J'ai apprécié ce 4ème tome de
l'Espoir malgré tout qui est curieusement un peu plus court que les trois albums précédents. Emile Bravo explique toutefois cette différence dans l'excellente petite interview qui termine l'album FNAC. Pour lui, l'œuvre forme un tout et se compose de 3 grands chapitres associés à une conclusion.
Ceci m'a incité à reconsidérer tout l'ensemble de cette BD qui est assez monumentale. Elle correspond en fait simplement à une histoire de la Belgique pendant la guerre de 39-45, considérée à travers le regard de Spirou. Le tome 1 raconte la guerre elle-même avec l'invasion allemande de 1940, tandis que le tome 2 présente la naissance du mouvement de Résistance qui va s'opposer aux "collaborateurs" des allemands. Le tome 3 nous montre de plus près l'histoire des résistants et surtout les malheurs des juifs puis le tome 4 nous raconte enfin la Libération de la Belgique. Ce long récit forme une BD impressionnante de plus de 330 pages, qui mélange la légèreté du monde de Spirou (parfois réelle car on y trouve l'histoire véridique du théâtre de marionnette ambulant) avec le drame historique de la Belgique occupée et de l'oppression allemande. C'est un travail monumental.
Cette histoire de la Deuxième Guerre Mondiale à travers le regard de Spirou est bien sûr un concept original et Emile Bravo l'exploite avec beaucoup d'habileté et de courage. Il donne en effet à Fantasio le rôle du belge moyen qui essaie de survivre, de collaborer, puis de se révolter contre l'occupant en utilisant des moyens violents, tandis que Spirou reste pour sa part idéaliste, non-violent, charitable et incapable de tuer son prochain, On retrouve ainsi dans le tome 4 de beaux exemples de ce dilemme : faut-il faire la guerre quand tout le monde est en guerre ? Spirou répond que non, tandis que Fantasio répond oui ! Entre le "fanatique de la vertu" et "le tueur", le dialogue est presque impossible mais Emile Bravo l'imagine pour nous ! Il le fait dans une très belle séquence, qui est déjà mémorable !
Le drame des juifs est moins présent que dans les deux albums précédents mais on découvre dans le tome 4 certaines réalités authentiques qui existent derrière le récit. Emile Bravo a en effet incorporé plusieurs personnages réels (que je ne connaissais pas) dans cette aventure et on comprend seulement à la toute dernière image qu'ils ont vraiment existé. C'est un beau tour de passe-passe et une magnifique conclusion de l'album. Je ne vous montrerai pas la dernière image du récit, qui est un tableau surprenant qui forme un très gros contraste avec le style de Spirou, mais ce que l'on voit dans ce tableau correspond bien à la Deuxième Guerre Mondiale.
Du côté de Spirou, la conclusion garde tout de même une certaine légèreté. Bientôt, sous le crayon de Franquin, le héros va conduire un tank américain et ses aventures vont redevenir désopilantes. La dernière image de Spirou et Fantasio est donc en accord avec cette perspective joyeuse ! C'est tout simplement "l'Espoir malgré tout" !
Cette bD est une grande saga qu'il faudra lire et relire !