Tarmac a écrit:Sur certains détails de l'uniformologie des légions, j'ai l'impression d'avoir observé des unités hétéroclites qui ressemblent plus à des troupes auxiliaires orientalisées qu'à des légions tardo-républicaines, certains casques me font penser à l'époque des guerres puniques (2ème guerre en particulier) Ajax va peut-être pouvoir nous éclairer en la matière.
Je conçois que les tenues militaires romaines, dans VENI VIDI VICI, soient assez déconcertantes par rapport à la
doxa de la série, qui démarra – via le Hottenroth – avec des panoplies de type impérial inspirés par la Colone trajane. A partir de VERCINGETORIX et sur les conseils de J.P. Adam, Jacques Martin rectifia le tir en se basant sur de nouveaux travaux prenant en compte les stèles funéraires du I
er s. av. n.È.
A l’évidence, Giorgio Albertini s’est – quant à lui – basé sur l’ouvrage de François GILBERT,
L'armée de César pendant la Guerre des Gaules (2016), illustré par Florent VINCENT. Il suffit de regarder le harnachement du cheval de Jules César (notamment VVV p.48), avec la couv. et la p.34 de L’ARMEE ! C’est rigoureusement la même.
https://www.amazon.fr/Larm%C3%A9e-C%C3%A9sar-pendant-Guerre-Gaules/dp/2912994608/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1538246436&sr=1-1&keywords=fran%C3%A7ois+gilbert+c%C3%A9sar
Président de PAX ROMANA (Lyon) et centurion de la Leg. V «Alaudae» (bi-époque : César & Julio-Claudiens), François GILBERT s’est, pour l’armée de Jules César, basé notamment sur l’autel d’Ahenobarbus et toute une série d’autres bas-reliefs que je ne vais pas énumérer ici. C’est sans doute ce qui explique la parenté avec les équipements des guerres puniques (le casque «Montefortino» p.ex.), qu’a discerné Tarmac.
Après la victoire romaine du cap Télamon en 224 et la récupération de cotes de mailles sur le champ de bataille, les Romains adoptent celle-ci de préférence à la linothorax grecque (faite de plusieurs couches de lin collées). Mais il faut aussi savoir que le légionnaire s’équipe a ses frais, donc il réutilise ce qu’il a sous la main : le casque du père ou du grand-père ou récupéré sur un ennemi tué. Le légionnaire est peu sensible à la «mode», sauf lorsque s’imposent de nouvelles techniques de combat. C’est sous Camille, sauf erreur de ma part, que l’on abandonne la lance hoplitique au profit du
pilum. L’adoption de nouveaux protocoles d’escrime (le bouclier ovale raccourcit pour devenir rectangulaire) verra le glaive républicain (type «Délos») raccourcir de dix centimètres sous les Julio-Claudiens (types «Mainz» et «Pompéi»).
Me rappelle que vers 1979 j’avais marqué mon étonnement lorsque JM avait dessiné parmi les mercenaires de Carthage… un guerrier mycénien tout droit issu du «Vase des Guerriers» ! Il m’avait répondu que n’importe quel pot qu’on pouvait se mettre sur la tête faisait un bon casque. Il avait raison, même si dans ce précis cas de figure l’argument était un peu… spécieux.
Bref… il faut oublier les tenues standardisées que l’on voit au cinéma et dans les BD, à l’imitation des armées modernes du XIX
e s. et suiv. (*). Du reste, ne sortant pas d’une usine d’armement automatisée, industrielle, chaque pièce, chaque casque est unique.
Lorsque Jules César, proconsul des deux Gaules (Cisalpine et Transalpine) et d’Illyrie, entreprend la conquête de la «Gaule chevelue», le Sénat n’a mis à sa disposition que quatre légions. Il va en lever des supplémentaires à ses frais (et peut-être aussi avec l’aide de son sponsor, tonton Crassus). A la fin de la guerre, il en comptera dix (ou douze) sous ses ordres. D’humbles artisans en leurs manufactures vont fabriquer, notamment, des casques très basiques et bons marchés, les fameux «Coolus-Mannheim» et «Buggenum». De simples calottes sans couvre-nuques et sans paragnathides (couvres-joues), qui vont coexister avec le «Montefortino».
Retenons seulement ceci : si la troupe adopte les modèles celtiques récupérés, adaptés, copiés, les officiers – plus fortunés – préfèrent les modèles grecs, plus chics (attiques (**), attico-béotiens, etc.).
Revenons à nos moutons. Pages 24-25 de VVV, les légionnaires portent des Coolus-Manheim (ARMEE pp. 58-61), munis d’hypothétiques couvres-joues (ARMEE pp. 62-63). Leur officier porte un Montefortino (me semble-t-il) (VVV pp.24-25 = ARMEE pp.23). D’une manière générale, la patrouille quoique à pied est constituée de cavaliers (ARMEE pp.44-45).
Quant à Alix (et Enak, avec sa petite tête) il porte un casque attico-béotien. Normal, c’est un gradé !
https://lectraymond.forumactif.com/t1569p25-veni-vidi-vici-t37#88149Ceux qui aimeraient approfondir la question des casques peuvent se reporter à : Michel FEUGÈRE & Christophe MANIQUET,
Casques antiques : Les visages de la guerre, de Mycènes à la fin de l'empire romain. https://www.amazon.fr/Casques-antiques-visages-Myc%C3%A8nes-lempire/dp/2877724484/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1538258862&sr=1-1&keywords=feug%C3%A8re+casques
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(*) Dans notre groupe de reconstitution, pour ne pas trop choquer le public, on vise à une certaine uniformité des panoplies et, surtout, de couleur (nous avons opté pour le bordeaux, quoique à mon avis le bleu-violacé aurait été plus pertinent pour les Prétoriens). En fait, le seul véritable uniforme, pour les Romains, c’est l’emblème qui orne l’épisème du bouclier (voir TACITE,
Hist., qui raconte comment à la bataille de Crémone deux vespasianistes infiltrèrent les vitelliens… simplement en ramassant des boucliers ennemis sur le champ de bataille). D’une manière générale, à la fin de la république, les boucliers s’ornaient de motifs géométriques ou floraux. C’est sous l’Empire qu’apparaîtront foudres et aigles !
(**) Ceux qui inspirent les Romains de cinéma.