vautour2b a écrit:Après beaucoup d'hésitation je me suis procuré "Le scandale Arès". L'intrigue m'a intéressé, notamment la partie enquête avec Lefranc, Marlène, leurs amis & ailiers... mais l'avion et ses exploits 'anti-chars' ont confirmé les mauvaises impressions sur le plan aéronautique que m'avais laissé le premier feuilletage de album...
Fondamentalement, sur un plan purement réaliste et historique, je suis d'accord avec toi. Cependant, s'agissant de la première bande dessinée de l'histoire représentant un avion Payen, et de la nature, volontairement pas toujours réaliste de la série de bandes dessinées ici considérée, je vais me faire l'avocat des auteurs et utiliser toutes les "failles" (aussi ténues soient-elles) de ton argumentation pour minimiser autant que faire se peut, ce jugement, également grâce aux "non-dits" de cette histoire et à des comparaisons avec d'autres bandes dessinées relevant du même niveau de "réalisme" (je répéterai également quelques remarques précédentes).
vautour2b a écrit:
A la limite, je trouve le "Stratonef H.22" d'Hergé - imaginé à une époque où internet n'existait pas - moins farfelu que l''Arès' de Régric - qui ne c'est vraiment pas foulé pour militariser et 'muscler' le Payen... surtout quand ont compare avec la rigueur de Francis Bergèse sur les imaginaires "Spur" et "Renkell" du 'Biggles', T1"Le cygne jaune"... ou même celle de Frank Robbins avec le fantaisiste chasseur japonnais du "Johnny Hazard" de 1944/1945.
-Le Pa.22/2 est un avion qui a existé dans la réalité. Un Pa.22/2 (en tant que tel) agrandi n'est donc pas farfelu. Bon, OK, s'agissant de ses capacités dans l'album, dans la réalité, même un Pa.22/2 agrandi aurait eu énormément de mal à réaliser les exploits du TJ Arès. Mais, là aussi, j'y reviendrai plus loin.
-Le stratonef H22 ( https://www.amc94.fr/projet-club-construction-stratoneff-h22/ ), inspiré des avions "classiques" de son époque, est de forme assez réaliste, effectivement (plus haut, j'ai montré certaines similitudes avec le Northrop Gamma 2 G https://www.thisdayinaviation.com/tag/northrop-gamma-2g/ et les premiers Gee Bee https://fr.wikipedia.org/wiki/Gee_Bee_R-1 , mais d'autres y ont vu une ressemblance avec des Caudron de course de cette époque https://www.amc94.fr/projet-club-construction-stratoneff-h22/ ).
Mais dès qu'il s'agit de faire Paris - New-york à une moyenne supérieure à 1000 km/h (ce qu'est censé faire le H22), sur le plan du réalisme pur, j'ai comme un doute... L'avion possède un moteur à explosion et des hélices. Si mes souvenirs sont bons, lors de la dernière tentative de battre le record du monde de vitesse pour ce type d'appareil, la vitesse maximale atteinte par l'avion (P-51 modifié à moteur Merlin amélioré et autrement plus aérodynamique que le H22) lors du plus rapide passage a été 895 km/h. Sans parler du carburant nécessaire pour voler à cette vitesse sur cette distance...
Maintenant, on est d'accord qu'au début des années 30, les connaissances publiques en aérodynamique n'étaient pas celles disponibles aujourd'hui avec internet. Toutefois, il devait être connu que l'appareil le plus rapide de l'époque (Macchi-Castoldi MC-72 https://fr.wikipedia.org/wiki/Macchi_M.C.72 ) avait un doublet d'hélices contrarotatives et les premiers projets Payen existaient cependant déjà et apparaissaient non seulement dans les médias d'information de l'époque https://www.youtube.com/watch?v=gIF_SmwwWlE , mais également en héros de romans de l'autre côté de l'Atlantique américains https://www.ebay.com/itm/362073199806
-Francis Bergèse n'a pas dû faire beaucoup d'effort de rigueur s'agissant du Spur, dans la mesure où c'est une version biplace à peine modifiée du De Havilland Hornet... https://biggles.fandom.com/wiki/Spur
-Un peu plus d'effort avec le Renkell Wolf. On se rend toutefois compte, qu'en inversant bord d'attaque et bord de fuite du Heinkel 219, on a les ailes du Renkell. Ensuite un fuselage "classique" à l'avant et le remplacement de la double dérive par une simple, et le tour est joué.
https://static.wikia.nocookie.net/biggles/images/f/fb/Cygne_jaune_miklo.jpg/revision/latest?cb=20160911100148
https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinkel_He_219
-j'ai déjà parlé du chasseur japonais (dans Johnny Hazard, dérivé de l'avion fictif Suzukaze 20 Omar), qui aurait eu du mal à alimenter ses deux moteurs en étoile en air avec sa minuscule entrée d'air.
https://i.goopics.net/800/wdfs24.jpg
https://fantastic-plastic.com/suzukaze-20-omar---catalog.html
vautour2b a écrit:J'aurais encore accepté les exagérations des attaques des colonnes de chars
(1) si les auteurs avais au moins donné à leur 'Arès' les caractéristiques physiques d'un bon avion anti-char de la ww2... c'est qui n'est pas le cas.
Le pire étant les petites pétoires - censées êtres des armes 'anti-char' - installées sous les ailes... Quand ont songe à la taille des gondoles-canons des Hawker Hurricane IID, Junkers Ju 87 G et Iliouchine Il-2 Type 3M, ont mesure le grotesque de la chose !
C'est là que ma défense va être la plus difficile... :? Je tente quand même
L'un des "avantages" du scénario, c'est que les auteurs ne fournissent aucune indication sur l'armement. Donc, on ne connaît pas son calibre... Ce qui permet toutes les (ou en tout cas un minimum) d'hypothèses...
Si on se réfère au projet Payen "armé", le plus proche du Pa.22/2 et du TJ Arès, c'est à dire le Payen Pa.110/112 C1, il était censé disposer d'un canon dans l'axe de l'hélice. Ce qui n'est pas le cas du TJ Arès, sa casserole d'hélices étant pleine. Il était également censé disposer de "logements/gondoles" de mitrailleuses, un/e dans chaque aile. A l'époque, le calibre des mitrailleuses d'ailes françaises était le 7,5 mm.
Mais, comme dit les auteurs ne donnent aucune indication de calibre et le TJ Arès est plus grand que le Pa.22/2 (et donc que le Pa.110/112 C1). Si on part du postulat que les établissements Tessier construisent eux-mêmes l'avion et son moteur (page 33 de l'album) et fabriquaient également des machines-outils, qu'est-ce qui empêcherait qu'ils fabriquaient eux-mêmes les canons et ou mitrailleuses de leurs avions et même les cartouches et projectiles de ces armes ? On peut alors imaginer un calibre supérieur au 7,5mm
Le Hurricane IID disposait d'une gondole de 40mm dans chaque aile. Pour le Ju-87 G et l'Il-2 3M, c'était du 37 mm. Et, effectivement, ces gondoles étaient autrement plus volumineuses que celle du TJ Arès.
Toutefois, si mes souvenirs de lecture sont bons, en France, à la fin de la campagne de France, les MS 406 (tous restés en métropole car n'ayant pas une autonomie suffisante pour traverser la Méditerranée) utilisaient des projectiles spécifiques anti-chars de 20 mm pour l'attaque des chars allemands.
Mais, même en adoptant l'hypothèse que des gondoles pour un calibre de 7,5 à 20 mm puissent être contenues dans celles qu'utilisent le TJ Arès, comment faire pour leur permettre d'avoir l'efficacité de gondoles de 37-40 mm ?
C'est là que je fais appel à la "licence artistique" :mrgreen: . En effet, un avion comme l'Espadon de Blake et Mortimer (surtout de Mortimer d'ailleurs) évolue dans une histoire immédiatement post-2ème guerre mondiale, sans que qui que ce soit ne s'étonne de ses performances ou de son armement, alors que cet appareil est complétement irréaliste, même aujourd'hui (je ne parle même pas du temps pour le construire, quand on voit aujourd'hui le temps qu'il faut pour mettre au point ce qui s'en rapprocherait le plus (et encore de très loin) sur le plan des capacités, à savoir le SR-71 ou le F-22.
On pourra m'opposer qu'on est plus là dans la science-fiction que dans la réalité. Effectivement. Mais pourquoi ne pas introduire une part de science fiction dans l'histoire du TJ Arès ? Tessier (et ou Juillet) étant le Mortimer de l'histoire, capable de sublimer les armes et munitions du TJ Arès comme Mortimer l'a fait pour l'Espadon ? Ce n'est qu'une question de curseur intellectuel. Mais j'y reviendrai, notamment en fin de post.
Par ailleurs, de lointaines lectures, il me semble que, dans une aventure d'Alix (peut-être L'île du diable, les spécialistes corrigeront), on trouve des missiles (ou des roquettes) 2000 ans avant leur véritable utilisation historique...
Et si on cherche la science-fiction chez Lefranc, à mon avis, il y a bien plus "étonnant" que les capacités survitaminées d'un canon antichar...
https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/mission-antarctique/9782203045187
https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/lapocalypse/9782203314108
vautour2b a écrit:
Quand à la soi-disante vélocité de l'engin, c'est pas avec une moteur en ligne à un seule rangée de cylindre, une hélice bipale et un train fixe, que l'Arès aurait pu faire de l'ombre au Dewoitine D.520 (et encore moins au Mig-15).
Encore compliqué pour moi (d'autant plus que je suis en partie d'accord avec toi), mais moins que pour le cas précédent
Pour le moteur en ligne à une seule rangée de cylindres, le TJ Arès est plus grand que le Pa.22/2 (et il a des entrées d'air moteur beaucoup plus importantes). Je ne vois pas pourquoi il conserverait le 6 cylindres Régnier en ligne ? A mon avis, pour au moins s'approcher (ou en tout cas en être moins éloigné) des performances du TJ Arès, il est possible d'envisager, dans un premier temps, un moteur Tessier au moins équivalent au meilleur moteur de l'époque, le Merlin. Et si on lui met une cylindrée HS 12 Y/Z, on peut même imaginer un Tessier de la classe du Griffon ("un peu" boosté si on ajoute un "contexte science fiction"...) . Par ailleurs, on se rappellera que l'hydravion de course Supermarine S6B avait une hélice bipale (comme le Spitfire Mark 1) et atteignait 655 km/h en 1931 avec deux énormes flotteurs et leurs raccords, certainement beaucoup plus problématiques sur le plan aérodynamique qu'un train fixe d'avion terrestre... https://fr.wikipedia.org/wiki/Supermarine_S.6B
Dans ce contexte, on peut imaginer, avec un moteur Tessier de 1940 comme précédemment imaginé, au moins certaines performances supérieures au D-520.
Ceci dit, dans une interview ( https://www.ligneclaire.info/regric-263094.html ), Regric reconnaît
Alors qui a inventé le prototype de l’Arès, lui, vous deux ?
Martin n’avait laissé aucune indication sur le modèle. Roger non plus donc j’ai fait des recherches sur des avions un peu bizarres, originaux. Il y en a beaucoup qui ont existé ou pas, pour des jeux vidéo. Je suis tombé sur le Payen 100, le 49 est au Musée de l’air. J’ai tranché, modifié car il était plus petit, allongé et le résultat est cet avion de chasse, le Arès.
Sans train rétractable. Vous-vous parlez avec Seiter sur les dessins, les planches ?
J’aurais pu c’est vrai pour le train, j’y ai pensé après. Pour le choix de l’ avion on s’est mis d’accord. Ensuite j’envoie des pages crayonnées et encrées. Il se fait son album pour voir le rendu, se relire. Cela fonctionne bien à chaque fois.
C'est vrai que c'est quand même dommage...
Pour le MiG-15, j'y reviendrai plus loin.
vautour2b a écrit:
Au sujet du D.520, les auteurs font aussi dire n'importe-quoi au constructeur de l'Arès, quand il le compare défavorablement à son avion dans le scène de l'interrogatoire au château : la technique aéronautique de l'époque (Fin des années 30-début 40) ne permettait-pas un avions polyvalent aussi performant qu'un avion spécialisé. Le Dewoitine D.520, son cahier des charges ne lui a jamais demandé des capacités d'attaque au sol, il était optimisé pour la chasse et l'interception, avec un moteur à compresseur 'haute-altitude' qui donnait ses meilleur performances à haute et moyenne altitude, mais beaucoup moins à basse altitude - idem pour les Spitfire, Bf-109, P-51B et P-51D. A l'inverse les P-39, P-40 et P-51A, dotés de compresseurs 'basse-altitude', étaient plutôt véloces au ras du sol mais à la peine en altitude.
Il dit : "jamais deux Dewoitine n'auraient pu totalement détruire un régiment de chars". Je ne suis pas convaincu que ça contredit ce que tu écris-là.
vautour2b a écrit:"Le scandale Arès", une bonne histoire policière
, mais une médiocre bd aéronautique
... dommage !
Sur le plan d'un aspect technique totalement réaliste, effectivement. Mais chaque individu a sa propre grille de lecture. Plusieurs intervenants sur le site des BD de Jacques Martin, ou sur celui de BD Gest (même si là, plus de personnes ont été proches de ton avis) n'ont pas les mêmes connaissances que toi sur le sujet et/ou ne sont pas nécessairement le plus intéressés par cet aspect là, dans un univers de fiction où le réalisme technique n'est pas nécessairement le moteur principal de l'histoire et de ceux qui la lisent (L'apocalypse, Mission Antarctique, ...). On en revient toujours au même : des goûts et des couleurs...
vautour2b a écrit:... surtout qu'il aurais eu moyen de faire un avion anti-char uchronique vraisemblable à partir des Payen d'avant-guerre... par ex, en greffant sur une version agrandie et à trains rentrants du Pa.22/2 (ou du Pa.100) un ensemble moteur-canon inspiré du Yakovlev Yak-9T, mais avec un Hispano-Suiza 12 Y 51, équipé d'un compresseur 'basse-altitude' (comme l'hydravion de chasse HD.780) et d'un canon antichar SA-L modèle 1934 de 25mm, modifié (uchronie) avec un système de tir automatique alimenté par chargeur(plus simple à réaliser) ou par bande(plus compliqué).
Même si, comme précédemment dit, ce n'est pas nécessairement cet aspect qui interpellera la majorité des lecteurs, personnellement, je ne peux qu'être d'accord. Le Pa.22/2 était un avion de tourisme, le Pa.100 était un avion de course, et c'est de sa carlingue accidentée que sera développé ce qui sera la maquette 1/1 du chasseur Pa.112. Pour le moteur, j'ai déjà répondu plus haut, mais ton TJ Arès "façon vautour2b" aurait eu une bonne bouille
vautour2b a écrit:
(1) Pour réaliser un tel massacre dés la première passe contre des Panzer III (1940) et surtout des T-34 (1956) il aurait fallu à Guillaume Tessier un Fairchild A-10... et aussi des tonnes de napalms pour espéré arriver à exterminé 99% des équipages !
Là, deux remarques : en page 4, le texte dit : "les passages se suivent", donc il y a visiblement eu plus qu'une passe pour chaque avion. Surtout qu'en page 5 le texte ajoute : "en quelques minutes, Karl von Lieds a perdu tous ses chars et probablement la totalité de ses hommes."
Par ailleurs, en page 44, Tessier indique : "Durant toutes ces années, j'ai continué à travailler sur l'Arès et je l'ai pas mal amélioré...". On peut donc imaginer que, quelles qu'elles aient été, ces améliorations ont permis de rééditer "l''exploit" de 1940. Bon, il faut déjà partir de mon postulat sur l'armement et la motorisation de 1940 encore plus "boostés" en 1956 "grâce "à un contexte SF" (ce qui ne sera visiblement pas ton cas
)
Sinon, on ne sait pas vraiment comment le TJ Arés amélioré échappe aux MiG-15. Il n'est dit nulle part qu'il les a abattus. L'a-t-il joué comme les biplans Polikarpov Po.2 qui échappaient aux jets américains pendant la guerre de Corée ? Oui, je sais, vu sa configuration, il paraît plus que difficile à un "avion dérivé plus grand du Pa.22/2" de réussir ça (surtout quand on voit le "ça" en fin de planche 47), mais, toujours pareil : c'est un "TJ Arès, qui existe et évolue dans un contexte de fiction, parfois proche de la science fiction" et peut donc disposer de capacités inusitées dans notre réalité.
En ce qui me concerne j'imagine basiquement qu'il a réussi à échapper à l'attaque initiale des MiG et que ceux-ci, à court de carburant, ont dû quitter la zone, laissant la possibilité au TJ Arès de retourner à son abri
Bon, en conclusion :
1/oui, donc, l'avion tel que décrit dans la BD paraît peu réaliste par rapport à notre réalité.
2/Mais, si on utilise toutes les informations et tous les non-dits du scénario, on peut utiliser tous les moyens techniques effectivement réalisés à l'époque et en appliquer un certain nombre à cet appareil dont notamment un moteur 12 cylindres de plus de 1000 ch (genre Merlin de début de 2GM) et des munitions plus performantes que celles la mitrailleuse française de 7,5 mm qui équipait les avions français de l'époque.
3/Si, en plus, on lui applique un traitement "uchronique", on peut carrément arriver à un moteur de 2500 ch (genre Griffon de fin de 2GM) et envisager des munitions encore mieux adaptées à la lutte antichar.
4/Si, enfin, on lui applique un traitement "SF", il peut alors posséder l'armement qui lui permet de réaliser ses exploits contre les chars.
Or, cette série est parfois très orientée SF. Dans certaines parties de cet album, elle ne demande pas à être lue sous un angle "stricte réalité" (option 1), ou même "réalité optimisée" (option 2), ni même "uchronie" (option 3), mais sous un angle SF (option 4). Quiconque la lit en venant y chercher l'option 1 et uniquement elle, ne pourra donc qu'être déçu. Et c'est normal. Mais ceux qui la lisent pour ce qu'elle est auront beaucoup plus de chances d'y trouver leur compte. Et si on regarde le classement de l'album dans les ventes des 4 premières semaines, il s'est bien vendu et a donc eu beaucoup plus de satisfaits que de déçus. Il est donc en adéquation avec le public qu'il ciblait.