotes que Franquin insère un peu partout. Je n'en retiendrai qu'un exemple, qui est une sorte de "private joke". Il concerne le Grand Prix de  "Cocochamp", que Franquin avait montré dans "Spirou et les Héritiers". En dimension normale, il est presque impossible de repérer cette allusion.



Il faut bien agrandir pour repérer l'allusion !



Garcia a vraiment lu ses albums avec un loupe.

Raymond a écrit:Je continue avec le Repaire de la Murène, en m'attardant cette fois sur quelques anecdotes !  

Bruno Garcia croit découvrir un tableau de Rembrandt dans le château du Comte de Champignac, et j'ai un peu de peine à y croire. Il le constate dans une case de la page 10 et l'exemple ne me semble pas très ressemblant.



Je n'ai hélas pas réussi a découvrir ce tableau du "Portrait d'homme portant un chapeau à larges bords", mais même si je me contente de comparer ce dessin avec le croquis qui est reproduit dans le livre de Garcia, il faut admettre que ça ne marche pas. L'habillement n'est pas du tout le même. 

             

Ah ! En tant que guide-conférencier, moi non plus je ne crois nullement à un Rembrandt ! Cela ressemble plutôt à un Philippe de Champaigne, qui peignit quelques architectes français avec ces longs cheveux et ce col 1650. Le col 1630 de cet autre homme aux cheveux courts et au chapeau à large bords a tout d'un Frans Hals, même si je n'en connais pas avec un globe terrestre en arrière-plan ; Hals (ou ses modèles) appréciait beaucoup ces grands chapeaux.