Parlons d'abord du
Principe d'Heisenberg ! Vos avis me semblent jusqu'ici un peu timides.

C'est donc le deuxième album du duo Corteggiani-Christophe Alvès, deux auteurs qui avaient donné entière satisfaction avec "Opération Antarctique". Leur nouveau récit se passe toujours pendant les années 50, et c'est donc une fois de plus un "Lefranc vintage" qui nous est raconté.
Le récit se déroule dans les paysages sauvages de l'Aubrac et cette exploration de la France profonde est une bonne idée. Tout commence par un curieux règlement de compte et la police se trouve en face de mystérieux cadavres qui laissent craindre la réapparition d'un "tueur de l'Aubrac". Lefranc est aussitôt envoyé sur place afin d'élucider le mystère, et afin de bien plonger le lecteur dans l'ambiance des années 50, les auteurs décrivent avec beaucoup de détails son itinéraire routier. Ceci permet de voir une succession de paysages traversés par la voiture de Lefranc, qui réveillent malicieusement des réminiscences chez le lecteur. On se remémore en effet rapidement le début de certains albums célèbres, comme la "Grande Menace" ou "l'Ouragan de Feu".

Arrivé sur place, Lefranc retrouve une de ses connaissances, un curieux "dessinateur-reporter" nommé Marco di Angelo. Là également, il ne faut pas très longtemps au lecteur pour comprendre que ce dessinateur a bien existé. Il s'agit en fait du fameux Angelo Di Marco, célèbre pour ses spectaculaires et dramatiques couvertures de
France Soir ou de
Radar dessinées au lavis, et bien connu des lecteurs de
Vaillant-Pif comme dessinateur de Nasdine Hodja.

Il y a ainsi quelques savoureux clins d'œil qui sont adressés au lecteur, et ce n'est pas désagréable mais ... ce n'est pas encore un récit. L'idée principale, qui est ensuite exposée, repose sur les propriétés du thorium, un métal rare extrait de la monazite, qui possède des propriétés radioactives. Il pourrait théoriquement être utilisé comme source d'énergie nucléaire à la place de l'uranium.
Y a t-il du thorium dans l'Aubrac ? C'est je pense à ce stade que commence la fiction, et qu'apparait aussi pour ma part une relative déception. La présence d'un gisement de Thorium entraîne naturellement quelques bagarres entre agents secrets, que l'on ne comprend que difficilement au départ. On se demande assez vite de quel bord les méchants tueurs peuvent bien provenir ?

Des explications sont bien sûr sonnées à la fin de l'album, mais elles n'ont pas vraiment réussi à me convaincre. Il m'est difficile d'exposer ce scepticisme sans faire de "spoiler", et mon explication sera donc cachée.
- Spoiler:
Les méchants du récit sont en fait des agents du contre-espionnage français. Ils se comportent comme de véritables voyous, alors que l'enjeu de l'affrontement est loin d'être vital et qu'ils sont en principe contrôlés par l'état français. Je n'y crois finalement pas du tout !
Le principe d'Heisenberg est donc un simple récit d'espionnage, dont l'enjeu ...
- Spoiler:
la construction d'une centrale atomique
... me parait plutôt mince par rapport à la violence qui nous est montrée. J'ai d'ailleurs trouvé que cette aventure n'était pas très "prenante". La fin me laisse un peu perplexe, ce qui est bien sûr plutôt fréquent dans les romans d'espionnage, mais je ne suis finalement pas satisfait. Quand retrouvera t-on en effet une belle aventure classique de Lefranc, avec du suspense, des poursuites, et une lutte contre un danger mortel ?
Le dessin de Christophe Alves est sinon très correct, et l'ambiance des années 50 est évoquée avec une certaine nostalgie. Lefranc fait de plus connaissance avec une jeune et belle journaliste qui ne joue pas un grand rôle dans cette histoire, mais qui est peut être destinée à réapparaître.

Tel est ce nouvel album, qui n'est à mon avis pas un "grand Lefranc" mais, qui sait ... il va peut être donner de belles discussions.
