Les chimères de Vénus est une trilogie scénarisée par Alain Ayrolles et dessinée par Jung. Bouture de la série du
Château des étoiles d'Alex Alice, elle en reprend les codes, ceux d'une uchronie rétrofuturiste basée sur la conquête de Mars et Vénus par trois grandes puissances rivales du 19ème siècle : l’Allemagne, le Royaume Uni et la France.
Hélène Martin, célèbre actrice parisienne, est amoureuse d'Aurélien, un jeune poète, déporté et emprisonné sur Vénus. Elle intrigue auprès du gouverneur des colonies vénusiennes, le Duc de Chouvigny pour rejoindre son amant. Elle parvint à ses fins et se retrouve ainsi sur une planète tropicale, encore à l'ère du crétacé, où dinosaures et fougères géantes règnent en maîtres sur la faune et la flore. Entre temps, Aurélien a réussi à s'évader du bagne....
Clairement, cette œuvre sera clivante. D'un côté, certain(e)s lecteurs(trices) y verront une énième version du
Jurassic Park ou encore un nouvel avatar du
Monde Perdu d'Arthur Conan Doyle (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Monde_perdu_(Arthur_Conan_Doyle)). De l'autre côté, beaucoup s'enthousiasmeront sur les talents de scénariste d'Ayrolles et sur la qualité des dessins de Jung.
Je confie avoir apprécié le côté échevelé de cette aventure, et aussi le choix d'une femme comme héroïne.
Ayrolles est un scénariste d'une grande érudition et il tente avec Vénus ce qu'il a si bien réussi avec la Lune dans
De cape et de crocs. Et si nous ne retrouvons pas la commedia dell'arte ou Cyrano de Bergerac, nous bénéficions d'une superbe reconstitution du second empire. Le Duc de Chouvigy fait clairement référence au Duc de Morny (https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Morny). Et je m'interroge sur Hélène Martin. Ayrolles s'est-il inspiré d'Hortense Schneider, la cantatrice et muse d’Offenbach (https://fr.wikipedia.org/wiki/Hortense_Schneider), ou de Sarah Bernhardt, l'immense tragédienne (https://fr.wikipedia.org/wiki/Sarah_Bernhardt) ? Les clins d’œil foisonnent dont le
Pèlerinage à l'île de Cythère de Watteau. Et le décalage entre le paradis galant et l'enfer vénusien est quelque peu comique. Le rire et les larmes sont d'ailleurs très présents dans cette histoire et chaque situation peut être perçue à traverses ces deux filtres : ridicule ou dramatique. A chacun(e) de choisir
.
Quoiqu'il en soit, dans ce premier tome, le scénariste pose les bases de son univers et il ouvre de nombreuses pistes dont l'île magnétique au sujet de laquelle on se demande ce qu'elle peut bien cacher. L'intrigue progresse rapidement, de manière crédible ce qui n'était pas gagné d'avance. Ayrolles fait donc bien mieux qu'Alex Alice même si je suis certaine que cela ne suffira pas à combler les lecteurs allergiques à ce type de BD.
Les vignettes de Jung sont magnifiques. Ses décors respirent la réalité et le pari de créer un univers rétrofuturiste, ancré dans le second empire, est remporté haut la main. Les fumées des hauts-fourneaux rajoutent leur brouillard à celui originel de Vénus ! Les architectures sont délicieusement métalliques avec un cocktail réussi de Tour Eiffel, de Pavillon Baltard et de carreau de mine. Jung navigue heureusement entre Steven Spielberg, l'attaque du tyrannosaure, et Disney, le monorail. L'usage d'une palette numérique lui permet de créer de splendides effets de lumière. En fait, Jung est trop modeste et j'eus apprécié des vignettes plus grandes, mettant mieux en valeur la qualité de son travail.
En tout cas, j'attends avec confiance la sortie du tome 2 de cette trilogie. Cette série vise au pur divertissement et s'adresse à celles et ceux qui apprécient les parcs d'attractions. N'y voyez donc que le plaisir d'une belle aventure, rien de plus mais aussi rien de moins
Eléanore