Bon ? J'ai promis un sujet consacré à Graton, alors il faut que je m'y mette. La suite des commentaires sur Reding ... ce sera pour une autre fois.
Tout d'abord le titre ! Il vous semblera peut être curieux, mais c'est ce qui me vient à l'esprit en pensant à Graton. Précisons tout de même que je suis fils d'ouvrier, que j'ai passé ma jeunesse dans ce milieu. La vie y est parfois rude mais je m'y suis toujours senti à l'aise. Le travail n'est en général pas reluisant et les discours ne brillent pas toujours par leur finesse, mais les hommes ont de l'orgueil. Il y a je crois un honneur, une éthique, et je dirai même une véritable noblesse chez les travailleurs. Je retrouve par moment cette sorte d'état d'esprit dans la BD traditionnelle, qui était un art populaire par excellence.
Jean Graton a passé son adolescence dans un chantier naval, comme ajusteur, et il raconte volontiers cet épisode. Quand on a passé par là, cela donne "une certaine mentalité" (ce sont les termes qu'il emploie dans l'interview donnée à Auracan en 1995). Graton a lutté pour faire autre chose que l'usine, et il a appris le dessin sur le tas, sans passer par une école d'art. Il a réussi à se faire une place dans ce métier et il peut en être fier, bien sûr.
Jean Graton est assez humble vis-à-vis de son dessin, et cela apparait parfois dans certaines anecdotes qu'il raconte (il y en a une assez savoureuse par exemple dans la récente intégrale, où il avoue combien il avait de la peine à encrer un dessin de Cuvelier). Pourtant, il ne bâcle pas son travail. On dit que ses personnages sont raides et qu'ils se ressemblent tous, mais il en fait un style, soigne les détails des vêtements et des décors, donne à sa série un aspect réaliste et produit une BD soignée avec amour. Il ne fait pas "dans le génie" et vise plutôt un artisanat bien soigné. Toujours la noblesse de l'ouvrier !
Je parle de dessin, mais la BD est-elle réductible au graphisme ? Bien sûr que non ! La BD est avant tout un art de la séquence d'image, et sur ce point-là, Graton a peu de leçons à recevoir (je vous en montrerai quelques exemples par la suite). Comme Hubinon dont il a au début encré les planches (et à qui il doit une partie de son style), Graton sait "jouer avec la caméra" et varier les plans, sans chercher d'effets spectaculaires, pour donner du dynamisme à son récit. Le dessin de Graton est peut être élémentaire, mais je le trouve efficace. On pourrait dire que Graton ne fait pas de beau dessin, mais qu'il "bande-dessine" bien (excusez moi pour le néologisme ).
Parlons aussi de l'ambiance "travail-famille-patrie" de Michel Vaillant, parce qu'elle a soulevé de nombreuses critiques. On dit que c'est de la BD de vieux, ou de la BD de droite (alors qu'elle ne présente pas de grande différence avec certaines séries publiées dans Vaillant, mais passons). Cette ambiance reflète les valeurs de son auteur. Graton est un personnage entier, qui ne fait pas volontiers dans le "second degré". Il ne se distancie pas de ses personnages, il croit à ses histoires et il les raconte parfois avec naïveté. Certaines d'entre elles peuvent prêter à sourire, mais je les trouve sympathiques, toutes pleines de la simplicité de l'ouvrier.
Bon ! Je crois que vous avez compris le topo, et je ne vais pas continuer éternellement ce discours. Parlons plutôt BD, avec des exemples. Cela va commencer dès le prochain post.
Tout d'abord le titre ! Il vous semblera peut être curieux, mais c'est ce qui me vient à l'esprit en pensant à Graton. Précisons tout de même que je suis fils d'ouvrier, que j'ai passé ma jeunesse dans ce milieu. La vie y est parfois rude mais je m'y suis toujours senti à l'aise. Le travail n'est en général pas reluisant et les discours ne brillent pas toujours par leur finesse, mais les hommes ont de l'orgueil. Il y a je crois un honneur, une éthique, et je dirai même une véritable noblesse chez les travailleurs. Je retrouve par moment cette sorte d'état d'esprit dans la BD traditionnelle, qui était un art populaire par excellence.
Jean Graton a passé son adolescence dans un chantier naval, comme ajusteur, et il raconte volontiers cet épisode. Quand on a passé par là, cela donne "une certaine mentalité" (ce sont les termes qu'il emploie dans l'interview donnée à Auracan en 1995). Graton a lutté pour faire autre chose que l'usine, et il a appris le dessin sur le tas, sans passer par une école d'art. Il a réussi à se faire une place dans ce métier et il peut en être fier, bien sûr.
Jean Graton est assez humble vis-à-vis de son dessin, et cela apparait parfois dans certaines anecdotes qu'il raconte (il y en a une assez savoureuse par exemple dans la récente intégrale, où il avoue combien il avait de la peine à encrer un dessin de Cuvelier). Pourtant, il ne bâcle pas son travail. On dit que ses personnages sont raides et qu'ils se ressemblent tous, mais il en fait un style, soigne les détails des vêtements et des décors, donne à sa série un aspect réaliste et produit une BD soignée avec amour. Il ne fait pas "dans le génie" et vise plutôt un artisanat bien soigné. Toujours la noblesse de l'ouvrier !
Je parle de dessin, mais la BD est-elle réductible au graphisme ? Bien sûr que non ! La BD est avant tout un art de la séquence d'image, et sur ce point-là, Graton a peu de leçons à recevoir (je vous en montrerai quelques exemples par la suite). Comme Hubinon dont il a au début encré les planches (et à qui il doit une partie de son style), Graton sait "jouer avec la caméra" et varier les plans, sans chercher d'effets spectaculaires, pour donner du dynamisme à son récit. Le dessin de Graton est peut être élémentaire, mais je le trouve efficace. On pourrait dire que Graton ne fait pas de beau dessin, mais qu'il "bande-dessine" bien (excusez moi pour le néologisme ).
Parlons aussi de l'ambiance "travail-famille-patrie" de Michel Vaillant, parce qu'elle a soulevé de nombreuses critiques. On dit que c'est de la BD de vieux, ou de la BD de droite (alors qu'elle ne présente pas de grande différence avec certaines séries publiées dans Vaillant, mais passons). Cette ambiance reflète les valeurs de son auteur. Graton est un personnage entier, qui ne fait pas volontiers dans le "second degré". Il ne se distancie pas de ses personnages, il croit à ses histoires et il les raconte parfois avec naïveté. Certaines d'entre elles peuvent prêter à sourire, mais je les trouve sympathiques, toutes pleines de la simplicité de l'ouvrier.
Bon ! Je crois que vous avez compris le topo, et je ne vais pas continuer éternellement ce discours. Parlons plutôt BD, avec des exemples. Cela va commencer dès le prochain post.
Dernière édition par Raymond le Ven 4 Juin - 15:37, édité 1 fois