LA REINE DES AMAZONES
Quarante et unième aventure d'Alix
LE RESUME
A Thessalonique, capitale de la province romaine de Macédoine gouvernée par le propréteur Cornelius Carbo, Alix participe à une course de chars en l'honneur du dieu Poséidon, en conduisant l'équipage de son ami Hémon. Sa principale adversaire, dont il triomphe difficilement, est Délia, une aristocrate grecque qui a organisé dans son domaine de la montagne proche une petite armée d'Amazones, sur le modèle des femmes guerrières de la légende, bien équipées et bien entraînées.
Toutefois, l'ambiance des festivités est ternie par les enlèvements de plusieurs jeunes filles au cours des jours précédents, puis par l'assassinat d'une aubergiste la veille de la course. Délia propose l'aide de ses Amazones pour rechercher les disparues et le meurtrier, mais le propréteur, qui la soupçonne, avec raison, de vouloir prendre le contrôle de la région à sa place, élude sa suggestion.
Au cours du banquet qui suit la course, Enak et trois jeunes Romains de l'entourage de Carbo, encouragés par le bon vin servi, décident une expédition dans la forteresse des Amazones, à quelque distance de la ville. Bien entendu, ils se font prendre et jeter au cachot. Dans le même temps, Astéria, la fille de Hémon, quitte en douce la maison paternelle pour rejoindre la troupe de Délia.
Le lendemain, celle-ci refuse catégoriquement de libérer ses quatre prisonniers, mais Astéria n'est nulle part. Le propréteur n'est pas pressé de s'en occuper, jusqu'à ce que Sémélé, la sœur de Délia, rende visite à Alix et Hémon pour leur faire des révélations inquiétantes qui provoquent enfin une expédition romaine chez les Amazones. La confrontation devient inévitable...
OU CELA SE PASSE-T-IL ?
Tout le récit se déroule dans la ville de Thessalonique, en particulier chez Hémon et le propréteur, ainsi que dans ses environs immédiats, dans la forteresse des Amazones. Voir ci-après la longue et riche histoire de Thessalonique.
QUAND CELA SE PASSE-T-IL ?
Il n'y a aucune indication de date, ni de rapport avec un événement historique précis, on sait seulement que César est au pouvoir. Nous sommes donc entre -49 et -44. Je place cet album à la fin de la période « césarienne » de ma chronologie.
LE CONTEXTE HISTORIQUE
Après le partage de l'empire d'Alexandre le Grand, en -323, la Grèce revient aux rois de Macédoine, les Antigonides, du nom d'Antigone le Borgne, fondateur de la dynastie, laquelle compta cinq rois. Philippe V eut la mauvaise idée de s'en prendre à Rome et s'en trouva vaincu en -197. La Grèce retrouve ensuite une semi-indépendance sous un étroit contrôle romain, puis ce fut le tour du dernier roi, Persée, d'être vaincu et capturé à Pydna par Paul Emile en -168. En -146, une nouvelle coalition des cités grecques est vaincue par Rome, c'est alors que Corinthe est détruite et pillée. La Macédoine et la Grèce deviennent des provinces romaines. De -88 à -84, la tentative de Mithridate de libérer de la domination romaine la Grèce et l'Asie Mineure échoue à son tour ( voir l'analyse de « Veni, Vidi, Vici » ) ; Athènes est prise et pillée par Sylla en -86.
A partir de là, si l'histoire de la Grèce se confond avec celle de l'Empire Romain, son rayonnement culturel influence le monde romain : Rome se met à l'école de la culture hellénistique. De nouveaux monuments sont édifiés et il est indispensable pour les jeunes aristocrates romains d'aller faire des études en Grèce et de parler grec aussi bien que latin, ce qui assure et confirme la réputation et la prospérité de nombreuses villes, telles que Athènes, Pergame, Ephèse ou Rhodes, où l'on recherche l'enseignement dispensé par les philosophes et les savants.
Dans les articles ci-après, je vous présenterai tout d'abord les héroïnes de cette histoire, les Amazones, en faisant la part de la légende et de la réalité, qui est plutôt celle du peuple Scythe, et en comparaison, la situation des autres femmes, dans l'Antiquité gréco-romaine, sera le sujet suivant. Nous poursuivrons par une « chasse gardée » masculine, le « cursus honorum », ou, comment devenir, entre autres dignités, propréteur, puis par le cadre de cette aventure, la ville de Thessalonique, et nous terminerons par les courses de chars et les auriges. Enfin, comme d'habitude, je vous dirai comment j'ai ressenti cette histoire avant la présentation des principaux personnages.
PROLOGUE
En guise de prologue aux deux articles qui vont suivre, deux citations.
« Le monde entier où nous vivons est à mesure d'homme. La tradition culturelle, politique, religieuse, et la langue même sont, en substance, modelées en fonction des hommes. Par conséquent, nous nous exprimons toujours de l'intérieur du masculin, et naturellement ce sont les hiérarchies masculines qui établissent notre valeur, qui décident de nous coopter ou pas. Il est difficile de s'exprimer pleinement dans un tel contexte. Mais désormais les choses changent et elles changeront de plus en plus. Bien entendu, il faut surveiller ce changement, il risque de conduire à une masculinisation de la femme : dans les films de guerre, nous serions non seulement des femmes, des fiancées et des infirmières, mais aussi des guerrières. »
Elena Ferrante
« Je donnerais volontiers Thucydide pour des mémoires authentiques d'Aspasie. »
Prosper Mérimée
LES AMAZONES : DU MYTHE GREC A LA REALITE SCYTHE
Les Grecs ont inventé les Amazones
Pour l'imaginaire antique, les Amazones formaient une troupe de femmes belliqueuses qui se débarrassaient de leurs héritiers mâles et coupaient un sein à leurs filles afin de leur faciliter le maniement des armes. L'Iliade les fait lutter aux côtés des Troyens et la légende les oppose aux héros : Bellérophon, Héraclès ( qui avait volé la ceinture de leur reine Hippolyte ), Achille ( qui tua leur reine Penthésilée devant Troie que les Amazones étaient venues soutenir ), Thésée ( qui défendit Athènes contre elles ). Qu'elles soient isolées ou combattent en groupe, l'art les montre armées de l'arc et de la hache, vêtues d'un justaucorps rayé ou d'une tunique courte. La tradition les localise aux confins est et nord du monde grec : Asie Mineure, Caucase, Mer Noire. Hérodote les fait s'échouer, désemparées, dans l'embouchure du Tanaïs ( le Don ) ; s'y accouplant avec de jeunes Scythes, les Amazones donnent naissance au peuple « scythique » des Sauromates.
L'origine du mythe transparaît ainsi clairement au-delà du fantasme universel du pouvoir des femmes : la stupéfaction des Grecs devant une réalité que, faute de la comprendre, ils déforment en outrant le trait, l'existence de sociétés nomades où les femmes montent à cheval et combattent à l'occasion, et où une répartition autre des tâches gomme les différences de statut entre les sexes.
La légende des Amazones
Gouvernées par une reine dans leur ville de Themiscyra, à l'extrémité du monde, les Amazones vivaient entre elles. Les hommes leur étaient étrangers et vivaient à part, condamnés aux tâches inférieures, dans la maison ou aux champs. Ils filaient la laine et élevaient les enfants, surtout les garçons, car les filles qui devaient devenir de parfaites Amazones étaient confiées à leurs mères. Aux seules Amazones revenaient les professions les plus nobles, les magistratures et la conduite de la guerre. On remarquera qu'il s'agit là tout simplement du modèle grec, mais inversé.
Une fois par an, ces femmes faisaient venir chez elles les plus beaux spécimens mâles des tribus voisines. Elles s'accouplaient à eux pour perpétuer la race. Certains ont même prétendu qu'elles les exécutaient après qu'ils avaient rempli leur office de géniteurs, mais on peut légitimement se demander s'il y aurait eu beaucoup d'amateurs pour risquer ce funeste destin ! Les enfants mâles qui leur naissaient ne connaissaient pas non plus un sort très enviable, les jambes brisées et mal ressoudées pour les empêcher de s'enfuir, ils pouvaient aussi servir de géniteurs, mais ce traitement les rendaient-ils encore séduisants ? Ce n'était probablement pas le premier souci des Amazones.
Ces filles d'Arès étaient des guerrières redoutables. Des mythes nombreux racontaient leurs cavalcades sanglantes à travers l'Asie et même l'Afrique. Cavalières émérites, couvertes de métal de la tête aux pieds, portant un large pantalon, elles sillonnaient la steppe, répandant la mort, pillant les villages, attaquant les voyageurs. Pour en faire d'habiles tireuses à l'arc, on leur retirait le sein droit, qui aurait pu les gêner dans la maniement de cette arme, d'où leur nom d'Amazone : « qui n'a pas de mamelle ». Toutefois, l'art les représente toujours avec leurs deux seins.
Des auteurs connus ( n'osons pas dire sérieux, vu parfois leur grande naïveté ), tels Hérodote, Plutarque, Diodore de Sicile, Hippocrate, ne doutaient nullement de leur existence. Diodore de Sicile raconte une rencontre entre la reine des Amazones Thalestris et Alexandre le Grand dont elle voulait un héritier ; d'autres historiens ont contesté cette rencontre. Plus crédible, Plutarque raconte qu'un peuple que Philippe de Macédoine avait vaincu, les Scythes, avait proposé un mariage entre son fils Alexandre et la fille de leur reine. Plus tard, Marco Polo décrira des contrées peuplées exclusivement de femmes. Francisco d'Orellana, le conquistador qui avait accompagné Pizarro dans sa conquête du Pérou, crut en voir sur les berges d'un large fleuve qu'il descendait vers l'Atlantique, si bien qu'il baptisa ce long cours d'eau l'Amazone. Le mythe avait la vie dure !
Il est douteux qu'il ait existé, même à une époque reculée, un peuple exclusivement composée de femmes. Le conte est un pur fantasme : les hommes de l'Antiquité avaient peut-être mauvaise conscience du pouvoir excessif qu'ils exerçaient sur la partie féminine de leur société, quoiqu'on puisse en douter pour la plupart d'entre eux, et les Amazones jouaient à ce titre un rôle expiatoire. Toutefois, lorsqu'on cherche à situer le royaume de ces farouches guerrières, on s'aperçoit que le conte n'est pas si éloigné d'une certaine réalité historique.
Si on place le pays des Amazones sur une carte, c'est toujours vers le Caucase, la Crimée et le nord de la Mer Noire. Au départ, elles vivaient en Cappadoce, sur les rives du Thermodon, qu'elles avaient quitté à la suite d'une guerre, et Diodore de Sicile a même situé une de leurs tribus en Libye. Ces régions septentrionales n'étaient pas vides d'hommes : un peuple de cavaliers habitait réellement ces espaces : les Scythes, dont Hérodote mêle l'histoire à celle des Amazones. L'existence de femmes guerrières chez les Scythes a pu créer le mythe, d'autant plus que certains guerriers portaient des tuniques amples et les cheveux longs, ce qui a pu ajouter à la confusion.
Le monde des Scythes
L'aire géographique du peuple Scythe était immense, s'étendant des Balkans au Caucase, soit les bassins de quatre grands fleuves : le Tyras ( le Dniestr ), l'Hypanis ( le Boug ), le Barysthène ( le Dniepr ) et le Tanaïs ( le Don ), une steppe aux hivers froids comme les Grecs n'en avaient jamais vus, ni peut-être imaginés.
Ce peuple d'origine iranienne était parvenu là vers le -VIII° siècle et avait construit partout des kourganes, des tombes sous tumulus où des trésors en or avaient été découverts dès le XVIII° siècle et abondamment pillés. Selon Hérodote, les Scythes avaient refoulé vers l'est les Cimmériens, un autre peuple de cavaliers nomades qui les avait précédés sur la steppe vers l'an -1 000 ; Strabon appelle ces derniers les Trères, et les situe au nord de la Thrace, bien distincts des Scythes, alors que d'autres historiens pensaient que Cimmériens et Scythes ne formaient qu'un peuple.
Les Grecs connaissaient aussi très bien ces régions et leurs habitants. Le voyage de Jason en Colchide ( la Géorgie actuelle ) démontre que depuis fort longtemps ils commerçaient avec les peuples établis autour de la Mer Noire, le Pont Euxin, c'est à dire la « mer hospitalière ». Cette légende de la Toison d'Or rappelle que le Caucase fournissait des gisements de métaux précieux dont les minerais étaient ensuite envoyés en Grèce et en Orient. Les Grecs occupaient les anciennes et riches cités phéniciennes de Sinope et de Trébizonde, dont le luxe était connu dans toute la Grèce.
Les Grecs entrèrent en contact avec les Scythes en abordant les rivages de la Crimée. Avec le temps, les Scythes s'étaient scindés. Ceux des bords de la Mer Noire s'étaient peu à peu sédentarisés et devenus agriculteurs. Ils avaient transformé la steppe en champs de blé et la Scythie était le grenier de la Grèce : au temps d'Hérodote, la moitié du blé consommé chaque année à Athènes, soit 35 000 tonnes, en provenait.
Les Scythes de l'intérieur étaient restés de farouches nomades dont les voisins avaient si peur qu'ils se gardaient bien de leur faire la guerre. Un Scythe considérait comme déshonorant de mourir de vieillesse et non au combat. Toutefois, leur pratique de l'arc les faisait passer pour des lâches : selon Euripide « un archer ne fera jamais preuve de bravoure car tout son art réside dans la fuite. » Le Roi des rois perse Darius 1er, en -514, voulut les soumettre et annexer leur steppe à son immense empire ; il ne trouva devant lui que des puits comblés, des champs incendiés, des villages désertés, et il acheva son périple dans des marécages où les Scythes massacrèrent les débris de son armée enlisée et épuisée. Dans certaines langues du Caucase, le mot « amazone » signifie « qui ne mange pas de pain », peut-être en référence à ces peuples qui ne cultivaient pas la terre et avaient conservé les mœurs de leurs ancêtres.
Les Scythes n'étaient pourtant pas des barbares incultes. Ils savaient travailler tous les métaux et fabriquaient les plus beaux bijoux du monde. Ils construisirent de puissantes cités et commercèrent avec tous les comptoirs grecs, dont celui d'Olbia, où aboutissaient tous les trésors de l'Asie transportés par les caravanes : or, soie, épices, fourrures. En échange, les Grecs leur vendaient des céramiques, des bijoux et surtout du vin à foison, qui les changeait de leur lait de jument fermenté et qu'il n'était pas question pour eux d'éclaircir avec de l'eau, d'où une réputation non usurpée d'ivrognerie.
Les Grecs situaient le pays de Scythes avec imprécision : jusqu'où s'étendait-il ? Les dimensions de l'Europe centrale et orientale leur étaient inconnues : la steppe était une plaine quasi infinie, morne et sans valeur, aux contours flous et inaccessibles. Au-delà, il n'y avait rien : avaient-ils seulement entendu parler des immensités qui deviendront la Russie et la Sibérie ? La Scythie marquait les limites du monde, ses habitants étant au nord le dernier jalon de la civilisation. Le navigateur Pythéas, en entrant dans la Baltique, pensait avoir atteint l'autre côté du pays des Scythes.
Les Scythes furent à leur tour subjugués par les Sarmates, arrivant vers -200. Ce puissant peuple iranien était une confédération regroupant aussi les Roxolans, les Iazyges et les Alains. Leurs chevaux étaient cuirassés, ils combattaient casqués et le torse recouvert d'une carapace de fer : les cataphractaires. On décrivait les Amazones avec ce même harnachement métallique.
Les Amazones furent probablement une synthèse des caractères de différents peuples de la steppe. Leur mythe est une invention des Grecs, mais elles-mêmes n'étaient pas grecques. Il n'y a jamais eu d'Amazones en Grèce et aucune femme grecque n'est devenue une Amazone. Il aurait été étonnant que des barbares deviennent des modèles pour des Grecs ou des Grecques qui ont toujours rejeté ce qui n'était pas eux-mêmes et ne leur ressemblait pas, alors qu'ils ont servi de modèles pour les autres civilisations, barbares compris.
Et Artémise d'Halicarnasse, alors ?
Artémise était reine d'Halicarnasse, en Carie ( Asie Mineure ), la patrie d'Hérodote. Elle combattit comme amiral dans la flotte perse lors de la bataille de Salamine ( -480 ). Sa figure, dont son compatriote presque seul conserve la mémoire, est ambiguë, admirée autant que détestée, contrastée et riche. Elle fut une combattante au mépris de son sexe, femme grecque dans une cité barbare, reine puissante sans échapper tout à fait comme femme aux contraintes du genre, précurseur dès le -V° siècle de la participation des femmes à la sphère du politique aux époques hellénistique et impériale. Le nom d'Artémise est souvent associé à d'autres femmes, mythiques ou réelles, telles que les Amazones ou les femmes de l'épopée homérique pour ce qui relève du mythe, et, pour l'Histoire, sa compatriote homonyme, épouse de Mausole ( celui du Mausolée, l'une des Sept Merveilles, aujourd'hui disparu ), un siècle plus tard, ou les souveraines hellénistiques ( jusqu'à Cléopâtre VII et Zénobie de Palmyre ) qui marquèrent un vrai tournant, entraînant à leur suite bienfaitrices, femmes de pouvoir, voire, dans certaines circonstances, magistrates. Artémise inaugure l'étendue des possibles que les femmes grecques surent réaliser au fil du temps en dépit de la stricte hiérarchie du genre qu'on leur imposait.
Et quand on n'est ni une Amazone, ni une reine, mais une simple femme dans le monde très masculin qui élabore les lois et les usages pour lui-même avant tout, comment vit-on ? Il paraît intéressant de faire la comparaison : en effet, si les personnages des Amazones évoquent avant tout la liberté et la volonté, les contraintes et la surveillance pesant sur les femmes paraissent insupportables ; voyons cela de plus près.
L'ANTIQUITE AU FEMININ, EN GRECE ET A ROME
La légende du matriarcat
Ce mot désigne l'organisation sociale ( « pouvoir de la mère » ) qui confie le pouvoir aux femmes. Le mythe des Amazones a notamment fourni l'hypothèse de ce type de société. Selon la théorie de l'évolutionnisme en vigueur au XIX° siècle, tous les peuples auraient connu la phase du matriarcat au Néolithique entre -12 000 et -6 000 pour l'Asie, -5 000 et -3 000 en Méditerranée Pour les marxistes, l'existence, dans l'Histoire, d'organisations familiales différentes de la famille bourgeoise prouverait le caractère transitoire de celle-ci, mais aussi celui de la propriété privée, du capitalisme et de l'Etat. Les psychanalystes en déduisirent de leur côté la spécificité d'archétypes psychiques féminins. Certains groupes féministes ont repris l'hypothèse, afin de prouver que la subordination de la femme est destinée à disparaître. Elle fut utilisée par certains théoriciens de la droite extrême : supériorité des principes mâles ( aryens ) sur les principes non aryens de l'organisation matriarcale.
L'existence du matriarcat a été repoussée par les historiens qui n'ont jamais pu en recueillir des traces suffisamment documentées. Récemment, on a tenté de prouver que l'homme et la femme auraient connu des droits égaux en Europe entre -7 000 et -3 500 : l'hypothèse reste indémontrable ; elle repose non sur une documentation valable, mais sur le désir de croire en l'existence d'un monde meilleur, passé ou à venir. Si on a bien retrouvé, notamment dans les kourganes évoqués plus haut, des sépultures de reines ou de princesses, ce n'étaient que des cas individuels, loin d'une généralité.
Que Prosper Mérimée le déplore ou non, il n'y a jamais eu de Mémoires d'Aspasie, ni de ses contemporaines. Ce sont les hommes de cette époque qui écrivent d'abord pour eux-mêmes les lois et l'Histoire et c'est à travers leur filtre que nous connaissons la manière dont vivaient les femmes au quotidien comme tout au long de leur existence et quelle que soit leur classe sociale. Il faudra donc nous en contenter, mais que nous auraient-elles dit si elles avaient pu le faire ?
En Grèce
La condition de la femme varie d'une cité à l'autre et selon les époques. A l'époque homérique, la femme, bien que soumise au pouvoir d'un homme ( père, mari, frère ou tuteur, cas de figure que l'on rencontre encore aujourd'hui dans certains pays sous des prétextes politiques ou religieux ) a cependant une certaine liberté de mouvement et une grande considération sociale. Sa condition change quand le régime de la cité s'affirme.
A Athènes, à l'époque classique, la mieux documentée, les femmes ne participent pas à la vie politique et sociale, sauf pour les funérailles et les cultes publics qui leur sont réservés. Le rôle de la femme se limite essentiellement à procréer des enfants légitimes dont l'éducation, pour les garçons, est affaire d'homme une fois dépassée l'âge de l'enfance ( 7 ans ) ; quant aux filles, leur mère les élève jusqu'à l'âge du mariage, vers 14 ans. Elles sont alors mariées à celui que leur père choisit, mais le mari a le droit de rompre cette union.
Le mariage scelle l'alliance de deux familles pour procréer des enfants et assurer la transmission des biens. L'âge légal est de 18 ans pour les garçons et entre 12 et 14 ans pour les filles. Il est fondé par un contrat passé devant témoins ; l'homme protège et entretient son épouse qui lui est soumise, le contenu de la dot est précisé.
L'infériorité de la femme est évidente du point de vue patrimonial : elle ne peut ni tester ni conclure de contrats et elle ne reçoit qu'une fraction du patrimoine paternel, à titre de dot, des biens constitués d'immeubles, de meubles ou d'argent ; cette dot devient la propriété du mari, qui en dispose, mais il doit la restituer en ces de divorce ou si la femme décède avant lui. Les enfants héritent de la dot, à charge pour eux d'entretenir leur mère. Une femme n'hérite pas de son père dont les biens ne sont transmis qu'aux descendants mâles. Si le père meurt en ne laissant qu'une fille unique, dite « épiclère » ( voir l'analyse de « L'enfant grec » à propos d'Archéloa ), celle-ci devient un moyen de transmission de ce patrimoine à ses fils à elle, et pour maintenir ces biens dans la famille, elle doit épouser son plus proche parent mâle, en général le frère de son père.
La morale et le droit interdisent à la femme de connaître d'autres rapports sexuels qu'avec son mari : toute relation hors mariage est aussi interdite à la femme non mariée et sanctionnée comme adultère, sauf en cas de concubinage et de prostitution. A Athènes, le délit d'adultère s'applique non seulement à l'épouse d'un citoyen, mais aussi aux autres femmes de sa famille ; il peut conduire à la peine de mort par l'action publique, ou au meurtre privé en cas de flagrant délit, reconnu légitime par les lois de Dracon ( vers -620 ).
L'idéal grec est la séparation dans la maison, lorsque les conditions économiques le permettent, entre le monde masculin, où l'homme n'a pas à travailler ( les esclaves sont là pour cela ), mais seulement à exercer ses droits et devoirs de citoyen, c'est à dire contribuer à gouverner la cité, gérer ses affaires, et le monde féminin où la maîtresse de maison reste chez elle dans l'appartement des femmes ( gynécée ), où elle distribue le travail à faire à ses servantes et élève ses enfants. Cela ne concerne évidemment qu'un petit nombre de citoyens fortunés : les femmes ne quittent pas le gynécée de la maison paternelle pour celui de la demeure conjugale et sont bien obligées de sortir fréquemment de chez elles pour aller au marché ou à la fontaine, mais aussi, dans les classes populaires, aux champs ou à l'atelier. On peut supposer qu'à ces occasions, elles savaient se ménager quelques espaces et instants de liberté.
Dans le monde dorien ( Sparte, Gortyne ), la femme a plus de liberté, elle dispose d'une certaine autorité sur ses enfants et sa condition juridique n'est pas aussi discriminante. Elle a droit à une part d'héritage, mais seulement la moitié de celle des héritiers mâles.
La situation s'améliore à l'époque hellénistique où le changement est notable : les femmes peuvent acquérir des immeubles, gérer et hypothéquer leurs biens, rédiger un testament, être héritières, contracter personnellement leur mariage. Elles doivent entretenir leurs enfants après la mort de leur père.
A Rome
Les femmes libres sont considérées par le droit à propos de la filiation et de la succession des citoyens, ce dernier mot n'ayant pas de féminin, pas plus à Rome qu'en Grèce. En effet, les femmes ne participent pas à la vie civique et ne peuvent accéder aux fonctions publiques destinées exclusivement aux hommes qui seuls ont le droit de voter pour désigner les titulaires des charges et dignités ( voir l'article suivant sur le « cursus honorum » ). Quant aux esclaves, elles ne sont définies que par leur statut et non leur sexe : pour le travail, il n'y a pas de distinction entre les sexes.
La famille est fondée sur la puissance paternelle et non sur la parenté. D'après les éléments connus pour la période entre les -IV° et -II° siècles, à l'occasion d'un mariage, la femme est échangée entre deux familles. La femme mariée entre dans la famille de son mari, où elle a la position d'une fille, au même rang que ses enfants légitimes pour la succession, et elle perd tout droit dans sa famille d'origine.
Changement de perspective à partir du -I° siècle : l'épouse reste hors de la famille de son mari, dont elle prend pourtant le statut social et doit porter le deuil. Elle n'a pas d'autorité juridique sur ses enfants légitimes, ne peut être leur tutrice, et ne peut en hériter qu'en l'absence d'autres membres de la famille. Mais dans sa famille d'origine, elle garde tous ses droits, successoraux entre autres. Les deux conjoints et leurs biens appartiennent donc à deux familles distinctes. Les femmes ont des droits importants sur leur patrimoine : filles et sœurs peuvent hériter à l'égal des fils et des frères. Seule la dot est transférée au mari. Les femmes peuvent gérer leurs biens, ne sont pas limitées pour défendre leurs intérêts, mais elles ne peuvent agir pour un tiers.
Le mariage est un acte privé dénué de formes, tout comme le divorce. Ils n'ont pas besoin d'être prononcés ni constatés par un jugement ou un contrat. Le lien conjugal est la volonté permanente de chaque époux de rester uni à son conjoint, et il peut même être rompu à l'insu du conjoint, seule la dot devant être restituée ; celle-ci est un usage mais pas une obligation pour le père de l'épouse, elle est une partie du patrimoine de l'épouse que le mari possède mais ne peut aliéner.
La Mater Familias est l'épouse légitime du chef de famille, le Pater Familias, et il n'y en a qu'une par famille, celle de la première génération vivante. La Matrone désigne une femme mariée, sans précision d'âge ou de condition sociale, à qui certains cultes sont destinés, comme celui de Bona Dea ( la Bonne Déesse ). La robe longue, la stola, leur est réservée. Le respect dû aux femmes mariées et leur protection contre toute forme d'agression d'ordre sexuel a été formalisé par la Loi Scutenia de -149 ( qui concerne aussi les Vestales, les jeunes filles vierges et les jeunes garçons ).
Outre le mariage légitime, il existe aussi le concubinage honorable qui est l'équivalent d'un mariage durable, avec les mêmes conditions de volonté réciproque, et qui permet une union sans mésalliance qui serait interdite en s'opposant à une prescription civique, par exemple entre un membre de la classe sénatoriale et une affranchie. Quant aux soldats, ils devaient rester célibataires... ce qui n'empêchait pas leurs familles de suivre les armées !
La répression de l'adultère des femmes relève d'abord des seules autorités domestiques, le père ou le mari de la femme coupable, la punition pouvant aller jusqu'à la mort des deux complices pris sur le fait ; ils peuvent aussi se contenter de les poursuivre en justice, en vue du divorce ou de la répudiation, les peines étant alors patrimoniales. Auguste transféra ces châtiments à un tribunal permanent en -18.
LE « CURSUS HONORUM », OU COMMENT DEVENIR PROPRETEUR
Le « parcours des honneurs » au temps de la République
En -509, les rois étrusques de Rome, devenus indésirables, furent chassés par les Romains.A la tête de la ville, seul subsistait le Sénat, composé des aristocrates descendant des fondateurs, assemblée chargée de gouverner la ville. Il manquait donc un pouvoir exécutif. Ce seront les consuls, élus par le peuple. Pour éviter qu'un consul solitaire se prenne pour un de ces rois honnis et se lance dans des aventures individuelles préjudiciables à la ville et à son peuple, on décida qu'ils seraient deux à la fois, et élus pour un an seulement : ainsi, ils se contrôleraient l'un l'autre et leur remplacement reviendrait vite. A cette époque, il n'y avait pas d'administration, ni de fonctionnaires d'Etat, seulement quelques scribes, conseillers et serviteurs que les chefs emmenaient avec eux. Pour faire fonctionner le système, on compléta les consuls par quelques magistrats publics également élus responsables chacun d'un secteur particulier. Ce seront les questeurs, tribuns de la plèbe, édiles, préteurs et censeurs. Ils ont dû exister très tôt, mais leurs fonctions ne seront formalisées qu'en -180 par la loi Villia Annalis.
Ces magistratures sont des charges publiques, hiérarchisées, collégiales, gratuites et annuelles. On accède à ces charges par l'élection, dans un ordre bien précis et obligatoire qui permet de gagner progressivement des compétences en passant de l'une à l'autre et d'avoir pour magistrats des hommes mûrs et expérimentés : c'est le « parcours des honneurs », le « cursus honorum ». A l'origine réservé aux sénateurs, il fallut rapidement l'étendre aux chevaliers, la classe équestre : les sénateurs n'étaient que 300, tous n'étaient pas compétents, ou simplement intéressés, pour occuper ces fonctions. Les chevaliers devinrent donc éligibles à la condition de posséder une fortune supérieure à 400 000 sesterces et d'avoir fait un service militaire comme cavalier.
Après une campagne électorale qui peur être coûteuse pour l'intéressé ( on verra comment il peut se dédommager ), les titulaires sont élus selon leur fonction, par les assemblées du peuple, les Comices ; les Comices Tributes sont composés selon une division géographique de la population d'après le domicile, basé sur les anciennes tribus constituant le ville de Rome ; les Comices Centuriates sont des groupes censitaires, basés sur la fortune estimée par les Censeurs pour s'équiper militairement selon les catégories, soldats, cavaliers, etc..
QUESTEURS ( quaestores ) : il faut avoir plus de 28 ans ; ils sont chargés des finances de l'Etat, payeurs aux armées, ou trésorier d'une province ; de quatre à l'origine, ils passent à quarante au temps de César ; ils sont élus par les Comices Tributes et cette fonction donne accès au Sénat.
TRIBUNS DE LA PLEBE ( tribuni plebis ) : ils existent depuis -494 à la suite d'une révolte populaire, mais à l'origine, cette fonction, interdite aux patriciens, n'était pas considérée comme une magistrature ; leur personne est inviolable ; ils furent d'abord deux ( comme les consuls ), puis cinq ( -471 ), puis dix ( -457 ), élus par les Comices Tributes ; la puissance tribunitienne permet de venir en aide aux plébéiens individuellement ou dans leur ensemble contre les abus des consuls ou du Sénat ; elle fut intégrée au Cursus honorum par la loi Hortensia en -287.
EDILES ( aediles ) : il faut avoir plus de 31 ans et avoir été questeur ; ils sont quatre, élus par les Comices Tributes ; ils sont chargés de l'administration de Rome, de la police générale de la ville, de l'approvisionnement des marchés et de l'organisation des jeux du cirque.
PRETEURS ( praetores ) : il faut avoir plus de 34 ans ; il furent d'abord deux, puis huit, élus par les Comices Centuriates, chargés de dire le droit, de fixer les règles juridiques nouvelles et d'organiser les procès ; à l'origine, le prêteur urbain était chargé de régler les litiges entre citoyens, et le prêteur pérégrin entre un citoyen et un étranger ; par la suite, les préteurs supplémentaires eurent d'autres fonctions.
CONSULS ( consules ) : il faut avoir plus de 40 ans ; ces deux magistrats supérieurs sont élus par les Comices Centuriates ; ils disposent de l'imperium, c'est à dire de la force armée ; ils président le Sénat et les Comices, commandent les armées et sont éponymes, les années portant leurs noms.
Il existe deux autres catégories de magistrats dont les fonctions ne sont pas annuelles, qui ne font pas partie du cursus honorum et qui sont réservées aux anciens consuls. Les deux Censeurs, élus pour cinq ans, établissent les listes des sénateurs et des citoyens faisant partie des Comices. En cas de situation très grave, comme une guerre, il est possible de désigner un Dictateur pour six mois, qui prend le commandement de l'Etat ; le nom ne doit pas faire illusion : il y eut environ 80 dictateurs pendant la République, qui tous cédèrent leurs fonctions sans problème quand le danger disparut ; seuls les deux derniers, Sylla et César, ne jouèrent pas le jeu et on sait ce qu'il advint.
Les promagistrats : propréteurs et proconsuls
Les préteurs et les consuls peuvent être prorogés, c'est à dire maintenus dans leur dignité après l'échéance de leur année de fonctions, ils sont alors désignés pour une année supplémentaire ( renouvelable ) afin de gouverner une province ou de commander une armée. Ils deviennent alors propréteurs ou proconsuls, nommés par le Sénat à qui ils doivent rendre des comptes.
Un propréteur, comme l'est Carbo dans cet album, a donc déjà été préteur pendant un an. En tant que gouverneur d'une province, il dispose de l'imperium, la force militaire pour assurer la sécurité, ainsi que l'autorité civile et judiciaire ; il est chargé de faire respecter les droits des citoyens romains et des alliés étrangers, mais aussi de faire rentrer les impôts avec l'aide de l'organisation des publicains ( sociétés privées de percepteurs, analogues aux fermiers généraux de notre ancien régime ). Il est entouré d'un personnel administratif réduit, notamment des légats, plus spécialement chargés des questions militaires, des conseillers et des affranchis.
Une élection pour une magistrature de l'importance de préteur ou de consul pouvait coûter très cher ( ça ne date pas d'aujourd'hui ! ), aussi, devenus promagistrats et nommés dans une province et sans se donner la peine de connaître celle-ci davantage, certains ne se gênaient pas pour pressurer leurs administrés, parfois hors de toute mesure. L'un des exemples les plus célèbres est celui de Verrès en Sicile, contre lequel plaida Cicéron. Quant à se faire rendre justice, les provinciaux devaient assigner le promagistrat devant le Sénat, pour une véritable parodie de procès, car les Sénateurs étaient du même milieu que l'accusé et solidaires avec lui. Un plaisant portrait d'un de ces personnages figure à la page 8 de « Astérix chez les Helvètes ».
THESSALONIQUE
La ville antique
Selon Strabon, la ville aurait été fondée par Cassandre, roi de Macédoine, l'un des diadoques ayant succédé à Alexandre le Grand, aux environs de -316. Elle porte le nom de la demi-soeur d'Alexandre le Grand, épouse de Cassandre, Thessaloniki, dont le nom signifie : victoire des Thessaliens, en souvenir d'une bataille où ce peuple s'était illustré. On ne connaît que peu de choses de la ville hellénistique, que ce soit son histoire ou ses monuments, à part de rares vestiges. Toutefois, au début du XX° siècle, certains tracés de rues de la ville moderne pouvaient remonter à la période de la fondation. La ville était certainement fortifiée comme la plupart des villes hellénistiques, mais il n'est pas sûr qu'elle s'étendait jusqu'à la mer ; elle devait pourtant posséder un port dès ses débuts. Ce que nous voyons dans l'album doit correspondre à la transition de la ville hellénistique vers la ville romaine, celle-ci ayant progressivement recouvert et fait disparaître la première.
La ville ne fait guère parler d'elle pendant ces deux périodes. Sous l'empire Romain, elle est capitale de la province de Macédoine et connaît la prospérité. Il faut attendre le III° siècle de notre ère pour qu'elle soit pourvue d'un nouveau rempart remplaçant les fortifications hellénistiques en ruine, qui la défendra contre le siège mené par les Goths, dépourvus de moyens de prendre une ville fortifiée.
Thessalonique devient alors l'une des résidences principales du tétrarque Galère ; les vestiges de son palais montrent une vaste salle octogonale décorée somptueusement, qui pourrait être une salle de réception impériale. Le port qu'il aurait fondé au débouché des Balkans au milieu de la route conduisant de Constantinople à Dyrrachium ( Durrazzo, Durrës ) lui permettait de gagner facilement par mer l'Asie Mineure où il remporta des victoires importantes contre les Perses. Le palais impérial voisinait avec un hippodrome, avec accès direct, comme à Rome ou à Constantinople. Il fit également construire l' « arc de Galère », un monument à quatre piliers au-dessus d'une rue à colonnades dont il subsiste la moitié, et une rotonde qui devait être son mausolée, mais il fut enterré ailleurs et la rotonde fut transformée en église ( V°/VI° siècles ).
D'autres empereurs y résidèrent ; Constantin qui agrandit le port, puis Théodose 1er qui est surtout lié à Thessalonique par le massacre qu'il fit perpétrer dans l'hippodrome à la suite d'une révolte : au moins 7 000 victimes. Il s'agissait d'affirmer brutalement l'autorité impériale, ce qui donna lieu à une célèbre confrontation entre l'empereur et l'évêque Ambroise de Milan.
Au V° siècle, Thessalonique devint la préfecture du prétoire pour l'Illyricum, région correspondant à l'ensemble de la péninsule balkanique, et ses remparts sont reconstruits pour décourager les invasions des Goths et des Huns, puis celles des Slaves et des Avars. La ville conserve de nombreux monuments de l'Antiquité tardive, notamment des églises : Saint Démétrius, saint patron de la ville, qui aurait été martyrisé par Galère, et Sainte Sophie, qui fut la cathédrale médiévale, très abîmées par le temps et plusieurs fois restaurées, conservant néanmoins quelques éléments originaux dont certains du V° siècle, ainsi que des nécropoles comportant de nombreuses tombes décorées de fresques.
Et après, jusqu'à nos jours
Thessalonique deviendra la seconde ville de l'empire Byzantin et connaîtra un nouvel essor économique. Elle fut brièvement conquise par les Sarrasins en 904, revint à l'empire Byzantin, tomba aux mains des Croisés de la Quatrième Croisade de 1 204 à 1 313, période au cours de laquelle elle fut la capitale d'un royaume qui porte son nom.
Conquise par l'empire Ottoman, elle fut renommée Salonique ( Selanik en turc ) de 1 430 à 1 913, date à laquelle elle revint à la Grèce. Ce fut alors une ville cosmopolite qui accueillit une importante communauté juive, notamment les Sépharades chassés d'Espagne en 1 492, puis les Ashkénazes fuyant les pogroms de Russie au XIX° siècle. Le fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Ataturk y naquit en 1 881.
La ville et sa population payèrent un lourd tribut aux deux Guerres Mondiales : un incendie accidentel en 1 917 qui en détruisit le tiers, puis à partir de 1 942, la déportation massive des Juifs. Elle renaît depuis les années 1 950, et elle est aujourd'hui la seconde ville de Grèce, avec plus de 300 000 habitants et un million dans l'agglomération.
LES AURIGES ET LES COURSES DECHARS
Les auriges
Dans cet album, on voit Alix participer à une course de chars et la gagner. Ce n'est pas la première fois. Où et quand a-t-il appris ce sport dangereux qui ne s'improvise pas ? Peut-être « Alix Origines » nous en dira-t-il plus un jour, car il va bientôt avoir l'âge de commencer.
L'aurige est le conducteur du char de course, et parfois du char de guerre, dans le monde gréco-romain. D'après les représentations, l'aurige porte une tunique courte, un casque de cuir, un fouet à manche court, les guides autour de la taille et attachées dans le dos ( technique étrusque reprise par les Romains ) pour éviter de les perdre, d'où le port d'un corset protecteur fait de lanières de cuir protégeant le buste contre le frottement des rênes. La plus célèbre représentation est l'aurige de Delphes, statue de bronze découverte sur le site du sanctuaire à la fin du XIX° siècle et conservée au musée archéologique de Delphes. Cet aurige a les yeux incrustés d'émail et de pierres colorées. C'était un vainqueur des Jeux Pythiques de -478.
A Rome, les auriges étaient généralement des esclaves, qui pouvaient être affranchis ( libertus ) en cas de victoires répétées, lesquelles pouvaient faire d'eux des personnages immensément populaires et d'une richesse inouïe. Ils avaient raison d'en profiter, car leurs carrières étaient généralement courtes : en raison du danger des courses, ils dépassaient rarement l'âge de trente ans. Citons-en deux parmi les plus célèbres. Flavius Scorpus ou Scorpius ( 68/95 ), originaire d'Hispanie, aurige favori de l'empereur Domitien, remporta 2 048 victoires et mourut en course à 26 ans ; esclave, il fut affranchi et après sa mort, le peuple reconnaissant lui voua un véritable culte ; le poète Martial, jaloux de son succès, disait que là où l'aurige gagnait quinze sacs d'or, lui-même ne gagnait que quelques pièces de plomb... Plus chanceux, Gaïus Appuleius Dioclès ( 104/146 ), d'origine lusitanienne, eut une carrière qui dura 24 ans, avec 1 462 victoires pour 4 257 courses qui lui apporta une fortune considérable de 35 millions de sesterces ; pour la postérité, dans « Astérix et la Transitalique », il a servi de modèle à Coronavirus, en citant le nombre de ses victoires sous la forme : « MCDLXII » !
Les courses de chars dans l'Antiquité : Grèce, Rome, Byzance
C'était un événement à la fois sportif et religieux, spectaculaire et dangereux. Les chars pouvaient être tirés par deux chevaux ( bige, c'est ce qu'on voit dans l'album ), trige ( trois chevaux ), quadrige ( quatre chevaux ) ou encore seiuge ( six chevaux ).
En Grèce, les courses datent de la civilisation mycénienne, à partir de -1 535. La première référence littéraire est due à Homère, dans l'Iliade, avec les jeux funéraires de Patrocle. Elles figurent dans les Jeux Olympiques à partir de -620. Le propriétaire de l'attelage ne conduisait généralement pas lui-même le char, le cocher étant un professionnel, souvent un esclave.
A Rome, selon la légende, les premières courses auraient été créées par Romulus, après la fondation de la ville, en -753. Ce sera le sport roi pendant un millénaire et le nombre de courses se multiplie à partir du -II° siècle. Elles sont indispensables aux fêtes religieuses et sont précédées d'un défilé avec les images des dieux, les auriges, des danseurs et des musiciens.
Les courses se poursuivent dans l'Empire Byzantin malgré l'hostilité de l'Eglise chrétienne, mais elles restent liées à la majesté impériale. Les supporteurs se répartissent en factions représentées par quatre couleurs : bleu ( venetta, hiver ), vert ( praesina, printemps ), rouge ( russata, été ), blanc ( albata, automne ) et n'hésitaient pas à s'affronter violemment entre eux hors de l'hippodrome. Les auriges adoptaient la couleur de la faction qui les employait, mais pouvaient passer de l'une à l'autre selon les conditions financières qui leur étaient faites. Sans rien changer à leur rivalité, les factions se regroupèrent : bleu et blanc, rouge et vert. Ces factions n'avaient pas à l'origine d'implication politique ou religieuse, mais c'est pourtant un mouvement d'hostilité envers l'empereur Justinien qui conduisit, le 13 janvier 532 à l'émeute dite : « sédition Nika » ( victoire ) et au massacre de 40 000 personnes par l'armée après cinq jours de désordre et de mise à sac dans Byzance. Les courses de chars tombèrent ensuite progressivement en désuétude jusqu'à la prise de la ville par les Croisés de la Quatrième Croisade le 12 avril 1 204 et le vol par leurs alliés vénitiens, dans un hippodrome déjà bien délabré et finalement détruit, du fameux quadrige de bronze doré qui trône depuis sur la place Saint-Marc.
Les courses de chars avaient lieu dans un cirque ou hippodrome. Le premier de Rome fut le Circus Maximus : 600 m de long, 180 m de large, 250 000 spectateurs. Ceux de Carthage et de Byzance étaient aussi imposants. Un cirque se composait d'une double piste séparée par la spina, le mur central décoré qu'il fallait contourner : à ce moment-là, les virages en bout de piste étaient particulièrement dangereux pour les auriges et c'était la partie la plus excitante pour les spectateurs. Dans l'attente du départ, les chars attendaient dans des stalles, les carceres. A Rome, les équipages devaient effectuer sept tours complets, soit environ 7,5 km.
COMMENT EST RACONTEE L'HISTOIRE
De la mythologie au réalisme
C'est une bonne idée de départ que d'avoir confronté Alix à ces personnages de la mythologie grecque que sont les Amazones. Si ces guerrières n'ont jamais vraiment existé en tant que telles, les faire vivre dans un récit bien enlevé, avec des personnages décrits avec réalisme et possédant un fort caractère est particulièrement intéressant. L'histoire est menée rapidement, tout se déroule en quelques jours, et on passe d'une période de fête et de festin sans soucis, suivie par l'équipée cocasse d'Enak et de ses complices, à des moments d'inquiétude et d'affrontements qui s'achèvent en combats hargneux. On n'a pas eu le temps de souffler et c'est ce qu'on attendait.
Le dessin est d'une grande finesse et d'une remarquable précision, bien mis en valeur par des couleurs agréables. Les expressions des visages des personnages ( je pense en particulier à Astéria ) et leurs mouvements les font vivre avec dynamisme. Les décors et les costumes, même s'ils restent plutôt classiques, sont également de bonne facture.
Des épisodes étranges
Pourtant, il y a quelques détails qui posent problème et empêchent de croire à un déroulement logique de cette histoire. Ainsi, le crime raconté dès la première page pouvait faire croire à un roman policier et à l'enquête qui s'ensuit. Mais à part une allusion quelques pages plus loin, il n'en sera plus question. On ne saura donc jamais exactement ce que les Amazones qui ont commis le meurtre, bien reconnaissables, reprochaient à cette dame, qui n'avait plus l'âge ni le physique pour faire une guerrière.
En revanche, on reparlera des quatre jeunes filles disparues récemment qui auraient été davantage concernées. On les retrouvera en effet dans le temple d'Artémis, en plein milieu de la forteresse des Amazones : il y a plus discret pour les dissimuler, alors qu'il y a des cachots souterrains qu'on a d'ailleurs visité en compagnie d'Enak et de ses compagnons.
Ailleurs, Carbo dit à Alix ( page 12 ) qu'il était amusé par les Amazones « paradant en armes comme dans les vieux mythes, original et tellement grec ». Dit comme cela, on pourrait penser que les Amazones font partie du monde grec, mais on a vu que ce n'est pas le cas : si les Grecs ont bien inventé le mythe des Amazones, celles-ci sont des étrangères, des barbares. Ou bien le propréteur ne connaît pas ses classiques, ou bien il raconte n'importe quoi.
Au fait, d'où viennent les Amazones que l'on voit ici ? De toute évidence, ce ne sont pas des esclaves, on ne leur permettrait pas de porter des armes en permanence. Elles n'ont pas l'aspect de barbares, mais si ce sont des Grecques, il aurait été intéressant de savoir comment elles sont arrivées là de leur plein gré compte tenu du contrôle exercé sur les femmes de ce pays par leurs familles et en particulier les hommes de celles-ci, et alors qu'on se soucie légitimement des quatre jeunes filles disparues. Enfuies ? Orphelines ? On ne connaîtra rien de leurs origines, à part Délia et Sémélé.
Mais le plus étonnant se trouve dans la dernière séquence. Nous avons un propréteur, représentant légitime de Rome dans une province conquise et soumise, disposant de l'autorité militaire ( imperium ), civile et judiciaire, qui se laisse déborder, ainsi que sa troupe, par une révolte populaire de citoyens armés de bric et de broc, avec une issue fatale pour lui. Et qui provoque cette révolte ? Alix, autre citoyen romain en visite privée, toujours représenté comme respectueux de l'autorité quand il ne l'exerce pas lui-même. Qu'il ait pris le parti des habitants est logique, compte tenu de son caractère généreux et altruiste, devant une situation grave, mais le moyen employé, monter les citoyens contre leur gouverneur, ne me paraît pas crédible dans le contexte de l'époque, on n'est plus au temps de la guerre civile. Un Romain ne s'oppose pas ouvertement, à l'étranger, à un autre Romain, même s'ils se détestent, ils règlent leurs différends en privé ou, en tout cas, hors de la connaissance du public. Cette initiative d'Alix aurait pu lui causer de sérieux ennuis, on aurait même pu parler à son sujet de trahison. D'autant plus qu'à un moment ou un autre, Alix et Carbo auraient bien dû rendre compte de leurs actes au Sénat ou à César.
LES PERSONNAGES
Alix : venu pour conduire un char au cours d'une fête assez banale, il ne se doute pas où il a mis les pieds : l'opposition larvée entre le propréteur et Délia menace d'éclater à tout instant, il suffit d'un prétexte que donnent les disparitions. Bien que cela ne le concerne pas, il s'en occupe en toute bonne foi et se conduit comme il l'a toujours fait : énergiquement et avec exigence pour lui-même et les autres, mais il ne pouvait pas savoir tout de suite ce que cachait réellement l'énigme et l'étrange alliance qui s'était constituée à l'insu de tous. Contrairement à son habitude, il se montre curieusement timoré face à un adversaire finalement peu dangereux. Il y a eu des circonstances où il s'est risqué en prenant moins de précautions, il ne lui fallait pas une ville entière pour défier l'autorité.
Enak : il était simplement venu en spectateur pour encourager Alix.Quelle idée saugrenue lui est passée par la tête, qu'il n'a pas eu de mal à faire partager à la bande de fêtards qui vont l'accompagner à l'assaut de la forteresse des Amazones ? Une forteresse bien mal défendue, d'ailleurs, que le quatuor sans doute passablement imbibé n'a pas de difficultés à investir, avec un résultat déplorable pour lui. Mais il reste un habitué de l'aventure : il a gardé les yeux ouverts et les oreilles aussi pendant son incursion ( page 19 ) : c'est son témoignage ( page 37 ) qui conduira à la solution du problème, au prix de quelques horions.
Et, par ordre d'entrée en scène :
Hémon : ce n'est pas précisé, mais je suppose qu'il fut un ami du père adoptif d'Alix, Honorus Graccus Galla ; sans doute se sont-ils connus au cours des misions de celui-ci. Il paraît être un important notable : on voit son imposante demeure, son train de maison avec de nombreux serviteurs et sa place privilégiée au banquet près du gouverneur. Son point faible est sa fille, peut-être le dernier enfant qui lui reste ( il n'est pas question d'autres enfants vivants ), et quand il s'agit de la défendre, même s'il n'a plus depuis longtemps l'âge des exploits guerriers, il sait encore se montrer vaillant, à défaut d'être pleinement efficace. Il se tirera de l'aventure avec une blessure grave mais pas mortelle et le sentiment du devoir accompli.
Astéria : la fille de Hémon, est charmante, vive et délurée. Sa liberté affichée est tout le contraire de ce qu'on sait des dames et demoiselles grecques de son époque, à part les Amazones de Délia, bien entendu, d'où son admiration pour elles. Elle aurait donc tout pour faire une Amazone ( mais la discipline ? ) et ne se prive pas de le penser et de le dire. Quand elle en vient à le prouver, elle ne se soucie pas trop de l'avis et de la réaction de son père. Elle sait ce qui lui convient et ce qui lui déplaît, Carbo en particulier, à qui elle finira par échapper et se réconciliera avec Hémon.
Délia : elle a vraiment fière allure, digne de la Reine qu'elle prétend être, même si, simple aristocrate grecque, elle n'est qu'une gloire locale, car il ne semble pas que son prestige ait largement dépassé les environs immédiats de Thessalonique, assez cependant pour énerver le propréteur ( qui a toutes sortes d'autres raisons de l'être ). Elle sait conduire un char aussi bien qu'Alix ( comment a-t-elle appris ? ) et tient tête à tout le monde. Pourtant, elle garde une part de naïveté quand elle se fait « doubler » par sa sœur : affection, négligence, unique intérêt pour le métier des armes ? S'opposer frontalement à Rome, comme elle tente de le faire, n'est peut-être pas une solution d'avenir. Pour un Carbo éliminé, il y aura d'autres Romains encore mieux armés et Alix ne sera pas toujours là pour lui venir en aide. Dans un conflit ouvert contre une armée professionnelle, les Amazones n'auraient probablement pas fait le poids, elles n'auraient eu d'autres alternatives que la disparition volontaire ou l'exil, et on peut être sûr que Rome y aurait veillé. Délia est une figure passionnante et attachante, la plus réussie de cet album, comme on en a peu rencontré dans la saga d'Alix. Bien sûr, elle fait irrésistiblement penser à une autre grande dame rencontrée précédemment par Alix : même beauté altière, même hauteur de vue, même autorité, il n'y a que la conclusion de l'aventure qui diffère : pour l'instant, Délia est une Adréa qui a eu de la chance. On lui souhaite une longue carrière et un brillant avenir.
Sémélé : quelle comédienne ! Avec sa séquence larmoyante en présence d'Hémon et d'Alix ( pages 27/28 ), elle nous aurait presque convaincus de sa sincérité. Pourtant, à bien examiner son parcours, il n'y a qu'un mot qui le qualifie : jalousie. Envers sa sœur, plus douée, plus audacieuse, une cheffe !Toutes deux héritières d'une grande fortune, sans personne pour se mettre en travers, Délia a pu accomplir son rêve de femme libre et entreprenante, tandis que Sémélé n'en récolte que des miettes. Alors que tout le monde s'excite autour d'elle pendant la course de chars, on la voit quasiment indifférente ( pages 4 à 6 ). C'est qu'elle a d'autres projets et elle croit le moment venu de les mettre à exécution quand Délia commet l'erreur d'emprisonner Enak et ses compagnons d'équipée. Mais pour cela, elle n'a pas choisi le meilleur allié, une erreur d'appréciation qui lui coûtera la vie.
Cornelius Carbo : à part le « cognomen » ( surnom ) Carbo, il semble n'avoir rien de commun avec Tullius Carbo que l'on a rencontré dans « Les Barbares », puisqu'ils n'ont pas le même patronyme, sauf que ce sont les « méchants » de l'histoire. Celui-ci a toutes les « qualités » que l'on attend d'un gouverneur ( voir ci-dessus l'article qui leur est consacré ), avec en plus la paresse, la lâcheté, la prétention et un net goût pour la puissance sans risques. Mais il est maladroit : Alix se méfie rapidement de lui, Astéria est dégoûtée par ses avances, tandis qu'il se fait manipuler par Sémélé, autrement plus maligne que lui. Il est aussi négligent, il ne sait pas entretenir ses soldats pour les rendre efficaces et ceux-ci se laissent déborder par des civils en colère. Finalement, Alix avait peut-être tort de redouter sa brutalité : ce gouverneur investi de toute la puissance de Rome n'était qu'un lion de chiffons.
Les personnages anonymes
Les Amazones : même si elles sont nombreuses et en uniforme, elles restent bien différenciées, chacune ayant son visage, sa taille, son attitude et ses réactions. Une seule est nommée, Emera ( page 32 ), celle qui garde les prisonniers, et ce n'est pas le rôle le plus important. Il est dommage que l'album n'ait pas été assez long pour qu'elles puissent bénéficier de quelques séquences individuelles, certaines l'auraient mérité aux côtés de Délia.
Les trois compagnons d'Enak : on ne sait même pas comment ils se nomment, pourtant, ils sont bien différenciés aussi, chacun avec son physique et son caractère. Des noms auraient permis de savoir s'ils sont Grecs ou Romains, car rien ne le laisse deviner. Comme ils vivent dans l'entourage immédiat du propréteur, je pense qu'ils sont Romains, peut-être de jeunes aristocrates qui accomplissent leur période militaire pour pouvoir prétendre accéder plus tard au cursus honorum et devenir, par exemple, propréteur : ils ont un bel exemple devant eux. A part cela, ils sont aussi maladroits que lui et passablement inconscients. Un petit séjour dans les geôles leur a peut-être permis de réfléchir. A noter qu'après leur sortie, on n'entend plus parler d'eux.
Les habitants de Thessalonique : à l'exception du boucher Hypation, ils ne sont pas davantage nommés, pas plus que les quatre jeunes filles disparues et retrouvées chez les Amazones, ou que l'aubergiste dont le meurtre inexpliqué ouvre l'histoire. Mais ils sont courageux : affronter des soldats romains – dont on sait qu'au combat, ils ne faisaient pas dans la dentelle – même si ces derniers sont mal entraînés par la faute de Carbo, aurait pu provoquer de nombreuses victimes. Sensibles à l'injustice, ils en oublient leur sécurité. Méfiants envers les Amazones, et sans qu'il y ait eu de vrai conflit entre eux, ils prennent leur parti devant l'injustice du propréteur. Je pense néanmoins que dans la réalité, ils n'auraient pas eu la moindre chance de l'emporter sur les militaires.
Les animaux
Milon : le petit chien d'Astéria est un improbable croisement entre Milou et Idéfix. Il est charmant, fidèle à sa maîtresse, et c'est un agréable sourire dans cette histoire intense.
Les chevaux : on les oublie toujours, et pourtant, ils font consciencieusement leur travail : ils courent ! Et ce n'est pas le moment le plus facile de l'histoire.
CONCLUSION
Cet album fait vivre des personnages purement mythiques dans une réalité de fiction, ( ou une fiction réaliste ) ce qui est bien trouvé, et le dessin leur rend justice tout comme le rythme rapide. Dommage que le scénario, avec ses oublis et ses contradictions avec l'Histoire, soit parfois difficilement crédible. Il ne faut donc surtout pas chercher la vraisemblance et lire ce récit au premier degré, pour le plaisir de l'aventure.
Sources : le « Dictionnaire de l'Antiquité », de Jean Leclant ( PUF ) m'a servi de base en particulier pour les articles sur la condition féminine et Thessalonique. Les Amazones et les Scythes viennent d'un chapitre de « Histoire des Mondes imaginaires » de Michel Udiany ( Jourdan, 2 014 ). Artémise d'Halicarnasse est l'héroïne d'une biographie par Violaine Sébillotte-Cuchet ( Fayard, 2022 ). La citation d'Elena Ferrante est extraite d'une interview dans L'Obs du 2 mars 2 023, et celle de Mérimée de son roman de 1 829 « Chronique du règne de Charles IX ». Wikipédia m'a fourni des éléments pour les auriges et les courses de chars.
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