Gorn est un feuilleton (j’insiste sur la différence entre feuilleton, une histoire décomposée en plusieurs volumes, et la série, succession de volumes – comme Lucky Luke et Léonard - qui racontent des histoires indépendantes ; je suis casse-pieds avec certains mots, les anglicismes, et les autres anglosaxoneries). Bref, ce feuilleton médiéval fantastique peuplé principalement d’humains, elfes, nains et yeux-rouges (les orcs) se divise en plusieurs « cycles ». En voici un résumé qui ne dévoile qu'une faible partie de l’intrigue.
Le premier (en trois tomes) s’articule autour de l’amour contrarié du seigneur Gorn et d’Eliette, son épouse. Le chevalier, tué dans le dos par des yeux-rouges postés en embuscade lors du siège de son château, se voit refusé l’entrée du royaume des morts. Devenu chevalier fantôme errant rejeté par sa femme qui ne reconnaît pas son époux dans cette âme en peine, il part alors en quête de retrouver son amour perdu. Durant trois volumes, accompagné de la jeune Eloïse et de la naine Dame Gorge, il se rapproche peu à peu de son but qu'il atteint… pour son plus grand malheur…
Le second cycle donne le premier rôle à Eloïse, devenu une jeune adulte elfe, et davantage de consistance à Dame Gorge, Ferbrel, Dorian, et Gabrilion. L’échelle change et le lecteur se retrouve, par l’entremise d’Eloïse, au cœur d’intrigues politiques et religieuses aux plus hauts niveaux, y compris divin, tandis que la guerre contre les yeux-rouges fait rage et que les batailles contre un ennemi toujours plus nombreux ravagent le monde. La solution à tous ces maux est peut-être Maëlle, une petite fille frêle mais décidée qui se trouve être l’enfant du seigneur maudit. Durant cinq tomes, mort, trahison, espoirs déçus et remises en question sont autant d’embûches à surmonter pour que chacun trouve sa voie.
Le troisième cycle, en quatre tomes, clos le feuilleton. Maëlle est à son tour devenue une adolescente. Elle devient le jouet de forces célestes alors que la guerre finale contre les yeux-rouge débute et que se joue le destin du monde. Sorciers, dragons, démons et dieux s’affrontent pour en être les maîtres. Alors que Gorn avait pu auparavant compter sur une terrifiante armée de morts-vivants pour lutter contre les yeux-rouges, c’est maintenant l’ost elfique qui devient le dernier rempart pour sauver la liberté des hommes.
Quel avis donner ?
Gorn est un titre solide qui a comme qualité principale de rejeter le manichéisme habituel des univers médiévaux fantastiques. Le héros d’aujourd’hui devient le traître du lendemain et les forces maléfiques peuvent aussi devenir de redoutables atouts du bien. Bien souvent grave et triste, cette bande dessinée sait distiller un humour bien dosé qui vient de temps à autres atténuer les tensions. Malgré la profusion des personnages, de premier plan comme secondaires, les lecteurs s’attachent à eux et ne sentent pas perdus dans l’intrigue.
Tout n’est pas parfait et l’on peut regretter un tome 8 non décevant, même s’il l’est, mais surtout incohérent au sein du titre. La panne d’inspiration de l’auteur aurait-elle frappée ? (Heureusement, le tome 9 relance le scénario et répare les erreurs de l’errance précédente). Le graphisme est unique et évolue avec talent tout au long de la saga. Mais que l’on soit averti, il ne laisse pas indifférent : on adore ou on déteste.