Alain Ayrolles et Juanjo Guarnido, picaresques !
Une planche de BD de la rentrée (5/5). « Les Indes fourbes », en librairie le 28 août, est une étonnante suite, toute à l’aquarelle, du « Buscon », roman espagnol de 1626 signé Francisco de Quevedo.
Par Cédric Pietralunga Publié le 15 août 2019 à 16h00
Dix ans. C’est le temps qu’il a fallu au scénariste Alain Ayroles et au dessinateur Juanjo Guarnido pour venir à bout des Indes fourbes, volumineux album à paraître le 28 août chez Delcourt, contant les aventures de Pablos de Ségovie, fripouille amorale mais sympathique en quête de l’Eldorado pendant le Siècle d’or. Dix ans, c’est long dans la vie d’un auteur. « Mais je voulais vraiment travailler avec Alain », raconte Juanjo Guarnido, qui s’est démultiplié pour mener à bien ce chantier en parallèle avec sa série, Blacksad (Dargaud, depuis 2000), dont le prochain tome est prévu pour fin 2020 (avec le scénariste Juan Diaz Canales).
A l’origine, les deux auteurs voulaient réaliser un album dans l’esprit des romans picaresques espagnols, que l’on connaît surtout aujourd’hui à travers Don Quichotte, de Cervantes (1605-1615). « On est partis du Buscon, un récit écrit au début du XVIIe siècle par Francisco de Quevedo, une autre figure de la littérature espagnole », précise le dessinateur ibérique. Ce roman, d’une grande cruauté, raconte les tribulations d’un gueux, Pablos, qui devient tour à tour valet, étudiant, voleur, mendiant ou homme de théâtre, sans jamais réussir à s’élever socialement. « A la fin, don Pablos embarque pour l’Amérique, mais Quevedo n’a jamais écrit la suite. On s’est amusés à le faire », explique Alain Ayroles.
Chausse-trapes et faux-semblants
Au bout de 80 planches, les auteurs décident pourtant de tout reprendre. Plutôt qu’une histoire d’arnaque classique, comme on en trouve beaucoup dans le genre picaresque, le scénariste des séries De cape et de crocs (avec Jean-Luc Masbou, Delcourt, 1995-2016) et Garulfo (avec Bruno Maïorana, Delcourt, 1995-2002) se lance dans un récit gigogne de 160 pages, peuplé de chausse-trapes et de faux-semblants. On pense y suivre don Pablos racontant sa quête de la cité d’or inca, mais comment croire un gredin assoiffé de réussite et de reconnaissance ? « Comme Velasquez, qui aimait cacher des choses à l’arrière-plan de ses tableaux, je me suis amusé avec le lecteur », raconte Alain Ayroles. « Le scénario est somptueux », salue Juanjo Guarnido.
L’ancien animateur, passé par les studios Walt Disney de Montreuil (Seine-Saint-Denis), avoue en avoir bavé pour dessiner les aventures de Pablos. « J’ai dû faire beaucoup de recherches, sur les costumes, les navires, les maisons… C’était compliqué, car il existe peu de documents de l’époque. Mais il fallait être crédible pour que le lecteur plonge dans l’histoire », confie-t-il. Le résultat est à la hauteur.