Les témoignages donnés jusqu'à présent concernent des BD qui ont marqué chacun d'entre vous dans votre enfance ou votre adolescence, mais, sauf erreur d'appréciation de ma part, je continue de penser qu'on ne peut pas parler de séries de BD qui vous ont "construits" comme l'indique le titre de cette discussion, et dans le sens où je comprends le verbe "construire", qui me paraît fort. Le témoignage émouvant de Pierre (ici, lundi 27 septembre) me paraît correspondre au titre, et d'ailleurs Raymond a créé ce sujet en se basant justement sur une phrase utilisée précédemment par Pierre. Cela dit, loin de moi l'idée de dénigrer le sujet lui-même ni tout ce qui est évoqué par chacun d'entre vous ; c'est bien sûr intéressant, évocateur et même émouvant, et une telle discussion se doit d'exister sur un forum comme Lefranc/Alix.
Pour ma part (sans aller jusqu'à dire que cela m'a "construit") : mon grand-père paternel, très proche du milieu religieux breton, avait abonné systématiquement à un hebdomadaire pour la jeunesse de la presse catho chacun de ses petits-enfants en âge de lire. C'est comme ça que mes premières BD furent celles qu'on trouvait (en fonction de la tranche d'âge des petits-enfants) dans des journaux du groupe Fleurus : Perlin et Pinpin, Fripounet et Marisette, Formule 1, etc. Ce qui me fascinait et ce que j'attendais avec impatience chaque semaine, du haut de mes 7 ou 8 ans, c'était Mocky et Poupy... Je me souviens aussi du fameux aéroglisseur rouge dans Fripounet, qui se baladait entre les cheminées naturelles, dites "Demoiselles" (le nom était dans la BD), quelque part en Cappadoce. Quand, récemment, environ 45 ans après la lecture de cette histoire, j'ai acheté l'album aux éditions du Triomphe, ce fut ma "madeleine de Proust"... (avec, coup classique, une petite déception car ce n'était pas aussi formidable que ce que j'avais en mémoire...!).
Durant la même période, j'avais eu en cadeau de Noël un album de Tintin : L'Oreille cassée. Cela a dû être un choc, car pendant des mois (des années ?) j'ai dessiné des Tintin, des professeur Tournesol et des capitaine Haddock partout sur des feuilles de brouillon et mes cahiers d'écolier, en les recopiant du mieux possible d'après les images de l'album... Pareil avec un Astérix lu peu après (je ne me rappelle pas lequel : sans doute Astérix et les Normands).
Adolescent, ce furent les albums classiques qu'on trouvait dans la bibliothèque de quartier que ma mère tenait, en tant que bénévole, les après-midi de chaque mardi et de chaque vendredi. En rentrant le soir, elle nous rapportait en douce, à mes frères et moi, des albums non réservés par les clients. Mais cette petite bibliothèque de quartier était peu achalandée. C'est ainsi que durant des années, mes frères et moi nous sommes disputés chaque mardi et vendredi soirs pour nous partager ces quelques albums (un ou deux exemplaires seulement par série, à chaque "arrivage" ; toujours les mêmes, qui parfois se décomposaient à force d'être lus et relus...!). Ainsi, nous nous sommes gavés des mêmes histoires de Michel Vaillant, Barbe-Rouge, Blueberry, Buck Danny, Ric Hochet, Lefranc, Alix, etc (je cite là les séries réalistes, qui avaient curieusement ma préférence, mais il y avait aussi des Gaston Lagaffe, Astérix, Tintin...). Grosse déception quand ma mère ne rapportait que très peu d'albums, et surtout de moindre intérêt (je ne citerai pas de nom pour ne vexer personne)... Pendant ce temps-là, je continuais à dessiner comme un acharné dans les marges de mes cahiers scolaires, parfois en racontant des semblants d'histoires.
Il y avait aussi, dans les années 70, dans le quotidien Ouest-France auquel mon père était abonné - j'ai déjà raconté ça sur ce forum - des reprises de BD à suivre, strip par strip : Barbe-Rouge, Lefranc, Ric Hochet... Au niveau narration, ce fut, au fil du temps, une véritable révélation ; là, je peux dire que cela m'a "construit" (mais juste au niveau de l'écriture des BD). De sorte qu'arriva ce qui devait arriver : à 18 ans, j'ai écrit mon premier scénario complet (mis en dessins par moi-même bien sûr) puis j'ai rapidement décidé de devenir scénariste de BD (ce qui ne fut pas un chemin facile, mais bon, ceci est une autre histoire...).
De Mocky et Poupy à Missions Kimono : quel raccourci...