De l’autre côté de la frontière, est une BD écrite par Fromental et dessinée par Berthet.
L’écrivain François Combe s’est installé dans l’Arizona. Il est accompagné de son épouse, de sa secrétaire (qui est aussi sa maitresse...), de sa gouvernante et de son fils. Pour des raisons de documentation (!), Il fréquente les bouges locaux où officient les prostituées mexicaines. Une puis deux et enfin trois filles de joie sont assassinées. Et un des amis de Combe est accusé. Le romancier décide de mener l’enquête de part et d’autre de la frontière…
La BD s’inspire très fortement du séjour américain de Georges Simenon. Combe figure très clairement le grand écrivain belge. Et nous le voyons écrire
Ville Frontière, le pendant imaginaire du
Fond de la bouteille (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fond_de_la_bouteille_(roman)).
L’intrigue du polar est simple et l’intrigue vaut pour les personnages, entiers, déchirés. Personne n’est vraiment mauvais. Aussi, la vie âpre de chacun des personnages, dans cette ville-frontière de sexe, d’alcool et de souffrance, est expliquée comme un mauvais tour du destin. Vous avez dit Maigret ?
J’ai été très marquée par les portraits de femme. Je crois qu’on eut pu sous-titrer l’ouvrage :
la femme meurtrie, tant le destin de chaque héroïne est tragique. Les hommes se comportent en prédateurs. Combe, le premier, qui n’aime aucune femme et ne désire que leurs corps. Il trompe allègrement son épouse avec sa maitresse, à la vue de tous. Et cela ne lui suffit pas puisqu’il essaye de coucher avec la femme de chambre, et va régulièrement visiter les cabarets.
Le meurtrier est un deuxième prédateur. Il assassine des prostituées dans le seul but de faire accuser l’ami de Combe....
En fait, la condition misérable des femmes de la frontière est exposée crument, dans toute son horreur. Le choix est simple : c’est mourir de faim ou se vendre, vendre son travail dans le meilleur des cas, vendre son corps dans le pire. Brrr. Un scénario glacial qui nous rappelle que Simenon fut tout sauf un ange.
Les dessins de Berthet sont très expressifs. Pour avoir longuement voyager en Arizona, j’ai retrouvé cette nature aride, dominée par les cactus Saguaro, et ces villes perdues au milieu de nulle part où le salut vient du pick-up. La ligne est claire et les cadrages très étudiés. Berthet aime le polar comme il l’a encore démontré avec son récent travail chez Dargaud (https://www.actuabd.com/La-Ligne-noire-de-Philippe-Berthet), et cela se sent. Les couleurs sont de Dominique David. Crues, fortes, elles manquent peut-être un peu de nuances.
Même si j’ai modérément apprécié la BD, les amoureux du polar y trouveront sûrement matière à un beau voyage dans le Far West americano. La critique Monique Younès lui a décerné le titre de BD RTL du mois d’avril https://www.rtl.fr/culture/arts-spectacles/de-l-autre-cote-de-la-frontiere-de-fromental-et-berthet-est-la-bd-rtl-d-avril-2020-7800448058 .
Bien cordialement
Eléanore