C'est une BD qui semble avoir eu son petit succès parmi les aficionados et en tant que fan de Alix en général et fan d'histoire ancienne en particulier, je ne pouvais pas ne pas lire 'Caledonia' avec un léger retard, il est vrai. Pour ceux qui ne se sont pas penchés sur cette histoire, laissez-moi donc vous embarquer brièvement pour Gallia Caledonia
D'un point de vue géopolitique, nous sommes au début du IIème siècle de notre ère, quelque part dans un interstice politique intemporel sous les Antonins entre Trajan et Hadrien, les auteurs Corbeyran et E Despujol ne le précisent d'ailleurs pas. L'exercitus romain en tant que outil de défense assure la 'Pax romana' avec succès en dépit d'effectifs militaires réduits à environ 28 légions, ce qui avec les 'Socii' dit autrement les troupes auxiliaires, cela donne peu ou prou la maquette et la configuration actuelle de l'Otan pour assurer la sécurité de l'UE; l'histoire est bien un perpétuel recommencement.
L'armée romaine, depuis les réformes mariennes, à la fin du IIème et début du Ier siècles av JC, est professionnelle. A cette époque, outre une prolétarisation de la base légionnaire, on assiste en outre également à une régionalisation et même à une indigénisation relative des légionnaires recrutés sur le lieu où sont cantonnées leurs unités. En ce début de IIème siècle, sur et le long du 'Limes', la légion doit faire face aux guerres daciques et parthiques ainsi qu'aux bellicisme des clans calédoniens. C'est dans cette période trouble que commencent vraisemblablement notre histoire 'Caledonia
'Caledonia' qui s'annonce sous trois chapitres plante le décors de la Legio IX Hispana. Cette Legio IX Hispana, contemporaine de Alix, comme citée supra, a participé à toutes les campagnes de la guerre des Gaules contre les Helvètes en 58 jusqu'à Alesia en 52. Cette Legio restera fidèle aux 'Populares' de César et d'Octave pendant les guerres civiles.
A l'issue, la Legio IX fut déployée en Ibérie Taragonaise pour participer aux guerres cantabres de 25 à 13 av JC, c'est du reste lors de ces théâtres d'opérations que la IX obtint son surnom de 'Hispana'. Début du Ier siècle de notre ère, la IX fut affectée sur le 'Limes' face aux tribus germaniques. Après la décimation intégrale des Legio XVII XVIII et XIX à Teutoburg en l'an 9, la IX qui ne participa pas à cette bataille sanglante, abandonne la rive orientale du Rhin pour être prépositionnée en Pannonie.
C'est en 43, que la IX est déployée en Gallia Britannia pour mater les révoltes des tribus celtes. Elle guerroie sans interruptions pendant plusieurs décennies contre la reine Boudicca en 61, contre les Brigantes en 71 u sud de la Caledonie et contre les Pictes en 83 84. Sa présence en Britannia est encore attestée en 107108. Pour en finir avec l'historiographie de cette unité, la Legio IX disparaît en orient en 161 très probablement contre les Parthes sous le règne de Marc Aurèle pour laisser place au mythe de sa disparition.
Notre histoire se déroule ainsi au début du IIème siècle, à la veille des ides de Martius. Lucius, centurion romain commande une centurie de la IIIème cohorte de la IX et occupe un petit fortin, poste très avancé dans le territoire Scot des Pictes. Lors du déplacement pour rejoindre ce poste, il est attaqué et fixé par ces farouches Calédoniens mais il arrive à rétablir la situation et à prendre en otage une jeune indigène, Leta fille du chef du clan Galam. Le clan est alors en Caledonia un équivalent du pagus de la Gaule continentale, pour le dire autrement il s'agit d'une entité territoriale socio-politique et ethnique qui appartient à la tribut des Pictes.
Le scénario de Corbeyran plante ainsi le contexte d'intervention de ce centurion romain Lucius Aemilius, archétype de l'officier subalterne, emprunt de la grandeur de Rome, qui a déjà pas mal guerroyé en attestent ces nombreuses phalères et prêt à tous les sacrifices pour réussir sa mission et pacifier ce no man's land aux confins du monde barbare.
L'intrigue de Corbeyran est bien campée avec une ambience à huit clos, dans ce poste militaire éloigné de l'
urbs et de la civilisation en isolat géographique froid, humide et venteux. Corbeyran joue de toute évidence sur ce choc des civilisations entre le monde romain et les barbares avec une touche de fantastique sur la fin de l'histoire où la Legio IX se trouve confrontée à des êtres géants surnaturels sortis de la grande forêt, avec en filigrane une représentation anthropomophe du dieu celte Cernunnos. Le graphisme, le trait de Emmanuel Despujol sont à tout le moins en adéquation avec cette histoire militaire mâtinée de fantastique. La colorisation sombre, grises rappellent en creux les couleurs de Hermann dans '
Brigantus'; le dessin assisté par ordinateur apporte indéniablement des séquences en flux dynamique au moment des combats. C'est une histoire que j'ai bien aimée mais je reste au demeurant sceptique sur l'issue de l'histoire avec cette factorielle fantastique. Les auteurs auraient gagné à insister davantage sur le monde barbare aux confins de l'Empire, sur l'emprise de derniers druides sur les '
equites' et sur la société guerrière celtique en lieu et place de cette sorcière qui s'adonne à des sacrifices humains mais qui n'apporte pas en soi de plus value à cette histoire, si ce n'est une factorielle néodruidique voire fantastique.