On peut trouver plusieurs raisons, qui s'additionnent. Mais vu que Charlier avait été éjecté peu auparavant de la World, qui faisait la pluie et le beau temps chez Dupuis, et vu qu'il était, paraît-il, sur une liste noire (c'est lui qui le dit), il n'aurait pas eu de scrupules à travailler pour Tintin et mettre son nom dans les pages du journal ni sur les couvertures des albums qui ont résulté. Je pense que les deux raisons principales sont le fait que Weinberg ne voulait pas faire savoir qu'il a été obligé de faire appel à un scénariste (cet aveu l'aurait dévalorisé, lui, Weinberg, en tant que scénariste, et il aurait été obligé d'avouer et d'admettre que Hergé n'était pas satisfait), et le fait que Charlier ne voulait pas fâcher Hubinon qui aurait très mal vu cette collaboration à une série concurrente.Ethan a écrit:Au niveau que Charlier n'est crédité pour aucun des 3 albums, tu ne crois pas que c'est plutôt du parce que c'est un auteur étiqueté Dupuis et que c'était très mal vu à l'époque de travailler pour les deux ?
Mais étant donné que les trois protagonistes de l'affaire sont décédés, ça va être difficile d'en savoir le fin mot ; j'ai déjà interrogé le fils Charlier il y a longtemps à ce sujet, il ne savait pas et se rangeait à mes suppositions. Quant à Weinberg, qui vient de mourir, on aurait pu l'interroger ces dernières années, mais je crois qu'il s'arrangeait pour ne pas donner de réponse... même longtemps après la mort de Hubinon, donc ce n'était pas pour ne pas fâcher ce dernier qu'il se taisait. Mais si quelqu'un qui l'a rencontré dans un salon lui en a parlé, ce serait intéressant de connaître la réaction d'AW.
Il faudrait que je fouille dans mes archives, mais je crois il y a au moins Coup d'Audace justement (le résumé fourni par Weinberg à Charlier est d'ailleurs assez précis et directif, au point que ça m'avait surpris quand je l'ai découvert) ; Weinberg avait fourni un synopsis pour un des deux autres récits au moins, et il me semble bien même pour les trois.Ethan a écrit:Moi, je ne suis pas de ton avis sur 'Coup d'audace', j'aurais dit que c'était plutôt du Weinberg, mais pour finir c'est lesquels qu'il a réalisé le synopsis ?
En tout cas, il y a une constante qui transparaît dans ces histoires (au moins deux : Duel dans le ciel et L'Escadrille des Jaguars) et qui révèle des synopsis dus à Weinberg, c'est l'esprit de camaraderie au sein de la grande famille des pilotes de différentes races et/ou de différentes nationalités (un point que tu as relevé dans un de tes posts d'hier soir) ; je crois que c'était une volonté de Weinberg et que c'est pour ça qu'il a donné les grandes lignes de ces récits à Charlier pour qu'il respecte, tant que faire se peut, cet aspect des choses. C'est pourquoi Weinberg a dû apprécier L'Escadrille des Jaguars où l'ont voit différentes nations, dont la France, dans une mission commune de maintien de la paix en Amérique centrale ; cette idée de brassage de nationalités, et surtout celle du maintien de la paix (à l'opposé des scénarios de Charlier qui sont, dans le domaine de l'aviation militaire, plutôt guerriers, ce qui paraît logique vu le thème), c'était tout à fait dans l'esprit de Weinberg (à mon avis).
A signaler d'ailleurs, à l'intention des membres de ce forum qui ne doivent pas être trop férus d'aviation, que le Français de la bande, dans cet album, pilote un avion de chasse qui, dans la réalité, n'est resté qu'à l'état de prototype ; cet avion, le Taon (du constructeur Bréguet), n'ayant jamais été produit en série et n'ayant jamais intégré une escadrille, c'est une erreur documentaire dans la BD car il ne pouvait pas se trouver en service et encore moins dans un pays d'Amérique centrale (il n'aurait pas pu y aller facilement, ayant un rayon d'action réduit et n'étant pas ravitaillable en vol pour pouvoir traverser l'Atlantique...). Le Taon devait entrer en service au sein de l'Armée de l'air française au tout début des années 60, et le temps que la BD de Dan Cooper se réalise, il a été refusé. Une extrapolation du Taon est devenue, plusieurs années après et grâce à l'association avec les Anglais, l'avion Jaguar, plus connu car il a fait les 400 coups dans les années 70 et 80, en particulier en Afrique sous les cocardes françaises.
La même erreur documentaire est arrivée dans une aventure de Tanguy et Laverdure écrite par Charlier : Destination Pacifique (et sa suite). Les Mirage III ne pouvaient pas se trouver à l'autre bout de la terre, à Mururoa ! C'est pourquoi on ne les voit pas dans les épisodes télé du feuilleton Les Chevaliers du ciel se déroulant à Muru et reprenant le scénario de la BD : T & L y pilotent des bi-réacteurs Vautour ! Rien à voir... et moins prestigieux...