Raymond a écrit:Soyons plus sérieux, donc !stephane a écrit:Testament car il nous offre Sa vision de l'avenir de l'humanité, qui n'est pas specialement réjouissante. Donc, "faites attention, si l'humanité continue comme ça, voilà à quoi tout ça peut ressembler."
Il nous offre aussi sa vision du passé et nous fait rentrer dans son univers , et surtout, il reprend les thémes qu'il a abordé pendant sa carrière (l'antiquité, le moyen age, Napoléon, Sissi (il voulait écrire Evan) et le monde "moderne" ,avec la guerre et les camps . Il dénonce les gens qui meprisent l'art, se souvient , comme le dit Michel, d'un épisode traumatisant de son enfance, ou l'enfant Axel Borg n'est autre que lui-même.Ces 2 épisodes, il les a vecu. Le metiers d'auteurs de bd n'était pas specialement respecté dans les années 50, en tout cas, cet art difficile qu'est la bd, et les relations avec sa mère n'ont pas toujours été facile. Par contre, il idolatrait beaucoup son père, Pierre Martin, et ce , jusqu'à la fin de sa vie.
Je pense aussi que graphiquement, c'est la ligne qu'il voulait suivre pour les ses histoires.
Il n'y a pas de doute que Jacques Martin insère dans cette histoire quelques éléments de sa vie personnelle. Il y intègre aussi des hypothèses à propos de certaines énigmes historiques (la mort de Louis II de Bavière ou la noyade d'Antinous), et tout cela donne un aspect sérieux au récit.
Il s'y ajoute cependant un véritable récit de science-fiction, qui invente une hypothèse sur le développement futur de la race humaine. La science-fiction appartient à un registre beaucoup plus fantaisiste et il y a déjà là une synthèse difficile avec cet aspect sérieux et proche de la vie de l'auteur. Par ailleurs, le scénario de l'Apocalypse ne cherche pas à s'appuyer sur un modèle prévisible de futur. Il y a en effet deux ou trois grands types de scénarios imaginables pour notre avenir : celui d'une apocalypse avec destruction de la civilisation occidentale suivie d'une renaissance de la vie sous une autre forme (du type "Demain les chiens" de Clifford Simak), celui d'une apocalypse occidentale suivie de l'apparition d'une autre forme d'organisation humaine (de type champêtre comme dans "Simon du Fleuve" d'Auclair ou de type dictature mondiale comme ... le Piège Diabolique bien sûr), ou alors celui d'une expansion infinie de la race humaine dans l'univers grâce à la découverte du voyage vers les étoiles, permettant d'éviter la crise liée à la surpopulation de la terre.
Jacques Martin s'écarte de ces scénarios traditionnels. Il imagine la surpopulation du futur, mais envisage que la race humaine a trouvé un autre moyen de la rendre supportable : il suffit d'habiter dans les airs, grâce à l'utilisation d'un certain nombre de découvertes techniques. Ce procédé permet à la race humaine de continuer son expansion de manière presque infinie dans un "espace clos" (la terre).
J'ai vraiment de la peine à croire avec cette idée. Bien sûr, la science fiction permet d'imaginer toutes sortes de choses, et l'hypothèse de Jacques Martin est originale. Toutefois, elle fait table rase de certaines connaissances fondamentales dans l'histoire des civilisations. Arnold Toynbee, par exemple, a écrit une oeuvre monumentale sur l'évolution des civilisations qui aboutit à une constatation toute simple : aucune société n'est capable de s'étendre et de se développer de façon infinie. L'histoire humaine se présente au contraire comme une suite de civilisations différentes qui connaissent toutes 3 phases : d'abord une période d'expansion, puis une période d'état ("l'âge d'or") puis une période de déclin, menant généralement à la disparition.
Je ne peux donc pas croire à une société telle que la représente Jacques Martin. Tout âge d'or a son déclin et, par ailleurs, comment imaginer qu'une société aussi "invivable" (comment un habitant de la terre peut-il supporter de vivre éternellement l'air ) soit capable de maintenir son existence uniquement grâce à la technique. Normalement, un tel type de société finit rapidement par "imploser", un peu à la manière de l'ex-URSS, parce qu'aucun de ses habitants n'y croit plus.
Il y avait donc bien un "grand projet" dans l'Apocalypse, et Jacques Martin y apporte beaucoup d'idées qui lui tiennent à coeur. Il me semble cependant que le résultat est bien disparate. Le récit part dans tous les sens et les moments réalistes (voir vraisemblables) s'accordent mal avec d'autres trouvailles beaucoup plus fantaisistes (cette fameuse bulle dans laquelle Lefranc se fait emmener dans les airs). C'est un album intéressant à lire (et à relire) mais je n'arrive pas à en faire le tour, et ... finalement ... je n'y crois pas.
Je suis entièrement d'accord avec ce que tu dis Raymond. J ajouterai meme que ce qui fait une constante de Lefranc est totalement absente de ce récit : le danger.
Seul point positif : le personnage d'Axel Borg beaucoup plus complexe qu'un simple bad guy (meme si effectivement je suis aussi surpris de le voir s'émouvoir pour des fusées qui éclateraient la terre, ce qu'un Olrik n'aura jamais fait meme au fin fond de l'Atlantide).
Il y a également une erreur presque impardonnable sur le terme d'apocalypse, qui signifie révélation en grec. La fin du monde orchestrée par l'ouverture des sceaux par l'agneau doit voir le retour du Messie et l'accueil de ceux dont l'ame a été jugée bonne dans la Jérusalem céleste (le rapport entre le texte de Saint Jean et celui de Martin est ici très proche, avec ces ''ectoplasmes reptiliens et hermaphrodites'' vivant dans l'espace). Mais quid de la révélation adéquate, quid du messie? quid des ames justes? (ceux qui jugent ont d'ailleurs des armes lorsqu'ils surprennent des survivants s'entretuant). Il y aurait eu matière à creuser, dommage que Jacques Martin ait privilégié le sens la connotation populaire du mot, on perd un double sens qui aurait pu etre intéressant (ou aurait fait l'une des plus belles adapatations de la Bible en BD). Lefranc une BD catholique?