J'ai lu cette nouvelle aventure de Corto Maltese, intitulée
Equatoria, et j'en suis encore tout émerveillé.
Au départ, Corto Maltese se promène à Venise. On le suprend en pleine conversation avec une belle et délicieuse journaliste nommée Aïda, et leurs rapports sont un peu ambigus (comme bien souvent de la part de Corto). En fait, leurs répliques font penser à un véritable flirt et, pour une fois, le maltais ne cherche pas chercher à cacher son attirance pour une femme.
Notre héros a toutefois un grand projet : retrouver le miroir du mythique Prêtre Jean, dont le royaume légendaire fait rêver les grands aventuriers. Entre les femmes et l'aventure, Corto fait vite son choix et il s'embarque sans attendre pour l'île de Malte, première étape de sa quête où il espère trouver quelques indices. Ce voyage pourrait être l'occasion de voir belles retrouvailles entre le marin et son île natale, mais ... le destin lui joue un tour.
Je ne vous en raconterai pas plus, mais sachez seulement que tout le récit suit la même veine. Corto progresse dans sa quête avec légèreté, et rebondit sur les événements. Il fait connaissance avec divers personnages, souvent historiques, toujours très bien typés, et sa quête rêveuse s'inscrit ainsi dans un monde bien réel. Le héros semble avancer nonchalamment, mais il risque aussi sa vie, et découvre parfois des drames. Autour de lui, les passions se développent, et les intérêts s'affrontent. Le scénario est en fait assez dense, et l'intérêt ne faiblit jamais.
Ruben Pellejero dessine tout cela dans un style très respectueux du modèle, mais il se permet parfois de très belles inventions. C'est ainsi que lorsque Corto se rapproche de Malte, le relief de l'île qui apparaît se transforme progressivement en un beau profil féminin. Cette mutation est non seulement une belle métaphore, mais elle apparait aussi comme une évidence graphique. L'album est parsemé ça et là de belles idées de ce genre.
Parfois, le dessinateur se permet aussi quelques hommages graphiques, en reprenant des idées originales de Pratt. C'est ainsi que les premières cases de l'album nous font découvrir progressivement une girafe, en passant progressivement de l'abstraction du noir à une image totalement figurative. Hugo Pratt avait déjà utilisé ce procédé dans diverses histoires, comme par exemple celle des "Hommes-Léopards" (album "les Ethiopiques"), mais une bonne idée peut toujours resservir.
Equatoria est ainsi un album "à la manière de", tout comme l'opus précédent, mais c'est aussi une BD totalement réussie. Le scénariste aussi bien que le dessinateur mélangent avec intelligence le respect de l'œuvre avec quelques idées originales, et il en résulte un bienfaisant plaisir de lire. Il n'y a aucun détail de mauvais goût, et aucune plate reprise des idées de Pratt, dans cette BD toujours bien inspirée.
Voilà un bel album, qui ne pourra que séduire les admirateurs nostalgiques des livres de Pratt !
J'en redemande !
Et j'oserai prédire que le succès sera au rendez-vous.